RUE DES PRAIRIES réalisé par Denys de La Patellière, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma
Acteurs : Jean Gabin, Marie-José Nat, Claude Brasseur, Roger Dumas, Jacques Monod, Louis Seigner, Paul Frankeur, Alfred Adam, François Chaumette…
Scénario : Michel Audiard, Denys de La Patellière d’après le roman de René Lefèvre
Photographie : Louis Page
Musique : Georges Van Parys
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1959
LE FILM
Henri Neveux rentre d’Allemagne où il était prisonnier. À Paris, il retrouve ses deux enfants et découvre que sa femme est morte en couche en lui laissant un troisième enfant qui n’est pas de lui. Il décide de l’élever comme son fils. Ouvrier et satisfait de son état, mais ambitieux pour sa descendance, Henri Neveux est fier de ses enfants. Du moins de ces deux premiers ! Car la pièce rapportée ne lui donne pas les mêmes satisfactions…
« Tu
crois que c’est marrant à mon âge de potasser la carte économique
de l’Europe ou d’apprendre en combien de temps se vide une
baignoire ? »
« Eh bien, c’est peut-être comme
cela, qu’un jour, t’auras une salle de bain. »
Juste après Les Grandes familles, Denys de La Patellière et Jean Gabin s’associent à nouveau pour Rue des prairies, dans lequel le réalisateur exploite l’autre versant du comédien, à savoir la face populaire. En un an, Jean Gabin passe ainsi du fondateur d’un empire qui règne tel un souverain absolu sur ses affaires et sa famille, à un simple ouvrier du XXe arrondissement de Paris. Par ailleurs, en 1959, l’acteur qui aura attiré près de vingt millions de spectateurs dans les salles l’année précédente, s’évertuera à passer d’un univers à l’autre, aussi à l’aise dans la peau d’un vagabond singulier (Archimède le clochard de Gilles Grangier) que dans celle du commissaire Jules Maigret dans L’Affaire Saint-Fiacre de Jean Delannoy. Jean Gabin clôt en beauté cette année avec un nouveau grand succès populaire (3,4 millions d’entrées), Rue des prairies, un superbe drame familial, bercé par de magnifiques dialogues de Michel Audiard.
Henri Neveux rentre d’Allemagne après deux ans de captivité. Sa femme vient de mourir laissant trois enfants, Louis et Odette et un nouveau-né, Fernand, issu d’une liaison adultère, mais qu’il accepte comme son fils. Élevant seul les enfants, Henri fait tout pour qu’ils aient la meilleure éducation possible. 17 ans plus tard. Si Fernand pose quelques problèmes scolaires, les aînés s’en sortent mieux : Louis devient coureur cycliste professionnel tandis qu’Odette devient modèle et la maîtresse d’un homme riche et marié. L’un et l’autre veulent oublier leurs origines modestes et s’écartent de leur père. À la suite d’une fugue, Fernand est traduit devant un tribunal pour mineurs. Face aux magistrats, les deux ainés accablent leur père tandis que Fernand, le fils illégitime montre un véritable amour filial pour Henri.
Ceux qui n’ont eu de cesse de critiquer Jean Gabin en prétextant qu’il vampirisait les films dans lesquels il jouait, tout en écrasant ses partenaires n’ont décidément jamais rien compris. S’il porte certes le film de Denys de La Patellière sur ses larges épaules, Rue des prairies laisse une place très importante aux trois jeunes comédiens qui incarnent ses enfants à l’écran : Claude Brasseur, 23 ans, dans une de ses premières apparitions au cinéma, Roger Dumas et Marie-José Nat. Le miracle avec Jean Gabin, c’est aussi de passer de la haute bourgeoise à la classe populaire, rien qu’en arborant une casquette et une salopette. Il est absolument sublime dans Rue des prairies, père veuf de trois rejetons, dont l’un n’est d’ailleurs pas de lui, qui accepte que « jeunesse se passe », en prenant beaucoup sur lui et en espérant qu’ils s’en sortent mieux que lui dans un monde alors en mutation, comme l’attestent les chantiers d’habitations modernes sur lesquels travaille Henri.
En s’inspirant d’un roman de René Lefèvre, Denys de La Patellière et Michel Audiard trempent leur plume dans une encre douce-amère pour raconter le quotidien de la famille Neveux et surtout l’émancipation des trois enfants du « Vieux », du « Dab ». Alors oui Gabin bouffe l’écran, quand il discute petite reine avec ses copains de bistrot en buvant un verre de vin blanc, quand éméché il parle de ses enfants, quand il débarque chez le vieil amant de sa fille, mais ses trois jeunes partenaires lui tiennent la dragée haute et font preuve d’un caractère enflammé. Entre le désir légèrement suintant de Brasseur, la voix rauque et le charme de Marie-José Nat et la fougue innocente de Roger Dumas, la fratrie Neveux est solidement représentée.
A travers ce drame psychologique, les auteurs parlent avant tout d’amour, y compris de celui qui va au-delà des liens du sang. La séquence finale est difficile, injuste, jusqu’à l’explosion des sentiments enfin révélés. Un très grand moment de cinéma. Fidèle aux réalisateurs avec lesquels il entretenait une solide amitié, Jean Gabin retrouvera Denys de La Patellière pour Le Tonnerre de Dieu en 1965 (leur plus grand succès), Du rififi à Paname en 1966, Le Tatoué en 1968 et Le Tueur en 1972.
LE DIGIBOOK
Le voici le voilà, Rue des prairies, le troisième titre de la deuxième vague « La Séance » disponible chez Coin de Mire Cinéma. Si vous êtes un habitué de la maison, vous savez désormais ce qui vous reste à faire pour découvrir cette magnifique collection. L’objet prend donc la forme d’un Coffret Digibook prestige numéroté et limité à 3.000 exemplaires, au format 142 x 194 mm et comprenant un Blu-ray, un DVD, 1 livret de 24 pages cousu au boîtier, reproduisant des archives sur le film, avec également la reproduction de 10 photos d’exploitations cinéma sur papier glacé format 120 x 150 mm rangées dans 2 étuis cartonnés, mais aussi la celle de l’affiche originale en format 215 x 290 mm pliée en 4. Le menu principal est fixe et musical.
Mais au fait, il se passait quoi dans le monde en cette 43è semaine de l’année 1959 ? Heureusement que les actualités sont là (11’30) ! On assiste donc à un reportage sur les transports routiers en Algérie, aux travaux du Tunnel du Mont-Blanc, à l’adoption d’un bébé chimpanzé après son rejet par des parents colériques, ou encore à un reportage sur la politique de Josip Broz Tito en Yougoslavie.
Et si vous désirez vous désaltérer avant le film, n’oubliez pas que les réclames publicitaires de l’année 1959 (8’) sont là pour vous rappeler que les caramels Isicrem, les bonbons Gilbert et les esquimaux Gervais sont en vente dans cette salle ! Ou si vous voulez une boisson chaude, le café Nescafé décaféiné ou les potages Heudebert sont également en vente à l’épicerie du coin.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
En ce qui concerne l’image de ce fabuleux Blu-ray, c’est encore l’éditeur qui en parle le mieux. « Voici donc la nouvelle restauration 4K de Rue des prairies, réalisée par TF1 Studio avec la participation du CNC et de Coin de Mire Cinéma. Le film a été restauré par le laboratoire Hiventy – Digimage. Les éléments suivants ont été sortis temporairement du CNC à Bois d’Arcy :- Négatif image 35 mm safety en 10 bobines de 300 mètres, Négatif son 35 mm en 10 bobines de 300 mètres, Magnétique son 35 mm en 9 bobines de 300 mètres, Marron 35 mm combiné safety en 5 bobines de 600 mètres. Le négatif image était dans un état médiocre. Il contient de nombreux défauts liés au dépolissage (dont des taches blanches côté support), des scratchs et éclats de gélatine, des poinçons, de nombreuses rayures côté gélatine (particulièrement sur la bobine 6), des inserts d’images transparentes, des déchirures réparées au scotch, ainsi que plusieurs inserts de contretype. Signalons également des collures renforcées au scotch. Après essuyage au perchloréthylène, le négatif image a été scanné en 4K sur Scanity de DFT (DPX 10 bits log). Quelques plans du marron ont également été scannés pour combler des lacunes dans le négatif ». Le résultat est très spectaculaire. Si certains plans demeurent sensiblement flous, nous assistons ici à une véritable résurrection de Rue des prairies. A l’exception des plans en ouverture provenant d’images d’archives, le master HD est aussi immaculé qu’étincelant. Le N&B est dense, la clarté omniprésente, le piqué impressionnant et la texture argentique heureusement préservée et équilibrée. Exit l’ancienne édition DVD René Chateau, aujourd’hui complètement obsolète, place à ce sublime Blu-ray au format respecté 1.66 (16/9).
Un petit mot de l’éditeur sur la restauration du son de Rue des prairies : « Le magnétique son est vinaigré mais demeure exploitable. Le négatif son est pour sa part dans un état mécanique correct. La restauration audio a été faite sur différents plug-ins Protools permettant de traiter le son sans le dénaturer et de retrouver une « couleur » agréable, ainsi qu’une continuité d’écoute stable ». Au final, la piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un haut confort acoustique avec des dialogues percutants et une très belle restitution des effets annexes. Aucun souffle sporadique ni aucune saturation ne sont à déplorer. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.