JULIETA réalisé par Pedro Almodóvar, disponible en Blu-ray et DVD le 23 septembre 2016 chez Pathé
Acteurs : Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao, Inma Cuesta, Rossy de Palma, Darío Grandinetti, Michelle Jenner…
Scénario : Pedro Almodóvar d’après trois nouvelles du recueil Fugitives d’Alice Munro
Photographie : Jean-Claude Larrieu
Musique : Alberto Iglesias, Chavela Vargas
Durée : 1h37
Date de sortie initiale : 2016
LE FILM
Julieta s’apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu’une rencontre fortuite avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vue depuis des années. Elle décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours.
Julieta parle du destin, de la culpabilité, de la lutte d’une mère pour survivre à l’incertitude, et de ce mystère insondable qui nous pousse à abandonner les êtres que nous aimons en les effaçant de notre vie comme s’ils n’avaient jamais existé.
En 2011, Pedro Almodóvar signait un de ses chefs d’oeuvre, La Piel que habito, plus complexe, minimaliste, épuré et austère que ses précédents longs métrages, une véritable rupture avec ses superbes mélodrames qui ont fait son immense succès à travers le monde. Thriller organique traumatisant, croisement entre Franju et Hitchcock, porté par un Antonio Banderas glacial et glaçant et l’interprétation hallucinante d’Elena Anaya, La Piel que habito était un sommet dans la carrière du réalisateur espagnol. Ayant néanmoins déçu une partie de son public de base, Pedro Almodóvar revenait deux ans plus tard avec Les Amants passagers, pour lequel il renouait avec son genre de prédilection, la comédie chorale loufoque et bordélique période Movida. Ce 19e long métrage se révélait être le pire de sa filmographie. Rien ou presque ne fonctionnait dans ce retour à la fantaisie, véritable naufrage artistique. Heureusement, Les Amants passagers s’apparentait à une récréation. C’est peu dire qu’on attendait des nouvelles du vingtième film de Pedro Almodóvar après son indigeste cocktail rose-bonbon de sexe, de drogue, d’anxiolytiques, de champagne-vodka-mescaline-jus d’orange et de musique pop des années 1980 ! Et disons-le immédiatement, Julieta est un nouveau chef d’oeuvre à inscrire à son palmarès !
Le cinéaste adapte trois nouvelles du recueil Fugitives (2004) d’Alice Munro, Hasard, Bientôt et Silence, toutes ayant comme point commun le personnage de Juliette. Pedro Almodóvar a donc imaginé comment rattacher ces trois histoires distinctes, pour qu’elles puissent en former une seule, afin que naisse le destin de Juliette, rebaptisée ici Julieta. L’histoire originale se situait à Vancouver. Ayant envisagé un temps de tourner son film en anglais et à New York, le metteur en scène a finalement préféré revenir à sa langue et à sa culture natales avec des prises de vues réalisées en Espagne. Pedro Almodóvar s’approprie l’histoire originale pour livrer un des plus beaux portraits de femmes de sa filmographie, et pourtant Dieu sait que de merveilleux personnages féminins ont déjà jalonné sa carrière. Julieta est un drame sensible, fragile comme du cristal, sur lequel plane un parfum de mystère. Pourquoi une jeune fille, Antía, a-t-elle disparu du jour au lendemain et n’a plus donné signes de vie à sa mère Julieta, ni même expliqué les raisons de son départ ? La belle cinquantaine, Julieta (Emma Suárez) ne s’est jamais remise de cette disparition et a dû apprendre à continuer à vivre avec l’incompréhensible, la douleur et l’inacceptable. Jusqu’au jour où la rencontre avec une amie d’enfance de sa fille, qui affirme l’avoir vue en Italie, remet en question son départ pour le Portugal avec son compagnon. Julieta entreprend alors d’écrire à sa fille et de se livrer comme elle ne l’a jamais fait, sur sa jeunesse jusqu’à sa rencontre avec l’homme de sa vie, le père d’Antía. Par flashbacks, nous découvrons alors la jeune Julieta, incarnée cette fois par Adrianna Ugarte. Deux actrices pour le même personnage à un âge différent, le cinéaste ayant peu confiance dans les maquillages supposés vieillir.
Et Pedro Almodóvar de nous hypnotiser avec ses couleurs, les visages de ses sublimes comédiennes, son récit à tiroirs dans lequel s’enchevêtrent les époques – magnifique passage de relais – et les destins, la délicatesse de chaque geste esquissé ou avorté, ses scènes d’amour passionnées pour faire face à la mort et la fatalité, la beauté insondable des dialogues, tandis que le cinéaste instaure un suspense palpable et une réflexion universelle et bouleversante sur le deuil impossible. Forcément tragique, mais également constamment chaleureux et ensoleillé puisque les astres demeurent mais ne meurent jamais, Julieta est un des récits les plus poignants, gracieux et courageux du réalisateur ibérique qui ne cède jamais au pathos et nous donne furieusement envie de prendre dans nos bras son héroïne intensément romanesque.
LE BLU-RAY
La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel de l’affiche française d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
Pathé va droit à l’essentiel, mais les fans du cinéaste risquent de déchanter. En premier lieu nous trouvons deux entretiens croisés de Pedro Almodóvar et de la comédienne, l’autre avec Adrianna Ugarte. Cinq petites minutes durant lesquelles les intervenants s’expriment sur les intentions et les partis pris, les personnages, les thèmes et l’esthétique du film.
En guise de making of vous trouverez un clip de 11 minutes compilant de nombreuses images du tournage montrant les coulisses, les répétitions, Pedro Almodóvar avec ses comédiens. Surtout, ne visionnez pas ces images avant d’avoir vu le film puisque de nombreuses scènes clés y sont dévoilées !
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Pathé nous livre un remarquable master HD de Julieta. Pour la seconde fois de sa carrière, Pedro Almodóvar réalise un film avec des caméras numériques et cela se ressent à l’image. Les contrastes sont tranchants, le piqué saisissant, les détails abondent sur tous les plans, le relief est palpable, la colorimétrie est étincelante et chatoyante. A part quelques petites saccades sur les mouvements rapides et divers plans trop surexposés, la compression AVC n’est jamais prise en défaut, la définition demeure spectaculaire aussi bien dans les scènes en intérieur que dans les séquences en extérieur, bref nous nous trouvons devant un très beau Blu-ray.
En espagnol comme en français, les pistes DTS-HD Master Audio 5.1 sont en parfaite adéquation avec le sujet, à la fois intimiste dans les dialogues, mais également saisissantes et immersives. Les enceintes sont intelligemment mises à contribution même si le cadre confiné restreint les effets latéraux, les voix sont saisissantes sur la centrale et le caisson de basses se mêle efficacement à la partie. Evidemment, la version originale se révèle plus fluide et limpide que son homologue française et demeure la piste à privilégier, mais était-ce bien nécessaire de le préciser ? Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue est verrouillé à la volée.
L’éditeur joint également une piste Audiovision ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Copyright El Deseo – Manolo Pavón / Captures du Blu-ray : Franck Brissard