Test Blu-ray / Le Destin d’un homme, réalisé par Sergueï Bondartchouk

LE DESTIN D’UN HOMME (Sudba cheloveka – Судьба человека) réalisé par Sergueï Bondartchouk, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition limitée le 18 janvier 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Sergueï Bondartchouk, Pavel Boriskin, Zinaida Kirienko, Pavel Volkov, Yuri Averin, Konstantin Alekseev, Pavel Vinnikov, Evgeniy Teterin…

Scénario :Iouri Loukine & Fiodor Chakhmagonov, d’après le récit de Mikhaïl Cholokhov

Photographie : Vladimir Monakhov

Musique : Venyamin Basner

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Un homme, épuisé, marche dans la campagne, accompagné d’un jeune garçon. Il est accablé par le poids du malheur que la guerre lui a infligé. A 17 ans, la sérénité de son existence a été emportée par l’horreur de la vie au front. Prisonnier, il a vécu les souffrances inhumaines des camps allemands: il a été astreint au travail forcé et soumis aux pires sévices.

En toute honnêteté, l’auteur de ces mots n’avait jamais entendu parler de Sergueï Bondartchouk (1920-1994), cinéaste et comédien majeur du cinéma russe, connu pour avoir réalisé la plus monumentale adaptation de Guerre et Paix, transposition en quatre époques, filmée en 70 mm et récompensée par l’Oscar du meilleur film étranger en 1968. Considéré encore aujourd’hui comme un maître du septième art, Sergueï Bondartchouk démarre sa carrière en tant qu’acteur, fonction qu’il exerce durant une dizaine d’années, avant de passer lui-même derrière la caméra en 1959 pour son premier long-métrage, Le Destin d’un hommeSoudba Tchelovieka, coup d’essai et coup de maître, magnifique drame de guerre psychologique que l’on croirait échappé du néoréalisme italien. Filmé avec autant de dureté que de délicatesse, Le Destin d’un homme dresse le portrait d’un individu « puni et mutilé par la vie », mais qui a toujours su rester digne. On en ressort bouleversé, les larmes aux yeux, lessivé, en sachant qu’on ne l’oubliera jamais.

Parti dans les années 20 pour cause de famine dans une autre région que la sienne, Andrei Sokolov découvre à son retour que toute sa famille est morte. Il se marie avec la jeune Irina avec laquelle il aura un fils et deux filles. Un court bonheur, car la guerre guette et il doit partir sur le front. Son camion est bombardé. Fait prisonnier, il va de camps en camps, de carrière de pierre en carrière de pierre et finit par souhaiter mourir. Après avoir échoué une première fois, il parvient pourtant à s’évader. Au volant d’une voiture, il repasse en sens inverse les lignes ennemies et rejoint son camp. Héros d’un jour, il regagne son village. Mais une bombe a détruit sa maison.

Chaque plan du Destin d’un homme paraît avoir été pensé comme un tableau, comme si les souvenirs et réminiscences d’Andrei lui apparaissaient comme différentes œuvres du musée de sa mémoire. La sublime photographie N&B de Vladimir Monakhov renforce cette impression, tandis que la composition du cadre 1.33 foudroie par sa remarquable profondeur de champ. Après un prologue situé le premier printemps d’après-guerre, dévoilant un homme (magistralement interprété par Serguei Bondartchouk lui-même) et un enfant qui marchent dans la campagne, le père de famille, installé près d’un fleuve, se met à raconter sa tragique histoire à un passant. Ce dernier semble avoir échappé à la mort à plusieurs reprises, connu les pires atrocités et les plus grands malheurs, en passant de l’Armée rouge aux camps de concentration quand il est fait prisonnier par les Allemands, et pourtant, Andrei manifeste encore sa foi en la vie jusqu’au point d’adopter un orphelin de guerre.

Récompensé par le Grand prix du Festival international du film de Moscou de 1959, Le Destin d’un homme témoigne d’une volonté de décrire les faits tels qu’ils se sont réellement passés, loin de toutes les propagandes qui montraient les soldats comme des héros invulnérables animés par l’idéologie communiste. Les soldats ont été placés en première ligne, sacrifiés, emprisonnés, considérés comme de la chair à canon. Ces partis-pris et ces intentions deviendront alors une nouvelle ligne directrice dans le cinéma russe et l’influence de Sergueï Bondartchouk n’aura de cesse de s’étendre. En se basant sur un récit de Mikhaïl Cholokhov, nouvelle parue en 1956, elle-même basée sur une histoire vraie, le réalisateur y greffe sa propre expérience de la guerre, ayant été appelé dans le corps de l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale. Donc pour la première fois dans le cinéma russe, la réalité des camps est dévoilée (et par conséquent l’antisémitisme nazi), observée, montrée aux spectateurs qui deviennent alors témoins, mais aussi responsables car désormais devenus représentants du devoir de mémoire.

Sergeï Bondartchouk croise l’intime et le gigantesque, se concentre sur le précipité d’une existence plongée dans un événement qui la dépasse, mais qui doit se plier aux règles et aux décisions d’une poignée de personnes bien placées, dont le rôle se résume à envoyer au casse-pipe les hommes dans la force de l’âge. Certains pourront reprocher au film de ne durer que 95 minutes, mais le réalisateur s’étendra bien plus tard pour décrire « le terrain de jeu » du conflit armé, à l’instar de son non-moins splendide Ils ont combattu pour la patrie (1975), fresque lyrique de 2h30 divisée en deux parties. Pour l’heure, ce premier chef d’oeuvre subjugue par sa beauté plastique, par la force de ses comédiens, par sa frontalité et son absence de pathos. Une des plus belles découvertes de ce début d’année.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Rimini Editions déroule le tapis rouge à Sergueï Bondartchouk en éditant pour la première fois Le Destin d’un homme en DVD/Blu-ray, et en rééditant en parallèle Ils ont combattu pour la patrie dans les mêmes formats. Les deux disques reposent dans un Digipack au visuel attractif et aux couleurs glacées. Le menu principal est animé et musical.

Nos camarades de La Plume sont allés à la rencontre de Joël Chapron, spécialiste du cinéma russe et soviétique, afin de nous parler du réalisateur Sergueï Bondartchouk et plus spécialement du Destin d’un homme (22’). Nous en apprenons donc sur les origines du projet, l’adaptation d’une nouvelle de Mikhaïl Cholokhov (futur prix Nobel de littérature) qui prend forme alors que la période stalinienne est définitivement terminée, ainsi que le culte de la personnalité. Joël Chapron dissèque à la fois le fond et la forme du film de Sergueï Bondartchouk, en expliquant les intentions du réalisateur, tout en mettant en avant ses partis-pris, « une révolution dans sa façon d’aborder la guerre ». Le parcours de Sergueï Bondartchouk est ensuite passé au peigne fin, de sa carrière d’acteur à son passage derrière la caméra, en passant par ses plus grandes œuvres. Enfin, le succès du film (y compris en France avec plus de 1,3 millions d’entrées) est évoqué.

L’Image et le son

Rimini Editions nous présente un master restauré par Mosfilm en 2019. Une copie tout à fait satisfaisante, le film de Sergueï Bondartchouk profitant largement de l’apport HD au niveau des contrastes, excellemment gérés. L’ensemble est lumineux, propre (d’infimes poussières subsistent), stable, les noirs appuyés (sans être bouchés), les gris riches, le piqué acéré, la texture argentique équilibrée (certains sont cependant un peu plus lisses) et les détails impressionnants sur les visages. Blu-ray au format 1080p.

Il n’y a rien de bien méchant à signaler concernant la piste russe DTS-HD Master Audio Mono 2.0 qui demeure de fort bon acabit et propre, si ce n’est quelques dialogues étrangement plus sourds que d’autres au cours d’une même séquence, ou bien diverses résonances et saturations émaillées par-ci, par-là. La version française DTS-HD Master Audio 2.0 manque quant à elle de naturel et se focalise trop sur le rendu des voix.

Crédits images : © Rimini Editions / Mosfilms Studios / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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