MES MEILLEURS COPAINS réalisé par Jean-Marie Poiré, disponible en Blu-ray le 27 mai 2020 chez Studiocanal.
Acteurs : Gérard Lanvin, Christian Clavier, Jean-Pierre Bacri, Philippe Khorsand, Louise Portal, Jean-Pierre Darroussin, Marie-Anne Chazel, Elisabeth Margoni, Jacques François…
Scénario : Jean-Marie Poiré, Christian Clavier
Photographie : Claude Agostini
Musique : Michel Goguelat
Durée : 1h51
Date de sortie initiale : 1989
LE FILM
Cinq copains, la quarantaine, se retrouvent le temps d’un week-end pour le passage en France de Bernadette, une vedette de rock qu’ils ont aimée autrefois. C’est l’occasion de régler quelques vieux comptes…
“Y’a des souvenirs qui ruinent l’ambiance…”
C’est un film complètement à part dans la carrière de l’illustre Jean-Marie Poiré (né en 1945), réalisateur de moult succès et triomphes de la comédie française comme Les Visiteurs (1993), Les Couloirs du temps : Les Visiteurs 2 (1998), Les Anges gardiens (1995), Papy fait de la résistance (1983), Les Hommes préfèrent les grosses (1981), L’Opération Corned-Beef (1990), Le Père Noël est une ordure (1982) et bien d’autres, soit près de 45 millions d’entrées en une quinzaine de longs métrages. Pourtant, coincé entre Twist again à Moscou (1986) et L’Opération Corned-Beef, se cache un petit film (en apparence) intitulé Mes meilleurs copains. Passé inaperçu à sa sortie en mars 1989, cette comédie-dramatique et mélancolique n’aura attiré que 358.000 spectateurs, ce qui en fait aujourd’hui le score le plus bas réalisé pour un film de Jean-Marie Poiré. Si Mes meilleurs copains a sûrement décontenancé par la nostalgie qui s’en dégage, ce superbe long métrage a acquis depuis une vraie notoriété et demeure très prisé par de très nombreux cinéphiles qui en ont fait un film culte.
Le scénario coécrit par Jean-Marie Poiré et Christian Clavier est un pur bijou, très largement inspiré de leurs propres souvenirs respectifs et dont la plume acérée n’a rien à envier aux meilleurs fleurons du tandem Bacri/Jaoui auquel on pense tout du long. Par ailleurs, la présence au générique de Jean-Pierre Bacri et de Jean-Pierre Darroussin renforce cette impression tout du long, tout comme celle de Gérard Lanvin, vu dans Le Goût des autres (2000) d’Agnès Jaoui. Bien que scénariste d’immenses, joyeuses et formidables comédies populaires dont les répliques sont souvent entrées dans le langage courant, Jean-Marie Poiré est avant tout un auteur, qui accompagné à l’écriture par Christian Clavier, a su toucher également le coeur des spectateurs, même si de façon plus progressive, avec Mes meilleurs copains, l’un des plus beaux films sur l’amitié du cinéma français, au même titre que Vincent, François, Paul… et les autres (1974) de Claude Sautet et Un éléphant ça trompe énormément (1976) d’Yves Robert.
Le film décrit une amitié de 20 ans, celle de quelques meilleurs copains qui à l’approche de la quarantaine, retrouvent au cours d’un week-end épuisant celle qui a symbolisé leur jeunesse. En effet, la venue inopinée à Paris de Bernadette Legranbois, rock star Québéquoise, pour un récital à l’Olympia, produit un véritable électro-choc dans la vie sereine et plutôt bourgeoise de nos amis.
“Faut pas vous biler les gars, je serais jamais parti sans vous…”.
Richard, Jean-Michel, Guido, Antoine et Dany…ces noms ne sont pas les plus connus du cinéma de Jean-Marie Poiré, pourtant ces personnages figurent parmi les plus attachants créés par le cinéaste et Christian Clavier. Il y a tout d’abord Jean-Michel Thuillier, également le narrateur du film, ancien bassiste du groupe, fils de chirurgien dentiste devenu dentiste lui-même, ayant décidé de suivre les traces de son père par culpabilité de s’être fâché avec lui avant sa mort. Fou amoureux de Bernadette, choriste du groupe, il n’a jamais pu coucher avec, ce qui hante sa vie sentimentale depuis 15 ans. Il nourrit l’espoir de conclure enfin, lors du week-end de retrouvailles, encouragé par Anne (Marie-Anne Chazel), sa compagne actuelle psy, qui voit là le moyen qu’il fasse enfin table rase du passé. Cette fameuse Bernadette Legranbois (Louise Portal) était la choriste et l’égérie du groupe, mais aussi au départ la compagne d’Antoine, puis la maîtresse de Richard, et l’occasion manquée de Jean-Michel, avant de partir pour le Québec. Elle est la seule à être devenue une star, après avoir été repérée par le manager Lou Bill Baker, qui l’a ensuite épousée. De retour en Europe pour une tournée, elle retrouve ses anciens amis lors d’un concert à l’Olympia, et passe un week-end en leur compagnie, après s’être battue avec Lou Bill. Devenu chef d’entreprise, Richard Chappoteaux, ancien batteur du groupe, est désormais un petit bourgeois bien installé dans une vaste maison de campagne aux abords de Paris. Marié et père de deux enfants, il a également accueilli Dany et son fils Sébastien. Grand coureur de jupons durant sa jeunesse, et amant fougueux de Bernadette, ses amis doutent de lui lorsqu’il se dit à présent « fidèle et équilibré » depuis qu’il vit avec Carole, sa compagne actuelle. Eric Guidolini dit Guido, directeur commercial chez Contrex, était le chanteur du groupe. Il a fait la connaissance de quelques-uns de ses amis au lycée Carnot. Après une période de séparation, il les a retrouvés après un voyage en Italie où il n’a pu dissimuler son homosexualité. Après une vie mouvementée, il avoue avoir « fait vœu d’abstinence » depuis 6 ans pour éviter d’attraper le sida. Il pratique le sport à outrance afin de compenser son manque et calmer ses frustrations. Antoine Jobert, metteur en scène était le compagnon initial de Bernadette. C’est par elle qu’il a fait la connaissance des autres, et les a intégrés à sa compagnie de théâtre contestataire, faisant (sans grand succès) la tournée des usines. Puis il les a convaincus que leurs idées pourraient passer plus facilement par la musique que par le théâtre, et a ainsi été à l’origine du groupe. Désormais revenu au théâtre, il met en scène sa propre fiancée dans un torride Roméo et Juliette. Daniel Pécoud dit Dany, était un très bon guitariste. Découvert par les autres membres du groupe alors qu’il jouait un solo sur le canal de l’Ourcq à Bondy, Dany est un personnage lunaire, hébergé avec son fils Sébastien par Richard et lui rend quelques services comme livreur, au lieu de faire carrière dans le monde musical. Son caractère très zen et posé lui pose quelques problèmes dans une société qu’il qualifie de « flippée ».
“Y’a pas mort d’homme…”.
Mes meilleurs copains est une oeuvre introspective sur le temps qui passe, sur les occasions manquées, sur l’espoir d’une nouvelle vie, sur les rêves qui restent à accomplir. Entre éclats de rire, souvenirs des années 1970 (en flash-back, le plus souvent en N&B) et remises en question, quelques vieilles histoires et rancunes resurgissent au cours de ce week-end où les anciens hippies et rockers, qui vivaient en communauté dans les années 1970 et qui ont fait les quatre cents coups ensemble, n’ont pas vu passer les vingt dernières années. Tous les personnages sont à se damner dans Mes meilleurs copains, tous présentés avec leurs bons comme leurs mauvais côtés, ainsi que dans leurs contradictions. Si la présence de Bernadette est synonyme de jeunesse retrouvée, chacun doit se rendre à l’évidence, le temps a passé et l’insouciance ne reviendra pas non plus. Les modes ont changé, l’état d’esprit aussi, les membres du groupe se sont coulés dans le moule, emportés par le monde qui ne s’est pas arrêté de tourner.
Tout d’abord envisagé pour Bette Midler, mais refusé par le producteur Christian Fechner qui ne voulait pas d’un tournage en anglais, Mes meilleurs copains distille au compte-gouttes son amertume malgré les sourires des protagonistes. L’audience ressent petit à petit ce spleen inattendu, ce qui a probablement laissé les spectateurs sur le carreau au cinéma là où ils s’attendaient à rire aux éclats. Les années ont passé, Mes meilleurs copains peut enfin voler de ses propres ailes dans la filmographie de Jean-Marie Poiré et être vu pour ce qu’il a toujours été, une merveilleuse comédie triste ou un sublime drame teinté d’humour porté par une superbe B.O. (Joe Cocker, Lou Reed, The Rolling Stones, John Lennon…), pour résumer un chef d’oeuvre du cinéma français.
A Nicolas Ramade.
LE BLU-RAY
Vous l’avez longtemps attendu ? C’est enfin chose faite, Mes meilleurs copains bénéficie enfin d’une édition Blu-ray chez Studiocanal ! Presque vingt ans après la dernière Edition Standard, Studiocanal remet le film de Jean-Marie Poiré en avant dans les bacs. Il était temps ! Le visuel reprend celui de l’affiche originale. Même chose pour le menu principal, même si fixe et désespérément muet.
Studiocanal n’a pas repris les anciens suppléments, mais est allé à la rencontre de Jean-Marie Poiré, juste avant le confinement, chez lui à Bruxelles (30’). Portant au doigt le sceau des Montmirail, du moins il nous semble, le réalisateur revient avec sa gouaille habituelle sur son film le plus autobiographique. Depuis plus de vingt ans, Jean-Marie Poiré est un des cinéastes qui partagent le plus d’anecdotes sur ses films. Toujours passionnant, il revient longuement sur ce “film en rupture de ton avec ses oeuvres précédentes”, à son avis très mal vendu avant sa sortie et qui s’est accompagné d’une courte exploitation dans des salles qui se vidaient durant la projection. Selon le réalisateur, les spectateurs s’attendaient à une comédie désopilante dans la droite lignée de ses autres films. Jean-Marie Poiré aborde ensuite les thèmes de Mes meilleurs copains (une réflexion sur la réussite, une histoire d’amitié où même le Sida est évoqué), la genèse du film, très inspiré de sa propre histoire à l’époque où il était le leader du groupe de glam rock The Frenchies, dans lequel a même chanté Chrissie Hynde, avant de devenir la leader et la cofondatrice du groupe de rock/new wave The Pretenders. Le casting, avec notamment les acteurs envisagés (Michel Blanc, Patrick Bouchitey, Gilles Gaston-Dreyfus et même Bette Midler pour qui le rôle de Bernadette avait été écrit) est aussi passé au peigne fin, tout comme les conditions de tournage.
L’Image et le son
Le master présenté par Studiocanal est probablement issu d’une restauration 2K. En dépit de légères imperfections et même si Mes meilleurs copains n’a jamais brillé par sa photographie, ce nouvel encodage (1080p, AVC) respecte le grain original, se révèle très propre et éclatant sur les scènes diurnes (les plus acérées) et les détails sont appréciables. La palette colorimétrique retrouve une nouvelle jeunesse (en dépit de visages un peu rosés), le relief est palpable, mais le piqué n’est pas aussi ciselé qu’espéré, surtout sur les passages en N&B. En dehors de plusieurs instabilités de la définition, de couleurs ternes et de légers fourmillements sur les séquences en basse lumière, les contrastes sont à l’avenant et la clarté appréciable confirment que nous sommes devant une belle édition HD, surtout pour un film tourné il y a déjà plus de trente ans.
Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un bon confort acoustique. Les dialogues sont clairs, la propreté est de mise, les effets suffisamment riches, sans aucun souffle. L’éditeur joint les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.