Test Blu-ray / El Reino, réalisé par Rodrigo Sorogoyen

EL REINO réalisé par Rodrigo Sorogoyen, disponible en DVD et Blu-ray le 21 août 2019 chez Le Pacte

Acteurs : Antonio de la Torre, Monica Lopez, Josep María Pou, Nacho Fresneda, Ana Wagener, Bárbara Lennie, Luis Zahera, Francisco Reyes…

Scénario : Isabel Peña, Rodrigo Sorogoyen

Photographie : Alejandro de Pablo

Musique : Olivier Arson

Durée : 2h11

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

Manuel López Vidal est un homme politique influent dans sa région. Alors qu’il doit entrer à la direction nationale de son parti, il se retrouve impliqué dans une affaire de corruption qui menace un de ses amis les plus proches. Pris au piège, il plonge dans un engrenage infernal.

« Demain, c’est ton tour. »

Révélation de l’année 2016, le cinéaste Rodrigo Sorogoyen avait conquis la critique et les spectateurs avec son premier long métrage réalisé en solo, Que Dios nos perdone. Après 8 citas (2008) et Stockholm (2013), qu’il avait respectivement cosigné avec Peris Romano et Borja Soler, Rodrigo Sorogoyen a bien fait de voler de ses propres ailes. Pour El Reino, il signe un nouveau coup de maître, coécrit une fois de plus avec Isabel Peña, complice du réalisateur depuis plus de dix ans et qui avaient déjà collaboré sur les séries Impares (2008) et La pecera de Eva (2010). El Reino agit comme une caméra embarquée dans un bocal de piranhas. Bienvenue dans le monde des politiciens véreux et corrompus ! Un sujet universel et intemporel, qui renvoie souvent au cinéma engagé transalpin des années 1960, celui de Francesco Rosi, Elio Petri et Giuliano Montaldo. Veine que l’on retrouvera plus tard dans le cinéma américain chez Sidney Lumet et Alan J. Pakula, ou bien encore chez nous chez Costa-Gavras et Yves Boisset dans les années 1970. Mais il y a définitivement un héritage latin dans El Reino, drame politique et psychologique admirable, rythmé comme un thriller paranoïaque, percutant, un véritable uppercut cinématographique.

El Reino, c’est « le royaume », celui où les dirigeants et autres acteurs politiques s’observent, débattent et se confrontent. Si nous sommes ici en Espagne, la même musique se joue dans tous les pays du monde. Rodrigo Sorogoyen et Isabel Peña ne citent jamais le parti de leur personnage principal, merveilleusement incarné par Antonio de la Torre, ni véritablement sa branche politique, dans un désir d’universalité. Acteur protéiforme et talentueux aperçu aussi bien chez Álex de la Iglesia (Le Jour de la bête, Mes chers voisins, Balada Triste) que chez Carlos Saura (Le Septième jour) et Pedro Almodóvar (Volver, Les Amants passagers), Antonio de la Torre, déjà à l’affiche du formidable Amours cannibales (2013) de Manuel Martín Cuenca et de Que Dios nos perdone, signe une fantastique prestation, une de celles qui vous marque. Quasiment de toutes les scènes et même de tous les plans, la caméra mobile de Rodrigo Sorogoyen ne lâche quasiment jamais Manuel López Vidal, pris dans un cyclone qu’il a contribué à créer lui-même.

Comme un château de cartes qui s’effondre, ou plutôt comme une série de dominos qui s’écroulent irrémédiablement après que le premier ait été poussé, Manuel López Vidal voit sa vie alors trop bien réglée et préservée voler en éclats. C’est d’ailleurs le coup de génie du cinéaste, montrer leur personnage principal se débattre dans sa sphère, mais aussi dans sa vie personnelle où Manuel López Vidal, mari et père de famille essaye de garder la tête haute. Le personnage est coupable, un vrai rapace qui a su profiter du système et de ses contacts, pour s’enrichir et vivre très convenablement dans une résidence bourgeoise. Jusqu’à ce que la machine très bien huilée soit enrayée par un grain de sable. Rodrigo Sorogoyen dévoile les agissements d’un homme, dont il adopte le point de vue, sur lequel sont désormais braqués les médias et les autorités. Va-t-il réussir à se dédouaner ? A minimiser les accusations portées contre lui ? A être blanchi ? Va-t-il tomber seul ou emporter avec lui ses complices ?

Outre ce sujet absolument passionnant et écrit de main de maître, n’oublions pas la virtuosité d’une mise en scène étourdissante qui agrippe le spectateur dès la première séquence (un montage ébouriffant, une photo superbe) dans le restaurant (renvoi direct – et pour cause – aux Affranchis de Martin Scorsese), pour ne plus le lâcher pendant plus de 2h10, tandis que la musique électro d’Olivier Arson reflète constamment les battements de coeur affolés du personnage principal. On en ressort essoufflé.

El Reino a dominé la cérémonie des Goya en remportant sept Prix, y compris ceux du meilleur réalisateur, scénario original et acteur. On le savait déjà en voyant Que Dios nos perdone, mais un très grand cinéaste est né.

LE BLU-RAY

A l’instar de Que Dios nos perdone, El Reino est pris en charge par Le Pacte. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal animé et musical plonge d’emblée le spectateur dans l’ambiance d’El Reino.

Après votre projection, prolongez le plaisir procuré par le film avec l’interview croisée du réalisateur Rodrigo Sorogoyen et du comédien Antonio de la Torre (25’). Ce dernier intervient d’ailleurs malheureusement très peu, mais évoque tout de même sa préparation pour le rôle et les thèmes du film. Le cinéaste s’adresse tout d’abord aux spectateurs français (dans la langue de Molière) pour les remercier d’avoir acheter le DVD et le Blu-ray de son film. Puis, Rodrigo Sorogoyen explore la genèse, ses intentions, les personnages, les partis pris et le travail avec les comédiens. Très sympathique et passionné, le réalisateur explore également le travail d’écriture avec sa coscénariste Isabel Peña, ce qui les a inspirés, sa fascination « négative » pour les politiciens corrompus, sans oublier la psychologie de son personnage principal et sa collaboration avec le directeur de la photographie Alejandro de Pablo, leur quatrième et qui se sont depuis retrouvés à nouveau pour Madre, le prochain long métrage de Rodrigo Sorogoyen.

Le making of (14’30) donne un bel aperçu du tournage à travers des images de plateau où le cinéaste est visiblement très proche de ses comédiens. Les propos de l’équipe éclairent une fois de plus sur les thèmes explorés dans El Reino, en évitant toute redondance avec ce qui a déjà été entendu précédemment.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080p. El Reino bénéficie d’un superbe traitement de faveur avec ce master HD élégant. Les contrastes sont à l’avenant, la luminosité des scènes diurnes est éclatante, le piqué acéré y compris en intérieur, les noirs sont denses, le codec AVC solide. Evidemment, la propreté est de mise, les détails foisonnent aux quatre coins du cadre large, et hormis quelques saccades notables sur divers mouvements de caméra, la colorimétrie demeure agréablement naturelle et éclatante.

La piste espagnole DTS-HD Master Audio 5.1 offre un agréable confort acoustique, proposant une large ouverture frontale, divers effets latéraux (gros travail sur le son) et une belle spatialisation musicale. De son côté, la version française s’en sort très bien, avec une redoutable efficacité même, mais le doublage français est déconseillé. À noter la présence de sous-titres français pour sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Le Pacte / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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