
SECOND LIFE (Seonheewa seulgi) réalisé par Park Yeong-Joo, disponible en Blu-ray le 30 juillet 2025 chez Badlands.
Acteurs : Jeong Da-eun, Park Soo-Yeon, Yoon Gai, Jeon Gook-Hyang, Jang Hye-Jin…
Scénario : Park Yeong-Joo
Photographie : Hwang Gyeong-Hyeon
Musique : Chung Yea-Kyung
Durée : 1h10
Date de sortie initiale : 2018
LE FILM
Délaissée par ses parents fortunés et ignorée par ses camarades de classe, Sun-hee, une lycéenne mal dans sa peau, ment pour attirer l’attention de son entourage. Un engrenage tragique la poussera à fuguer avec l’espoir de mener une nouvelle vie plus sereine. Mais peut-on vraiment s’affranchir de son passé ?

Nous partons aujourd’hui en Corée du sud, à la découverte du premier long-métrage réalisé par Park Yeong-Joo, cinéaste née en 1985, dont il s’agit du film de fin d’études. Un superbe drame à la durée resserrée sur 70 minutes, qui dresse à la fois le portrait d’une adolescente solitaire, ainsi qu’en filigrane celui de la société sud coréenne, qui réduit les individus, adultes comme lycéens et étudiants, à servir la nation, en passant le maximum de leur existence au travail. Mais avant tout, Second Life est une expérience de cinéma, sensorielle, qui accroche le spectateur de la première à la dernière image. Magnifiquement photographié, le film de Park Yeong-Joo est comme son titre international l’indique, une œuvre sur le rachat, sur la recherche de soi, sur la quête d’identité, sujets récurrents dans le septième art coréen, surtout chez les réalisatrices, depuis les années 2010. Une formidable et magistrale découverte.


Sun-hee, une lycéenne, ment un peu pour attirer l’attention de ses amis. Mais lorsque la vérité éclate, ses amis commencent à la laisser de côté et à l’éviter. Pour se venger de Jeong-mi, son « amie » la plus proche, Seon-hee la fait passer pour une voleuse. Souffrant des rumeurs qui suivent l’incident, Jeong-mi finit par se suicider. Sous le choc de la mort de Jeong-mi, Sun-hee fuit Séoul pour la campagne, où personne ne la retrouve. Après avoir tenté de mettre fin à ses jours, elle est finalement recueillie par la directrice d’un orphelinat, où elle décide de vivre une nouvelle vie sous le nom de « Seul-ki ».


C’est un film qui peut paraître simple en apparence. Mais quand on en sait un peut plus sur le contexte politique, social et économique de la Corée du sud, sur le système scolaire, ainsi que sur la condition des femmes dans le domaine du cinéma dans ce pays, Second Life s’éclaire encore plus. Cependant, il n’est pas impossible, loin de là, de se laisser porter par cette histoire, sans détenir ces informations en parallèle.


Sous son apparence froide et austère qui s’installe d’entrée de jeu, nous découvrons donc Sun-hee, lycéenne comme les autres, noyée dans la masse qui arbore comme elle le même uniforme. L’établissement est bien fréquenté et réputé, ses parents (en crise, qui ne font que se croiser) ayant les moyens, même si elle ne les voit qu’en passant, étant souvent occupés, ou exténués pour lui parler. Ils n’ont pas le temps de s’occuper d’elle. Alors Sun-hee tente de s’intégrer encore et toujours au lycée, malgré son caractère réservé. Un jour, elle prend une décision. Elle achète deux billets pour un concert convoité par les ados, places qu’elle offre à deux autres élèves en prétextant en avoir deux de trop. Cela lui permet d’être acceptée dans un petit groupe. Essayant de calquer son comportement sur celles qui l’entoure, Sun-hee continue à mentir. Jusqu’au jour où elle entend une conversation dont elle est le sujet principal…


Sun-hee est remarquablement incarnée par Jung Da-Eun (née en 1994), dont le charisme magnétique crève l’écran et dont le visage de poupée dissimule un véritable mal-être. Présente dans toutes les scènes, pour ne pas dire de tous les plans, elle est la révélation de Second Life, suite auquel elle n’a pas arrêté de tourner, en particulier pour la télévision dans de multiples séries. Sun-hee devient malgré elle un caméléon, qui tente de s’adapter à un nouvel environnement, dans un autre univers, en repartant de zéro, avec l’expérience de son « existence » précédente, même s’il a fallu pour cela adopter un autre prénom, qui lui prouve à chaque moment que sa nouvelle vie est un mensonge.


En rencontrant d’autres marginaux, en l’occurrence des orphelins, elle se construit une famille, est acceptée pour ce qu’elle est, ou tout du moins pour ce que les autres pensent d’elle. Sun-hee passe même brillamment (forcément) un examen d’admission pour le lycée, suite à quoi elle intègre un nouveau bâtiment scolaire, pour cette fois encore tout recommencer. Mais le passé finit par la rattraper.


Second Life est en apparence un tout petit film, tant par sa durée, que par ce qu’il semble vouloir raconter. Mais son hypersensibilité foudroie du début à la fin, sa beauté plastique aussi et on en ressort le coeur gros, ainsi que l’âme chamboulée. Une grande et belle réussite.


LE BLU-RAY
Badlands a l’heureuse idée d’éditer deux films sud-coréens aux thèmes complémentaires, Second Life (2018) de Park Yeong-Joo et Steel Flower (2015) de Park Seok-Yeong. Nous nous penchons aujourd’hui sur le premier. Celui-ci prend la forme d’un boîtier Scanavo, arborant une jaquette « full frame » réversible. Le menu principal est fixe et musical. À la fin du film, une fois le bonus également visionné, n’hésitez pas à lire le livret de 12 pages inclus dans cette édition. Écrit par Bastian Meiresonne, dont nous reparlons tout de suite après, ces « réflexions » sur Second Life complètement justement le bonus vidéo réalisé par le même auteur, condense et à la fois prolonge certains arguments sur le contexte social et politique de la Corée du Sud. Ces clés permettront aux spectateurs français de mieux appréhender et de comprendre le film de Park Yeong-Joo.


Bastian Meiresonne suite, puisque le spécialiste du cinéma asiatique, mais aussi consultant, programmateur, directeur artistique, intervenant, et maître-conférencier, rédacteur de cinéma, auteur et réalisateur propose « un complément après vision » de Second Life portant sur les femmes cinéastes en Corée du Sud (22’35). Comment les réalisatrices du cinéma indépendant coréen ont-elles pu émerger ? Quelles sont-elles ? Depuis quand sont-elles apparues ? Quelle a été la première d’entre elles ? Quels sont les films emblématiques ? Quels sont les sujets abordés et récurrents ? Autant de questions auxquelles répond le passionnant Bastian Meiresonne, véritable encyclopédie vivante, qui en vient ensuite au parcours et à la carrière de Park Yeong-Joo. Une analyse de Second Life est même inscrite au programme, certains arguments faisant d’ailleurs écho à ce qui se trouve également dans le livret.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Second Life apparaît dans les bacs français dans un superbe master HD, que nous vous détaillons ici. Badlands livre même une magnifique copie du film de Park Yeong-Joo, aux contrastes solides et aux clairs-obscurs profonds. Le piqué est fort agréable, les ambiances nocturnes superbes, la colorimétrie spécifique où se mêlent les teintes froides et hivernales du chef opérateur Hwang Gyeong-Hyeon est très bien restituée, et le relief probant aux quatre coins du cadre.

Nous n’attendions pas une immersion comme celle-là ! La piste DTS HD Master Audio 5.1 coréenne mise sur les effets latéraux, la musique de Chung Yea-Kyung étant au final peu présente. La balance frontale est percutante, avec un report saisissant des voix sur la centrale. De son côté, l’option Stéréo est à l’avenant, à la fois dynamique et intimiste, avec une scène frontale très riche.


Crédits images : © Badlands / Finecut / Captures Blu-ray: Franck Brissard pour Homepopcorn.fr