RUSTY JAMES (Rumble Fish) réalisé par Francis Ford Coppola, disponible édition collector Blu-ray+DVD+livre & Blu-ray simple le 8 février 2017 chez Wild Side Vidéo
Acteurs : Matt Dillon, Mickey Rourke, Diane Lane, Dennis Hopper, Diana Scarwid, Vincent Spano, Nicolas Cage, Chris Penn, Laurence Fishburne…
Scénario : S.E. Hinton, Francis Ford Coppola d’après le roman Rumble Fish de S.E. Hinton,
Photographie : Stephen H. Burum
Musique : Stewart Copeland
Durée : 1h36
Date de sortie initiale : 1983
LE FILM
Adolescent bagarreur mais rêveur, Rusty James a pour idole son grand frère, Motorcycle Boy. Celui-ci, un ancien chef de bande, a décroché et vit aujourd’hui dans une autre ville. Rusty James voudrait bien être capable de le remplacer mais il est loin de posséder son charisme. Un soir, ses amis et lui affrontent une bande rivale au cours d’une violente bagarre. Alors que personne ne l’attendait, Motorcycle Boy surgit soudain sur son engin. Surpris, Rusty James est blessé par un membre de la bande rivale. Une fois le combat achevé, le motard tente de convaincre son frère cadet de quitter ses fréquentations qui ne lui apporteront aucun avenir. Mais Rusty s’entête…
Trois ans après Apocalypse Now, Francis Ford Coppola connaît le plus grand revers de sa carrière avec Coup de coeur. Considéré à l’époque comme le plus grand budget alloué à une production cinématographique, Coup de coeur, entièrement financé par American Zoetrope, la société du réalisateur, est un désastre commercial. Au bord de la faillite, obligé de se refaire, Coppola enchaîne néanmoins avec Outsiders, d’après le roman de de S. E. Hinton. Soucieux de subsister dans l’industrie hollywoodienne, le cinéaste n’a pas encore terminé la mise en scène d’Outsiders qu’il démarre celle d’un autre film, avec quasiment la même équipe technique et en engageant une partie des comédiens. Egalement adapté d’un livre pour jeunes adultes de S. E. Hinton, Rusty James ou Rumble Fish en version originale, deviendra non seulement le film le plus personnel de Francis Ford Coppola, mais également son préféré.
En dépit du succès honnête d’Outsiders, Rusty James laisse perplexes les spectateurs et ne parvient pas à remettre American Zoetrope sur les rails. Cotton Club entraînera définitivement Zoetrope vers la banqueroute. Il faudra attendre de longues années pour que Rusty James soit enfin considéré à sa juste valeur. Ce film maudit de Francis Ford Coppola se déroule à Tulsa, Oklahoma. Petite frappe locale, Rusty James (Matt Dillon) rêve d’égaler les exploits de son grand frère, le Motorcycle Boy (Mickey Rourke), légendaire chef de bande qui a choisi de s’éclipser, en partant seul vers l’Ouest. En son absence, pour être à la hauteur de sa réputation et se tailler la part du lion, Rusty, délaissé par un père alcoolique (Dennis Hopper), se frotte aux gangs rivaux. Un soir, une rixe tourne mal. Le voyou est gravement blessé et ne doit son salut qu’à l’intervention inattendue de son aîné. Mystérieux et charismatique, le Motorcycle Boy est de retour chez lui. A 21 ans, il n’est plus que l’ombre de lui-même, à moitié sourd et daltonien.
A travers ce film pensé comme un « film d’art et essai pour adolescents », Francis Ford Coppola aborde la relation entre deux frères, ainsi que le temps qui passe. Nostalgique, mélancolique, marqué par une fureur de vivre qui dissimule la peur de grandir et un complexe d’infériorité, Rusty James est un chef d’oeuvre abstrait qui met en relief le manque de repères d’une génération désabusée, qui se créer ses propres modèles et légendes, avant de se rendre à l’évidence devant le mirage de ces références qu’ils ont adulé avec ce besoin immense de croire en quelqu’un ou en quelque chose. Avec cette histoire, double inversé d’Outsiders, Francis Ford Coppola souhaite rendre hommage à son frère aîné August, à qui le film est dédié, père du comédien Nicolas Kim Coppola, plus connu sous le nom de Nicolas Cage.
Expérimental, inclassable, Rusty James apparaît aux spectateurs dans un N&B incandescent, aux ombres portées signées Stephen H. Burum, futur chef opérateur de Body Double, Les Incorruptibles, L’Impasse et bien d’autres films Brian de Palma. Quelques touches de couleurs émaillent cette photographie expressionniste, notamment les poissons, les « Rumble Fish », poissons combattants venus du Siam qui ont la particularité d’être suicidaires et de vouloir combattre leur propre reflet, devant lesquels le personnage de Mickey Rourke, daltonien, demeure en extase. A cela s’ajoute la composition tout aussi particulière de Stewart Copeland, batteur du groupe The Police, qui renforce le côté course contre la montre et la tension qui semble peser sur les personnages, avec le tic-tac qui reflète le temps qui s’écoule et qui finit par rattreper les jeunes.
Emmené par un Matt Dillon à la fois survolté et romantique, proche du James Dean de La Fureur de vivre et du Marlon Brando de L’Equipée sauvage, le casting de haut vol subjugue à l’instar de Mickey Rourke, formidable et magnétique en grand frère revenu de tout, la magnifique Diane Lane, Nicolas Cage qui crève déjà l’écran et le budget coiffure, Dennis Hopper en père porté sur la bibine (et qui semble planer à mille lieues), sans oublier Vincent Spanno et Chris Penn en complices de Rusty James, Laurence Fishburne et Tom Waits en personnages satellites renforçant l’impression parfois surréaliste de l’intrigue, ainsi que Sofia Coppola aka Domino au générique, en petite sœur de Diane Lane éprise de Rusty James.
Tourné avec un budget de 10 millions de dollars, Rusty James est froidement accueilli, sauf en France où il attire plus d’un million de spectateurs. Les mêmes motifs, sur le fond comme sur la forme, seront repris à nouveau par Francis Ford Coppola lui-même dans son magnifique Tetro.
LE BLU-RAY
Jusqu’alors disponible en DVD chez Universal, Rusty James fait désormais peau neuve chez Wild Side Vidéo. Le film de Francis Ford Coppola est disponible en édition collector Blu-ray+DVD+livre & Blu-ray simple. Si votre choix s’est porté sur la première édition, vous vous régalerez avec le livre exclusif et passionnant de 200 pages sur le film et sa genèse, spécialement écrit pour cette édition par Adrienne Boutang, maître de conférences, cinéma et littérature anglophone, magnifiquement illustré de photos d’archives rares. Une édition à la hauteur de ce film onirique. Le menu principal du Blu-ray est animé et musical.
Dans un premier temps, il est impératif de vous diriger sur le commentaire audio de Francis Ford Coppola, disponible en version originale sous-titrée en français. S’il date d’il y a plus de dix ans, à l’époque où Marie-Antoinette de sa fille Sofia allait être tourné et quand il se demandait encore s’il allait revenir derrière la caméra (il n’avait alors rien réalisé depuis L’Idéaliste en 1997), l’immense cinéaste livre un fabuleux commentaire rempli d’anecdotes, de souvenirs, d’informations, sans un seul temps mort. D’emblée, Coppola avoue que Rusty James est probablement le film pour lequel il a la plus grande affection parce que le plus personnel. Le réalisateur parle de la dimension autobiographique de son film en parallèle de l’adaptation du livre de Susan Eloise Hinton, ainsi que la collaboration avec cette dernière. Le casting est passé au peigne fin, tout comme les conditions de tournage, la musique, le montage, les partis pris esthétiques, ses intentions, les thèmes, l’échec du film à sa sortie. Une véritable, précieuse et immanquable leçon de cinéma !
Nous trouvons ensuite environ 20 minutes de scènes coupées, qui se focalisent notamment sur la relation entre Rusty James et son ami Steve (Vincent Spanno). Présentées dans une qualité vidéo fort médiocre, ces séquences valent néanmoins le coup d’oeil, surtout celle où Rusty James et Steve se font courser après qu’ils aient tenté de voler un enjoliveur de voiture.
S’ensuit le making of rétrospectif, trop court certes (12’), mais qui est finalement largement complété par le livre disponible dans l’édition collector. On y croise pêle-mêle le chef opérateur Stephen H. Burum, le producteur Doug Claybourne, la romancière S.E. Hinton, le réalisateur Francis Ford Coppola, les comédiens Diane Lane, Matt Dillon, Nicolas Cage, Mickey Rourke et Laurence Fishburne. Quelques images de tournage dévoilent l’envers du décor et montrent le cinéaste à l’oeuvre. Un focus est réalisé sur la nouvelle technologie utilisée par Coppola sur le plateau, à savoir la prévisualisation. Avec ses collaborateurs artistiques, le réalisateur dessinait chaque scène sur un tableau noir électronique, pour préparer ses prises de vue. Les comédiens étaient alors filmés sur fond bleu, derrière lesquels étaient ensuite incrustées des images filmées dans les rues de Tulsa, pour ainsi préparer le véritable tournage. Le tournage des cascades et de la scène de lévitation est aussi analysé. Dennis Hopper fait également une apparition remarquée sur le plateau, probablement sous substance, quand il interpelle Francis Ford Coppola, réfugié derrière son combo dans sa caravane personnelle. Ce qui avait le don d’irriter Dennis Hopper, qui lui faisait bien comprendre.
Le dernier module, réalisé en 2005 comme le précédent, donne non seulement la parole à Francis Ford Coppola, mais également au compositeur Stewart Copeland, batteur du groupe The Police, accompagné de l’ingénieur du son Richard Beggs. Ces derniers reviennent sur les intentions de Francis Ford Coppola, le travail quotidien avec le cinéaste, ses exigences et la création de la bande-originale.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et les credits
L’Image et le son
Rusty James refait surface sous la houlette de Wild Side Vidéo dans un nouveau master HD (au format 1080p) restauré 4K. Oubliez l’ancienne édition DVD Universal et dirigez-vous immédiatement sur le Blu-ray du film maudit de Francis Ford Coppola. Si l’on demeure sceptique sur le lissage parfois excessif du grain, la propreté de la copie emporte l’adhésion, tout comme le rendu des fabuleux contrastes de la magnifique photo N&B de Stephen H. Burum. Ces partis pris esthétiques singuliers trouvent ici un nouvel écrin, la stabilité est de mise, le piqué agréable, les noirs denses, la profondeur de champ omniprésente et la clarté éblouissante à de nombreuses reprises. Le niveau de détails est tel que nous pouvons apercevoir les deux câbles qui soulèvent Matt Dillon durant la scène de la transe. Hormis donc une gestion aléatoire du grain original, qui fait les frais de cette restauration, revoir Rusty James dans ces conditions techniques ravira les nombreux fans du film.
Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Dans les deux cas, l’espace phonique se révèle probant et dynamique, le confort est indéniable, et les dialogues sont clairs, nets, précis. Sans surprise, au jeu des comparaisons, la piste anglaise s’avère plus naturelle et harmonieuse, surtout au niveau de la musique de Stewart Copeland. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre.Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.
Crédits images : © Universal – Wild Bunch / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr