PRIS AU PIÈGE (El Bar) réalisé par Álex de la Iglesia, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2017 chez L’Atelier d’Images et Condor Entertainment
Acteurs : Blanca Suarez, Mario Casas, Carmen Machi, Secun de la Rosa, Jaime Ordonez, Terele Pávez, Joaquin Climent, Alejandro Awada…
Scénario : Álex de la Iglesia, Jorge Guerricaechevarría
Photographie : Ángel Amorós
Musique : Carlos Riera, Joan Valent
Durée : 1h42
Date de sortie initiale : 2017
LE FILM
Madrid, 9 heures du matin. Des clients, qui ne se connaissent pas sont dans un bar. L’un d’entre eux sort et se fait tirer dessus, les autres se retrouvent bientôt prisonniers de l’établissement.
Le réalisateur espagnol fou, expert de l’humour noir et grinçant est de retour avec une satire socio-politique. A l’instar de son récent Un jour de chance, chaque protagoniste plongé dans une situation extraordinaire et dans laquelle dépend leur survie, va apparaître sous son vrai visage et dévoiler qui se cache réellement derrière la façade affichée quotidiennement. Comme souvent chez Álex de la Iglesia, la situation sociale est au centre de Pris au piège – El Bar, comédie brutale et cinglante, jubilatoire et décalée.
Avec sa virtuosité coutumière (malgré un espace confiné), un montage alerte et une photographie à couper le souffle, Álex de la Iglesia signe un film ovni très attachant, virulent, émouvant et drôle. Merveilleux directeur d’acteurs, il offre à ses comédiens l’occasion de composer des personnages explosifs, sournois, pathétiques, menteurs, hypocrites et égoïstes que n’auraient pas reniés la comédie italienne, grande source d’inspiration du réalisateur, et qui s’apparentent souvent à des cousins ibériques des mythiques Monstres. A travers une galerie de personnages hétéroclites présentés dans un fabuleux plan-séquence en guise d’ouverture, une jeune femme belle et sexy qui a visiblement réussi dans la vie (Blanca Suárez), un représentant en lingerie fine (Alejandro Awada), un ex-flic (Joaquín Climent), un SDF aux dents gâtées prénommé Israel (sensationnel Jaime Ordóñez, déjà présent dans Les sorcières de Zugarramurdi), deux tenanciers de bar (Secun de la Rosa et la regrettée Terele Pávez), un hipster (Mario Casas), une accro au jeu (Carmen Machi) et d’autres individus de la vie de tous les jours, Álex de la Iglesia dresse le portrait d’une société effrayée qui se dissimule derrière des faux-semblants, qui s’écroulent dès que leurs petites habitudes sont rattrapées par la réalité.
Dans un quartier de Madrid, en début de matinée. Quelques clients, habitués ou non, qui se connaissent de visu ou qui se rencontrent pour la première fois, prennent tranquillement leur café dans un bar. Quand soudain, un homme qui vient de sortir est tué net sous leurs yeux par la balle d’un sniper. Ils réalisent alors qu’ils sont dans sa ligne de mire, se retrouvant de fait prisonniers du bar et en danger de mort. Le compte à rebours est lancé pour trouver le moyen de s’échapper ! Quelques minutes plus tard, un homme imposant, au corps enflé, sort des toilettes en toussant jusqu’à tomber raide mort à leurs pieds. Le petit groupe comprend alors que cet individu a été victime d’une arme bactériologique et qu’ils se trouvent tous confinés dans le bar, à la merci de l’armée, prête à les tuer l’un après l’autre. Pris au piège (d’où le titre français), la tension monte, les non-dits éclatent, certains sont plus facilement pris pour cible à l’instar du hipster qui fait peur en raison de sa barbe…Le réseau ne passe plus et les chaînes d’informations restent muettes. La paranoïa entre en éruption.
Álex de la Iglesia réalise un film fou, qui ne ressemble qu’à lui. Inclassable, capable de combiner le sordide au sexy en plongeant notamment la bombe Blanca Suárez (La Piel que habito, Les Amants passagers) dans les égouts, le cinéaste espagnol montre qu’il n’a rien perdu de sa verve et qu’il n’est pas prêt de se calmer à cinquante ans passés. Si la première partie peut parfois mettre les nerfs à rude épreuve avec son avalanche de dialogues vachards et sa musique omniprésente, Pris au piège devient très vite un redoutable tour de force et prend même la forme inattendue d’un survival invraisemblable avec errance dans les bas-fonds où tous les coups semblent permis, comme dans un thriller d’épouvante. Mais pour y accéder, il faut encore pouvoir glisser dans un espace réduit et s’enduire d’huile, séquence aussi tordante que tordue et même érotique quand Blanca Suárez (encore elle, mais ceux qui verront le film comprendront pourquoi), en petite tenue, est badigeonnée des pieds à la tête pour pouvoir s’introduire dans l’interstice.
Álex de la Iglesia réunit les différentes faces cachées de l’Espagne contemporaine, qui vit sous la crainte de devenir elle aussi la cible récurrente d’attentats comme Paris (qui sont évoqués au travers d’une réplique), repliée sur elle-même, victime d’amalgames, prête à dénoncer et à rejeter celui ou celle qui semble ne pas lui inspirer confiance. Pris au piège – El Bar est donc un film 100 % Álex de la Iglesia qui à travers le genre, réalise une fois de plus une sensationnelle radiographie de son pays en crise et au bord du gouffre, traitée avec intelligence, maestria et une savoureuse amoralité. Un grand spectacle, injustement privé d’une sortie dans les salles françaises, comme le précédent film du cinéaste, Mi Gran Noche.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Pris au piège, coédité par L’Atelier d’Images et Condor Entertainment, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette est attractif. Le menu principal est animé sur la musique du film.
Cette édition comporte tout d’abord une interview d’Álex de la Iglesia (15’), réalisée en prévision de la sortie de Pris au piège dans les bacs français. Contrairement à ses films, le réalisateur apparaît toujours calme et posé et cet entretien ne déroge pas à la règle. Álex de la Iglesia revient sur son rapport aux spectateurs, sur les thèmes abordés dans Pris au piège (la peur et sur ce qu’elle engendre chez l’être humain), sur la longue gestation du film (entre dix et quinze ans) et l’évolution des personnages au fil du récit, tout en indiquant quelques-unes de ses références comme The Thing de John Carpenter, ainsi que ses intentions de mise en scène. Quelques photos dévoilent l’envers du décor.
Nous trouvons également un excellent making of (37’) constitué d’entretiens avec les comédiens du film et d’Álex de la Iglesia, ainsi que de très nombreuses et impressionnantes images de tournage. Dans la première partie, nous assistons à la première lecture du scénario avec toute l’équipe réunie, puis nous passons aux prises de vues souvent très difficiles quand les acteurs sont plongés dans la fange, même si les égouts ont évidemment été créés en studios. Les comédiens se montrent véritablement investis, notamment Jaime Ordóñez dont le corps était véritablement recouvert d’ecchymoses que devaient dissimuler les maquilleurs ! Chaque acteur présente son personnage et aborde les thèmes du film, tandis que la caméra s’immisce dans les loges où les maquilleurs s’apprêtent à donner naissance à Israel. Comment la scène du trou a-t-elle été tournée ? Les bagarres ? La poursuite dans les égouts ? L’affrontement final ? L’épilogue ? Il faudra visionner ce formidable documentaire pour le savoir.
L’Image et le son
Que voilà un bel objet ! Les deux éditeurs ont mis les petits plats dans les grands et offre à la belle photo d’Ángel Amorós (Mi Gran Noche) un superbe écrin qui restitue adroitement les partis pris esthétiques originaux. Le piqué est diaboliquement ciselé, le cadre large flatte les rétines, les contrastes sont particulièrement riches et tranchés, les noirs concis et la colorimétrie froide des décors est bigarrée à souhait. L’ensemble est soutenu par une compression AVC de haute volée et fort élégante, et malgré quelques sensibles pertes des détails sur quelques plans sombres, ce master français HD (1080p) est brillant, dense et minutieux, avec même un léger grain très plaisant.
Le confort acoustique a été soigné avec deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 espagnol et français, aussi probants dans les scènes agitées que dans les séquences plus calmes, même si effectivement il n’y en a pas beaucoup puisque tous les personnages sont sans cesse en train de parler « très fort ». Les pics de violence peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec des effets foisonnants qui environnent le spectateur de partout. A ce titre, l’acte final dans les égouts mettra à mal votre installation ! Les ambiances annexes sont omniprésentes et dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des séquences au moment opportun. La spatialisation musicale est luxuriante avec un net avantage pour la version originale. Si possible, évitez la version française. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale et le changement de langue non verrouillé à la volée.
Crédits images : © Helher Escribano / L’Atelier d’Images / Condor Entertainment / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr