LE MOULIN DES SUPPLICES (Il Mulino delle donne di pietra) réalisé par Giorgio Ferroni, disponible le 16 avril 2019 en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films
Acteurs : Pierre Brice, Scilla Gabel, Dany Carrel, Wolfgang Preiss, Robert Boehme, Liana Orfei…
Scénario : Giorgio Ferroni, Remigio Del Grosso, Ugo Liberatore, Giorgio Stegani
Photographie : Pier Ludovico Pavoni
Musique : Carlo Innocenzi
Durée : 1h37
Année de sortie : 1960
LE FILM
Hans arrive dans une petite bourgade près d’Amsterdam dans le but d’y rencontrer le sculpteur Wahl. Ce dernier vit avec sa fille Elfie et le docteur Bolem dans un moulin reconverti en un macabre musée de cire. Un endroit que les gens du village ont surnommé « Le moulin aux femmes de pierre ». Mais alors qu’Elfie s’éprend de Hans, ce dernier découvre que le moulin cache un horrible secret, quelque chose qui pourrait lui faire perdre la raison à tout jamais…
Giorgio Ferroni (1908-1981), qui a aussi parfois signé ses films sous le pseudonyme de Calvin Jackson Padget, est un des plus grands spécialistes du bis italien. Suivant les modes, éclectique, insaisissable, capable de passer d’un genre à l’autre, du documentaire en passant par le film d’aventure, le drame néoréaliste, le péplum (La Guerre de Troie) ou bien encore le film fantastique et d’épouvante (La Nuit des Diables), sans oublier le western (Deux pistolets pour un lâche, Le Dollar troué), le cinéaste était sur tous les fronts. Le Moulin des supplices – Il Mulino delle donne di pietra, ou bien encore Mill of the Stone Women pour son exploitation internationale, est une des pierres fondatrices du cinéma de genre transalpin avec Le Masque du démon (La maschera del demonio) de Mario Bava et demeure le film le plus célèbre de son auteur. Près de soixante ans après sa sortie, ce chef d’oeuvre indiscutable reste une immense référence et son final s’inscrit dans toutes les mémoires.
Le jeune Hans Van Harnim est enchanté à l’idée d’étudier le remarquable carillon qu’abrite un vieux et mystérieux moulin situé en plein coeur de la campagne néerlandaise. Il est accueilli par le professeur Wahl, un sculpteur célèbre, sa fille, Elfi, atteinte d’un mal incurable, et le médecin qui la soigne, le docteur Bohlen. Elfi s’éprend immédiatement de Hans et se donne à lui sans attendre. Hans est rongé par le remords. C’est Liselotte, son amie d’enfance, qu’il aime. Lors d’une entrevue orageuse, Elfi meurt subitement. Traumatisé, Hans quitte le moulin. Victime d’un accès de fièvre, il s’alite. A son réveil, il apprend qu’Elfi est vivante…
Macabre et gothique, Le Moulin des supplices agit en deux temps. Le spectateur est tout d’abord transporté, happé par la beauté du cadre et la mise en scène de Giorgio Ferroni. Venu du cinéma néoréaliste, on lui doit également une adaptation du roman Sans famille d’Hector Malot en 1946, le cinéaste sort alors de dix ans de documentaires. Contre toute attente, il démarre les années 1960 par Le Moulin des supplices. Triomphe dans les salles, ce film sera le point de départ de la seconde partie de sa carrière. Durant les quinze années suivantes, Giorgio Ferroni se concentrera uniquement sur le cinéma d’exploitation. Le Moulin des supplices rend compte de son immense savoir-faire. Sa mise en scène exploite chaque recoin de son incroyable décor, tandis que la photographie signée Pier Ludovico Pavoni (Le Monstre aux yeux verts avec Michel Lemoine) réalisée en Eastmancolor, foudroie les yeux du début à la fin. Très inspiré par la peinture flamande, Giorgio Ferroni compose ainsi des tableaux, nappant ses plans d’un brouillard épais et d’un vent glacé. Jusqu’au dénouement où les flammes dévoilent les pires atrocités sur la musique lyrique de Carlo Innocenzi.
Au-delà de sa beauté graphique qui rappelle le travail du chef opérateur Jack Asher pour la Hammer, Le Moulin des supplices est encore un divertissement haut de gamme, mixant le film à enquête, la romance, le film fantastique avec l’ombre de Dracula qui plane une bonne partie du film, mais aussi le film d’épouvante. A ce titre, certaines séquences rappellent l’extraordinaire film de Georges Franju, Les Yeux sans visage, sorti la même année que Le Moulin des supplices. De là à dire que Giorgio Ferroni a dû découvrir vu ce chef d’oeuvre au moment où il tournait le sien il n’y a qu’un pas. Toutefois, Il Mulino delle donne di pietra, même si inspiré du mythique Masques de cire de Michael Curtiz (1933) et de son remake L’Homme au masque de cire (House of Wax) réalisé en 1953 et en relief stéréoscopique par André De Toth avec Vincent Price, Le Moulin des supplices trouve un ton qui lui est propre et crée alors un genre à part entière.
Co-production franco-italienne, le casting est composé de comédiens hexagonaux, Pierre Brice (l’inoubliable Apache Winnetou) et la mythique-sexy Dany Carrel, et d’acteurs italiens dont la sculpturale Scilla Gabel (Sodome et Gomorrhe de Robert Aldrich) et la rousse incendiaire Liana Orfei. Les allemands Herbert A.E. Böhme et Wolfgang Preiss (futur Dr. Mabuse) campent quant à eux le sculpteur Gregorius Wahl et le Dr Loren Bohlem. Un casting solide, des couleurs somptueuses, un rythme languissant et maîtrisé, des effets horrifiques percutants, Le Moulin des supplices est un carrousel sensoriel étourdissant.
LE BLU-RAY
Autant le dire d’emblée, oubliez l’édition DVD Neo Publishing et si vous êtes fans du Moulin des supplices, l’acquisition de cette édition collector, DVD + Blu-ray + Livre estampillée « Les chefs d’oeuvre du gothique » est évidemment indispensable. La beauté du Mediabook est évidente, en plus d’être douce au toucher, et l’objet trônera dans votre DVDthèque. Le menu principal est fixe et musical. Pas de chapitrage. Le film est présenté dans sa version intégrale non censurée.
Dans sa présentation de 43 minutes, l’historien du cinéma Alain Petit ne propose pas une analyse du Moulin des supplices, mais replace le film de Giorgio Ferroni dans l’histoire du cinéma d’exploitation italien. Du moins dans un premier temps. Moult titres de films sont donnés, le tout agrémenté d’affiches qui donnent sérieusement envie. Ensuite, l’invité d’Artus Films aborde la sortie du film avec ses différents montages selon les pays avec même deux versions italiennes qui diffèrent au niveau du son. Les scénaristes, les références, mais aussi le casting avec cette fois encore de nombreux titres évoqués, sans oublier la carrière du réalisateur, les décors, la musique, la photographie sont passés au crible durant cette présentation qui fait l’effet d’une petite masterclass privée.
Profitons-en pour dire que tous les propos d’Alain Petit sont tous repris dans le livret de 64 pages, signé par l’historien du cinéma lui-même, intitulé Le Moulin des femmes de pierre. Un superbe Mediabook constitué de photos et d’affiches, d’un retour sur la genèse du film, sur sa production, sur l’écriture du scénario, sur les différents montages, une bio/filmo consacrée à Giorgio Ferroni et bien d’autres éléments dont un retour complet sur les films d’horreur prenant pour décor un musée de cire.
Retournez ensuite aux bonus vidéo et sélectionnez l’interview de la comédienne Liana Orfei (25’30). Enfin avant d’être actrice, Lianna Orfei est avant tout artiste de cirque comme elle le rappelle au cours de cet entretien très sympathique dans lequel elle explique comment elle a été repérée par un agent (Federico Fellini était d’ailleurs de la partie) pour faire du cinéma. Après avoir parlé des conditions de tournage dans les studios de Cinecittà, du théâtre et de ses 56 films, Liana Orfei en vient plus précisément au Moulin des supplices, dont elle garde un beau souvenir, comme le tournage d’une scène (finalement coupée au montage) avec le très jeune Mario Girotti, qui allait devenir très célèbre sous le pseudo de Terence Hill. Parallèlement, l’historien du cinéma Fabio Melelli donne quelques indications sur le film de Giorgio Ferroni.
Pour illustrer certains propos d’Alain Petit, l’éditeur propose de découvrir quelques éléments alternatifs présents dans les montages italiens et américains, comme certains inserts réalisés dans la langue correspondante.
L’interactivité se clôt sur un diaporama et la bande-annonce (en anglais).
L’Image et le son
Voici la version intégrale du Moulin des supplices, proposée dans un master HD au format 1080p. Présenté dans son format respecté 1.66, le film de Giorgio Ferroni a été « reconstitué » à partir de sources diverses. Si les coutures de ce patchwork sont souvent visibles avec des sautes chromatiques, un piqué aléatoire et une gestion des contrastes parfois brinquebalante, le grain cinéma est doux, les scories limitées et la stabilité de mise. Reste maintenant la question que beaucoup de cinéphiles risquent de se poser, à savoir pourquoi Artus Films n’a pas décidé de proposer les trois différents montages existants du Moulin du supplice, plutôt que de nous imposer cette version qui rappellera à certains le seamless branching.
Trois versions sont proposées en LPCM mono ! Privilégiez forcément la langue italienne, la plus riche et dynamique du lot, même si la scène où Liselotte raconte sa rencontre avec Hans, uniquement disponible dans le montage français (pourtant amputé d’autres séquences), passe directement dans la langue de Molière, avec la véritable voix de Dany Carrel donc. Une séquence coupée en Italie probablement en raison de la présence d’automobiles visibles en arrière-plan dans les rues d’Amsterdam ! Signalons d’ailleurs que cette scène est probablement la plus mal définie du lot. Le doublage français est honnête, mais peu aidé par des craquements et un souffle parasite. Quant à la piste anglaise, elle est absolument à éviter.