LE NEUVIÈME COEUR (Deváté srdce) réalisé par Juraj Herz, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 4 octobre 2022 chez Artus Films.
Acteurs : Ondrej Pavelka, Anna Malová, Julie Juristová, Josef Kemr, Juraj Kukura, Frantisek Filipovský, Premysl Kocí, Josef Somr…
Scénario : Juraj Herz & Josef Hanzlík
Photographie : Jirí Macháne
Musique : Petr Hapka
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1979
LE FILM
La jolie princesse Adriana est frappée d’un mal étrange : elle est comme absente le jour et disparaît la nuit. Après les échecs successifs de plusieurs enquêteurs, l’étudiant Martin se porte volontaire pour aider la princesse. Il va découvrir que l’astrologue Aldobrandini cherche à collecter neuf cœurs pour fabriquer son élixir de jouvence.
De Juraj Herz (1934-2018), les cinéphiles français ont pu avoir eu vent de sa version personnelle de La Belle et la Bête – Panna a netvor (1978), d’après le conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, et surtout de L’Incinérateur de cadavres – Spalovac mrtvol (1968), inspiré du roman de Ladislav Fuks. Deux œuvres cultes qui ont largement contribué à la renommée du cinéaste tchèque et ancien étudiant en photographie de l’École supérieure des arts de la scène de Bratislava. Après avoir fréquenté l’académie de Prague des arts du spectacle, lieu où il suivra les cours de direction de marionnettes du réalisateur surréaliste Jan Švankmajer (qui influencera entre autres Tim Burton et Terry Gilliam), il débarque dans le monde du théâtre et du cinéma, dans un premier temps comme acteur et metteur en scène sur les planches, puis en tant qu’assistant-réalisateur au cinéma, tout en continuant d’apparaître devant la caméra. Il se lance lui-même dans la réalisation au milieu des années 1960, L’Incinérateur de cadavres, alors son troisième long-métrage, lui apportant la célébrité à l’internationale. Vers la fin des années 1970, il entreprend deux films, deux contes, qui seront tournés simultanément, La Belle et la Bête, entreprise coûteuse, et Le Neuvième coeur – Deváté srdce, d’après un scénario original que Juraj Herz signera avec Josef Hanzlík, bien qu’apparemment tiré des Contes nocturnes d’E.T.A. Hoffmann. Le second est une proposition moins connue, mais aussi singulière que La Belle et la Bête, de cinéma d’horreur et fantastique. Spectacle dense et généreux, Le Neuvième coeur embarque le spectateur dans un monde imaginaire et étrange teinté de magie. Cependant, s’il n’y a rien à redire sur la technique et l’interprétation, on pourra reprocher au film son rythme en dents de scie et sa difficulté à maintenir l’attention du début à la fin, surtout à mi-parcours avec ce qu’on appelle familièrement un ventre mou. Néanmoins, il y a sûrement plus d’imagination dans ce film tchèque que dans la plupart des blockbusters annuels réunis et rien que pour cela mérite qu’on s’y attarde le temps d’une projection.
Le roi d’un pays imaginaire propose à Martin, étudiant condamné à la prison, de l’aider à découvrir où disparaît chaque nuit sa fille. La princesse s’évapore sans laisser de traces et huit jeunes gens, qui ont tenté de la suivre, ne sont jamais revenus. Empruntant à la suite de la jeune femme une porte secrète, Martin se retrouve dans le domaine du mage Aldobrandini. Agé de plusieurs siècles, le sorcier se maintient en vie grâce à une potion magique. Mais il a besoin, pour la concocter, d’un ingrédient particulier : un coeur humain…
Le Neuvième coeur, c’est comme qui dirait l’éternelle confrontation entre les rêveurs, poètes et saltimbanques face à ceux prêts à tout pour les écraser et ruiner leurs espoirs, fantasmes et libertés. Dès les credits animés (trois minutes sublimes), Juraj Herz s’immisce dans la foule, où l’on danse, où les lanceurs de couteaux s’exécutent, tout comme les cracheurs de feu, les liseuses de bonne aventure, les marionnettistes et les comédiens. On ripaille, on chante, on tombe amoureux, comme c’est le cas de Martin, impeccablement campé par Ondrej Pavelka (acteur toujours en activité aujourd’hui) et de la belle Toncka (Anna Malová). Après une première partie qui rappelle beaucoup celle d’Aladdin de Ron Clements & John Musker, dont les ressemblances sont assez troublantes avec notre étudiant quasi-vagabond, bondissant et voleur poursuivi par les gardes armés, Le Neuvième coeur bifurque vers le fantastique avec la présence d’une cape d’invisibilité (coucou Harry Potter !) et quelques effets visuels particulièrement soignés. C’est à ce moment que les longueurs commencent à se faire ressentir dans le récit, même si le réalisateur a mis le paquet sur les costumes, la photographie (de plus en plus baroque au fur et mesure qu’on se rapproche du dénouement) et les décors (avec à la barre la même équipe technique que sur La Belle et la Bête), qui renvoient parfois à un rêve éveillé. À ce titre, la séquence de la salle de bal semble cette fois encore avoir influencé l’élaboration de celle de l’attraction Phantom Manor de Disneyland, au niveau des effets et du décor principal proprement dit.
Après, le parcours de notre étudiant, qui pour retrouver sa liberté (et sa bien-aimée), n’aura d’autre alternative que de résoudre l’énigme qui empêche la princesse du royaume d’être elle-même alors que déjà huit prétendants ont échoué, manque d’un je-ne-sais-quoi pour marquer durablement les esprits. En l’état, Le Neuvième coeur conserve un charme certain.
L’ÉDITION BLU-RAY + DVD + LIVRE
Le Neuvième coeur débarque chez Artus Films dans une Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre, qui prend la forme d’un Digipack à deux volets merveilleusement illustrés, glissé dans un fourreau cartonné élégant. L’ouvrage de 64 pages présent dans cette édition, intitulé Les 9 coeurs de Juraj Herz et signé Christian Lucas, propose un formidable tour d’horizon de la filmographie prolifique de Juraj Herz, replace ce dernier dans la nouvelle vague tchécoslovaque et dissèque ses thèmes et motifs de prédilection. Le menu principal est fixe et musical.
Les bonus en vidéo se résument à la présence d’un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation. D’où l’importance de la lecture très éclairante du livre de Christian Lucas.
L’Image et le son
Le Neuvième coeur en Haute-Définition chez Artus Films est une première mondiale. Un master 2K restauré, qui a toutefois laissé passer des poussières, des griffures et divers raccords de montage. Néanmoins, les couleurs s’en sortent haut la main, la copie est stable, les contrastes sont corrects et la définition solide. Bon point pour le piqué, qui met en avant les détails des costumes et des décors, ainsi que pour la préservation de la texture argentique. Divers plans sont volontairement plus vaporeux (certains diront qu’il s’agit de flou artistique) avec des éclairages luminescents.
Point de remixage à l’horizon, mais deux pistes, tchèque (à privilégier) et française, qui instaurent toutes deux un bon confort acoustique, sans souffle, propre, avec une très bonne délivrance des dialogues. L’excellente partition bénéficie d’une belle ouverture des canaux, le doublage est réussi et les effets annexes riches. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.