Test Blu-ray / L’Enfant miroir, réalisé par Philip Ridley

L’ENFANT MIROIR (The Reflecting Skin) réalisé par Philip Ridley, disponible en Blu-ray le 27 août 2025 chez Extralucid Films.

Acteurs : Viggo Mortensen, Lindsay Duncan, Jeremy Cooper, Sheila Moore, Duncan Fraser, David Longworth, Robert Koons, David Bloom…

Scénario : Philip Ridley

Photographie : Dick Pope

Musique : Nick Bicât

Durée : 1h36

Année de sortie : 1990

LE FILM

Dans l’Amérique rurale des années 50, Seth, un enfant rêveur et farceur, élevé par un père violent et une mère abusive, échafaude des hypothèses farfelues à propos des villageois qui l’entourent. Il est ainsi convaincu que sa mystérieuse voisine Dolphin Blue qui vit seule sur le bord de la route est un vampire…

D’abord peintre exposé et écrivain publié avant d’être cinéaste, Philip Ridley (né en 1964) doit autant à Edward Hopper, Andrew Wyeth, Ray Bradbury, Philip K. Dick et Lewis Carroll qu’à La Nuit du chasseur et David Lynch. Pour son premier long-métrage, L’Enfant miroirThe Reflecting Skin, sorti en 1990, conte d’apprentissage sur fond d’innocence perdue, il n’hésite pas à faire surgir étrangeté, danger et macabre en plein milieu de ses champs de blés d’or illuminés par un soleil éclatant. Ou comment raconter une histoire d’épouvante dans de magnifiques paysages.

Seth Dove, huit ans, vit dans une communauté isolée des prairies de l’Idaho dans les années 1950. Le film s’ouvre sur Seth et ses amis, Eben et Kim, jouant avec une grenouille trouvée dans les champs. Les garçons gonflent l’amphibien en lui insérant un roseau dans l’arrière-train et la laissent au bord de la route. Lorsqu’une veuve anglaise du coin, Dolphin Blue, s’arrête pour l’inspecter, Seth tire sur la grenouille gonflée avec une fronde, la faisant exploser au visage de Dolphin, alors recouverte de sang. Seth se retire à la petite station-service où il vit avec sa mère Ruth, surmenée, dure et nostalgique, et son père Luke, timide, discret et distant. Le frère aîné de Seth, Cameron, est parti en service militaire dans le Pacifique. Seth fait le plein d’essence à un mystérieux groupe de jeunes hommes au volant d’une Cadillac noire, qui promettent de le revoir bientôt et de repartir. Seth est envoyé chez Dolphin pour s’excuser de la farce de la grenouille. Dolphin est hantée par le souvenir de son mari décédé, qui s’est pendu pour des raisons inconnues une semaine après leur mariage. Entouré d’objets datant du passé baleinier de la famille de son mari, Seth prend au pied de la lettre certaines de ses remarques apitoyées (elle prétend avoir 200 ans). Après avoir appris l’existence des vampires par son père, Seth commence à croire que Dolphin est un vampire.

L’année 1990 est déterminante pour le comédien Viggo Mortensen. S’il s’est d’abord fait remarquer en 1985 dans Witness de Peter Weir, il explose littéralement avec L’Enfant miroir. 35 ans après sa sortie, ce chef-d’oeuvre gothique n’en finit pas d’éblouir les sens et demeure miraculeux dans le sens où il parvient à préserver l’essentiel de ses secrets.

Si l’intrigue est supposée se dérouler dans la campagne de l’Idaho, l’équipe a en réalité posé ses valises à Alberta, une province de l’Ouest du Canada. Le chef opérateur Dick Pope (Secrets et mensonges, Another Year) semble avoir réalisé sa photo à l’aide de pinceaux et de gouaches. Chaque cadre de Philip Ridley enferme ses personnages dans de véritables tableaux qui reflètent l’imaginaire quelque peu psychotique d’un adulte qui se penche sur son enfance perturbée. Bien avant le cinéma de Guillermo del Toro et à l’instar de nombreux romans de Stephen King, L’Enfant miroir confronte la magie enfantine (thème récurrent dans l’oeuvre de Philip Ridley) à la dure réalité. La perte de l’innocence, la mort, le deuil, le meurtre, la découverte de la sexualité, sont au coeur de ce premier, merveilleux et pourtant trop méconnu long métrage.

Rétrospectivement, les sujets explorés dans The Reflecting Skin apparaissaient déjà dans les précédents travaux du cinéaste, à savoir Visiting Mr. Break (1987), court-métrage retrouvé miraculeusement et qui instaurait un style et une ambiance particulière. C’était aussi le cas de The Universe of Dermot Finn (1989), un vrai bijou d’humour noir qui traitait du thème de la famille, ici pour le moins excentrique, ou quand ce qui peut sembler déroutant, surréaliste et inquiétant chez l’un, peut sembler normal chez l’autre.

Le réalisateur ne cesse de déjouer les attentes du spectateur en jouant avec les mythes, les croyances, les tons, les ruptures, les fantasmes. A la fois lumineux et sombre, léger et profondément mélancolique, doux et pourtant d’une violence parfois inouïe, L’Enfant miroir est une oeuvre d’une insondable richesse, un récit initiatique terrible qui se termine dans un cri de résolution, tandis que retentit la musique envoûtante de Nick Bicât.

Depuis 1990, Philip Ridley n’a réalisé que deux long métrages, Darkly Noon – Le Jour du châtiment en 1995 et Heartless en 2009. Sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes et récompensé par le Léopard d’Argent à Locarno, L’Enfant miroir, œuvre inclassable et déroutante, mérite plus que jamais d’être redécouvert.

LE BLU-RAY

Après une première et par ailleurs très belle édition DVD sortie en 2016 chez Blaq Out dans feu la collection Blaq Market, L’Enfant miroir revient dans les bacs français, pour la première fois en Haute-Définition, chez Extralucid Films. Une superbe édition, où la galette bleue est solidement harnachée dans un Digipack à deux volets, magnifiquement illustrés, le tout glissé dans un fourreau très fin et aussi élégant que le reste. Le menu principal est animé et musical.

Il y a du pain sur la planche sur cette nouvelle édition française de L’Enfant miroir !

En première partie de cette section, l’éditeur propose un long et récent entretien exclusif avec Philip Ridley (52’) durant lequel le réalisateur de L’Enfant miroir revient sur son enfance (marquée par la maladie jusqu’à l’âge de 14 ans), son amour des comics (en particulier Spider-man), son parcours, la genèse et la production de son premier long métrage. Les paysages, les couleurs, les symboles, les partis pris esthétiques, le casting, la présentation de L’Enfant miroir à Cannes, tout est passé au crible avec une passion contagieuse qui donne sérieusement envie de revoir le film avec ces nouvelles clés.

Alors là, chapeau Extralucid ! En effet, l’équipe a réussi à prendre contact avec Viggo Mortensen, qui a répondu favorablement pour revenir sur L’Enfant miroir (20’), à l’occasion de cette sortie française en Haute-Définition. Réalisée en mode visioconférence, cette intervention est l’un des trésor de cette section bonus. Le comédien revient sur tout les aspects du tournage de The Reflecting Skin, évoque les conditions de tournage, le travail et son amitié avec Philip Ridley (avec lequel il n’hésiterait pas à tourner à nouveau, si l’occasion se présentait). Il rapproche L’Enfant miroir de La Nuit du chasseur de Charles Laughton et de L’Esprit de la ruche de Victor Erice, tout en avouant qu’il ne comprenait pas tout à l’histoire. Le casting, la réception du film, son côté avant-gardiste sont aussi les sujets abordés. Viggo Mortensen en profite pour parler de sa seconde collaboration avec Philip Ridley, sur Le Jour du châtimentDarkly Noon, qui n’est jamais sorti aux États-Unis, car bloqué par Brendan Fraser, qui pouvait – via une clause de son contrat – interdire l’exploitation du film, quand bien même Viggo Mortensen le couvre d’éloges et déclare même qu’il était encore plus formidable que dans The Whale. Il clôt ce module en s’adressant aux spectateurs français (et par ailleurs dans cette langue dans le texte) « Je vous souhaite une belle projection ».

On passe à une présentation du film par Laurent Duroche (12’). Le rédacteur en chef chez Chillz réalise une intervention en demi-teinte, qui apporte peu d’éléments nouveaux quant à ce qui a pu être entendu dans l’interview du réalisateur. Laurent Duroche aborde la vie et le parcours de Philip Ridley, la genèse de L’Enfant miroir (marqué par la maladie du cinéaste quand il était gamin), son obsession pour la peinture et les comics, ses références picturales…Des propos parfois hésitants, maladroits et qui n’apportent pas grand-chose de neuf au final.

Il en est de même pour l’intervention de Mylène Da Silva, créatrice de la chaîne YouTube Welcome To Primetime BITCH ! , que nous avions déjà croisé dans les bonus de Psycho Beach Party (11’). Si les arguments avancés ne sont pas inintéressants, c’est la forme qui fatigue rapidement avec une coupe toutes les dix secondes, un phrasé redondant…on perd le fil, ou la patience surtout. Dommage, car tout ce qui est dit sur la symbolique des couleurs mérite qu’on s’y attarde.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

L’image de cette version restaurée affiche une propreté indéniable et des couleurs ravivées. Le piqué retrouve un tranchant qui lui manquait sur la précédente mouture DVD, la définition demeure impressionnante et la profondeur de champ permet d’apprécier chaque composition des cadres. Les contrastes ont également retrouvé une profondeur, la texture argentique est présente, gérée, équilibrée. La palette chromatique est éclatante, la chaleur est inédite, les visages sont plus naturels et donc moins rosés et l’étalonnage est beaucoup plus conforme aux partis pris esthétiques originaux.

Tout d’abord, signalons que contrairement à l’édition Blaq Out, la version française est ici absente…Le mixage anglais est propre et distille parfaitement la bande originale. Le mixage est équilibré, avec une homogénéité entre les dialogues et les bruitages. L’ensemble est dynamique et instaure un excellent confort acoustique.

Crédits images : © Extralucid Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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