
SAC DE NOEUDS réalisé par Josiane Balasko, disponible en DVD & Blu-ray le 18 mars 2025 chez Rimini Éditions.
Acteurs : Isabelle Huppert, Josiane Balasko, Farid Chopel, Jean Carmet, Coluche, Dominique Lavanant, Michel Albertini, Daniel Russo, Jean-Pierre Coffe…
Scénario : Josiane Balasko & Jacques Audiard
Photographie : François Catonné
Musique : Gérard Blanchard & Michel Goglat
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1985
LE FILM
Une vamp de banlieue se réfugie chez sa voisine, une demi-clocharde plutôt laide et suicidaire. Se croyant meurtrière de son mari policier et alcoolique qu’elle vient de mettre hors d’état de nuire, elle embarque dans son échappée sa voisine ainsi qu’un délinquant en cavale presque malgré lui…

Alors que ses amis Gérard Jugnot et Michel Blanc viennent de passer avec succès à la réalisation, avec Pinot simple flic (2,4 millions d’entrées) et Marche à l’ombre (6,1 millions de spectateurs), Josiane Balasko s’y colle à son tour avec Sac de nœuds. Moins burlesque, plus sombre et sans doute moins accessible au grand public, ce premier long-métrage témoigne d’une vraie patte au niveau de son scénario et de ses dialogues (ciselés), tout en s’inspirant ouvertement de l’univers de Bertrand Blier. Sac de nœuds est comme une synthèse digérée des Valseuses, de Buffet froid et de La Femme de mon pote, en se focalisant notamment sur la fuite en avant (et vers nulle part surtout) d’un trio original, d’inadaptés, de marginaux, de paumés, qui ne s’attendaient pas à se carapater ensemble, mais que le destin a finalement décidé de réunir. Comme l’union fait la force, Anita, Rose-Marie et Rico, vont apprendre à se supporter, à s’apprécier et même à s’aimer, tout en fonçant à vive allure vers la Creuse. Sac de nœuds n’est pas une comédie comme les autres. On peut même dire qu’il s’agit souvent d’un drame, teinté de mélancolie, de crasse aussi, puisque les personnages ne sont guère reluisants, cabossés par l’existence, qui n’a guère été sympa avec eux jusqu’à présent. C’est pourquoi, même s’il a pris un coup sur la cafetière dans la forme (y compris dans la musique signée Gérard Blanchard), redécouvrir Sac de nœuds détonne, car le film emmène le spectateur là où il le soupçonnait le moins, sûrement pas dans la gaudriole. Évidemment, si l’on rit souvent, la réflexion n’est pas oubliée et l’émotion pointe à plusieurs reprises, jusqu’au final aussi inattendu que culotté.



Rose-Marie, elle a l’air de rien comme ça, innocente en apparence, un mètre cinquante, blond platine, la robe à ras le bonbon, mais c’est une flamme, du genre à semer le désordre sans s’en apercevoir, surtout chez sa voisine du dessous, Anita. Et Anita, dans un autre genre, c’est aussi une bombe : elle a inventé sa mode punk, en s’habillant dans les poubelles, because Tati, c’est trop cher. Sa grande idée à Anita, c’est de se foutre en l’air, mais comment y parvenir tranquillement quand la cinglée du dessus débarque chez vous pour se faire tabasser par son flic de mari ? Ça finira mal pour le mari, et les deux femmes partent en cavale. C’est alors que Rico, poursuivi par la police, monte dans leur voiture. Voilà un drôle de trio en cavale sur les routes de France.



Josiane Balasko et son coscénariste Jacques Audiard (qui avait participé auparavant aux scénarios du Professionnel et de Mortelle randonnée) s’intéressent aux personnages au bout du rouleau, aux femmes battues ou exploitées, aux paumés de la société, qui contre toute attente et même si Anita était sur le point de se foutre en l’air, décident finalement de s’associer contre celles et ceux qui leur mettent des bâtons dans les roues. Cette « moyenne vadrouille » emmène donc notre trio sur les petites routes de France, peuplées de gens aussi frappadingues qu’eux, plus sans doute. C’est le cas de ce pharmacien, magistralement interprété par un Jean Carmet au top de sa forme, qui n’hésite pas à en venir aux mains quand on lui cherche des noises, surtout depuis qu’il est revenu des camps allemands.



Sac de nœuds va ainsi de rencontre en rencontre, pas forcément bonnes pour notre trio, mais qui prouve que (pour citer Patrick Sébastien dans son chef d’oeuvre T’aime), « des fous y’en a plus dehors que dedans ». Plus grave que ses compères du Splendid, Josiane Balasko est sans doute aussi plus acide sur ses contemporains et dévoile un milieu interlope cradingue, représenté ici par Coyotte, incarné par Coluche. Des scènes qui peuvent franchement mettre mal à l’aise dans ce qu’elles dépeignent. Si Josiane Balasko, ici entre La Smala de Jean-Loup Hubert (à quand en Blu-ray?) et Nuit d’ivresse de Bernard Nauer, est impeccable, sa partenaire, Isabelle Huppert (qui sortait de La Garce de Christine Pascal et avait tourné à deux reprises chez Bertrand Blier) n’a rien à lui envier et son énergie comique (peu exploitée au fil de sa longue et prolifique carrière) est contagieuse. À ce tandem irrésistible s’ajoute le regretté Farid Chopel (disparu en 2008 à l’âge de 55 ans), vu dans La Vengeance du serpent à plumes (où officiait aussi Coluche et Josiane Balasko), Les Fauves de Jean-Louis Daniel et La Femme de mon pote de Bertrand Blier, qui crève littéralement l’écran. Mention spéciale aux seconds voire aux troisièmes « couteaux », représentés par Dominique Lavanant, Michel Albertini, Jean-Pierre Coffe (si si), Daniel Russo (explosif), Howard Vernon (puisqu’on vous le dit!) et bien d’autres, qui peuplent admirablement l’essaim d’êtres humains duquel tentent de s’extraire Anita, Rose-Marie et Rico.



À sa sortie, Sac de nœuds n’obtient qu’un succès d’estime et attire 633.000 spectateurs. Un peu plus de deux ans plus tard, Josiane Balasko remettra le couvert derrière la caméra pour Les Keufs, comédie policière plus populaire, qui franchira la barre du million d’entrées.



LE BLU-RAY
Nous en parlions il y a peu, Rimini Éditions déroule le tapis rouge à Josiane Balasko ! Après Les Hommes préfèrent les grosses, c’est au tour de Sac de nœuds de sortir en DVD et en Blu-ray. Si nous aurions aimé bénéficier d’une jaquette réversible comme l’éditeur l’avait proposé pour les trois films de Gérard Jugnot, le visuel concocté pour cette nouvelle édition est suffisamment tape à l’oeil et place toutes les vedettes du film en avant. Sur-étui cartonné du même acabit. Le menu principal est animé et musical.

Aux côtés du teaser, de la bande-annonce et d’un comparatif avant/après la restauration 4K (édifiant), Rimini propose un nouvel entretien avec Josiane Balasko, réalisé à l’occasion de la sortie de Sac de nœuds en version restaurée. La comédienne, scénariste et réalisatrice avoue d’emblée qu’elle n’avait pas des envies de mise en scène, contrairement à ses amis Gérard Jugnot et Michel Blanc, surtout qu’elle n’y connaissait rien en technique. C’est dont surtout une idée de producteur qui l’a « incité » à passer derrière la caméra, même si Claude Berri voulait lui imposer de faire tourner Anémone, ce que Josiane Balasko refusait, car voulant se démarquer de la bande du Splendid. Marie-Laure Reyre devait prendre les manettes de la production, suite à quoi Josiane Balasko était « suffisamment » libre de faire le film qu’elle souhaitait. Le casting, les conditions de tournage, les références au cinéma de Bertrand Blier, la collaboration au scénario avec Jacques Audiard sont aussi abordés.





L’Image et le son
Il serait difficile de faire mieux que ce Blu-ray (Encodage MPEG 4 / AVC – Format du film respecté 1.85, 1080p) qui respecte les volontés artistiques originales dont le beau grain original, tout en tirant intelligemment profit de cette promotion HD, avec des détails inédits sur les gros plans. La propreté du master est quasi-irréprochable (quelques poils en bord de cadre, mais rien de grave), ainsi que la stabilité, le relief, la gestion des contrastes et le piqué qui demeure agréable. Une restauration 4K (réalisée à partir du négatif original) haut de gamme, restituant la photo originale du chef opérateur François Catonné (La Femme de ma vie, Le Léopard). Les couleurs sont en outre très belles.

Un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 qui instaure un confort acoustique probant et solide. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, les ambiances naturelles ne manquent pas sur toutes les scènes tournées en extérieur, la propreté est de mise et les silences sont denses. Belle présence de la musique de Gérard Blanchard. En revanche, pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant…




Crédits images : © TF1 Films Production / Oliane Productions / Rimini Éditions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr