CHARLIE ET SES DEUX NÉNETTES réalisé par Joël Séria, disponible en Blu-ray le 6 septembre 2023 chez Studiocanal.
Acteurs : Serge Sauvion, Jeanne Goupil, Nathalie Drivet, Jean-Pierre Marielle, André Lacombe, Jean Le Gall, Jean Mauvais, Annie Savarin…
Scénario : Joël Séria
Photographie : Marcel Combes
Musique : Philippe Sarde
Durée : 1h33
Date de sortie initiale : 1978
LE FILM
A la porte d’un bureau de placement, Charlie, 39 ans, fait la connaissance de Guislaine et de Josyane, deux jeunes cousines de 20 ans, coiffeuse pour l’une et vendeuse au chômage pour l’autre. Charlie, qui vit de petits boulots, les invite à boire quelque chose et se laisse aller aux confidences. Plus tard, elles le poussent à reprendre son activité : faire les marchés. S’ensuit une virée sur les routes de France…
Changement de registre complet pour Joël Séria (né en 1936), qui trois ans après Mais ne nous délivrez pas du mal revient derrière la caméra pour une petite chronique légère et insouciante intitulée Charlie et ses deux nénettes, toujours interprétée par celle qui allait devenir son épouse, Jeanne Goupil. Elle donne cette fois la réplique à Nathalie Drivet, qui avait été pressentie pour jouer dans le premier long-métrage du réalisateur et que l’on reverra également plus tard dans les mythiques Galettes de Pont-Aven, ainsi qu’à Serge Sauvion, qui accédait au haut de l’affiche après plus de vingt ans de cinéma. Représentatif de son époque, autrement dit après mai-68, Charlie et ses deux nénettes montre ce qui reste des idéaux des français au début des années 1970, pas grand-chose donc, un an avant l’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing. Les cinéphiles apprécieront aussi le film puisqu’il s’agit de la première collaboration entre Joël Séria et Jean-Pierre Marielle, qui se retrouveront à trois reprises pour Les Galettes de Pont-Aven (1975), … Comme la lune (1977) et Les Deux Crocodiles (1987). Une comédie teintée de gravité, ou un drame léger ? Charlie et ses deux nénettes est un peu tout ça et sans doute plus, car mine de rien une certaine mélancolie (mise en relief par le maestro Philippe Sarde) trotte longtemps en tête après et prouve que ses personnages sont aussi attachants que marquants. Et le charme subsiste.
Charlie, la quarantaine, sans emploi, sans spécialité, sans diplôme, fait la connaissance de Josyane, coiffeuse, et Guislaine, coiffeuse, deux jeunes cousines également au chômage et surtout inséparables. Ils décident tous trois de partir faire la tournée des marchés en banlieue et en province, pour vendre des toiles cirées. Les affaires vont bon train jusqu’à leur rencontre avec un autre forain, Tony, dont Josyane tombe amoureuse. Celle-ci s’enfuit avec Tony, laissant ses deux amis continuer seuls. Ghislaine, démoralisée par l’absence de sa cousine, persuade Charlie de regagner Paris.
Un quadra, célibataire, mais portant une alliance, fumant clope sur clope (des Gauloises précisément), le regard bas, paraissant fatigué de la vie. Celui-ci rencontre deux jolies poupées, toutes fraîches, la vie devant elles (elles ont moins de vingt ans et sont donc encore mineures), prenant tout à la rigolade, profitant de chaque instant comme s’il s’agissait du dernier jour de leur courte existence. Entre les trois, ça matche bien comme on dit de nos jours, sans se forcer ni arrière-pensée. Le hasard les réunit et va leur faire faire un bout de chemin ensemble, sans penser au lendemain ou si leur route les séparera définitivement. Joël Séria, épaulé par son chef opérateur Marcel Combes (Le Miraculé, N’oublie pas ton père au vestiaire, Prends ta Rolls…et va pointer !, La Nuit de la mort) captent ces instants de vérité, une authenticité, une liberté, une tendresse, mais aussi une simplicité, ce qui n’est jamais chose aisée car un procédé bien trop souvent artificiel. L’énergie des deux comédiennes est digne d’un petit cyclone, et toutes deux emportent Serge Sauvion (impeccable et bien sûr une voix à se damner) dans leur sillage, l’acteur se laissant doucement prendre par la main et même dans le lit de ces deux demoiselles. Nous ne verrons pas ce qui se déroule cette fameuse nuit, mais nous découvrirons juste que Josyane et Ghislaine, qui avaient revêtu une chemise de nuit avant de rejoindre Charlie dans son lit, se réveillent chacune chaleureusement enlacées par ce dernier, avant de se lever en tenue d’Eve. Mais cette fois encore, personne ne parlera ou tout du moins n’épiloguera pas sur ce qui s’est passé.
Ils reprennent leur bagnole comme si de rien n’était, puis font la rencontre du dénommé Tony, bonimenteur dont l’affaire tourne autour de la cathédrale de Chartres. La moustache fringante, rien d’étonnant puisqu’il s’agit du monstre Jean-Pierre Marielle, Tony fait visiter sa grande caravane aux deux nénettes, rejoint le trio au restaurant (« Dis-donc il est bon ce pinard ! ») et s’incruste dans cet équilibre. En dépit d’un bel accueil de la critique, Charlie et ses deux nénettes, que certains compareront justement avec le cinéma de Jacques Rozier, ne parviendra pas à attirer plus de 240.000 spectateurs. Le succès arrivera deux ans plus tard pour Joël Séria avec Les Galettes de Pont-Aven.
LE BLU-RAY
La collection Nos années 70 suite, avec la sortie en Blu-ray de Charlie et ses deux nénettes, probablement l’un des titres les plus obscurs de l’anthologie dirigée par Jérôme Wybon et sûrement l’une des plus jolies découvertes. Le disque repose dans un boîtier classique de couleur bleue, qui arbore la jaquette au visuel typique de la collection. L’ensemble est disposé dans un surétui cartonné du même acabit. Le menu principal est fixe et muet.
Jérôme Wybon nous présente Charlie et ses deux nénettes de Joël Séria, indiquant qu’il s’agit d’« un film en rupture avec son premier long-métrage, qui avait eu des problèmes avec la censure », tout en signalant que le réalisateur connaissait bien le monde des marchés de province, que le scénario avait été proposé à Jean-Paul Belmondo, puis à Marcel Bozzuffi. Le directeur de la collection mentionne aussi la première collaboration entre Joël Séria et Jean-Pierre Marielle, le casting, l’échec du film et le bonus qui accompagne cette édition (4’).
Après le film, n’hésitez pas à visionner le reportage sur le tournage (15’) retrouvé par Jérôme Wybon. Une belle plongée sur le plateau de Charlie et ses deux nénettes, où le réalisateur Joël Séria et le directeur de la photographie Marcel Combes s’expriment sur le film, parfois au cours d’un repas dans l’un des restaurants qui sert de décor dans une scène. Des images de tournage, des propos sans langue de bois (notamment sur les attaques et critiques reçues sur Mais ne nous délivrez pas du mal), de la bonne humeur, un vrai making of à ne pas rater.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Charlie et ses deux nénettes a été restauré en 4K en 2019. Cette édition HD restitue les partis pris concoctés par le réalisateur et son chef opérateur Marcel Combes. Des teintes pastel joliment bigarrées, dans les costumes et les décors. Quelques couleurs chaudes contrastent brillamment avec tout cela, même si le piqué est très souvent émoussé, avec un grain important sur certaines séquences. L’ensemble est joli à regarder, surtout les très nombreux gros plans des comédiens qu’affectionne tout particulièrement le cinéaste.
Le mixage français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Philippe Sarde dispose d’un très bel écrin. Présence de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Crédits images : © Studiocanal/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr