UN TRAITRE IDEAL (Our kind of Traitor)réalisé par Susanna White,disponible en Blu-ray et DVD le 25 octobre 2016 chez Studiocanal
Acteurs : Ewan McGregor, Stellan Skarsgård, Damian Lewis, Naomie Harris, Jeremy Northam, Mark Gatiss…
Scénario : Hossein Amini, d’après le roman Un traître à notre goût de John le Carré
Photographie : Anthony Dod Mantle
Musique : Marcelo Zarvos
Durée : 1h47
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
En vacances à Marrakech, un couple d’Anglais, Perry et Gail, se lie d’amitié avec un millionnaire russe nommé Dima. Ils ignorent que cet homme charismatique et extravagant blanchit l’argent de la mafia russe… Lorsque Dima demande leur aide pour livrer des informations explosives aux services secrets britanniques, la vie de Perry et Gail bascule. À travers toute l’Europe, ils se retrouvent plongés dans un monde de manipulation et de danger où chaque faux pas peut leur coûter la vie. Pour avoir une chance de s’en sortir, ils vont devoir faire équipe avec un agent anglais aux méthodes vraiment particulières…
Le romancier John le Carré a travaillé pour les services secrets britanniques dans les années 50 et 60. L’auteur de L’Espion qui venait du froid, adapté dès 1965 par Martin Ritt avec Richard Burton, est certes le mieux placé pour décrire le monde des agents qu’il a côtoyés mais, une chose est certaine, c’est que ses histoires sont loin d’être aussi «explosives» qu’un James Bond. Pourtant, moult cinéastes se sont essayés à la transposition de cet univers glacial. Martin Ritt donc, mais aussi Sidney Lumet avec MI5 demande protection (1966), Frank Pierson avec Le Miroir aux espions (1969), George Roy Hill avec La Petite Fille au tambour (1984), Fred Schepisi avec La Maison Russie (1990) porté par Sean Connery et Michelle Pfeiffer. Il faudra attendre les années 2000 pour que les scénaristes jettent à nouveau leur dévolu sur les romans de John le Carré. John Boorman avec Le Tailleur de Panama (2001), Fernando Meirelles avec The Constant Gardener (2005), probablement la plus belle et intense transposition à l’écran de le Carré, Tomas Alfredson avec La Taupe (2011), largement surestimé, sans oublier le talentueux Anton Corbijn avec le passionnant Un homme très recherché (2013), avec le regretté Philip Seymour Hoffman, dans sa dernière très grande prestation. Un traître idéal est adapté du roman Un traître à notre goût, publié en 2011.
Derrière la caméra, la réalisatrice britannique Susanna White, connue pour les mini-séries Jane Eyre (2006) et Parade’s End (2012), et dont la seule incursion au cinéma demeurait jusqu’alors le sympathique Nanny McPhee et le Big Bang en 2010. Sur un scénario d’Hossein Amini (Drive, Blanche-Neige et le Chasseur), la cinéaste livre une élégante transposition, qui repose avant tout sur ses stars, Ewan McGregor, Naomie Harris, Stellan Skarsgård et Damian Lewis. Les deux premiers interprètent Perry et Gail, un couple britannique, qui passent quelques jours à Marrakech pour essayer de reconsolider leur union. Un soir, Perry rencontre un certain Dima (Skarsgård, tatoué et l’accent soviétique imbibé de vodka), alors que Gail doit s’absenter pour son travail. Perry se lie rapidement avec ce mystérieux russe. Il va rapidement découvrir qu’il blanchit de l’argent pour la mafia soviétique. Contre toute attente, Dima demande à Perry de remettre une clef USB au MI6 lors de son retour à Londres. Dima souhaite livrer des informations explosives aux services secrets britanniques en échange de la protection de sa famille. Perry et Gail sont alors embarqués dans cette affaire, qui les mène entre Paris et Berne, sous la surveillance de l’agent Hector (Lewis), qui se retrouve face à sa hiérarchie. Intègre, il souhaite à la fois aider Dima et sa famille, mais également faire tomber les grosses pointures à qui profite l’argent sale.
Les ingrédients récurrents et chers à le Carré sont bel et bien présents : corruption des élites politiques et administratives des pays occidentaux, blanchiment international de l’argent sale introduit dans les grands groupes financiers (ici à Londres et la City avec l’accord du ministre des finances britannique). Mouvements de capitaux, argent sale, mafia russe, corruption, tout y est ! Un traître idéal est un film d’espionnage bien troussé et interprété, même si certains partis pris esthétiques – pourquoi cette photo jaunâtre ??? – n’emportent guère l’adhésion. Heureusement, l’essentiel est ailleurs et les acteurs connaissent leur boulot. On s’attache très vite aux personnages, y compris celui campé par Stellan Skarsgård, spécialiste du blanchiment d’argent de la mafia russe, repenti, qui souhaite mettre sa famille à l’abri par tous les moyens. Ewan McGregor apparaît un peu éteint dans le rôle de « l’homme dans la foule », ici un professeur de lettres, qui se retrouve impliqué malgré lui dans une affaire de crime international. Heureusement, la belle et talentueuse Naomie Harris (Moneypenny de l’ère James Bond – Daniel Craig) relève le niveau de son partenaire, tout comme Damian Lewis, que l’on verrait bien endosser le smoking de 007, impeccable et élégant.
D’ailleurs, le film ne manque pas de classe, malgré la photo un peu douteuse. Susanna White s’en tire très bien et concocte un thriller entre feu et glace qui fonctionne, qui divertit sans prendre des airs hautains comme certaines autres adaptations de le Carré. Classique, mais efficace donc.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray d’Un traître idéal, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est étonnamment fixe et muet.
C’est ce qui s’appelle une « sortie technique » puisque l’éditeur ne livre que deux petites featurettes de 3 minutes. La première est consacrée aux comédiens et à la réalisatrice qui racontent quasiment toute l’histoire du film, tandis que la seconde fait un focus sur le casting. De rapides images du tournage montrent l’envers du décor, mais ces deux modules n’ont strictement aucun intérêt.
L’Image et le son
Bien que le film soit passé complètement inaperçu dans les salles, Studiocanal prend soin du thriller de Susanna White et livre un master HD au format 1080p, irréprochable et au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques originales, la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes chaudes, ambrées et dorées (des filtres orangés pour résumer), puis la partie bleutée et métallique de la partie anglaise, le tout étant soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, les arrière-plans sont magnifiquement détaillés, la colorimétrie est joliment laquée, le relief omniprésent et les détails foisonnants sur le cadre large. Un service après-vente remarquable.
Les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique. Quelques ambiances naturelles percent les enceintes latérales sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue s’effectue via le menu contextuel. L’éditeur joint également une piste en audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.
LA PETITE VOLEUSEréalisé par Claude Miller,disponible en Blu-ray et DVD le 25 octobre2016 chez TF1 Vidéo
Acteurs : Charlotte Gainsbourg, Didier Bezace, Simon de La Brosse, Clotilde de Bayser, Raoul Billerey, Chantal Banlier, Nathalie Cardone…
Scénario : Claude Miller, Luc Béraud, Annie Miller d’après une histoire originale de François Truffaut et Claude de Givray
Photographie : Dominique Chapuis
Musique : Alain Jomy
Durée : 1h36
Date de sortie initiale: 1988
LE FILM
Une petite ville du centre de la France dans les années cinquante. Janine en sortant de l’école vole un paquet de cigarettes dans une voiture de l’armée américaine et un vêtement aux « Folies de Paris ». Le directeur de cet établissement arrive chez ses parents adoptifs et découvre le butin. Un jour, Janine rencontre Raoul, jeune couvreur, en train de voler. La complicité, puis l’amour va lier ces deux jeunes gens en rébellion contre leur monde.
En juillet 1983, François Truffaut travaille sur le scénario de La Petite voleuse, quand il est victime d’une première attaque cérébrale. Il est atteint d’une tumeur, qui l’affaiblira de plus en plus. Le cinéaste s’éteint le 21 octobre 1984 à l’âge de 52 ans. Ami cinéphile de François Truffaut et surtout directeur de production de La Sirène du Mississippi (1969) à L’Histoire d’Adèle H. (1975), Claude Miller décide après le triomphe de L’Effrontée, de reprendre le scénario coécrit par François Truffaut et Claude de Givray, et de l’adapter avec l’aide de sa femme Annie et de Luc Béraud. Pour ce pendant féminin des 400 coups, le réalisateur jette une fois de plus son dévolu sur Charlotte Gainsbourg. Du haut de ses 17 ans, elle porte désormais entièrement le film sur ses épaules. Bien qu’elle se défende face aux journalistes de ne pas penser à devenir actrice, force est de constater que Charlotte Gainsbourg est devenue une comédienne professionnelle en peu de temps et son talent éclate une fois de plus à l’écran à travers le rôle de Janine Castang.
En 1950, dans une petite bourgade paumée du centre de la France, cette adolescente, fruit d’une liaison entre une mère qui l’a abandonné sans explication il y a cinq ans et un officier allemand qu’elle n’a pas connu, Janine est élevée par son oncle (Raoul Billerey) et sa tante ingrate (Chantal Banlier) qui la laissent vivre et se débrouiller seule. A l’instar du personnage de Charlotte dans L’Effrontée, Janine Castang (qui a d’ailleurs le même nom de famille que Charlotte) étouffe dans cette petite maison en ruines, mais aussi à l’école et rêve de liberté. Pour tromper son ennui, elle vole tout ce qui se présente à elle, des cigarettes, de la lingerie fine, des bijoux, tout ce qui peut lui donner l’impression d’être déjà la femme qu’elle souhaite devenir, pour accélérer le temps. Elle fréquente aussi le cinéma (comme Antoine Doinel), avec une prédilection pour les histoires d’amour et les opérettes. Un soir, elle s’endort (ou feint de s’endormir ?) sur l’épaule de Michel (superbe Didier Bezace), un poète et musicien, marié et père d’une jeune fille qui a le même âge que Janine. Ils font connaissance. Janine s’éprend très vite de cet homme qui visiblement connaît tout de la vie et qui en parle bien. Si Michel est très vite attiré par Janine, c’est cette dernière qui fera le premier pas et le couple commence à se fréquenter.
Janine souhaite devenir une femme et devenir indépendante. Elle trouve un travail de bonne chez un couple bourgeois. Mais si Janine commence à déambuler dans le monde qu’elle s’est longtemps imaginée, elle souhaite également en devenir une des actrices principales. Elle rencontre alors Raoul (Simon de La Brosse), également voleur à ses heures. Les deux jeunes gens se trouvent et Janine, pour la première fois de sa vie, tombe réellement amoureuse. Mais combien de temps encore peut-elle s’obstiner à vouloir aller plus vite que la vie ?
Magnétique, drôle et bouleversante, Charlotte Gainsbourg accroche la pellicule, tout comme ses partenaires, Didier Bezace et Simon de La Brosse. L’écriture est délicate, la reconstitution des années 1950 est soignée, les dialogues percutants. Une actrice née sous nos yeux. Charlotte Gainsbourg réalise sa première performance et même si sa vraie personnalité est encore visible, Janine Castang est son premier vrai personnage original. Les spectateurs suivent émus cette jeune femme, immédiatement attachante, découvrir l’amour, la sexualité, le monde du travail, l’amitié, l’entraide, à travers un récit d’apprentissage doux, pudique, parfois cruel, toujours humain. Claude Miller parvient à s’approprier l’histoire originale de François Truffaut, tout en rendant quelques hommages au cinéma de ce dernier à travers quelques clins d’oeil. La Petite voleuse sort juste avant Noël 1988. S’il ne connaît pas le même succès que L’Effrontée, le film réalise tout de même un score fort honorable d’1,8 millions d’entrées.
LE BLU-RAY
Contrairement aux éditions Blu-ray de Garde à vue et de Mortelle randonnée, et à l’instar de celle de L’Effrontée, l’édition Blu-ray de La Petite voleuses’avère plus basique puisque le disque repose dans un boîtier classique de couleur bleue. Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur une séquence du film.
On commence les suppléments par le documentaire rétrospectif de 25 minutes intitulé Sur les traces de François Truffaut, coréalisé par Olivier Curchod et Luc Béraud. Ce dernier, collaborateur et ami de Claude Miller, également coscénariste de La Petite voleuse, intervient dans ce module. Il semble que les protagonistes n’aient pas grand-chose à dire ici, surtout que la réalisation de ce documentaire s’avère bien plate et basique. Nous retrouvons Nathan Miller, fils de Claude Miller, assistant-réalisateur sur La Petite voleuse, Annie Miller (la femme du cinéaste et coscénariste), Jean-Louis Livi (producteur), Guillaume Schiffman (deuxième assistant caméra), Jacqueline Bouchard (costumière), Alain Jomy (compositeur) et Nadine Muse (monteuse son).
Les intervenants ont l’air parfois gênés d’évoquer ce film, surtout quand on leur demande ce qui appartient à François Truffaut (qui a écrit le scénario original et qui aurait fait ce film s’il n’était pas tombé gravement malade) ou à Claude Miller. Du coup, les propos manquent souvent d’intérêt. Chacun évoque un tournage très agréable malgré une production plus lourde en raison du caractère « historique » et des reconstitutions nécessaires. La production, les conditions des prises de vues, le casting (avec évidemment le retour de Charlotte Gainsbourg) et la création de l’affiche sont abordés, mais sans véritable entrain.
De son côté, le réalisateur Stéphane Brizé (Je ne suis pas là pour être aimé, Mademoiselle Chambon, La Loi du marché) se penche sur la psychologie des personnages dans le cinéma de Claude Miller (8’). Pour lui, La Petite voleuse fait écho à L’Effrontée et à Thérèse Desqueyroux avec cette jeune femme « qui refuse sa condition et qui n’accepte pas le monde étroit dans lequel elle vit ». Brizé évoque ensuite le thème récurrent de l’abandon dans les films de Miller, puis se penche un peu plus sur le jeu de Charlotte Gainsbourg qui l’impressionne toujours autant.
Après avoir partagé ses souvenirs pour L’Effrontée, Charlotte Gainsbourg revient ici sur La Petite voleuse (17’), film pour lequel elle a refusé une proposition de Miloš Forman. Dans cette interview divisée en « 10 chapitres », la comédienne déclare n’avoir jamais lu le scénario original de François Truffaut, parle des essayages des costumes, de sa relation avec Claude Miller (« plus professionnelle que sur L’Effrontée »), le travail avec ses partenaires et le chef opérateur. Charlotte Gainsbourg semble nostalgique de la façon dont on faisait du cinéma à l’époque, quand « le réalisateur était derrière la caméra et pas dans un coin dissimulé derrière son combo ».
L’Image et le son
Le master HD de La Petite voleuse tient ses promesses, même si le Blu-ray demeure parfois perfectible. La restauration est très appréciable et rares sont les tâches subsistantes. Toutefois, seules les séquences tournées en extérieur demeurent les plus lumineuses de ce transfert. La profondeur de champ déçoit quelque peu, le piqué est moins pointu sur les scènes en intérieur et les noirs manquent de consistance. Le grain original est heureusement conservé et bien géré. Beaucoup de séquences sortent du lot et font honneur au support. La colorimétrie retrouve une nouvelle fraîcheur, le relief des matières est palpable, le rendu des visages est plaisant et les fourmillements limités grâce à un encodage AVC de fort bon aloi. Quant aux contrastes, ils demeurent plutôt solides pour un rendu homogène.
Ce mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un confort acoustique probant, riche et solide. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, sans souffle parasite. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.
MARIE-OCTOBREréalisé par Julien Duvivier,disponible en Combo Collector Blu-ray + DVD le 7 décembre2016 chez Pathé
Acteurs : Danielle Darrieux, Paul Meurisse, Bernard Blier, Lino Ventura, Noël Roquevert, Robert Dalban, Paul Frankeur, Serge Reggiani, Daniel Ivernel, Jeanne Fusier-Gir, Paul Guers
Scénario : Julien Duvivier d’après le roman Marie-Octobre de Jacques Robert
Photographie : Robert Lefebvre
Musique : Jean Yatove
Durée : 1h30
Date de sortie initiale: 1959
LE FILM
Marie-Hélène Dumoulin, patronne d’une maison de couture, était Marie-Octobre pendant la guerre. Membre d’un groupe de résistants, elle a vu son chef et amant Castille arrêté et exécuté par les Allemands. Quinze ans plus tard, elle apprend que le réseau avait été dénoncé par l’un des siens. Elle réunit tous les survivants pour un dîner, bien décidée à démasquer le traître.
Imaginez un film dans lequel seraient réunis les comédiens prestigieux Danielle Darrieux, Paul Meurisse, Bernard Blier, Lino Ventura, Noël Roquevert, Robert Dalban, Paul Frankeur, Serge Reggiani, Daniel Ivernel, Jeanne Fusier-Gir et Paul Guers. Un casting de rêve qui est pourtant bien celui de Marie-Octobre, réalisé par Julien Duvivier (1896-1967) en 1958. Le metteur en scène de Pépé le Moko, La Fin du jour, Voici le temps des assassins et de La Belle équipe venait d’être marqué par 12 hommes en colère, tout juste réalisé par Sidney Lumet et souhaitait trouver une histoire qui lui permette de réunir une brochette de comédiens dans un espace réduit. Cinéaste du pessimisme et de la noirceur de l’âme humaine, Julien Duvivier trouve dans le roman Marie-Octobre de Jacques Robert, les éléments adéquats. Cependant, trouvant l’ouvrage trop inscrit dans son époque (1948), le réalisateur remanie le roman original et demande à son fidèle collaborateur Henri Jeanson de signer les dialogues qu’il souhaite plus incisifs.
Marie-Octobre est un pur exercice de style : 11 personnages, 9 hommes, anciens résistants et 2 femmes, Marie-Octobre qui s’occupait du réseau avec Castille, exécuté par la Gestapo, et Victorine sa vieille gouvernante. Une intrigue qui respecte l’unité de lieu, de temps et d’action, autrement dit une maison cossue avec un grand salon au plafond bas, le temps d’une soirée, avec des échanges ininterrompus entre plusieurs individus. Sous l’égide de Marie-Hélène Dumoulin dite « Marie-Octobre » (Danielle Darrieux), directrice d’une maison de couture et de l’industriel François Renaud-Picart (Paul Meurisse), Julien Simoneau, avocat pénaliste (Bernard Blier), Carlo Bernardi, patron d’une boîte de strip-tease (Lino Ventura), Étienne Vandamme, contrôleur des contributions (Noël Roquevert), Léon Blanchet, serrurier plombier (Robert Dalban), Lucien Marinval, boucher mandataire aux Halles (Paul Frankeur), Antoine Rougier, imprimeur (Serge Reggiani), Yves Le Gueven, prêtre (Paul Guers) et Robert Thibaud, médecin-accoucheur (Daniel Ivernel) sont invités pour un dîner préparé par Victorine (Jeanne Fusier-Gir), qui scelle leurs retrouvailles. Il y a quinze ans, ces hommes et cette femme formaient un réseau de Résistance que dirigeait alors Castille, mort sous les balles de la Gestapo dans ce salon même où ils lui rendent hommage.
Après le dîner, alors que le digestif et le café les apaisent, ces hommes sont invités à se réunir dans le grand salon qui servait alors de quartier général au réseau. Marie-Octobre et Renaud-Picart leur apprennent alors la véritable raison de cette soirée. Un traitre se cache parmi eux, celui qui en août 1944 a balancé le réseau aux allemands et qui se trouve par conséquent être le responsable de la mort de Castille. Les masques tombent, tous les coups sont permis. Les rancunes refont surface, les accusations commencent à pleuvoir, tout comme les secrets enfouis, les suspicions, les compromissions avec l’occupant. Une chose est sûre, le traitre sera démasqué avant l’aube et ne sortira pas vivant de cette maison.
Alors que la Nouvelle vague pointe son nez et s’en prend violemment à ce « cinéma poussiéreux », Julien Duvivier démontre qu’il en a encore sérieusement sous le capot. Marie-Octobre est un très grand huis clos. La fluidité de la mise en scène, la photographie oppressante, l’excellence de l’interprétation et le montage percutant ne laissent aucune place à l’ennui. On admire la maîtrise de la technique et du langage cinématographique de Duvivier, tout comme les confrontations des monstres sacrés qui se renvoient la balle mouillée d’acide dans une remarquable partie de ping-pong verbal. Si le dispositif demeure proche du théâtre, Marie-Octobre échappe à ces limites imposées à travers une mise en scène inspirée, par ailleurs préparée bien en amont par le cinéaste avec quelques maquettes et des figurines en carton. Duvivier avait d’ailleurs tellement peaufiné ses plans et le montage que les prises de vues ont été réalisées en trois semaines seulement, du 17 novembre au 10 décembre 1958, dans un décor unique, dans l’ordre chronologique et sans que les comédiens eux-mêmes ne sachent qui était le coupable avant le dernier jour de tournage.
Les corps, tout comme la caméra, se déplacent sans cesse, créant ainsi une valse des sentiments, tout d’abord légère quand les anciens résistants se retrouvent, puis qui se fait plus grave au fur et à mesure que la tension se resserre à cause de la peur et de l’issue qui semble fatale. Marie-Octobre est un film ingénieux, formidable, souvent captivant, même si finalement la révélation n’en est guère une et manque de puissance, malgré les doutes qui ne cessent de passer d’un personnage à l’autre. Sans doute parce que ce qui intéresse Julien Duvivier est ailleurs, comme les petites bassesses auxquelles se sont livrés ces hommes pourtant considérés comme des héros, comme quoi personne n’est parfait, surtout quand l’argent ou l’amour sont de la partie. Mais puisqu’un homme (ou une femme) doit payer pour ses fautes, autant qu’il/qu’elle serve d’exutoire pour les autres et que le spectateur serve de douzième homme pour composer un vrai jury.
Marie-Octobre demeure une référence du whodunit à la française, qui inspirera d’ailleurs François Ozon pour 8 femmes, pour lequel Danielle Darrieux fait d’ailleurs le lien avec le film de Duvivier. Entre Dix petits nègres et une bonne partie de Cluedo (un tel, dans le grand salon avec le revolver), Marie-Octobre, grand succès de l’année 1959 avec 2,6 millions d’entrées, est une œuvre à redécouvrir et à réhabiliter.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Marie-Octobrea été réalisé à partir d’un check-disc. Le Blu-ray et le DVD reposent dans un Digipack dans la collection Version restaurée par Pathé, glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est très élégant, animé sur une des séquences du film.
A l’instar des segments réalisés pour les éditions Blu-ray+DVD de Voici le temps des assassins, La Belle équipe et La Fin du jour sorties en juin 2016, celui de Marie-Octobre est signé Jérôme Wybon. Ce documentaire judicieusement intitulé Une femme en colère(17’), est composé d’entretiens avec Eric Bonnefille (auteur de Julien Duvivier – Le mal aimant du cinéma français), Hubert Niogret (auteur de Julien Duvivier – 50 ans de cinéma) et des archives montrant Danielle Darrieux qui évoque le prochain tournage de Marie-Octobre et d’autres images provenant d’une interview d’Henri Jeanson dans laquelle le dialoguiste explique ses rapports avec Julien Duvivier, « un personnage grognon et désagréable, n’ayant pas de conversation ».
Les deux spécialistes ès Duvivier replacent Marie-Octobre dans la filmographie éclectique du cinéaste et ne manquent pas de raconter quelques souvenirs liés à la production comme la genèse du film, la libre adaptation du roman de Jacques Robert, la minutieuse préparation du film, les conditions de tournage. Les thèmes de Marie-Octobre sont ensuite analysés, notamment la façon dont Duvivier aborde la face sombre et finalement « humaine » de ces héros de la Résistance. Enfin, l’accueil du film est évoqué, tout comme les attaques virulentes de Jean-Luc Godard envers le cinéma de Julien Duvivier.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Force est de constater que nous n’avions jamais vu Marie-Octobre dans de telles conditions. Les contrastes affichent une densité inédite, les noirs sont denses, la palette de gris riche et les blancs lumineux. Seul le générique apparaît peut-être moins aiguisé, mais le reste affiche une stabilité exemplaire ! Les arrière-plans sont bien gérés, le grain original est respecté, le piqué est souvent dingue et les détails regorgent sur les visages des comédiens. La restauration 2K du film effectuée en 2016 par l’Immagine Ritrovata de la Cineteca di Bologna. Celle-ci se révèle extraordinaire, aucune scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’encodage AVC consolide l’ensemble avec brio du début à la fin, le relief des matières est palpable. La photo est resplendissante et le cadre au format respecté, brille de mille feux. Ce master très élégant permet de redécouvrir ce très grand classique dans une qualité technique admirable.
Egalement restaurée, la piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un haut confort acoustique avec des dialogues percutants. Aucun souffle sporadique ni aucune saturation ne sont à déplorer. L’éditeur joint également une piste Audiovision, ainsi que les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.
LOVE & FRIENDSHIPréalisé par Whit Stillman,disponible en DVD et Blu-ray le 2 novembre2016 chez Blaq Oout
Acteurs : Kate Beckinsal, Chloé Sevigny, Tom Bennett, Jenn Murray, Lochlann O’Mearáin, Sophie Radermacher…
Scénario : Whit Stillman, d’après le roman Love & Friendship de Jane Austen
Photographie : Richard Van Oosterhout
Musique : Benjamin Esdraffo
Durée : 1h33
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Angleterre, fin du XVIIIe siècle : Lady Susan Vernon est une jeune veuve dont la beauté et le pouvoir de séduction font frémir la haute société. Sa réputation et sa situation financière se dégradant, elle se met en quête de riches époux, pour elle et sa fille adolescente. Épaulée dans ses intrigues par sa meilleure amie Alicia, une Américaine en exil, Lady Susan Vernon devra déployer des trésors d’ingéniosité et de duplicité pour parvenir à ses fins, en ménageant deux prétendants : le charmant Reginald et Sir James Martin, un aristocrate fortuné mais prodigieusement stupide…
En 2011, soit 13 ans après son dernier film The Last Days of Disco (1998), le cinéaste Whit Stillman signait son retour derrière la caméra avec Damsels in Distress. Metropolitan (1990) avait fait de lui l’un des réalisateurs du cinéma indépendant les plus en vue et s’était vu auréolé d’une nomination pour l’Oscar du meilleur scénario original en 1991. Après Les Derniers jours du disco, le réalisateur américain s’était trouvé en manque d’inspiration. Parallèlement à la novélisation de son précédent long métrage, Whit Stillman, installé à Paris, travaille sur l’adaptation de Lady Susan, un roman de jeunesse épistolaire méconnu écrit (et inachevé) par Jane Austen à la fin du XVIIIe siècle, mais publié vers 1870.
Nous sommes en 2003 et Whit Stillman souhaite confier le rôle principal à la comédienne britannique Kate Beckinsale, qu’il avait dirigée dans The Last Days of Disco. Mais l’actrice âgée de 25 ans était encore bien trop jeune pour incarner Lady Susan Vernon. Les années passent, Damsels in Distress sort sur les écrans et Whit Stillman peut enfin se concentrer sur cette libre transposition. Love & Friendship est caractéristique du réalisateur. Une comédie quasi inclassable qui se déroule dans l’Angleterre du XVIIIe et prenant pour cible un groupe de personnages dont la plupart voient leurs repères ébranlés et bouleversés par l’arrivée d’une femme, veuve, précédée d’une réputation peu flatteuse, à la recherche d’un nouvel époux fortuné, tout en cherchant à marier sa propre fille. Tous les coups sont permis, mais en restant classe bien entendu et en tâchant d’éveiller le moins possible les soupçons de son ex-belle famille.
Comme souvent chez Whit Stillman, il faut s’armer de patience pour pouvoir entrer véritablement dans l’univers qu’il nous dépeint et même certains spectateurs risquent de passer complètement à côté en raison de son abondance des dialogues et de personnages multiples qui se croisent et s’entrecroisent entre rires et pleurs, calèches qui stoppent et qui s’ébranlent, prétendants qui arrivent le sourire aux lèvres et qui repartent la queue entre les jambes. Malgré une présentation drôle, intelligente et théâtrale des protagonistes principaux, il n’est pas certain de parvenir à tous les relier entre eux. Mais pour les spectateurs les plus investis,Love & Friendship apparaîtra comme une vraie comédie finaude, charmante, sophistiquée et singulière, qui certes repose plus sur l’énergie, l’immense talent et le charisme de ses interprètes que sur son histoire à tiroirs proprement dite. Les spectateurs habitués aux adaptations des œuvres de Jane Austen, pour la télévision et le cinéma, vont sans doute être bousculés puisque le ton est ici drôle, cynique, ironique et décalé, bref un excellent remède contre la morosité.
Les dialogues, certes omniprésents, sont déclamés à une vitesse folle par les acteurs, sublimes, où trône la merveilleuse Kate Beckinsale, formidable en garce pourtant attachante, que nous n’avions pas vue à pareille fête depuis…toujours ? Par conséquent, l’audience est emportée par ce cyclone de femmes opportunistes issues de la petite bourgeoisie déchue, qui s’attaquent à la fortune des autres pour pouvoir survivre. Kate Beckinsale retrouve Chloë Sevigny, sa partenaire des Derniers jours du Disco, et donne la formidable réplique à une ribambelle de comédiens (Stephen Fry, Xavier Samuell et la révélation Tom Bennett) en très grande forme, pour ne pas dire exceptionnels, qui prennent un plaisir évident à se renvoyer la balle.
