LES PARFUMS réalisé par Grégory Magne, disponible en DVD et Blu-ray le 3 novembre 2020 chez Pyramide Vidéo.
Acteurs : Emmanuelle Devos, Grégory Montel, Gustave Kervern, Sergi López, Zelie Rixhon, Pauline Moulène, Sacha Bourdo, Eva Chico…
Scénario : Grégory Magne
Photographie : Thomas Rames
Musique : Gaëtan Roussel
Durée : 1h41
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
Mademoiselle Walberg, impérieuse et asociale, est un nez qui a eu son heure de gloire autrefois, Guillaume Favre un chauffeur de maître au bout du rouleau : lorsque la première fait appel aux services du second par l’intermédiaire de l’agence qui l’emploie, tout semble mal parti entre les deux. Pourtant…
En 2012, sort un tout petit film charmant et très attachant, qui passe malheureusement complètement inaperçu, L’Air de rien, coécrit et coréalisé par Grégory Magne et Stéphane Viard. Dans ce premier long-métrage, comme dans un monde parallèle à la Jean-Philippe, les deux réalisateurs imaginaient un Michel Delpech qui aurait arrêté la chanson au top de sa popularité à la fin des années 70, qui se retrouverait criblé de dettes et tenu de trouver une issue avec les huissiers. Et pourquoi pas un retour sur scène ? Pour cela, les deux metteurs en scène s’étaient attachés les services du chanteur populaire, dont le charisme à l’écran se révélait indéniable, dont le naturel et le talent avaient déjà pu être appréciés devant la caméra dans Les Bien-aimés de Christophe Honoré. Mais ce qui se détachait de ce film, c’était sa sincérité, sa tendresse, sa douce mélancolie et l’on y découvrait surtout un brillant comédien, Grégory Montel. Huit ans après L’Air de rien, les deux Grégory se retrouvent pour Les Parfums, brillante comédie-dramatique, leur deuxième association et le premier film réalisé en solo pour Grégory Magne. Si certains s’en souviendront comme étant l’un des premiers films proposés après le premier confinement (il aura d’ailleurs réussi à attirer plus de 250.000 spectateurs durant cette délicate période), Les Parfums est avant tout un merveilleux film dont on retrouve la grande sensibilité du cinéaste, dans lequel Grégory Montel (la série Dix pour cent) crève l’écran une fois de plus et tient la dragée haute à l’excellente Emmanuelle Devos. Un vrai petit bijou.
Anne Walberg est une célébrité dans le monde du parfum. Elle crée des fragrances et vend son incroyable talent à des sociétés en tout genre. Elle vit en diva, égoïste, au tempérament bien trempé. Guillaume est son nouveau chauffeur et le seul qui n’a pas peur de lui tenir tête. C’est d’ailleurs peut-être la raison pour laquelle elle ne le renvoie pas. Tous deux vont cohabiter. Une relation singulière va s’instaurer.
Dans L’Air de rien, les deux personnages principaux se découvraient au fil des concerts et des kilomètres qui séparaient les petites bourgades d’une improbable tournée. Dans Les Parfums, deux individus que tout oppose vont également se révéler l’un à l’autre, s’observer, s’apprivoiser, se confronter, mais pas obligatoirement s’aimer dans le sens où l’attendrait le spectateur. Les Parfums est surtout la connexion entre deux être seuls et perdus, à qui la vie n’a pas fait de cadeau. Leur condition sociale les sépare, mais ils se retrouvent marginalisés et traversent chaque journée le regard perdu et sans jamais sourire. Les Parfums, c’est la rencontre inattendue entre un nez et une personne qui a du pif. Si elle est assurément l’une de nos plus grandes actrices aujourd’hui, Emmanuelle Devos n’a jamais vraiment tâté de la comédie, même si elle a déjà prouvé son aisance et surtout son humour dans Le Déménagement (1997) d’Olivier Doran, Gentille (2005) de Sophie Fillières, Les Beaux Gosses (2009) de Riad Sattouf. Animée par une folie douce qui semble prête à exploser en un clin d’oeil, Emmanuelle Devos est une fois de plus parfaite et élégante dans Les Parfums, malgré un personnage tout d’abord arrogant, froide comme l’acier et impolie. Mais c’est là le génie de l’actrice qui nous a ébloui dans À l’origine (2009) de Xavier Giannoli, Le Temps de l’aventure (2013) de Jérôme Bonnell, On a failli être amies (2014) d’Anne Le Ny et dans bien d’autres films, parvenir à révéler ce qui se cache derrière les apparences de cette femme « attachiante », dont les fêlures sont évidentes.
Anne ne s’attendait pas à ce que son nouveau chauffeur Guillaume, qui fait office aussi de porteur et d’homme à tout faire, se rebiffe très vite et lui tienne même tête. Grégory Montel repousse les limites de l’empathie dans ce rôle de mec quelque peu paumé, qui vit chichement dans un petit appartement. En instance de divorce et père d’une pré-ado (la formidable Zélie Rixhon, grande découverte Tous les dieux du ciel de Quarxx et vue dans L’Incroyable Histoire du facteur Cheval de Nils Tavernier), Guillaume se raccroche à son job précaire de chauffeur dans une étrange société tenue par un dénommé Arsène (Gustave Kervern, génial). Alors que sa vie privée est partie en éclats et qu’il se bat pour obtenir la garde alternée de son enfant, Guillaume se rend compte qu’il ne lui reste plus que trois points sur son permis et qu’il risque aussi de perdre son boulot. Parfois, la vie donne un petit coup de pouce et la rencontre entre Anne et Guillaume va bouleverser leur quotidien, leur raison d’être, leur présent et leur avenir.
Très influencé par le film Western de Manuel Poirier et Tandem de Patrice Leconte, les cinéphiles noteront que Grégory Magne reconstitue indirectement le duo du premier film, Sergi López et Sacha Bourdo, respectivement le professeur Patrick Ballester et Ranio, le jardinier de l’aéroport, un clin d’oeil très sympa. Les Parfums touche en plein coeur et l’on regrette seulement de ne pas pouvoir bénéficier du film en odorama, pour ressentir les sous-bois, l’humidité d’une grotte, un gazon tondu, un savon jaune d’école… Mais les deux têtes d’affiche – tout comme le réalisateur bien sûr – parviennent à nous faire ressentir d’emblée ce qui anime à la fois l’organe olfactif et l’âme des personnages. Les Parfums est sans aucun doute l’un des plus beaux films français de cette fâcheuse année 2020.
LE BLU-RAY
Les Parfums bénéficie d’une édition en DVD et en Blu-ray chez Pyramide Vidéo. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
Pas de making of ou d’interviews à se mettre sous la dent malheureusement. Néanmoins, l’éditeur ne vient pas les mains vides et livre sept scènes tirées du film, commentées par Grégory Magne (13’30). On regrette d’ailleurs fortement de ne pas bénéficier d’un commentaire sur le film entier, tant celui-ci se révèle à l’aise dans l’exercice. Il faudra donc se contenter de cette poignée de séquences (la rencontre, le restaurant chinois, la leçon de parfumerie, le supermarché, l’herbe coupée, Léa, le professeur Ballester), sur lesquelles le réalisateur revient, en parlant des conditions de tournage, de ses intentions, de la préparation d’Emmanuelle Devos auprès d’un vrai nez, du clin d’oeil au film Western…
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Pyramide Vidéo signe un sans-faute avec ce master HD immaculé des Parfums et c’est tant mieux car les comédies aussi ont souvent besoin d’être soignées en Blu-ray. Tout d’abord, c’est la clarté et le relief des séquences diurnes qui impressionnent et flattent la rétine. Les couleurs sont chatoyantes, le piqué vigoureusement acéré, les détails abondent aux quatre coins du cadre large et les contrastes affichent une densité remarquable. Ajoutez à cela une profondeur de champ constante, des ambiances tamisées séduisantes et des teintes printanières irrésistibles et vous obtenez le nec plus ultra de la HD. Un transfert très élégant.
La piste DTS-HD Master Audio 5.1 sollicite l’ensemble des enceintes et offre une solide spatialisation. Ce mixage fait la part belle à la musique. Les dialogues se détachent sans mal sur la centrale, tandis que les ambiances naturelles en extérieur demeurent constantes. Le spectacle acoustique est assuré. L’éditeur joint également une piste 2.0, une autre en Audiodescription, ainsi que les sous-titres destinés au public sourd et malentendant.