DEATH WARMED UP réalisé par David Blyth, disponible en combo DVD/Blu-ray le 5 août 2020 chez Extralucid Films.
Acteurs : Michael Hurst, Margaret Umbers, William Upjohn, Norelle Scott, David Letch, Geoff Snell, Gary Day, Bruno Lawrence, Ian Watkin, David Weatherley, Tina Grenville…
Scénario : Michael Heath
Photographie : James Bartle
Musique : Mark Nicholas
Durée : 1h20
Année de sortie : 1984
LE FILM
Michael Tucker a été programmé par le chirurgien en génétique Archer Howell pour assassiner ses parents. Suite au massacre, il est incarcéré dans un asile psychiatrique. Des années plus tard, Michael et ses amis voyagent sur une île isolée sur laquelle Howell mène des expérimentations sur des humains pour les transformer en des machines à tuer. Michael doit se venger d’Howell pour le meurtre de ses parents mais aussi l’arrêter pour le bien de l’humanité.
Il existe un cinéma d’épouvante dans tous les pays du monde, ou presque. Souvenez-vous de Dracula au Pakistan (Khwaja Sarfraz, 1967) dont nous vous parlions il y a quelques mois ! Même chose en Nouvelle-Zélande ! Il n’y a pas que Martin Campbell, Peter Jackson, Geoff Murphy, Andrew Niccol, Lee Tamahori et Taika Waititi qui ont su démarquer dans ce pays d’Océanie, il y a aussi le dénommé David Blyth, né en 1956 à Auckland, qui reste l’un des fondateurs du cinéma d’horreur néo-zélandais, avec notamment son troisième long-métrage, Death Warmed Up, qui sort en 1984. Si le film se voit aujourd’hui comme une série B/Z, on ne pourra pas reprocher au réalisateur d’y mettre tout et n’importe quoi, avec une générosité de tous les instants et surtout de repousser les limites avec une noirceur franchement inattendue, surtout dans le traitement de ses personnages. Définitivement le genre de film qui devait s’arracher en VHS (René Chateau Vidéo présente…) dans les vidéoclubs avec sa jaquette au visuel forcément très attractif, Death Warmed Up fait toujours son petit effet 35 ans après sa sortie.
Sur une île isolée, un médecin fou expérimente de la chirurgie expérimentale au niveau du cerveau sur des cobayes humains. Malheureusement, plusieurs de ses patients souffrent d’effets secondaires liés à la chirurgie qui les changent en zombies meurtriers. Sur l’île, arrive un groupe de jeunes en vacances. Dans la bande, un jeune homme est venu pour régler ses comptes avec le médecin qui, des années auparavant, l’avait hypnotisé et contrôlé pour tuer son propre père…
Quand vous visionnez Death Warmed Up, vous vous retrouvez immédiatement dans les conditions de visionnage originales, quelques décennies auparavant, le boîtier vidéo posé à côté de vous avec dessus un autocollant Locatel. Si la qualité de la bande laissait parfois à désirer à force que la cassette soit sans cesse louée et relouée, vous ne pouviez pas vous empêcher d’adorer le film. Et ce, sans parler de sa réussite proprement dite. C’est un peu ce qui se passe avec Death Warmed Up, réalisé avec un amour « gros comme ça » pour le genre, malgré des moyens qu’on imagine très limités. Pourtant, David Blyth transcende son budget de près de 800.000 dollars, ce qui est en soi très raisonnable, avec des idées à foison, un sens du cadre et de l’esthétique, une atmosphère trouble, nihiliste, une œuvre marquée par une violence à la fois frontale et graphique.
Le cinéaste parvient d’emblée à accrocher le spectateur avec une introduction qui pose le personnage qui sera pour ainsi dire l’antagoniste du héros, le docteur Howell, un neurochirurgien qui se prend pour Dieu, en souhaitant prolonger l’espérance de vie, voire même effacer le mot « mort » du dictionnaire. Vaste programme. Après avoir fait quelques expériences sur des rats, celui-ci désire désormais réaliser des tests sur des êtres humains. Mais son collaborateur, le professeur Tucker, n’est pas convaincu. Manque de pot, Michael, le fils de ce dernier assiste à leur discussion et Howell le rattrape. Il est ensuite manipulé et pris comme cobaye dans une de ses dernières expériences, puis, hypnotisé, se rend chez ses parents où il les tue froidement. Voilà un prologue percutant et qui nous fait entrer directement dans le ton du film. David Blyth n’aura de cesse tout au long du récit, d’emmener le spectateur vers ce qu’il y a de plus sombre, brutal et désespéré dans l’humanité.
Sept ans plus tard, Michael, libéré de l’institution psychiatrique dans laquelle il était enfermé après son double-assassinat est bien décidé à se venger. L’action se déroulera par la suite sur une île perdue, où le docteur Howell a bâti un empire, le plus gros hôpital psychiatrique de tout le pays, où rien ni personne ne peut s’interposer dans ses études, dans ses tests sur les êtres humains et dans ses pratiques douteuses. Death Warmed Up peut se voir comme une relecture du roman de science-fiction écrit par H. G. Wells, L’Île du docteur Moreau, publié en 1896, réflexion sur des sujets comme la relation entre l’être humain et l’animal, et la question de l’identité. Outre ce désir de vengeance qui irrigue l’histoire et parcourt les veines de son protagoniste (Michael Hurst, futur Ïolas dans les séries télévisées Hercule et Xena, la guerrière), Death Warmed Up lorgne aussi vers le film d’action avec cette scène devenue culte de la poursuite dans les tunnels datant de la Seconde Guerre mondiale, où les personnages tentent d’échapper à quelques tueurs frappadingues à moto. David Blyth sait créer une ambiance anxiogène, aidé pour cela par son chef opérateur James Bartle, déjà directeur de la photographie du très remarqué L’Epouvantail de mort – The Scarecrow de Sam Pillsbury, que beaucoup considère comme étant le premier vrai film d’horreur néo-zélandais. Ramassé (le film dure 1h15 montre en main), ultra-efficace, marqué par un humour noir et un style immersif (la caméra à l’épaule entraîne un effet proche du found footage, et bonne utilisation du steadicam), Death Warmed Up s’enfonce petit à petit dans les ténèbres, jusqu’aux derniers affrontements qui n’épargneront même pas ses personnages principaux.
Pendant ce temps, le docteur Howell poursuit calmement ses trépanations (bien avant celle plus connue de Saw 3 de Darren Lynn Bousman) et peu lui importe si le fruit de ses expériences n’est pas obligatoirement celui auquel il s’attendait puisque ses cobayes deviennent des espèces de zombies qui commencent à fleurir sur cette île paumée. Oscillant entre science-fiction et horreur, Death Warmed Up, sous-estimé voire injustement oublié (malgré sa Licorne d’Or obtenue au Festival du film Fantastique du Rex à Paris), annonce quelque part le trash à venir et qui sera pour le coup mondialement célébré de Bad Taste de Peter Jackson, qui ne sortira pourtant que trois ans plus tard. Il est donc temps aujourd’hui de réviser ses classiques déviants.
LE COMBO BLU-RAY + 2 DVD
Avec Death Warmed Up, Extralucid Films, dont nous avons longuement parlé ces derniers temps, inaugurait sa collection Extra Culte. Le numéro 1 de cette compilation se présente sous la forme d’un sublime Digipack à quatre volets (glissé dans un fourreau cartonné au visuel coloré qu’on ne peut pas rater), où reposent tranquillement le Blu-ray (multizone) et ses suppléments, le DVD de Death Warmed Up, plus un autre DVD comprenant le film Wound de David Blyth (aussi présent sur le disque HD). N’oublions pas la présence d’un livret de 24 pages, intitulé Le Cinéma d’horreur en Nouvelle Zélande, écrit par Julien Sévéon, une vraie mine d’or d’informations comme on pouvait l’attendre de la part de l’auteur. Le menu principal est animé et musical.
Avant de visionner Death Warmed Up, regardez la présentation du film par David Blyth (1’15), visiblement réalisée pour cette édition française. Le cinéaste en profite pour rappeler que son film a remporté la Licorne d’Or au Festival International de Paris du film fantastique et de science-fiction, de la part d’un jury présidé par Alejandro Jodorowsky. David Blyth évoque aussi brièvement la restauration de Death Warmed Up.
Nous en avons déjà parlé lors de nos chroniques consacrées aux éditions HD de Massacre à la tronçonneuse 2, Incidents de parcours et Maximum Overdrive, ainsi que sur les DVD de Gungala, la vierge de la jungle et Gungala, la panthère nue, Julien Sévéon est avec Nicolas Stanzick l’un des journalistes que nous préférons chez Homepopcorn.fr. En vingt minutes, l’ancien rédacteur de Mad Movies et responsable de la collection CinExploitation, auteur entre autres de George A. Romero : Révolutions, Zombies et Chevalerie, propose ici un portrait du réalisateur David Blyth (sans oublier de mentionner ses films avant et après Death Warmed Up, « une filmographie conséquente, mais peu connue et difficilement accessible ») doublé d’une analyse sur son œuvre et plus particulièrement de Death Warmed Up. La genèse du film, la situation du cinéma d’horreur néo-zélandais dans les années 1980, les conditions de tournage, le succès international de Death Warmed Up (sauf dans son propre pays et qui sera même longtemps interdit en Australie), les partis pris (« un film extrêmement noir, dramatique, nihiliste et tragique, avec même une scène de comédie surréaliste »), le casting, tout en rappelant que contrairement à ce que tout le monde semble avoir oublié, les années 1980 n’étaient pas synonymes de joie de vivre et que le film de David Blyth est finalement symptomatique de cette décennie particulièrement sombre, radicale et violente, du point de vue politique et historique. Enfin, Julien Sévéon clôt cet entretien en précisant que Death Warmed Up est un film « totalement unique, fascinant dans sa radicalité […] un film majeur du cinéma néo-zélandais et pour la construction de son cinéma local ».
L’autre supplément en vidéo est un documentaire inattendu intitulé French Connection (23’), où l’on apprend qu’en 1918, une brigade de fusiliers issue de la New Zealand Division, avait délivré les 5000 habitants de la ville du Quesnoy, une commune française située dans le département du Nord, qui occupait une position stratégique au Nord-Est, près de la frontière belge, et que les allemands occupaient depuis 1914. Un acte qui sera la dernière offensive majeure néo-zélandaise de la Première Guerre mondiale. Parmi ces hommes se trouvait le Lieutenant Colonel Lawrence « Curly » Blyth (1896-2001), qui n’était autre que le grand-père de David Blyth à qui ce dernier rend ici un hommage très émouvant, à travers un film tourné en 2008, alors que le cinéaste, sa sœur et leur père étaient invités au Quesnoy, pour célébrer le 90è anniversaire de la libération de la ville. David Blyth était allé à la rencontre de certains habitants et s’était rendu sur les lieux traversés par son grand-père.
Mais la plus grande surprise de cette édition est la présence d’un autre long-métrage de David Blyth, Wound (1h13), réalisé en 2010. Susan (Kate O’Rourke, impressionnante) une jeune femme en difficulté psychologique, voit son équilibre rompu au moment de la réapparition de son père. Le retour de ce père tant redouté ne sera que la première étape d’une longue descente, qui conduira Susan jusqu’en enfer. Accrochez-vous, car 25 ans après Death Warmed Up, David Blyth n’a pas changé et se déchaîne dans ce délire quasi-Lynchien (on pense beaucoup à Mulholland Drive), minuscule production tournée en une dizaine de jours avec une quinzaine de techniciens, mêlant professionnels et étudiants en cinéma. Entre punitions sadiques, castration, sexualité dépravée, mal-être psychologique (le personnage principal est hantée par quelques démons de son passé), Wound mettra vos nerfs à toutes épreuves. Extrêmement sombre, poisseux et malsain, ce long-métrage est un vrai film d’épouvante à part entière, sur l’horreur du quotidien, où un trauma ronge et détruit une vie.
L’Image et le son
Le Blu-ray est au format 1080p et la copie mixe à la fois une copie du film en 35mm (le film avait été tourné en 16mm, puis gonflé en 35mm), avec divers fragments provenant de sources diverses, dont une copie de travail, puisque le négatif original de Death Warmed Up semble avoir été détruit. David Blyth a lui-même supervisé cette mouture, qui se rapproche le plus de celle sortie en 1984-1985. Il en résulte un master HD honnête, au piqué complètement aléatoire. Il en va de même pour la texture argentique, plus ou moins appuyée, voire grumeleuse selon les séquences, surtout sur les scènes sombres et tamisées. Ce qui n’empêche pas que le résultat est globalement positif avec notamment une propreté éloquente, des couleurs chatoyantes sur les séquences diurnes avec même quelques contrastes à l’avenant.
La version originale est proposée en DTS-HD Master Audio 5.1. Une spatialisation inespérée sur ce titre, mais qui finalement s’en tire pas trop mal en distillant ici et là quelques effets concrets et sympathiques aux moments opportuns. Même chose concernant le caisson de basses, qui intervient à bon escient, sans en faire trop. La piste française DTS-HD Master Audio 2.0 est forcément plus « plate », mais fait le maximum en délivrant les dialogues avec une certaine dynamique, des effets et une restitution de la musique clairs, tandis que les séquences agitées peuvent parfois étonnées avec leur rendu rentre-dedans.