MIRACLE MILE réalisé par Steve De Jarnatt, disponible en DVD et Blu-ray le 13 novembre 2017 chez Blaq Out
Acteurs : Anthony Edwards, Mare Winningham, Mykelti Williamson, Denise Crosby, O-Lan Jones, John Agar, Lou Hancock, Kelly Jo Minter, Kurt Fuller…
Scénario : Steve De Jarnatt
Photographie : Theo van de Sande
Musique : Tangerine Dream
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1988
LE FILM
Los Angeles, 4h05 du matin. Après un rendez-vous raté avec la femme de sa vie, Harry décroche le téléphone d’une cabine qui ne cesse de sonner. Une voix lui apprend que des missiles nucléaires vont s’abattre sur Los Angeles dans 1 heure et 10 minutes. Une folle course contre la montre va s’enclencher…
C’est l’histoire d’un petit film sorti dans un quasi-anonymat en 1988, qui a depuis conquis de très nombreux cinéphiles dans le monde entier, au point de devenir culte. Appel d’urgence, Miracle Mile en version originale, est le second et dernier long métrage à ce jour réalisé par Steve De Jarnatt. Si son premier film Cherry 2000 (1987), comédie de science-fiction, reste très prisé des amateurs de Cinéma Bis, Appel d’urgence s’est bâti une solide réputation, au point d’être redécouvert avec tout autant de sérieux que de plaisir par la critique et les spectateurs.
Harry Washello rencontre Julie dans un musée d’Histoire naturelle. Ils passent l’après-midi ensemble et, le soir venu, se donnent rendez-vous à une heure du matin à la sortie du diner où Julie travaille. Mais l’hôtel dans lequel Henry est parti se reposer subit une panne de courant et il ne se réveille qu’à trois heures. Pour Harry, Julie est la femme de sa vie. Il se précipite à Miracle Mile où se trouve le diner mais Julie n’est plus là. Il lui laisse un message depuis la cabine téléphonique qui fait le coin de la rue et attend, désespéré, qu’elle le rappelle. Lorsque le téléphone sonne, il se précipite mais c’est à un étrange interlocuteur auquel il a affaire : un homme effrayé, en pleurs qui, pensant s’adresser à son père, lui confie que dans une heure dix des missiles nucléaires vont s’abattre sur les Etats-Unis. Henry pense à un canular mais la conviction de son correspondant le fait douter. Il s’en émeut auprès des rares clients du diner qui font peu de cas de son inquiétude. Mais parmi eux se trouve une femme d’affaires qui appelle quelques contacts au Sénat. Lorsqu’elle s’aperçoit que tous ses correspondants ont pris la tangente, l’assemblée commence à prendre au sérieux la terrible annonce. Pour Harry, il est impensable de s’enfuir de Los Angeles sans Julie.
Sur ce postulat de départ aussi inattendu que prometteur, Steve De Jarnatt va embarquer son audience dans un récit quasi-inclassable, une comédie-romantique sur fond d’apocalypse. Alors que son scénario écrit à l’origine pour la Warner Bros traînait depuis presque dix ans dans les tiroirs, Steve De Jarnatt, à qui le studio ne souhaitai pas confier la mise en scène, parvient à racheter son propre script pour la somme de 25.000 dollars. S’ensuit une phase de réécriture complète, jusqu’à ce que la Warner revienne à la charge en lui proposant cette fois de lui racheter son scénario pour 400.000 dollars ! Steve De Jarnatt refuse, sans doute par peur que son travail ne soit à nouveau mis aux oubliettes. Il prend alors son courage à deux mains et propose son scénario à plusieurs studios concurrents, mais ceux-ci demeurent frileux et dubitatifs devant ce mélange des genres peu conventionnel qu’ils imaginent déjà difficile à vendre, d’autant plus que Steve De Jarnatt tient à conserver son dénouement pessimiste. Jusqu’à l’entrée en scène de la Hemdale Film Corporation, compagnie de production et de distribution, qui avaient enchaîné les succès avec Les Guerriers du Bronx d’Enzo G. Castellari, mais aussi et surtout Terminator de James Cameron, ainsi que Salvador et Platoon d’Oliver Stone !
Steve De Jarnatt obtient alors 3,7 millions de dollars et les dates du tournage sont fixées du 13 avril au 4 juin 1987, entièrement en décors naturels à Los Angeles, dans le quartier de Miracle Mile qui donne son titre au film. Le casting est composé de comédiens pas ou alors peu connus du grand public. Avant de devenir une star du petit écran grâce à la série Urgences, dans lequel il interprète le Dr Mark Greene, Anthony Edwards promenait sa longue silhouette dégingandée au cinéma (Ça chauffe au lycée Ridgemont, Garçon choc pour nana chic) et à la télévision (It Takes Two), avant de connaître une première consécration avec Top Gun, dans lequel il incarne Goose, le pote à moustache de Tom Cruise. Même chose pour sa partenaire à l’écran Mare Winningham, qu’il connaissait depuis les cours de théâtre au lycée. Bien qu’aucune star ne soit à l’affiche, les spectateurs s’amuseront à reconnaître toute une ribambelle de formidables comédiens (à tronches) habituellement cantonnés aux seconds rôles. Mykelti Williamson (Bubba de Forrest Gump, Les Ailes de l’enfer, Heat), Denise Crosby (Simetierre, Deep Impact, 48 heures), Robert DoQui (RoboCop), John Agar (vu chez John Ford), Earl Boen (le docteur Silberman des trois premiers Terminator), Brian Thompson (un des punks de Terminator) et Jenette Goldstein (la mythique Vasquez d’Aliens – le retour et la mère adoptive de John Connor dans Terminator 2 – Le jugement dernier).
Redécouvrir Appel d’urgence aujourd’hui est comme tomber sur une pépite oubliée. Ou comment assister à une histoire d’amour dingue et romantique, une rencontre entre deux âmes sœurs le jour où une pluie de missiles nucléaires va s’abattre sur les Etats-Unis. Thriller paranoïaque, cauchemar éveillé, film catastrophe, comédie dans la veine d’After Hours, récit de science-fiction, drame mélancolique et existentiel, Miracle Mile a beau avoir l’air de partir dans toutes les directions, il n’en demeure pas moins que Steve De Jarnatt maintient le cap de son histoire du début à la fin, en instaurant progressivement un chaos très étonnant, déroutant et particulièrement prenant. On suit ainsi Harry, prêt à tout pour retrouver Julie et la sauver de la menace nucléaire – la guerre froide connaissait ses dernières heures – mise à exécution.
Le réalisateur parvient à retrouver l’essence des séries B de science-fiction des années 50, en y incorporant les couleurs fluorescentes des années 80, des néons bariolés du Johnie’s Coffee Shop Restaurant, en passant par les costumes des personnages. Ou comment la menace de mort qui pèse sur les protagonistes contraste avec les décors et textures luminescentes. Steve De Jarnatt soigne sa mise en scène avec de formidables travellings et plans-séquences, en déjouant les attentes des spectateurs avec quelques scènes impressionnantes et oppressantes à l’instar de celle dite de la station-service, ou bien encore les émeutes dans les rues à quelques minutes de l’explosion finale. La sublime composition de Tangerine Dream ne cesse d’envoûter, jusqu’au dénouement aussi inéluctable que déchirant, poétique et magnifique, qui montre que Steve De Jarnatt n’a pas peur du romanesque, ni des ruptures de tons.
Animé par une foi dans le cinéma, une énergie contagieuse et un désir d’offrir aux spectateurs un rollercoaster d’émotions, Appel d’urgence – Miracle Mile, intègre la liste des « grands petits films » qui font le bonheur des cinéphiles, que l’on se refile, que l’on conseille, qui se placent dans le top des films « injustement méconnus ». Le bouche-à-oreille fait foi et même si Appel d’urgence est sorti il y a maintenant trente ans, il n’est sûrement pas trop tard pour le considérer à sa juste valeur, surtout à l’heure où Donald Trump et Kim Jong-un caressent le bouton rouge chacun de leur côté.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Miracle Mile, disponible chez Blaq Out, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe sur la composition de Tangerine Dream.
On commence les suppléments par le court-métrage Tarzana (33’), réalisé par Steve De Jarnatt en 1972. Ce formidable film d’étudiant est une véritable lettre d’amour du metteur en scène au film noir des années 1940. Tourné dans un magnifique N&B, en reprenant les partis pris, les costumes et les décors du genre, Tarzana suit l’enquête d’un détective privé, Eye Milt Lassitor, interprété par Michael C. Gwynne. Durant son investigation, ce dernier croise le comédien Eddie Constantine dans l’imperméable de Lemmy Caution ! Un sublime exercice de style. En introduction, l’éditeur indique que Tarzana est un film rarissime, qui était bloqué pour des raisons de droits musicaux. La situation s’étant légèrement décoincée à la dernière minute, Blaq Out n’a pas pu faire sous-titrer ce court-métrage, mais a tout de même décidé de l’inclure à cette édition. Très remarqué, ce film a permis à Steve De Jarnatt de se faire immédiatement un nom à Hollywood.
Trois ans plus tard, Steve De Jarnatt coréalise Eat the Sun avec Jim Cox (24’). Un faux documentaire expérimental, qui montre comment les membres d’une secte parviennent à réaliser leur publicité et à attirer de nouveaux adeptes. Plutôt difficile d’accès, ce film avec quelques faux sosies de Donald Pleasence et Régis Laspalès habillés avec du papier d’aluminium, se regarde surtout comme une curiosité. Même chose que pour Tarzana, Blaq Out indique que Steve De Jarnatt ne souhaitait présenter ce film que si l’autre court-métrage était disponible. De ce fait, Eat the Sun n’est pas sous-titré non plus.
Nous passons maintenant à l’entretien de Steve De Jarnatt (11’). Enregistré en juin 2017, le réalisateur revient sur la longue gestation de Miracle Mile, ainsi que les problèmes liés à la mise en route de son second long métrage. Sans langue de bois, Steve De Jarnatt explique en détail comment la Warner Bros. avait voulu faire beaucoup de changements dans son scénario, notamment en ce qui concerne le dénouement. La Warner souhaitait entre autres intégrer cette histoire à La Quatrième dimension, avant que Steven Spielberg ne rejoigne le projet. Mais le cinéaste n’a pas plié et après avoir racheté son propre scénario au studio, Steve De Jarnatt est allé voir ailleurs, pour trouver preneur auprès des producteurs de la Hemdale huit ans après ! Durant cette interview, le cinéaste enchaîne les anecdotes de tournage (tout était storyboardé), revient sur les thèmes du film (inspirés de son enfance passée dans la peur d’une Troisième Guerre mondiale), les partis pris (une image claire et cristalline, le choix de Tangerine Dream pour la B.O.) et ses intentions, tout en se rappelant la sortie de Miracle Mile au cinéma et au passage donner son avis sur la prolifération des films de super-héros à Hollywood.
Place aux deux comédiens principaux de Miracle Mile, Anthony Edwards et Mare Winningham, de partager leurs souvenirs liés au tournage du film de Steve De Jarnatt (12’). Visiblement complices, ils se connaissent d’ailleurs depuis le lycée, les deux acteurs se penchent sur les personnages, sur l’histoire, le travail avec Steve De Jarnatt, le contexte politique dans lequel le film a été réalisé, la sortie au cinéma et surtout la résurrection de Miracle Mile trente ans après. Anthony Edwards admet que le film a mal vieilli, mais qu’il possède un côté désuet magnifique et représente admirablement ce que pouvait être un film américain d’art et d’essai dans les années 1980.
Dommage qu’Anthony Edwards et Mare Winningham ne soient pas présents dans le module suivant qui propose les retrouvailles du casting dans le célèbre Johnie’s Coffee Shop Restaurant, l’un des décors importants de Miracle Mile, fermé depuis 2000, mais conservé en état et vu dans d’autres films (Volcano, The Big Lebowski, 60 secondes chrono). Filmé par le chef opérateur Theo van de Sande, ce segment de 25 minutes offre de savoureux et émouvants moments avec les acteurs et Steve De Jarnatt, qui évoquent leurs souvenirs avec autant de nostalgie que de bonheur puisqu’ils sont fiers que Miracle Mile soit redécouvert près de trente ans après la sortie du film au cinéma, où il avait dû affronter Road House avec Patrick Swayze pendant quinze jours, avant de déclarer forfait devant le mastodonte de Steven Spielberg, Indiana Jones et la dernière Croisade.
Place au compositeur autrichien Paul Haslinger, de se pencher sur sa contribution à la grande réussite de Miracle Mile (17’). Alors qu’il venait de rejoindre le groupe Tangerine Dream en 1986 suite au départ de Johannes Schmoelling, Paul Haslinger et les autres membres du groupe acceptent de composer la B.O. du film de Steve De Jarnatt, qui écoutait en boucle la musique de Sorcerer de William Friedkin pendant qu’il écrivait son scénario. Le musicien se souvient des conditions d’enregistrement de la musique du film, tout en se penchant sur quelques-uns des thèmes principaux de Miracle Mile.
Derrière les « Scènes coupées et alternatives » (11’) se présente un montage constitué de morceaux de séquences abandonnées, ratées, ou filmées sous un angle différent par rapport à celles finalement gardées.
L’interactivité se clôt sur une présentation du storyboard de la séquence au diner (2’), de la bande-annonce originale, d’une fin alternative (1’) où Harry et Julie « devenaient » deux diamants qui s’animaient et tourbillonnaient à l’écran. Ceux qui ont vu le film comprendront. N’oublions pas la sublime piste musicale isolée !
Dommage que Blaq Out n’ait pas pu reprendre le commentaire audio de Steve De Jarnatt et du directeur de la photographie Theo Van de Sande, disponible sur l’édition Kino.
L’Image et le son
Effectivement, c’est un miracle que Miracle Mile apparaisse en France, surtout en Haute-Définition ! C’est donc à Blaq out que nous devons cette sortie aussi ambitieuse que très attendue par beaucoup de cinéphiles. Seulement le résultat en Haute-Définition est très relatif. Le point fort de cette édition demeure les couleurs typiques des années 1980, autrement dit bariolées, renforcées ici par l’omniprésence des néons qui éclairent les rues désertes de Los Angeles à 4h du matin, avec une très belle lumière diffuse. Ajoutez à cela une stabilité rarement prise en défaut, un piqué agréable et des contrastes plutôt concis. En revanche, l’apport de la HD appuie le côté « petit budget » de Miracle Mile. La gestion du grain est aléatoire, les poussières et points blancs apparaissent sporadiquement (la restauration est correcte, pas non plus incroyable), mais se multiplient dans l’acte final, sur les plans à effets spéciaux et les partis pris rouge-orangé, avec également l’apparition de fourmillements. La belle photographie du chef opérateur néerlandais Theo Van de Sande (Blade) s’en tire avec les honneurs et profite de cette promotion. C’est déjà ça de pris.
Le mixage anglais Stéréo est propre et distille parfaitement la bande originale. La piste anglaise est la plus équilibrée du lot avec une homogénéité entre les dialogues et les bruitages souvent impressionnants. Au jeu des différences, la version française s’avère plus couverte, avec certaines ambiances et d’autres effets annexes qui peinent à se faire entendre quand on compare avec la piste anglaise. L’éditeur prévient d’ailleurs de l’état de la version française, par un carton en avant-programme. La piste originale est dynamique et le niveau des dialogues plus plaisant. Les sous-titres français sont imposés en anglais.
Crédits images : © MGM / Blaq Out / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr