LES DAMES DU BOIS DE BOULOGNE réalisé par Robert Bresson, disponible en Édition 4K Ultra HD + Blu-ray le 18 février 2025 chez Rimini Éditions.
Acteurs : Paul Bernard, María Casares, Élina Labourdette, Lucienne Bogaert, Jean Marchat, Yvette Etiévant…
Scénario : Robert Bresson d’après le roman Jacques le fataliste et son maître de Denis Diderot
Photographie : Philippe Agostini
Musique : Jean-Jacques Grünenwald
Durée : 1h26
Date de sortie initiale : 1945
LE FILM
Hélène a juré de se venger de Jean, son amant qui la délaisse. Elle retrouve une de ses amies qui loue sa jeune fille à de riches fêtards. Hélène s’arrange alors pour que Jean rencontre la jeune Agnès. Mais celui-ci tombe amoureux d’Agnès et décide de l’épouser.
Les Dames du Bois de Boulogne n’est pas un film sur les femmes de petite vertu. Loin de là. Le second long métrage de Robert Bresson (1901-1999) est un drame sombre et impitoyable qui a connu un tournage chaotique à la fin de l’Occupation Allemande, avec de longs arrêts en raison de la Libération de Paris, des prises de vue durant une saison rude, des pannes d’électricité, des alertes aux bombardements, une pellicule limitée, des tensions entre le réalisateur et Maria Casarès. Le film s’inspire librement de l’histoire de Mme de la Pommeraye dans Jacques le fataliste et son maître, de Denis Diderot, récemment adaptée par Emmanuel Mouret avec Mademoiselle de Joncquières. Sorti en 1945, ce deuxième essai est un coup de maître, qui cependant ne connaîtra pas le succès critique et commercial des Anges du péché (1943). Sur des dialogues signés Jean Cocteau, même si ce dernier aura toujours déclaré n’avoir participé que de façon amicale, Les Dames du Bois de Boulogne permet à son auteur de trouver et d’imposer son style, notamment à travers un immense travail sur le son.
Hélène a la désagréable impression que son amant, Jean, lui échappe. Pour vérifier ses suppositions et faciliter de pénibles aveux, elle prêche le faux et apprend à son grand désarroi que Jean ne l’aime plus. Blessée, Hélène décide de se venger et monte un plan minutieux. Elle s’arrange pour que Jean rencontre Agnès, une danseuse de cabaret fort séduisante qu’elle a prise sous sa protection. Comme Hélène l’avait prévu, le plan fonctionne à merveille et Jean tombe immédiatement amoureux de la jeune femme. Consciente de ses écarts passés, Agnès manque de faire échouer la combinaison d’Hélène en révélant dans une lettre écrite à son fiancé qu’elle n’est qu’une fille perdue. Mais Jean refuse de lire la missive…
S’il n’atteint pas les sommets comme pourront le faire plus tard Un condamné à mort s’est échappé (1956) et Pickpocket (1959), Les Dames du Bois de Boulogne ne cesse d’épater par sa maîtrise formelle, encore plus lorsque sont connues les conditions des prises de vues. Il n’est ainsi pas rare de voir de la buée sortir de la bouche des comédiens, puisque le chauffage n’était pas disponible sur le plateau. Au-delà de cette situation particulière, Les Dames du Bois de Boulogne foudroie surtout par son histoire de vengeance échafaudée par la vénéneuse Hélène, interprétée par l’incroyable Maria Casarès, révélation des Enfants du Paradis de Marcel Carné. Drapée de noir, en deuil de ses illusions amoureuses, le regard froid et déterminé, la comédienne ne cesse d’étonner encore aujourd’hui par la modernité de son jeu. Cela contraste totalement avec celui parfois ampoulé du stoïque et falot Paul Bernard (après les défections d’Alain Cuny et de Jean Marais), vu dans Lumière d’été (1943) de Jean Grémillon et Le Bossu (1944) de Jean Delannoy.
Pour se venger d’être délaissée, Hélène jouera les bonnes âmes en installant deux anciennes connaissances, Madame D. et sa fille Agnès (la belle Élina Labourdette), endettées, dans un appartement près du Bois de Boulogne. En réalité, Hélène, connaissant le passé « sulfureux » d’Agnès, fait tout pour la jeter dans les bras du mondain Jean, pour ensuite tout révéler et ruiner la réputation de son ancien amant et l’humilier en public. Avec ses décors dépouillés signés Max Douy, la fulgurance des dialogues (la patte de Cocteau est évidente), la photo N&B sèche de Philippe Agostini et son montage percutant où le cinéaste expérimente sur le son, Les Dames du Bois de Boulogne est un drame qui vaut surtout pour le jeu intense de Maria Casarès. Pourtant, Robert Bresson, trouvant le jeu de sa comédienne souvent excessif et reniant même le film, décidera de ne plus faire appel qu’à des acteurs non professionnels, ses célèbres « modèles ».
LE COMBO BLU-RAY + 4K UHD
Un peu moins de sept ans après l’édition Blu-ray des Dames du Bois de Boulogne sortie chez TF1 Studio, Rimini propose le film de Robert Bresson, à nouveau en HD, mais aussi pour la première fois en Ultra Haute-Définition. Ce combo se présente sous la forme d’un boîtier UHD standard de couleur noire et contient les deux disques. L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur reprend tout d’abord l’entretien complet et passionnant de l’historien du cinéma français, Jean-Ollé Laprune (27’), présent sur le disque TF1. Ce dernier revient longuement sur les débuts de la carrière de Robert Bresson, puis détaille le contexte particulier et difficile du tournage des Dames du Bois de Boulogne. Jean-Ollé Laprune évoque également le producteur Raoul Ploquin, l’adaptation de l’oeuvre de Denis Diderot, la participation de Jean Cocteau aux dialogues, le casting, la mise en scène de Robert Bresson, l’utilisation du son à des fins dramatiques et l’accueil frileux du film.
Mais Rimini ne vient pas les mains vides ! En effet, nous découvrons ensuite une interview de Robert Bresson, tirée de l’émission Au cinéma ce soir, diffusée le 5 mai 1972 (20’). Le réalisateur répond aux questions d’Armand Panigel, après la diffusion des Dames du Bois de Boulogne. Robert Bresson donne quelques clés de compréhension pour certaines scènes, dont la fin, revient sur ses intentions, la psychologie des personnages (même s’il avoue volontiers ne pas vraiment croire à ce domaine), évoque la nouvelle de Diderot et son adaptation (il refusait de faire un film en costumes). Puis, le cinéaste en vient aux conditions de tournage, ainsi que sur ses partis-pris, et comment il se détache de ses films une fois que ceux-ci sont bouclés. Il clôt cet échange en parlant de l’évolution du cinéma.
Enfin, l’éditeur a confié à l’éminent Pierre Murat, le soin de nous présenter Les Dames du Bois de Boulogne (40’). Le critique aborde le film (« passionnant ») de Robert Bresson sous tous les angles, dissèque à la fois le fond et la forme, tout en le replaçant dans la carrière du cinéaste et en le recoupant avec d’autres de ses opus. Rondement mené, cet entretien permet d’en savoir plus sur les débuts cinématographiques du réalisateur, sur les conditions de tournage (arrêté momentanément en raison de la Libération), sur l’ombre de Dostoïevski qui plane sur le cinéma de Bresson. Puis, Pierre Murat analyse certaines scènes en particulier des Dames du Bois de Boulogne, en mettant les thèmes en relief, ainsi que la motivation des personnages. La musique de Jean-Jacques Grünenwald est aussi évoquée.
L’Image et le son
Les Dames du Bois de Boulogne a été restauré 4K par les laboratoires Hiventy, à partir des négatifs image et son nitrate. En dehors de quelques fils en bord de cadre, d’une poignée de points blancs et des rayures verticales, la propreté est ahurissante, les contrastes fermes, la stabilité indéniable et les partis pris du chef opérateur Philippe Agostini sont respectés avec un N&B étonnant de détails. Le grain argentique, bien géré, est heureusement respecté, tout comme le format original. Superbe Blu-ray.
La piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un haut confort acoustique avec des dialogues percutants et une très belle restitution des effets annexes, très importants chez le cinéaste. Un très léger souffle, mais rien d’alarmant, tout comme les chuintements occasionnels. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
Crédits images : © Rimini Éditions / TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr