EN MARGE DE L’ENQUÊTE (Dead Reckoning) réalisé par John Cromwell, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 6 mars 2018 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Humphrey Bogart, Lizabeth Scott, Morris Carnovsky, Charles Cane, William Prince, Marvin Miller, Wallace Ford, James Bell, George Chandler, William Forrest…
Scénario : Oliver H.P. Garrett, Steve Fisher, Allen Rivkin d’après une histoire originale de Gerald Drayson Adams et Sidney Biddell
Photographie : Leo Tover
Musique : Marlin Skiles
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1947
LE FILM
Le Capitaine Murdock et le sergent Johnny Drake sont deux parachutistes de retour de guerre pour recevoir une médaille d’honneur. Sur le quai de la gare de Washington Drake disparaît. Plus tard Rip’ Murdock apprend la mort de son ami, et il enquête sur l’accident de voiture. Il se rend alors au Santuary Club pour rencontrer sa femme Coral « Dusty’ Chandler » dite « douceur » (en français) avec un parfum de jasmin.
S’il demeure surtout connu pour avoir été l’une des victimes du maccarthysme et l’un des noms inscrits sur la tristement célèbre liste noire du cinéma entre 1951 et 1958, le cinéaste John Cromwell (1887-1979) compte pourtant de beaux succès dans sa filmographie. Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent notamment Le Lien sacré – Made for each other et L’Autre – In name Only, tous les deux réalisés en 1939 et portés par la fabuleuse Carole Lombard. Mis en scène en 1946 et sorti en 1947, En marge de l’enquête – Dead Reckoning était l’un de ses films préférés. Rien d’étonnant puisqu’avec cette histoire de Gerald Drayson Adams (Armored Car Robbery de Richard Fleischer, Taza, fils de Cochise de Douglas Sirk) et Sidney Biddell (Escape to Glory de John Brahm), John Cromwell peut encore démontrer son habileté et son savoir-faire technique, mis au profit d’un véritable film noir, qui plus est interprété par LA star Humphrey Bogart.
En marge de l’enquête n’est sans doute pas le film le plus connu de l’interprète, mais dévoile une nouvelle facette du mythe. En effet, lassé par ce qu’on lui propose à la Warner, l’acteur fait des infidélités au studio (en attendant qu’on lui propose un contrat plus juteux) et arrive à la Columbia pour changer d’air. Dans Dead Reckoning, il y apparaît fatigué, usé, marqué, blafard et Bogey s’amuse à égratigner son image de cynique macho. L’intrigue d’En marge de l’enquête est classique du genre. Après la mystérieuse disparition de son ami et frère de combat Johnny Drake (William Prince), lors d’un voyage vers Washington pour une remise de décoration, suite à de brillants faits de guerre, Rip Murdock (Humphrey Bogart) mène son enquête et découvre que dans le passé, ce dernier a été accusé d’un meurtre. Il retrouve la petite amie de Johnny, la splendide Coral Chandler (Lizabeth Scott), acoquinée au responsable d’une maison de jeu, le fourbe Martinelli (Morris Carnovsky).
Thriller, film noir, drame psychologique, En marge de l’enquête s’inscrit dans le genre qui a révélé et fait d’Humphrey Bogart l’un des comédiens les plus populaires dans le monde et les plus demandés par les réalisateurs. Après avoir enchaîné Le Port de l’angoisse – To Have and Have Not (1944) et Le Grand Sommeil – The Big Sleep (1946) d’Howard Hawks, l’acteur veut éviter le piège de rester enfermé dans le même type de rôle. La Columbia lui fait de l’oeil et Bogart y voit l’occasion d’égratigner son image. Dans En marge de l’enquête, même s’il campe un ancien héros de la Seconde Guerre mondiale, Bogart accepte d’être photographié différemment. Il apparaît tantôt dans l’ombre dans la première partie où son personnage se réfugie dans une église, tantôt filmé en gros plan dans une lumière surexposée qui creuse ses traits, ses cernes et fait ressortir sa célèbre cicatrice sur la lèvre. S’il ne se met pas « en danger », au moins Bogey apparaît ici plus fantomatique, fragile et plus vulnérable. Et il n’en mène pas large devant sa partenaire.
Injustement considérée comme une Lauren Bacall Bis, la sublime femme fatale Lizabeth Scott transcende le film de sa chevelure de feu noyée dans des volutes de fumée et de sa voix rauque, sans jamais copier celle à qui on l’a pourtant souvent comparé. Sa présence est aussi marquante, si ce n’est plus, que celle de Bogart et l’ambiguïté de son personnage fait le sel de la relation des deux protagonistes.
Finalement, l’enquête importe peu, même si John Cromwell parvient à conserver une tension du début à la fin grâce à de multiples rebondissements compréhensibles (pas comme l’hermétique Grand Sommeil) ponctués de meurtres, de flashbacks, de voix-off et de chantages, jusqu’à un dénouement d’une incroyable beauté. Certes, En marge de l’enquête n’a pas bénéficié du prestige et du succès d’autres films avec Humphrey Bogart, mais il n’en demeure pas moins une curiosité et le plaisir de le (re)découvrir 70 ans après sa sortie est indéniable.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray d’En marge de l’enquête, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. L’édition contient à la fois le DVD et l’édition HD. Le menu principal est élégant, animé et musical.
Point de Bertrand Tavernier à l’horizon, mais François Guérif (9’) et Patrick Brion (10’) interviennent ici pour défendre En marge de l’enquête. Le premier insiste sur le côté fragile et vulnérable de Bogart à certains moments du film. François Guérif se souvient également avoir rencontré le comédien James Cromwell, fils du cinéaste John Cromwell, et lui avoir parlé de son affection pour En marge de l’enquête, ce qui l’avait beaucoup ému puisqu’il s’agissait d’un des films que son père avait préféré faire.
De son côté, Patrick Brion se penche plus sur ce qui fait d’En marge de l’enquête un vrai film noir, qui mérite selon lui d’être redécouvert. L’historien du cinéma passe ensuite le casting au peigne fin, en s’attardant notamment sur Lizabeth Scott.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Bilan mitigé pour ce master HD restauré, par ailleurs première mondiale pour le film de John Cromwell. Si la propreté et les contrastes sont satisfaisants, la gestion du grain reste aléatoire du début à la fin, les scènes sombres manquent de définition et moult rayures verticales subsistent, tout comme certains défauts de pellicule. Le master d’En Marge de l’enquête n’a clairement pas bénéficié du même traitement de faveur que d’autres opus plus prestigieux avec Humphrey Bogart comme dernièrement Plus fort que le diable et Bas les masques chez Rimini Editions, mais Sidonis a fait de son mieux pour offrir aux spectateurs les meilleures conditions possibles pour redécouvrir ce film noir.
La version anglaise (aux sous-titres français imposés) est proposée en DTS-HD Master Audio Stéréo. L’écoute demeure appréciable, claire, avec une excellente restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées. En revanche, la piste française DTS-HD Master Audio Mono, s’avère plus chuintante et sourde. De plus, la version originale avait été amputée de près de 20 minutes pour sa sortie en France. Le doublage français s’apparente donc à gruyère.
Crédits images : © Columbia Pictures / Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr