PINOT SIMPLE FLIC réalisé par Gérard Jugnot, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 2 mai 2023 chez Rimini Editions.
Acteurs : Gérard Jugnot, Fanny Bastien, Jean-Claude Brialy, Jean Rougerie, Pascal Légitimus, Patrick Fierry, Pierre Mondy, Gérard Loussine, Alain Doutey…
Scénario : Pierre Geller, Christian Biegalski & Gérard Jugnot
Photographie : Eduardo Serra
Musique : Louis Chédid
Durée : 1h27
Date de sortie initiale : 1984
LE FILM
Gardien de la paix sympathique et maladroit, Robert Pinot décide de prendre sous son aile Marie-Lou, une jeune toxicomane originaire du même village que lui. Mais la jeune femme est sous l’emprise de Tony, un dangereux dealer. Le policier a déjà reçu de nombreuses réprimandes, pourtant, il va prendre tous les risques dans une affaire qui pourrait lui coûter sa carrière… ou faire de lui un héros.
Voulant passer derrière la caméra, Gérard Jugnot franchit le pas en 1984 (comme son pote Michel Blanc avec Marche à l’ombre) avec son premier long-métrage, Pinot simple flic. Après les succès du Père Noël est une ordure, Pour cent briques, t’as plus rien…, Le Quart d’heure américain et Papy fait de la résistance, le comédien a le vent en poupe et concrétise on rêve d’adolescent. S’il n’est pas à l’origine de ce projet pour la seule et unique fois de sa carrière de réalisateur, Gérard Jugnot s’empare de l’histoire de Christian Biegalski et Pierre Geller, pour déjà y imprimer sa marque de fabrique. Pinot simple flic demeure une comédie tendre et burlesque, bourrée d’idées, dans laquelle l’acteur-metteur en scène ne tire pas la couverture et met constamment en avant ses camarades de jeu, comme un vrai film choral. Certes, il ne s’agit pas d’un coup de maître, mais pour un coup d’essai c’est vraiment très réussi, blindé de savoureux mots d’auteur, généreux en gags, nappé d’émotions et de petites scènes devenues cultes grâce aux multiples rediffusions à la télévision.
Dans le 13e arrondissement de Paris, en 1984, Robert Pinot est un gardien de la paix aussi ordinaire que gaffeur. Un jour, il interpelle une certaine Josyane, jeune toxicomane et voleuse à la tire qui se fait appeler Marie-Lou. Découvrant qu’elle est originaire de Nanteuil, le même village que lui, il se prend de compassion pour la jeune fille et décide de la protéger afin de la soustraire à l’emprise de Tony, un sinistre dealer dont elle est amoureuse. Ayant déjà accumulé diverses remontrances auprès de ses supérieurs hiérarchiques, Pinot va tout faire pour remettre Tony entre les mains de la justice.
Police, police, police, police secours !
La musique de Louis Chédid est dans toutes les mémoires. Ainsi que la présentation des personnages, Pinot, Vaudreuil (Jean Rougerie, que l’on reverra dans Scout toujours… ), Blanchard (Gérard Loussine, hilarant), Craquette (Claire Magnin, géniale)…les flics bien installés dans leur panier à salade, en route vers une nouvelle affaire courante, chacun tuant le temps comme il peut. Un se coupe les ongles, un autre lit une BD, pendant que le chef se cure le nez, la seule femme du groupe rembourre ses semelles pour ne pas avoir froid en cet hiver 1983-84, le chauffeur colle son chewing-gum sur le pare-soleil, visiblement une mauvaise habitude quotidienne. C’est le train-train, la routine habituelle et Gérard Jugnot instaure d’emblée cette brigade comme une troupe de théâtre en pleine représentation, à laquelle viendront se greffer les Dom-Tom, Dominique et Thomas, interprétés par Raymond Aquilon et Pascal Légitimus, le tout supervisé par Rochu (l’immense Pierre Mondy) et Morcy (Jean-Claude Birlay, parfait de suffisance).
Gérard Jugnot a sûrement vu Faits divers de Raymond Depardon, référence que l’on retrouve dans la première partie, quand l’équipe est appelée pour constater le décès d’une vieille femme, survenu quelques jours auparavant, dans son appartement où elle habitait seule. Des situations comme celles-là sont fréquentes, mais les policiers, habitués, parviennent désormais à plaisanter. Il est temps de rentrer, de faire les rapports obligatoires, avant de rentrer à la maison. Ou pour le cas de Pinot, de rejoindre son appartement miteux, situé « dans la Tour de Babel, dans la Cour des Miracles », avant de manger seul et de s’endormir, rincé, encore habillé. C’est là toute la grande réussite de cette première œuvre, planter un décor réaliste, peuplé de protagonistes crédibles, immédiatement attachants, sans trop en faire, avec ce qu’il faut de légèreté pour ne pas sombrer dans le misérabilisme facile dans lequel il aurait pu aisément se fourvoyer.
Quand t’as Pinot au cul, t’es cuit !
Comédie-dramatique, Pinot simple flic n’est pas une pantalonnade, mais s’intéresse à des sujets de société, notamment celui du fléau de la drogue, rouleau compresseur qui embarquait la jeunesse dans son sillage, comme Marie-Lou/Josyane dans le film. Cette dernière est incarnée par la magnifique Fanny Bastien, déjà apparue dans Tendres Cousines de David Hamilton et Un chien dans un jeu de quilles de Bernard Guillou, qui crève ici l’écran et qui sera nommée pour le César du meilleur jeune espoir féminin. Il y a du Chaplin, celui des Lumières de la ville chez Gérard Jugnot, qui fait ce qu’il peut pour sauver cette fille aveuglée par la dope, un humanisme qui sera quasiment toujours présent dans ses autres réalisations. D’ailleurs, Pinot simple flic n’est pas juste une succession de blagues ou de saynètes drôles et délicates, il y a de vraies idées de mise en scène (y compris la pirouette finale, bien fichue, tout comme la poursuite sur les toits), une photographie soignée (Eduardo Serra, qui fera Incassable de M. Night Shyamalan et Les Grands ducs de Patrice Leconte), un montage efficace, sans oublier la légendaire affiche créée par Patrick Claeys (qui la même année fera celle des Ripoux et de La Vengeance du serpent à plumes) influencée bien sûr par la Rambomania qui déferlait dans le monde entier.
Gérard Jugnot ne prend pas Pinot pour un idiot et en fait un vrai héros ordinaire, qui certes prendra plus à coeur cette histoire avec Marie-Lou, mais qui ira jusqu’au bout pour l’aider à s’en sortir, quitte à risquer sa vie en affrontant lui-même le dangereux caïd. Les plus cinéphiles reconnaîtront quant à eux les cinéastes avec lesquels Gérard Jugnot avait tourné et qui ont accepté de faire une petite apparition, Patrice Leconte, Jean-Marie Poiré, Charles Némès et Philippe Galland. À sa sortie en juin 1984, Pinot simple flic est un triomphe et attire près de 2,5 millions de spectateurs. Le film reste on ne peut plus sympathique quarante ans après, un spectacle toujours garanti, qui émeut autant qu’il fait rire et qui s’avère aussi un document sur le Paris d’époque. C’était le mot de la fin, rendez l’antenne Pinot !
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Aaaaah ce cher Pinot ! Il s’est fait attendre en Blu-ray le bougre ! Voilà plus de vingt ans que nous n’avions plus de nouvelles du premier long-métrage réalisé par Gérard Jugnot en support physique ! Rimini Editions rend d’ailleurs hommage au comédien/cinéaste en sortant simultanément en Combo Blu-ray + DVD, Pinot simple flic, Sans peur et sans reproche et Une époque formidable. Les deux disques reposent dans un boîtier Amaray classique transparent. Si nous étions tout d’abord sceptiques sur les visuels, l’éditeur crée la surprise en proposant une jaquette réversible, incluant l’affiche d’origine ! L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Tout d’abord, l’éditeur reprend l’interview rétrospective de Gérard Jugnot (Gérard Jugnoy, artisan-réalisateur), réalisée par Jérôme Wybon en 2013, à l’occasion de la première édition Blu-ray d’Une époque formidable…Comme Rimini sort trois titres du comédien-réalisateur, celle-ci a été scindée en trois parties. Dans celle présente sur ce Blu-ray (21’), notre interlocuteur revient sur Pinot simple flic (1984) et Scout toujours (1985). Sans langue de bois, avec spontanéité et toujours attachant, Gérard Jugnot évoque sa découverte du cinéma, ses parents, ses références (Buster Keaton, Chaplin, Robert Dhéry), ses premiers succès, l’accueil de la presse, partage ses souvenirs de tournage, ce qui l’a mené à la mise en scène, le tout étant largement illustré des bandes-annonces et d’images de tournage, pour chacun des films abordés. Un passionnant et indispensable documentaire pour l’un des plus dignes représentants du cinéma populaire français.
On retrouve pour ainsi dire les mêmes arguments dans le module Pinot simple flic, par Gérard Jugnot (27’), qui date lui de 2001, tourné au moment où le réalisateur était en pleine préparation de Monsieur Batignole. Là aussi, Gérard Jugnot explique (quasiment au mot près) qu’il est devenu acteur un peu par accident et qu’il a toujours voulu être metteur en scène. Puis, il en vient à Pinot simple flic en parlant de l’écriture du scénario, e ses intentions (« être dans une vérité »), de la création de l’affiche, des conditions de tournage…
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Il serait difficile de faire mieux que ce Blu-ray (Encodage MPEG 4 / AVC – Format du film respecté 1.66, 1080p) qui respecte les volontés artistiques originales dont le sensible grain original, tout en tirant intelligemment profit de cette promotion HD, avec des détails inédits sur les gros plans. La propreté du master est irréprochable (aucune poussière constatée, une copie immaculée), ainsi que la stabilité, le relief, la gestion des contrastes et le piqué qui demeure agréable. Une restauration haut de gamme, restituant la photo originale du chef opérateur Eduardo Serra. Les couleurs sont en outre très belles.
Un mixage DTS-HD Master Audio Dual Mono qui instaure un confort acoustique probant et solide. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, les ambiances naturelles ne manquent pas sur toutes les scènes tournées en extérieur, la propreté est de mise et les silences sont denses. Belle présence de la musique de Louis Chédid. En revanche, pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant…
Crédits images : © Rimini Editions / GPFI – Arturo Productions – TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr