BUBBLE BATH (Habfürdő) réalisé par György Kovásznai, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 16 juin 2021 chez Extralucid Films.
Acteurs : Katalin Dobos, Katalin Bontovics, Albert Antalffy, István Wisinger, Anna Papp, Tamás Berki, Kornél Gelley, Lenke Lorán, Arany Szögi, Vera Venczel…
Scénario : György Kovásznai
Photographie : Árpád Lossonczy
Musique : János Másik
Durée : 1h17
Année de sortie : 1979
LE FILM
Un homme sur le point de se marier se rend compte qu’il est en fait amoureux de l’amie de sa fiancée.
Voilà un résumé de film simple, concis, efficace, rapide, sobre et il n’y a pas besoin de faire plus. Nous parlons ici de Bubble Bath, ou bien Habfürdö si vous parlez hongrois, ce qui est peu probable, ou bien encore Foam Bath, titre international alternatif. Bref, Le Bain de mousse est le seul long-métrage d’animation de György Kovásznai (1934-1983), peintre, musicien et réalisateur, ancien des Beaux-Arts de Budapest (où il est né), qui avait dû abandonner ses études à l’âge de 20 ans pour trouver du travail. Il devient alors mineur et découvre le monde ouvrier, ainsi que les désillusions, la fatigue, le renoncement, l’acceptation, la frustration qui l’accompagnent. S’il parvient à reprendre ses études, cela n’est que momentané, puisque György Kovásznai est renvoyé avant même d’être diplômé. A la fin des années 1950 et ce jusqu’en 1975, il devient rédacteur en chef et chroniqueur d’une importante revue hongroise artistique et littéraire, Nagyvilag. Il y publie des critiques et quelques-unes de ses œuvres picturales. Parallèlement, il organise des rassemblements artistiques alors peu autorisés et profite de ses contacts auprès d’écrivains et critiques littéraires. A la fin des années 1960, György Kovásznai commence à travailler au Pannonia Film Studio, le principal studio de cinéma d’animation de Hongrie. Il y officie premièrement en tant qu’auteur, mais devient très vite réalisateur de ses propres films. Jusqu’à sa mort prématurée à l’âge de 49 ans en 1983 (en raison d’une leucémie), György Kovásznai allait mettre en scène 26 courts-métrages, une mini-série télévisée et surtout un long-métrage d’animation musical, Bubble Bath. Ce dernier compile tout le génie et le talent de son auteur, mêlant à la fois l’animation traditionnelle, la stop-motion, le papier découpé et les séquences live. Vibrant, lumineux, explosif, magique, poétique, coloré comme un trip sous LSD, Bubble Bath convie le spectateur dans un monde unique et l’invite à s’y perdre, à laisser tomber ses repères, pour se laisser porter et entrer dans une danse étourdissante.
Trois ans avant de disparaître, György Kovásznai passait donc le cap du long-métrage avec Bubble Bath. Véritable expérience cinématographique, ce film complètement inclassable, demande au spectateur de lâcher prise et de se laisser aller au rythme cyclonique. Une fois l’audience conditionnée et emportée par ce typhon animé, en gros dès l’extraordinaire générique de début de film, Bubble Bath rend compte de l’imagination foisonnante du metteur en scène. Sans cesse en mouvement, les personnages, fébriles et dont l’agitation se reflète sur les costumes, en particulier celui zébré de Zsolt, sont montrés dans leurs doutes, dans leurs espoirs, dans leurs rêves déçus, dans leurs sentiments qui les étouffent et qu’ils n’arrivent pas forcément à exprimer. Les différentes chansons par lesquelles Aniko, Zsolt et Klari parviennent finalement à se dévoiler l’un à l’autre ou tout simplement à se confesser, sont toutes remarquables, dynamiques et entraînantes. L’émotion n’est jamais oubliée et, après un léger temps d’adaptation, on se prend d’affection pour les protagonistes, aussi bien pour leurs bons que pour leurs mauvais côtés.
Bubble Bath ne ressemble à aucun autre film d’animation que vous ayez pu voir dans votre vie. Si certains auront sans doute plus de mal avec quelques digressions dans un récit sans cesse éclaté qui symbolise finalement les états d’âme des personnages perdus dans un triangle amoureux, ainsi que dans les conditions sociales et politiques d’un pays – perdu entre le désir d’émancipation et le respect des traditions – totalement méconnu en France, ce long-métrage s’avère encore une sacrée claque quarante ans après sa sortie. Des années après sa mort, en gros depuis les années 1990-2000, György Kovásznai a connu un regain d’intérêt, au point d’être souvent célébré comme une icône nationale. Un téléfilm réalisé en 1997, Körúti esték a entre autres retracé sa vie, tandis que la Galerie Nationale Hongroise lui consacrait une première rétrospective en 2010, énorme succès critique et public, le peintre n’ayant jamais eu l’occasion d’exposer ses œuvres de son vivant. Il n’est donc pas trop tard, cela ne l’est jamais d’ailleurs, pour découvrir cet immense artiste en France et il est évident que cette magnifique édition Combo Blu-ray + DVD créée par l’éditeur ambitieux Extralucid Films participe à cet engouement.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Si vous voulez découvrir – nous ne saurons que trop vous le recommander – le catalogue complet de l’éditeur Extralucid Films, reportez vous à nos chroniques (en cliquant ici), puisque nous avons passé en revue chacun des douze titres de l’éditeur en question. Après Extra Culte et ExtraMonde, voici la nouvelle collection d’Extralucid Films, Extranimé ! Bubble Bath est le premier titre de cette nouvelle vague et à cette occasion, l’éditeur a concocté un merveilleux objet qui prend la forme d’un Digipack Pop-Up qui s’accorde avec le film de György Kovásznai ! Fastueusement illustré, ce Digipack est glissé dans un fourreau cartonné du même acabit et furieusement attractif. Le numéro 1 de la collection Extranimé est indiqué sur la tranche du coffret. Le menu principal est animé et musical.
En plus de la bande-annonce (étrangement disponible en version originale avec les sous-titres anglais en option), l’éditeur est allé à la rencontre de Denis Walgenwitz (24’). Le premier assistant de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi sur Persepolis (2007), lui-même réalisateur (Un amour de télés, Asylum: Twisted Horror and Fantasy Tales) et diplômé de l’Institut d’Arts Visuels d’Orléans, revient sur sa découverte (récente) de Bubble Bath, « un film hors-norme, total, extrêmement contemporain, où la mise en scène, le découpage, le scénario, l’animation et le graphisme sont traités de façon égalitaire ». Denis Walgenwitz croise à la fois le fond (une histoire de couple, le thème du statut social) et la forme (« une quantité de travail monstrueuse, une complexité de chaque instant, une prouesse d’animation, une mine inépuisable ») du film qui nous intéresse aujourd’hui, aborde le travail sur le son, les différents styles de musique, les effets électroniques, tout en valorisant cette liberté chère au cinéaste « de passer d’un élément purement graphique à un autre plus existentiel ». Il clôt cet entretien en donnant quelques clés au spectateur pour mieux apprécier Bubble Bath, « lâcher l’histoire pour se laisser aller aux images ».
L’Image et le son
Su-bli-me ! Entièrement restauré en 4K à partir du négatif original et d’une copie positive, Bubble Bath renaît purement et simplement de ses cendres ! L’équipe des magiciens du Film Archive & Filmlabor a ressuscité le film de György Kovásznai. Trois mois de travail acharné pour redonner à cette œuvre ses lettres de noblesse avec des couleurs lumineuses, un grain argentique du plus bel effet, des contrastes pointilleux et un relief de tous les instants. La propreté est mirifique, la copie d’une stabilité à toutes épreuves. C’est magnifique.
Rien à redire concernant l’unique piste audio hongroise DTS HD Master Audio 5.1, d’une fluidité et d’une propreté absolues, sans saturation ni craquements et encore moins de souffle intempestif. La musique est ici délivrée avec ardeur, tout comme les bruitages et les dialogues.