
HERETIC réalisé par Scott Beck & Bryan Woods, disponible en DVD & Blu-ray le 9 avril 2025 chez Le Pacte.
Acteurs : Hugh Grant, Sophie Thatcher, Chloe East, Topher Grace, Elle Young…
Scénario : Scott Beck & Bryan Woods
Photographie : Chung Chung-hoon
Musique : Chris Bacon
Durée : 1h51
Date de sortie initiale : 2024
LE FILM
Deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado font du porte à porte dans l’espoir de convertir les habitants. Le soir venu, après une journée infructueuse, elles décident de frapper à la porte d’une maison isolée. C’est le charmant Mr Reed qui les y accueille. Mais très vite, les jeunes femmes réalisent qu’elles sont tombées dans un piège. La maison est un véritable labyrinthe où elles ne pourront compter que sur leur ingéniosité et leur intelligence pour rester en vie…

Moonlight de Barry Jenkins, Mise à mort du cerf sacré – The Killing of a Sacred Deer de Yórgos Lánthimos, 90’s – Mid90s de Jonah Hill, The Lighthouse de Robert Eggers, Midsommar d’Ari Aster, Everything Everywhere All at Once de Daniel Kwan et Daniel Scheinert, The Whale de Darren Aronofsky, La Zone d’intérêt – The Zone of Interest de Jonathan Glazer, pour ne citer que ceux-là, sortent tous de la même écurie, celle de la société indépendante de production et distribution A24. Un logo devenu un signe de qualité. Le dernier film en provenance du studio est Heretic, mis en scène par Scott Beck et Bryan Woods, plus connus pour leur travail de scénariste sur les deux premiers volets de la désormais franchise Sans un bruit et qui comme réalisateurs avaient signé entre autres 65 – La Terre d’avant avec Adam Driver. Le tandem revient au thriller d’horreur et offre à Hugh Grant probablement l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Tout en affichant le même sourire (en plus carnassier ceci dit) qui ravageait les coeurs dans les années 1990, le comédien, désormais âgé de 64 ans, affiche une patine qui lui sied à ravir et a l’air de prendre un malin plaisir à jouer les psychopathes, bien décidé à jouer avec les nerfs de deux jeunes femmes qui voulaient juste tailler le bout de gras et prêcher la bonne parole avec lui. Huis clos, survival, Heretic est autant un thriller qu’un drame psychologique, merveilleusement écrit, prenant, formidablement emballé et magistralement interprété par un trio d’acteurs quasi-seuls en piste et qui se renvoient la balle avec virtuosité. Un des immanquables de 2024, très justement récompensé par un beau succès critique et commercial avec près de 60 millions de dollars de recette dans le monde entier pour une mise de départ de dix millions.


Deux jeunes missionnaires de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, Sœur Barnes, confiante, et Sœur Paxton, timide, arrivent chez M. Reed, un homme d’âge mûr, reclus. Il les invite à entrer et leur assure que sa femme prépare une tarte aux myrtilles à l’arrière de la maison. Ils commencent à discuter de religion, Reed faisant plusieurs remarques gênantes sur leur foi et la nature de la croyance. Lorsque Reed sort de la pièce, Barnes réalise que l’odeur de tarte aux myrtilles provient d’une bougie, que la porte d’entrée est verrouillée et qu’ils n’ont pas de réseau téléphonique. Elles suivent Reed dans son bureau, où il leur fait un sermon menaçant, arguant que toutes les religions sont des adaptations les unes des autres et prétendant avoir trouvé la seule vraie religion. On leur dit que la porte d’entrée est verrouillée et ne s’ouvre pas. Il leur propose deux autres issues pour sortir de la maison : une si elles croient encore en Dieu, une autre si elles n’y croient plus. Barnes se rebelle, répudiant plusieurs de ses affirmations. Ils entrent par la porte « Croyance », mais découvrent que les deux portes mènent au même donjon.


Plutôt discret dans les années 2010 avec notamment une participation à Cloud Atlas des Wachowski et Tom Tykwer, le méconnu et pourtant superbe Les Mots pour lui dire – The Rewrite de Marc Lawrence, et une panouille dans le sympathique Agents très spéciaux : Code UNCLE – The Man from UNCLE de Guy Ritchie, Hugh Grant a l’air de connaître un second souffle dans sa carrière et c’est tant mieux. Après deux autres collaborations avec Guy Ritchie (The Gentlemen et Opération Fortune : ruse de guerre), l’acteur so british a participé au Glass Onion : Une histoire à couteaux tirés de Rian Johnson, au quatrième volet des aventures de Bridget Jones et campé un Oompa Loompa dans Wonka (triomphe mondial). Autant dire que Hugh Grant a à nouveau le vent en poupe (sans oublier The Undoing à la télévision) et le retrouver en tête d’affiche d’un film d’épouvante était pour le moins inattendu.


Mais il est aussi extrêmement bien entouré et ce par ses deux partenaires, Sophie Thatcher et Chloe East, née au début des années 2000, deux révélations. La première (Soeur Barnes dans Heretic), vue récemment dans MaXXXine de Ti West, les séries Yellowjackets et Le Livre de Bobba Fett, est l’une des actrices les plus prometteuses de sa génération et vient de connaître un beau succès personnel avec Companion de Drew Hancock. Quant à la seconde, Chloe East, elle peut se targuer d’afficher The Fablemans de Steven Spielberg à sa courte filmographie.


Si certains spectateurs risquent d’être parfois décontenancés par l’abondance des dialogues, alors qu’ils sont en droit d’attendre un peu d’action, les répliques sont particulièrement brillantes, surtout lorsque Mr Reed se lance dans quelques démonstrations, destinées à déstabiliser ses invitées. Mais que ceux-ci soient rassurés, le jeu en vaut la chandelle, car Heretic est on ne peut plus efficace dans ses effets et l’on est pris du début à la fin dans cette partie que n’aurait pas renié un certain Jigsaw.


Magnifiquement photographié par Chung Chung-hoon, chef opérateur coréen décidément très demandé et éclectique (Last Night in Soho, Hôtel Artemis, Old Boy, Ça), Heretic n’est pas un film comme les autres et ne ressemble pas vraiment à ce qui est fait habituellement, tout simplement parce qu’il y a un fond passionnant (on ne sait pas si ce qui est raconté par Mr Reed est vrai et si c’est le cas, c’est édifiant), une matière inédite modelée par les deux réalisateurs et par ailleurs scénaristes et producteurs. On est littéralement plongé dans l’enfer des deux missionnaires, une sensation d’asphyxie se fait ressentir dès le départ avec l’incroyable demeure de Mr Reed, dont la porte se referme autant sur les personnages que sur le public, pour un tour de train-fantôme aussi angoissant que jubilatoire.


LE BLU-RAY
Heretic n’aura pas réussi à franchir la barre des 200.000 entrées en France et c’est bien dommage. Espérons que sa sortie en DVD et Blu-ray chez Le Pacte lui donne une seconde chance, qu’il mérite plus que largement. Le visuel de la jaquette (et celui du menu principal, fixe et musical) reprend celui de l’affiche française d’exploitation.

Aucun supplément…Cruelle déception…
L’Image et le son
Heretic est un film sombre et la Haute définition restitue habilement la photo du chef opérateur Chung Chung-hoon. Les volontés artistiques sont donc respectées, tout en conservant un piqué chirurgical et des détails à foison aux quatre coins du cadre, y compris sur les très nombreuses scènes peu éclairées. Ce master HD demeure impressionnant de beauté, du début à la fin, avec des contrastes qui affichent une densité remarquable (du vrai goudron en ce qui concerne les noirs), tandis que la palette chromatique froide reste optimale.

Les deux versions DTS-HD Master Audio 5.1 font quasiment match nul en ce qui concerne la délivrance des ambiances sur les enceintes latérales, la restitution des dialogues et la balance frontale. Le spectateur est littéralement plongé dans ce huis clos, la spatialisation reste solide tout du long et le caisson de basses est utilisé à bon escient. Sans surprise, la version originale l’emporte de peu sur l’homogénéité et la fluidité acoustique, tandis que la piste française a tendance à mettre les voix un peu trop en avant.


Crédits images : © Le Pacte / A24 / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr