L’OEIL DU TÉMOIN (Eyewitness) réalisé par Peter Yates, disponible en DVD et Blu-ray le 2 avril 2018 chez Movinside
Acteurs : William Hurt, Sigourney Weaver, Christopher Plummer, James Woods, Irene Worth, Kenneth McMillan, Pamela Reed, Albert Paulsen, Steven Hill, Morgan Freeman…
Scénario : Steve Tesich
Photographie : Matthew F. Leonetti
Musique : Stanley Silverman
Durée : 1h42
Date de sortie initiale : 1981
LE FILM
Le corps d’un notable vietnamien est retrouvé sans vie dans un immeuble de Manhattan. Gardien de nuit dans le même immeuble, Daryll prétend connaître l’identité du tueur, mais il n’est en fait qu’intéressé par la séduisante journaliste Tony Sokolow, qui mène l’enquête et qu’il espère séduire avec ses prétendues informations. Dans l’ombre, le véritable tueur guette toujours.
Pour les cinéphiles, Peter Yates (1929-2011) est avant tout le réalisateur du mythique Bullitt (1968) avec Steve McQueen, et des Grands fonds (1977) dans lequel Jacqueline Bisset aura marqué de nombreux spectateurs avec son célèbre t-shirt mouillé. Bien qu’il ait travaillé avec les plus grands, Dustin Hoffman, Mia Farrow, Peter O’Toole, Robert Redord, George Segal, Robert Mitchum, le reste de la filmographie de Peter Yates reste étonnamment peu connu. C’est le cas de L’Oeil du témoin – Eyewitness, réalisé en 1981, qui détonne avec œuvres précédentes puisque le cinéaste y dirige une nouvelle génération de comédiens, William Hurt, Sigourney Weaver et James Woods, tout juste âgés de trente ans. Ni tout à fait un polar, ni tout à fait un drame ou un thriller, L’Oeil du témoin est un film étrange, constamment entre deux eaux, qui peine à trouver un équilibre et à éveiller l’intérêt.
Vétéran du Viêt Nam, Daryll Deever (William Hurt) est aujourd’hui gardien de nuit dans un immeuble de Manhattan. Une nuit, Long, un homme d’affaires douteux d’origine vietnamienne, est assassiné dans son bureau. Daryll, qui a découvert le corps, soupçonne son ami Aldo (James Woods), récemment mis à la porte par la victime, d’être le meurtrier. Soupçons confortés par le regain de fortune dont Aldo profite depuis peu. Dehors, les journalistes sont déjà là, avides de révélations. Pour séduire la belle et brillante Tony Sokolow (Sigourney Weaver), dont il est secrètement amoureux, Daryll lui fait croire qu’il en sait plus qu’il ne le dit. Alors qu’une enquête est entamée par les autorités, la police le porte sur sa liste des suspects…
L’Oeil du témoin donne cette impression d’être balancé entre divers courants. A la fois old-school dans son traitement, teinté de Nouvel Hollywood et ouvrant les années 1980, le film de Peter Yates peine à convaincre et ce malgré de nombreux points positifs. Tout d’abord le casting. Eyewitness n’est que la seconde apparition au cinéma de William Hurt après Au-delà du réel de Ken Russell, sorti l’année précédente. Et il y est déjà très bien dans la peau de ce personnage qu’on imagine triste et paumé. La femme dont il est épris, et on le comprend, est interprétée par la grande Sigourney Weaver qui venait de faire ses débuts fracassants au cinéma, en apparaissant tout d’abord dans Annie Hall de Woody Allen en 1977, avant d’enchaîner avec Alien, le huitième passager de Ridley Scott (1979) qui a fait d’elle une star planétaire. L’Oeil du témoin marquait alors son retour sur le grand écran, deux ans après avoir affronté la créature du Nostromo. A leurs côtés, James Woods, Christopher Plummer, Morgan Freeman et Pamela Reed sont également de la partie.
Autre réussite, l’atmosphère trouble que le réalisateur britannique parvient à instaurer, comme si l’on ne pouvait situer L’Oeil du témoin dans le temps. Peter Yates filme ses personnages comme s’ils étaient perdus, sans repères, en particulier Daryll, ancien du Viêt Nam, qui vit depuis toujours dans un appartement exigu avec son chien et qui parvient chichement à joindre les deux bouts en faisant le ménage et en vidant les poubelles d’un immeuble, la nuit, après que les hommes d’affaires soient rentrés chez eux. Il y a un attachement de Peter Yates pour son protagoniste, solitaire, qui a visiblement eu du mal à se réinsérer après son retour chez l’Oncle Sam. Rien n’est expliqué, juste suggéré. Le personnage le plus ambigu reste celui campé par Sigourney Weaver, que l’on imagine alléchée par une promesse de scoop et qui en même temps se prend d’affection (ou plus) pour l’homme étrange qu’est Daryll.
Finalement, on se soucie beaucoup moins de cette histoire de meurtre, qui passe quasiment au second plan, tout comme le thème de l’émigration de juifs soviétiques aux Etats-Unis. D’ailleurs, les révélations et les motivations de cet assassinat déçoivent. L’Oeil du témoin manque également de rythme, mais cette fois encore cela fait partie de l’ambiance distillée par le réalisateur. Le film est lent, un peu mou, mais on ne s’y ennuie pas grâce au jeu impliqué des acteurs, que l’on a de cesse d’admirer. Et le final au milieu des chevaux reste aussi original que marquant.
LE BLU-RAY
L’Oeil du témoin est disponible en Haute-Définition chez Movinside. Il intègre la collection de l’éditeur « Suspense-Polar ». La jaquette élégante est glissée dans un boîtier classique de couleur noire. C’est la première fois que le film de Peter Yates est disponible dans nos contrées en DVD et Blu-ray. Le menu principal est animé et musical.
Aucun supplément.
L’Image et le son
Ce nouveau master restauré est propre et stable. Point de poussières à l’horizon, ni de points ou de griffures. En revanche, les noirs paraissent tantôt concis tantôt poreux, manquent d’équilibre et dénaturent quelque peu le piqué. Cela est d’autant plus visible, parfois gênant, sur les nombreuses séquences qui se déroulent dans l’appartement terne de Daryll ou dans le sous-sol où il travaille. Pas de profondeur de champ. Mais s’il est vrai que le film a déjà plus de 35 ans, cette copie HD s’en sort plutôt bien et l’apport de la Haute Définition demeure flagrant au niveau des plans rapprochés ainsi que de la palette chromatique des séquences diurnes. Un grain cinéma, parfois un peu hasardeux c’est vrai, est heureusement conservé donnant une texture non déplaisante à l’image. Certes ce master ne rivalise pas avec les standards HD actuels mais offre au film de Peter Yates un écrin inédit et finalement idéal pour être redécouvert.
Les version originale et française sont proposées en DTS HD Master Audio 2.0. La première est plus naturelle, plus immersive avec de très belles ambiances intimistes bien que les voix des comédiens auraient pu être un poil plus ardentes. La partition de Stanley Silverman est dynamique et l’ensemble est bien plus fluide, riche et équilibrée qu’en version française. Celle-ci jouit d’un excellent doublage avec Richard Darbois (pour William Hurt), Evelyn Selena (pour Sigourney Weaver) et Dominique Collignon-Maurin (pour James Woods). Cette piste est de bon acabit. Cependant, bien que le niveau des dialogues demeure vif, l’aspect feutré reste moins convaincant. La version anglaise s’impose également par une homogénéité plus évidente.
Crédits images : © Twentieth Century Fox Home Entrertainment LLC. All rights reserved / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr