Test Blu-ray / Dernier été à Tanger, réalisé par Alexandre Arcady

DERNIER ÉTÉ À TANGER réalisé par Alexandre Arcady, disponible en combo DVD+Blu-ray le 29 mai 2018 chez TF1 Studio

Acteurs : Valeria Golino, Thierry Lhermitte, Roger Hanin, Vincent Lindon, Jean Bouise, Julien Guiomar, Jacques Villeret, Anna Karina…

Scénario : Alexandre Arcady, Alain Le Henry, Tito Topin d’après le roman Au diable son dû (The Devil His Due) de William O’Farrell

Photographie : Robert Alazraki

Musique : Serge Franklin

Durée : 2h04

Année de sortie : 1987

LE FILM

L’été 1956 à Tanger : Richard Corrigan dans son bureau de détective privé rêve d’Amérique. Quand un avocat suisse lui propose une forte somme pour porter une enveloppe à quelques mètres de là au bar de l’hôtel Minzah. Là, Claudia, magnifique Italienne de vingt ans l’attend. Pour Corrigan c’est le début de la fortune, mais aussi le commencement des ennuis. De nombreux crimes suivent le sillage de la pulpeuse Claudia.

Rétrospectivement, Dernier été à Tanger est le premier revers commercial d’Alexandre Arcady. Abonné au succès depuis son premier film Le Coup de Sirocco, le réalisateur met pourtant tous les atouts de son côté dans ce cinquième long métrage aux décors fastes et à la reconstitution soignée. Il peut se permettre ce luxe grâce à ce qui restera ses deux plus grands triomphes, Le Grand pardon (1982) avec 2,2 millions d’entrées et Hold-up (1985) avec Jean-Paul Belmondo qui attire 2,4 millions de spectateurs. Avec Dernier été à Tanger, le cinéaste revient à une œuvre plus personnelle, réunit un casting impressionnant devant la caméra et livre une histoire où plane l’ombre du cinéma classique hollywoodien. Si le projet est ambitieux, le résultat n’est pas à la hauteur des espérances, même si Dernier été à Tanger n’a rien de honteux et reste un divertissement très honnête.

En 1956, avec l’indépendance du Maroc, la conférence de Fedala rend Tanger au Maroc et la ville est sens dessus-dessous. Depuis qu’il a fait assassiner son rival, Marchetti, le truand William Barrès règne en maître sur la pègre de la ville. C’est alors que Richard Corrigan, un détective privé couvert de dettes et rêvant de s’embarquer pour l’Amérique, reçoit la visite d’un avocat suisse, Schmidt, qui lui demande, en échange d’une forte somme, de remettre une enveloppe à une jeune femme, qui vient d’arriver à Tanger. Le détective s’acquitte de sa mission, sans savoir que la charmante jeune femme, qui se présente sous une fausse identité, n’est autre que Claudia Marchetti, venue venger son père. De retour à son bureau, Corrigan découvre le cadavre de l’avocat. Gomez le commissaire chargé de l’enquête, le soupçonne tout de suite du meurtre.

S’il y a quelque chose de foncièrement sympathique dans le cinéma d’Alexandre Arcady, c’est sa propension à croire au romanesque. Et Dernier été à Tanger réunit tous les ingrédients chers à son auteur. Des fusillades maladroites mais « pensées » comme celles du Parrain de Francis Ford Coppola, un détective privé miteux et lisse que le cinéaste espère digne d’un Humphrey Bogart, une femme fatale aux yeux émeraude qui fait tourner la tête aux hommes qu’elle croise, des décors exotiques, des bagnoles rutilantes, des accents à couper au couteau, des bellâtres aux cheveux gominés, un méchant bien pourri, des histoires d’amour contrariées. On ne pourra pas reprocher à Alexandre Arcady de ne pas voir grand. Le problème, c’est qu’il le fait pour si peu de choses.

Le réalisateur n’est pas le premier à vouloir épater la galerie. Il s’en donne les moyens ici dès la première séquence où deux bandes rivales s’affrontent dans un bain de sang, où tout le monde est pulvérisé devant les yeux d’une gamine innocente. Alexandre Arcady voit grand, son histoire sera celle d’une vengeance pensée et mise au point pendant dix ans. Si la sublime Valeria Golino s’acquitte fort honorablement de sa tâche et incendie littéralement l’écran, Thierry Lhermitte ne dégage absolument rien en private, galurin mou vissé sur la tête, chemise trempée de sueur (« Quelle poutain de chaleeeur ! »), prenant la pose en espérant combler un peu le vide de son personnage jamais intéressant. Le fidèle Roger Hanin semble prendre un malin plaisir à interpréter un gangster odieux, vulgaire, impudique et monstrueux, capable de peloter la nana de son fils devant ses yeux. Ce dernier n’est autre que Vincent Lindon, qui incarne le plus beau personnage du film, fragile, en quête d’amour et d’affection.

Alexandre Arcady se contente de « faire à la manière de », sans imprimer véritablement sa marque de fabrique et en frôlant parfois la parodie avec un humour souvent involontaire, à travers des dialogues « pimentés » ou des séquences voulues couleurs locales qui tombent souvent dans la gratuité. C’est le cas avec la participation de Jacques Villeret qui campe un vendeur de bazar en prenant l’accent d’un tenancier de boui-boui de la rue Belleville. Malgré toute l’immense affection que l’on peut avoir pour le comédien, ses scènes s’avèrent gênantes. Heureusement, les immenses Jean Bouise, Anna Karina et Julien Guiomar se livrent à des numéros particulièrement enthousiasmants.

Le metteur en scène soigne ses images, comme il le peut, en mettant en valeur les décors de l’Afrique du Nord. S’il maîtrise mal les codes du film d’espionnage, Alexandre Arcady est toujours plus attachant qu’un Claude Lelouch auquel on pense souvent, et Dernier été à Tanger, malgré ses faiblesses, n’en reste pas moins agréable.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Dernier été à Tanger, disponible chez TF1 Studio dans la collection Passion Cinéma, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur une des séquences du film. Le DVD sorti en 2003 chez le même éditeur n’était plus disponible.

Ce titre d’Alexandre Arcady ne dispose pas du même prestige que Le Coup de Sirocco. Du coup, cette édition Blu-ray ne contient qu’un seul supplément, une interview du réalisateur réalisée à l’occasion de la sortie de Dernier été à Tanger dans les bacs (25’30). Comme à son habitude, le cinéaste regorge d’anecdotes sur la genèse, la production et le tournage de son film. Il revient notamment sur sa découverte de Tanger quand il était jeune, une ville qui l’a toujours fascinée. Alexandra Arcady revient également sur les décors et le casting. Il indique notamment que le rôle de Thierry Lhermitte avait été écrit pour Jean-Pierre Bacri, qui a finalement décliné, tandis que celui d’Anna Karina devait être interprété par Marianne Faithfull. S’il s’égare quelque peu, en mentionnant notamment que Jacques Villeret passait ses nuits à boire, Alexandre Arcady fait preuve de franchise en indiquant que malgré son échec, Dernier été à Tanger reste son plus beau souvenir de tournage.

L’interactivité se clôt sur deux bandes-annonces.

L’Image et le son

Le master HD de Dernier été à Tanger ne manque pas de qualités, notamment sa restauration qui ne laisse aucun doute. En revanche, on se demande où est passé le grain original. La texture argentique manque cruellement à l’appel et donne un aspect artificiel à l’image. En dehors de certains visages particulièrement rosés et cireux, les couleurs sont très belles, chatoyantes à souhait, la copie stable, mais le film paraît presque tourné en numérique ! Certaines séquences s’en tirent honorablement, notamment celles tournées de jour, mais globalement, ce Blu-ray de Dernier été à Tanger peut laisser perplexe.

Comme pour l’image, le rendu acoustique est en demi-teinte. Au cours d’une même séquence, l’échange entre deux personnages peut être clair puis beaucoup plus sourd. La part belle est faite à la musique de Serge Franklin, bien mise en avant, mais le reste, même si très propre, demeure étouffé. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © TF1 Studios Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

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