Test Blu-ray / Naïs, réalisé par Raymond Leboursier & Marcel Pagnol

NAÏS réalisé par Raymond Leboursier & Marcel Pagnol, disponible le 1er octobre 2024 en Blu-ray, chez CMF (Compagnie Méditerranéenne de Films).

Acteurs : Fernandel, Jacqueline Pagnol, Raymond Pellegrin, Henri Poupon, Charles Blavette, Henri Arius, Germaine Kerjean, Paule Langlais…

Scénario : Marcel Pagnol, d’après une nouvelle d’Emile Zola

Photographie : Charles Suin & Walter Wottitz

Musique : Vincent Scotto & Henri Tomasi

Durée : 2h03

Date de sortie initiale : 1945

LE FILM

Naïs, jeune paysanne provençale, aime Frédéric, fils débauché des patrons de son père. Elle devient sa « maîtresse des vacances ». Toine le bossu les surprend, mais, par amour pour Naïs, il devient leur complice. Micoulin, le père de la jeune fille, met tout en œuvre pour venger son honneur…

Naïs marque le retour de Marcel Pagnol derrière la caméra, cinq ans après La Fille du puisatier, sans parler de La Prière aux étoiles, entamé en 1941, mais dont le tournage sera interrompu en raison des conditions que l’on imagine difficiles sous le régime de Vichy, qui défendait au réalisateur de se rendre à Paris pour ses prises de vue. Marcel Pagnol, dont Alfred Greven, président de la fameuse Continental, désirait lui confier quelques œuvres de propagande nazie, décide finalement de détruire ce qu’il avait tourné pour La Prière aux étoiles, afin d’éviter toutes récupérations. 1945, Naïs sort sur les écrans, d’après Naïs Micoulin, une nouvelle d’Émile Zola, sur lequel Marcel Pagnol a dû laisser parfois la place à la mise en scène à Raymond Leboursier, qui selon les professionnels n’a quasiment rien tourné en réalité. Néanmoins, Naïs est et restera une œuvre mineure dans la carrière exceptionnelle de son auteur et vaut essentiellement aujourd’hui pour l’excellence et la beauté de ses interprètes, Fernandel en tête bien sûr, bouleversant comme jamais, ainsi que la blonde et diaphane Jacqueline Bouvier, devenue la compagne de Marcel Pagnol. Celle qui inspirera Manon des sources au réalisateur, est resplendissante de naturel et de fraîcheur dans Naïs et ses scènes avec Fernandel sont les plus belles du film, qui montre quelques baisses de rythme. Il n’empêche que même plus « anecdotique », Naïs reste bien supérieur aux drames du même acabit, son propos restant par ailleurs moderne, tout comme certaines répliques qui font encore mouche. Une escapade sous le soleil ardent, au milieu des grillons, avec la divine Jacqueline, cela ne se refuse pas.

Toine est ouvrier et valet de ferme. De plus, il est bossu et cette infirmité lui pèse, car il aime en secret la belle. Celle-ci est la fille unique du père Micoulin, le métayer de la famille Rostand, pour qui il travaille. Le père Micoulin est un veuf ombrageux, taciturne, qui ne voit en sa fille qu’une domestique attachée pour la vie à son service. Naïs tombe amoureuse de Frédéric Rostand qui est le fils des propriétaires de la ferme. Ces derniers vivent à Aix mais viennent passer les vacances d’été dans leur propriété. Une relation passionnée s’établit secrètement entre Naïs et Frédéric. Mais le père Micoulin les observe et médite d’assassiner Frédéric.

Une fois n’est pas coutume, Marcel Pagnol n’échappe pas à une certaine emphase, qui peut se faire ressentir dès la première séquence, après que Toine ait quitté l’usine (qui rappelle d’ailleurs furieusement celle de l’usine Lumière à Lyon), pour tailler le bout de gras avec un ami. Sa condition de bossu et son indéniable amour pour Naïs sont ainsi exposés, mais la scène se déroule comme s’il s’agissait d’un milieu de film, où bien encore comme si l’auteur avait voulu entrer trop directement dans le vif du sujet. Évidemment, Fernandel est une fois de plus extraordinaire, mais son personnage, finalement attendu et sans véritable surprise, aurait mérité sans doute une autre exposition.

C’est là qu’entre en scène Naïs, typhon évanescent incarné par Jacqueline Bouvier, 25 ans, que son compagnon dirigera dans La Belle meunière, Topaze et Manon des sources, qui évoque déjà la mythique sauvageonne de L’Eau des collines. Avec son air mutin qui contraste avec un érotisme violent, la comédienne crève l’écran et restera malgré tout rare au cinéma, en dehors des œuvres de son époux et de sa participation au Rosier de Madame Husson de Jean Boyer et à Adhémar ou le Jouet de la fatalité de Fernandel. Les deux têtes d’affiche emportent facilement l’adhésion dans Naïs, bien plus que Raymond Pellegrin. Ce dernier, à peine âgé de 20 ans, est alors au début de son illustre carrière. Si son côté jeune premier convient forcément avec son personnage, ce dernier est guère attachant et même agaçant. On en vient même à se demander pourquoi Naïs s’éprend d’un tel type arrogant, qui semble jouer avec son innocence le temps d’un été, quand bien même Marcel Pagnol tente de démontrer que ses sentiments ne sont pas feints et ont même tendance à s’accentuer au fil des semaines passées sous le soleil avec celle dont il a renversé la robe légère, comme le chantait Charles Aznavour.

En véritable chef d’orchestre, Marcel Pagnol prend soin de ses « seconds instruments » et offre à Henri Poupon (Angèle, Jofroi, Merlusse, Cigalon, Le Schpountz…) l’occasion de briller, ici dans le rôle du père Micoulin, qui n’a pas vu sa fille grandir, qui animé par la colère envisage de supprimer celui qui lui a volé son coeur et ce qu’elle avait encore de plus précieux. Germaine Kerjean, pensionnaire de la Comédie-Française, est également sensationnelle dans la peau de Madame Rostaing, la mère de Frédéric, à qui Toine – relecture de Quasimodo et surtout de Cyrano de Bergerac (ou quand la bosse remplace le nez proéminent), qui par amour pour Naïs (Roxane), n’hésitera pas à venir en aide à Frédéric (Christian) – se confie à la fin du séjour.

Si divers éléments ont eu plus de mal à traverser les décennies que pour d’autres de ses longs-métrages, Marcel Pagnol livre tout de même un drame caniculaire qui reflète la chaleur qui émane des corps et l’étourdissement des sens.

LE BLU-RAY

Simultanément, la CMF (Compagnie Méditerranéenne de Films) sort en Haute-Définition Le Schpountz, Naïs et Topaze. 17 ans tout juste après une première édition en DVD, Naïs connaît à son tour un lifting de premier ordre et apparaît donc en Blu-ray chez le même éditeur. Le disque repose dans un très élégant slim Digipack. Le menu principal est animé et musical.

Les suppléments se composent d’un comparatif avant/après la restauration, ainsi que d’une galerie de photographies.

L’Image et le son

L’image a été remastérisée en 2K. La propreté est évidente, le grain cinéma respecté (même si parfois très accentué), la copie stable. La définition demeure solide du début à la fin. Les fondus enchaînés décrochent sensiblement et le N&B de temps en temps manque de densité. Certains plans paraissent trop lumineux, d’autres au contraire trop contrastés, mais dans l’ensemble ce master est une belle réussite technique.

La piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un bon confort acoustique, en dépit d’un souffle chronique et des dialogues chuintants. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, mais aucune trace de la piste Audiodescription mentionnée sur le Digipack.

Crédits images : © CMF-MPC / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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