LA GRANDE JAVA réalisé par Philippe Clair, disponible en coffret DVD Plus drôle que ça tu meurs !!! – 10 comédies cultes de Philippe Clair et en Blu-ray le 5 novembre 2024 chez Cinéfeel.
Acteurs : Francis Blanche, Gérard Rinaldi, Luis Rego, Jean-Guy Fechner, Gérard Filippelli, Jean Sarrus, Corinne Le Poulain, Fransined…
Scénario : Philippe Clair, Michel Ardan & Claude Zidi
Photographie : Claude Zidi
Musique : Les Charlots & Michel Bernholc
Durée :1h30
Date de sortie initiale : 1971
LE FILM
Philippot, Jean, Phil, Luis, et Jean-Guy, cinq rugbymen, recherchent leur entraîneur Auguste Kouglof qui a pris la fuite pour ne pas leur payer 20 millions. Celui-ci a changé de nom pour M. Colombani. Les Charlots le retrouvent dans un petit village en train de tenter de briguer un mandat électoral en usant de pratiques mafieuses. Philippot, fou amoureux de France, la fille de Colombani, décide de ne pas le signaler à la police mais plutôt de s’allier à M. Devot, le concurrent de Colombani à la prochaine élection.
Gérard Rinaldi, Gérard Filippelli, Jean Sarrus et Luis Rego, groupe de musique humoristique anciennement baptisé Les Problèmes (Donald Rieubon en faisait aussi partie), deviennent les Charlots en 1966. Après avoir accompagné Claude François, Johnny Hallyday, Françoise Hardy et Antoine, ils sont rejoints par Jean-Guy Fechner, frère de leur manager Christian Fechner. Le groupe, qui a même fait la première partie d’un concert des Rolling Stones (oui oui), devient très populaire et le cinéma commence donc à leur faire les yeux doux. C’est là que débarque Philippe Clair, qui six ans après l’échec rencontré par son premier long-métrage comme réalisateur, Déclic et des claques, voit l’opportunité de revenir derrière (et devant) la caméra avec La Grande java, dont il signe le scénario original, l’adaptation et les dialogues avec un certain Claude Zidi (sous le pseudonyme de Claude Reims), également directeur de la photographie (il est l’ancien cadreur de Claude Chabrol) et Michel Ardan, alors producteur. Clair se voit imposer d’engager les Charlots, leur humour étant très éloigné du sien. Si l’entente ne sera pas au beau fixe sur le plateau, La Grande java sera un triomphe au cinéma avec 3,4 millions d’entrées, le septième plus grand succès de l’année 1971, placé entre Le Casse d’Henri Verneuil (4,4 millions de spectateurs) et Soleil rouge de Terence Young (3,3 millions). Quasiment disparu des radars depuis sa sortie dans les salles, jamais exploité en DVD et encore moins en Blu-ray depuis la création des deux supports, la première comédie des Charlots renaît de ses cendres en 2024 et apparaît enfin dans les bacs, dans une magnifique copie restaurée 4K. L’occasion de (re)découvrir totalement cet opus finalement méconnu des Charlots, qui annonce souvent leurs autres films et qui s’avère tout autant un vrai long-métrage propre à Philippe Clair, dont on retrouve la griffe du début à la fin. Assurément l’une des résurrections cinématographiques de cette année.
Cinq rugbymen spoliés par leur entraîneur-déserteur Auguste Kouglof retrouvent sa trace à Brizouille, un charmant petit village provençal. Désormais connu sous le nom de Colombani, Kouglof/Colombani tente de briguer les mandats électoraux en usant de pratiques mafieuses. Mais c’est compter sans la détermination des Charlots empêcheurs de tourner en rond qui s’allient à Monsieur Devot, seul concurrent de Colombani pour remporter le poste tant convoité. Aux avalanches de gags se tisse une histoire d’amour entre Gérard et la fille de Kouglof/Colombani.
La première apparition au cinéma des Charlots fait son effet pour celles et ceux qui n’auraient jamais vu La Grande java ! Nos cinq fringants garçons débarquent au milieu de nulle part, coupent à travers champ avec leur dégaine improbable, les cheveux longs, comme des gamins qui n’auraient pas eu le temps de se rendre compte qu’ils étaient désormais adultes. Pourquoi viennent-ils faire un tour du côté de Brizouille ? Pour rendre visite et régler leurs comptes avec un certain Colombani. Ce dernier, les avait éhontément escroqués sur la recette finale (20 millions, une somme) d’un match de rugby, dans le passé. De plus, l’un d’eux, le gentil Philippot est follement épris de la fille du méchant personnage. Rétrospectivement, surtout quand on connaît leurs autres films, les Charlots paraissent parfois bridés, comme si leur folie et osons le dire leur génie, avaient été modérés par Philippe Clair, qui ne s’est ensuite jamais caché qu’il ne s’était pas entendu avec eux et qu’il trouvait leurs idées idiotes. Cela n’empêche pas la bande de s’imposer facilement et de nombreux gags fonctionnent encore dans La Grande java, même s’il s’agit essentiellement des blagues visuelles.
Quelques séquences sont formidables, burlesques et très amusantes, notamment celle du collage des affiches électorales qui tourne à la baston générale, où l’on s’envoie des litres de colle à la tronche, ou bien encore celle du match de rugby, gros morceau de bravoure, chaînon manquant entre Le Triporteur de Jacques Pinoteau et Astérix chez les Bretons. Philippe Clair apparaît aussi, peu, mais s’octroie tout de même le rôle du curé de la ville (ce qui dénote évidemment avec son accent pied-noir) et offre surtout l’occasion à Francis Blanche (qui la même année tournait avec Lucio Fulci et Bruno Corbucci) de faire probablement ce qu’il désire, ce que ce dernier fait d’ailleurs sans se priver, étant totalement en roue libre, comme un cousin éloigné (ou pas tant que ça) de Jean-Luc Mélenchon. C’est à travers son personnage de politique sanguin que l’on retrouve le style de Philippe Clair, ce qui a peut-être le moins bien vieilli soyons honnêtes, comme lorsque Colombani arbore d’un coup la moustache d’Hitler, s’époumone derrière un micro (afec l’accent ja!) et déclare à la population « Ich bin der Führer », avant de se vêtir un peu plus tard d’une veste d’uniforme SS et d’un short de sport. Les Charlots, également en charge de la musique (on reconnaît au passage l’un des thèmes qui sera réutilisé dans Les Fous du stade) font ce qu’ils peuvent pour se couler dans le moule Clair, ils s’en sortent bien (même en majorettes), même s’il est évident qu’ils ne peuvent pas aussi bien s’exprimer et laisser libre cours à leur fantaisie.
Pour cela, il faudra attendre leur second long-métrage, Les Bidasses en folie, produit par Michel Ardan et mis en scène par Claude Zidi, avec lequel les Charlots se sont merveilleusement entendus sur La Grande java. Déboulant sur les écrans pour les fêtes de Noël de la même année, ce sera le plus grand succès de 1971 avec 7,5 millions d’entrées. La carrière des Charlots était lancée au cinéma. Également en 1971, Philippe Clair signera La Grande Maffia, refusée par les Charlots (on comprend pourquoi), avec finalement Francis Blanche, Aldo Maccione et Michel Galabru, qui saura attirer un peu plus d’un million de spectateurs.
LE BLU-RAY
Après Le Grand bazar et Les Bidasses en folie chez Studiocanal (dans la collection Nos années 70), un autre film porté par les Charlots débarque en Haute-Définition, et non des moindres, puisqu’il s’agit de La Grande java, jusqu’alors complètement inédit en DVD et Blu-ray. Comme nous le disions il y a deux jours, cela faisait plus de 25 ans que les œuvres de Philippe Clair étaient attendues en DVD, puis en Haute-Définition. Ses films étant bloqués en raison de problèmes juridiques avec le producteur Tarak Ben Ammar, Philippe Clair ne les aura pas vus sortir de son vivant, puisque le réalisateur nous a fait la mauvaise blague de nous quitter en 2020 à l’âge respectable de 90 ans. 2024, grande nouvelle ! L’éditeur Cinéfeel sort le 5 novembre un coffret 7 DVD intitulé Plus drôle que ça tu meurs !!! – 10 comédies cultes de Philippe Clair, comprenant, Déclic et des claques (1.66), La Grande Java (restauration 4K, 1.66), Le Grand Fanfaron (1.66), Comment se faire réformer (1.66), Les Réformés se portent bien (1.66), Ces flics étranges… venus d’ailleurs (1.66), Rodriguez au pays des merguez (1.66), Tais-toi quand tu parles ! (1.66), Plus beau que moi, tu meurs (2.35), Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir ! (2.35), que nous passerons évidemment tous en revue ! À noter que Plus beau que moi, tu meurs et La Grande java sont les deux seuls titres à bénéficier d’une édition disponible à l’unité en Blu-ray. Parallèlement, Gaumont sort Si tu vas à Rio… tu meurs en Haute-Définition. Les fans vont être aux anges, même s’il manque toujours Le Führer en folie ou bien encore L’Aventure extraordinaire d’un papa peu ordinaire. La Grande java en HD se présente sous la forme d’un boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est fixe et muet.
Le premier supplément est la bande-annonce restaurée 4K de La Grande java.
Le second bonus est un documentaire intitulé Philippe Clair, tais-toi quand il parle ! (32’), constitué de témoignages de Philippe Clair lui-même, de son fils Estéban et de son biographe Gilles Botineau, illustré d’archives personnelles. Le réalisateur revenait sans langue de bois et avec sa générosité habituelle sur son parcours, ses débuts, ses premiers succès au théâtre, puis sur sa carrière au cinéma. Parallèlement, Gilles Botineau complète parfaitement les propos du metteur en scène, en donnant moult indications sur son enfance (marquée par l’antisémitisme), ses ambitions de comédien (Clair était fasciné par Jean Marais), le triomphe de sa parodie du Cid sur scène (qui deviendra plus tard Rodriguez au pays des merguez au cinéma) qui allait lui permettre de signer son premier long-métrage, Déclic et des claques, qui annonçait La Vérité si je mens! plus de trente ans avant. Gilles Botineau dissèque ensuite le style de Philippe Clair, analyse son humour, son rapport avec les comédiens (« chaque fois qu’il ne s’entend pas avec un acteur, le film est un carton, ce qui implique qu’il doit se réinventer en permanence »). Les anecdotes fusent de tous les côtés, Philippe Clair règle ses comptes avec les Charlots (« je n’étais pas ami avec eux, il y a eu des disputes terribles »), Estéban évoque sa première apparition sur grand écran dans Plus beau que moi, tu meurs et décrit le cinéma de son père, de très beaux propos, émouvants même, évidemment sincères et remplis d’amour. Gilles Botineau en vient à la dernière partie de la carrière du réalisateur, marquée par les deux succès avec Aldo Maccione, puis les échecs qui se sont multipliés après Plus beau que moi, tu meurs.
L’Image et le son
La Grande java a été restauré 4K à partir du négatif original, par le laboratoire Vectracom. Superbe Blu-ray qui respecte les volontés artistiques originales dont le grain original, tout en tirant intelligemment profit de l’élévation HD. La clarté est fort appréciable, notamment sur toutes les séquences en extérieur (le bleu du ciel est étincelant), la propreté du master est irréprochable, ainsi que la stabilité, le relief, la gestion des couleurs, contrastes et le piqué qui demeure souvent agréable. Les séquences sombres et nocturnes sont également excellemment conduites avec des noirs denses. En dehors de la scène de l’église, peut-être moins définie, le résultat est très impressionnant.
Ce mixage DTS-HD Master Audio Mono est de fort bon acabit et instaure un confort acoustique probant et solide. Les dialogues sont délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise et les silences sont denses. Seul mauvais point, l’absence de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi que d’une piste Audiodescription.
Crédits images : Cinéfeel / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
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