Tous les thèmes récurrents de l’oeuvre de Jane Austen, y compris les émois et les tourments des personnages sont bel et bien présents, mais le ton, ouvertement cynique est radicalement différent. Love & Friendship est donc une vraie comédie menée à cent à l’heure (le tournage s’est d’ailleurs déroulé en 26 jours seulement), élégante, raffinée, intelligente etfollement moderne. Un vrai régal.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Love & Friendship, disponible chez Blaq Out, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est élégant, animé et musical.
Voici une édition soignée avec quelques suppléments fort sympathiques à se mettre sous la dent.
On commence par un entretien avec le réalisateur Whit Stillman (11′) qui revient dans un premier temps sur la longue gestation de Love & Friendship, projet qui remonte à 2003 et pour lequel il voulait déjà Kate Beckinsale dans le rôle principal. La trouvant encore trop jeune à l’époque, le film est ensuite resté dans les tiroirs, à une époque où le cinéaste se trouvait en panne d’inspiration après son dernier film Les Derniers jours du disco en 1998. Après son comeback en 2011 avec Damsels in distress, Whit Stillman peut enfin se consacrer à cette libre adaptation de Jane Austen. Il indique ensuite la difficulté d’adaptation de cette œuvre épistolaire et évoque son humour inattendu (qu’il compare à celui d’Oscar Wilde). Les personnages sont passés au peigne fin, tandis que le réalisateur avoue son attachement aux écrits de Jane Austen en rappelant qu’on lui avait proposé l’adaptation de Raisons et sentiments, finalement réalisé par Ang Lee en 1995.
C’est au tour de Sophie Demir, docteur en littérature britannique et auteure de Jane Austen : Une poétique du différend (PU Rennes), de parler de l’univers, des thèmes puis des personnages et de la singularité de cette adaptation de l’oeuvre de Jane Austen. Un exposé brillant de dix minutes, qui donne envie de se (re)plonger dans toutes ces histoires souvent transposées au cinéma et à la télévision.
S’ensuit un making of (10′) dynamique qui donne un bel aperçu du tournage. Les comédiens et le réalisateur se confient sur cette libre adaptation et sur l’humour qui s’en dégage à travers les dialogues et le cynisme des personnages.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Voilà une belle édition HD ! Sans pour autant être un disque de démonstration, Blaq Out livre un objet élégant qui respecte toutes les volontés artistiques du chef opérateur Richard Van Oosterhout. Les couleurs sont froides et la luminosité parfois très poussée. Soutenus par un codec solide, ces partis pris esthétiques auraient pu donner du fil à retordre pour le passage du film en Blu-ray, mais l’écrin est beau, tout comme ce léger grain qui se fait parfois sentir sur les scènes en extérieur. Le piqué est suffisamment tranchant (comme les dialogues), les contrastes solides et les détails appréciables.
Seule la version originale est disponible. Franchement, qui s’en plaindra ? Car Love & Friendship est un film à découvrir et à savourer uniquement en anglais puisque la langue et l’accent britannique font partie intégrante de la réussite du film de Whit Stillman ! Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 se révèle ample et dynamique. La spatialisation musicale est omniprésente, les dialogues percutants sur la centrale, la balance frontale est riche et les effets annexes ne manquent pas. Le mixage ne tombe jamais dans la surenchère. La Stéréo est tout aussi riche et contentera ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène avant. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Copyright Blaq Out / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
LES FLICS NE DORMENT PAS LA NUIT (The New Centurions) réalisé par Richard Fleischer,disponible en Blu-ray et DVD le 9 novembre 2016 chez Carlotta Films
Acteurs : George C. Scott, Stacy Keach, Jane Alexander, Scott Wilson, Rosalind Cash, Erik Estrada…
Scénario : Stirling Silliphant, d’après le livre de Joseph WambaughThe New Centurions
Photographie : Ralph Woolsey
Musique : Quincy Jones
Durée : 1h43
Date de sortie initiale: 1972
LE FILM
De nouvelles recrues font leur entrée dans un commissariat de Los Angeles, parmi lesquelles Roy Fehler, étudiant en droit entré dans la police pour subvenir aux besoins de sa famille. Il fait équipe avec Andy Kilvinski, vieux briscard engagé dans la police depuis 23 ans, qui lui apprend toutes les ficelles du métier. Roy devient vite accro à la rue et à ses dangers, et délaisse peu à peu ses études et sa famille…
Richard Fleischer (1916-2006) a déjà plus de trente longs métrages à son actif lorsqu’il réalise Les Flics ne dorment pas la nuit – The New Centurions en 1972. Le film est adapté du best-seller de Joseph Wambaugh, ancien membre de la police de Los Angeles, qui parallèlement à sa carrière écrivait en secret des récits policiers inspirés de son propre quotidien. Après avoir trouvé un éditeur et tout en continuant son travail dans la police, Joseph Wambaugh devient immédiatement un écrivain à succès. Dès sa publication, le livre The New Centurions est un immense succès et le monde du cinéma ne tarde pas à lui faire les yeux doux pour acquérir les droits. Les producteurs Robert Chartoff et Irwin Winkler (On achève bien les chevaux, Le Point de non-retour) se mettent d’accord avec Joseph Wambaugh et le scénario est confié au talentueux Stirling Silliphant (Nightfall, La Ronde du crime, Dans la chaleur de la nuit). Le cinéaste Richard Fleischer vient d’enchaîner trois films en 1971, L’Etrangleur de Rillington Place, Les Complices de la dernière chance et Terreur aveugle, quand il signe pour Les Flics ne dorment pas la nuit. Il retrouve George C. Scott après Les Complices de la dernière chance, qui donne la réplique à Stacy Keach, qui venait de tourner dans le superbe Fat City de John Huston.
Les Flics ne dorment pas la nuit est une chronique qui plonge les spectateurs dans l’implacable quotidien d’une unité de police de Los Angeles. Le vétéran Andy Kilvinski (George C. Scott, immense) doit former Roy Fehler (Stacy Keach, superbe), lui apprendre les ficelles du métier, les patrouilles dans les rues mal famées et les réflexes. Le jeune homme, étudiant en droit, qui s’est engagé dans la police pour gagner de quoi faire vivre sa femme et sa petite fille, apprécie cette nouvelle vie. Grisé par l’adrénaline du monde de la nuit et de la rue, Roy délaisse peu à peu ses études, puis oublie parfois de rentrer chez lui. Il devient flic et il aime ça. Lassée de ne plus le voir, anxieuse de savoir sa vie en danger, sa femme le quitte et Roy sombre dans la dépression et l’alcool. De son côté, Kilvinski part à la retraite. Mais peut-on vraiment raccrocher quand on a été flic pendant un quart de siècle ?
Redoutablement pessimiste, sombre, mais jamais désespéré ou morbide, Les Flics ne dorment pas la nuit dresse le portrait d’hommes attachants, des simples flics qui se donnent corps et âme à leur métier, que certains n’ont pas choisi ou d’autres qui au contraire sont nés avec cette vocation. Le danger et même la mort peuvent frapper à chaque coin de rue, ils sont conscients de cela, mais la passion prend souvent le pas, d’autant plus que la plupart des flics n’ont pas de vie en dehors de leur job. Ils ont souvent été largués par celle qu’ils aimaient ou n’ont tout simplement pas eu le temps de fonder une famille à cause de ce travail qui les accapare de jour comme de nuit. Après des années de fiers et loyaux services, la descente peut être brutale, voire fatale pour certains.
Soutenu par le scénario en béton de Stirling Silliphant qui fonctionne de manière elliptique, Richard Fleischer met comme d’habitude un point d’honneur à être le plus réaliste possible avec une dimension toujours quasi-documentaire, en s’attachant aux petits détails qui cumulés font le quotidien de ces quelques officiers de police, entre moments légers (le ramassage des prostituées) et très violents (la séquence avec le bébé maltraité par une mère alcoolique). Des policiers, premiers témoins d’un monde au bord du gouffre dans lequel des actes terribles sont maintenant commis par des gens « normaux ».
Filmé en décors naturels dans les rues de Los Angeles, principalement de nuit, The New Centurions est non seulement un sublime et passionnant objet de cinéma, grave, intelligent (le réalisateur refuse le spectaculaire), profond, mais sans nul doute un des plus grands films policiers, ou plutôt un drame policier mélancolique et crépusculaire, des années 1970. La musique de Quincy Jones, la photographie de Ralph Woolsey (L’Ultime randonnée de Sidney J. Furie), un montage toujours au cordeau, ici réalisé par Robert C. Jones (Love Story, Devine qui vient dîner ?, Un monde fou, fou, fou, fou), la virtuosité de Richard Fleischer et l’excellence de l’interprétation, tout contribue à faire des Flics ne dorment pas la nuit un saisissant chef d’oeuvre du genre.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray des Flics ne dorment pas la nuit, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
Comme sur les Blu-ray de Terreur aveugle et de L’Etrangleur de Rillington Place, Les Flics ne dorment pas la nuit s’accompagne d’une préface (7′30) réalisée par le brillant réalisateur Nicolas Saada (Espion(s), Taj Mahal). Même si l’éditeur appelle ce segment une préface, ne la visionnez surtout pas avant Les Flics ne dorment pas la nuit puisque les propos de Nicolas Saada sont collés sur des images tirées du film et révèlent beaucoup d’éléments. Le cinéaste, grand admirateur et fasciné par le cinéma de Richard Fleischer, avoue d’emblée que c’est un film qu’il adore et qu’il s’agit pour lui d’un des très grands films américains des années 1970. Il croise ensuite le fond avec la forme, évoque le casting, le roman de Joseph Wambaugh, le côté visionnaire de cette œuvre qui traite entre autres des bavures policières. Une excellente présentation !
Après Christophe Gans et Fabrice Du Welz, c’est au tour de l’excellent Nicolas Boukhrief (Le Convoyeur, Cortex, Gardiens de l’ordre, Made in France) de se pencher sur une œuvre de Richard Fleischer (25’). Grand admirateur du cinéaste, Nicolas Boukhrief commence cette intervention en indiquant que Richard Fleischer n’a malheureusement jamais eu la reconnaissance qu’il méritait de son vivant et même encore aujourd’hui. Selon lui, Fleischer fait partie de ces réalisateurs, comme Robert Wise ou Franklin J. Schaffner, qui n’étaient pas considérés comme des auteurs à part entière, qui ont toujours su s’adapter aux films que les studios leur proposaient, sans pour autant avoir le soutien qu’ils méritaient et ce malgré les grands succès à leur actif. Nicolas Boukhrief en vient ensuite au film qui nous intéresse, Les Flics ne dorment pas la nuit, titre français qu’il trouve d’ailleurs très poétique, qu’il a découvert il y a quelques années seulement. Le fond et la forme s’entrecroisent à travers un exposé brillant et passionné qui met en relief le caractère prophétique de cette œuvre sur la situation politique et sociale des Etats-Unis, mais aussi sur l’évolution du genre policier au cinéma ainsi qu’à la télévision.
La pièce centrale de cette interactivité demeure le module intitulé Cop Stories (44’), qui croise les entretiens de Joseph Wambaugh (auteur du livre dont le film est l’adaptation), le comédien Stacy Keach, Richard Kalk (conseiller technique) et Ronald Vidor (assistant opérateur). En introduction, un carton indique que certains éléments majeurs de l’intrigue, y compris le dénouement du film sont dévoilés et analysés. A ne visionner qu’après avoir (re)vu le film donc. Joseph Wambaugh revient sur son parcours atypique, flic de la ville de Los Angeles devenu écrivain, qui est d’ailleurs resté dans les forces de l’ordre jusqu’en 1974 alors que son roman Les Nouveaux Centurions – The News Centurions était devenu un best-seller en 1971. Dans un premier temps, Joseph Wambaugh évoque ses débuts dans l’écriture, ce qui a nourri son premier roman (son quotidien et les émeutes de Watts), la psychologie de ses trois personnages principaux (Sergio Duran, Gus Plebesly et Roy Fehler), le grand succès du livre et l’achat des droits pour le cinéma par les producteurs Robert Chartoff et Irwin Winkler. C’est là qu’intervient Richard Kalk, son confrère dans la police, qui devient alors le conseiller technique sur le film de Richard Fleischer. Puis, Stacy Keach et Ronald Vidor interviennent à tour de rôle pour raconter diverses anecdotes liées au tournage. Tout ce beau petit monde parle de la direction d’acteurs de Richard Fleischer, du casting, de l’entraînement des comédiens pendant quinze jours dans une Police Academy, des conditions des prises de vues (parfois dans des quartiers mal famés), du succès dans les salles. Un documentaire rétrospectif souvent passionnant et très bien réalisé.
A une époque où la vidéo n’existait pas ou à peine dans les années 1960-1970, les studios américains proposaient pour voir chez soi et au format Super 8 ou 8mm, des extraits de leurs longs métrages ou le film entier condensé en une seule bobine ! Carlotta Films a mis la main sur un petit trésor singulier, le transfert du film Les Flics ne dorment pas la nuit condensé en 17 minutes et au format Super 8. Cet élément d’époque a été scanné en HD. La qualité et les imperfections sont évidemment dues au format original et les séquences sont en version originale sous-titrées en français.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le chef d’oeuvre de Richard Fleischer fait peau neuve chez Carlotta Films et en Blu-ray s’il vous plaît ! The New Centurions est un film dont l’action se déroule principalement de nuit. Ces scènes parfois sombres sont merveilleusement rendues avec ce master HD restauré en 2K et nettoyé de toutes défectuosités. Mis à part un générique un poil tremblant, les contrastes du chef opérateur Ralph Woolsey, retrouvent toute leur richesse et les ambiances froides épousent parfaitement les teintes plus ambrées des éclairages naturels. Certaines scènes s’accompagnent parfois d’un grain cinéma plus appuyé mais équilibré et fort attrayant. Les nombreux points forts de cette édition demeurent la beauté des gros plans, la propreté immaculée du master et le relief des scènes en extérieur jour avec des détails plus flagrants. Quelques fléchissements de la définition restent inhérents aux conditions de prises de vues originale, avec un aspect très documentaire, qui captent des instantanés de vie. Enfin, le film est proposé dans son format d’origine 2.35.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 1.0 sont propres, efficaces et distillent parfaitement la musique de Quincy Jones. La piste anglaise ne manque pas d’ardeur et s’avère la plus équilibrée du lot. Au jeu des différences, la version française se focalise trop sur les dialogues au détriment de certaines ambiances et effets annexes. Aucun souffle constaté sur les deux pistes. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
EVERYBODY WANTS SOME !!réalisé par Richard Linklater,disponible en Blu-ray et DVD le 20 août 2016 chez Metropolitan Vidéo
Acteurs : Blake Jenner, Ryan Guzman, Tyler Hoechlin, Zoey Deutch, Glen Powell, Wyatt Russell, Will Brittain…
Scénario : Richard Linklater
Photographie : Shane F. Kelly
Durée : 1h56
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Dans les années 80, suivez les premières heures de Jake sur un campus universitaire. Avec ses nouveaux amis, étudiants comme lui, il va découvrir les libertés et les responsabilités de l’âge adulte. Il va surtout passer le meilleur week-end de sa vie…
Richard Linklater est un des réalisateurs indépendants américains les plus prolifiques et éclectiques du cinéma contemporain. On lui doit notamment un des plus beaux triptyques de ces quinze dernières années Before Sunrise – Before Sunset – Before Midnight (1995-2004-2013) et dernièrementBoyhood, oeuvre exceptionnelle tournée par intermittence sur une période de douze ans, de 2002 à 2013, avec la même distribution et la même équipe technique. Son nouveau film, Everybody Wants Some !! apparaît comme une suite spirituelle à Génération rebelle (Dazed and Confused, 1993) et à Boyhood, et pose les mêmes questions, à savoir qu’est-ce que grandir et comment devient-on un adulte ? Si le premier se déroulait le dernier jour de classe de l’année et si Boyhood suivait l’évolution et le parcours d’un adolescent depuis son enfance jusqu’à son entrée à l’université, Everybody Wants Some !! se focalise sur un groupe de jeunes sportifs et le film démarre trois jours avant leur entrée en faculté. Un long week-end durant lequel le spectateur est invité à faire connaissance avec toute une bande de joyeux drilles qui comptent bien profiter des dernières heures de l’été. En suivant ces personnages, tout interprétés par des comédiens peu connus voire non professionnels, Richard Linklater nous renvoie à notre propre vie, au temps qui passe, sujet alors récurrent chez le cinéaste.
Le titre est tiré d’une chanson du groupe Van Halen. Everybody Wants Some !! compile une flopée de titres rock, disco, country, metal, punk, new-wave avec notamment The Knack, Sugar Hill Gang, Sniff ‘n’ The Tears, ZZ Top, Cheap Trick, Blondie, Jermaine Jackson, Kool & The Gang, Donna Summer, Queen, Dire Straits, The Cars et bien d’autres. Mais plutôt que d’illustrer cette chronique d’adolescents qui se déroule à la fin du mois d’août 1980, cette bande originale s’avère une composante du scénario à part entière puisque les jeunes (et les autres) écoutaient constamment ces tubes et allaient danser dessus dans les discothèques aux éclairages fluo. Pour Richard Linklater, le titre résume à lui seul l’état d’esprit du film, en grande partie inspiré de souvenirs autobiographiques, et de ses personnages : « La chanson exprime parfaitement le sens de l’humour et l’obsession pour le sexe des garçons de 18 ans. Quand on est jeune et fougueux, on veut tout, tout de suite. On considère qu’on y a droit parce que, quand on est jeune, on ne se pose pas de question ».
Linklater filme l’âge où tout est possible. Un pied encore dans l’enfance, l’autre déjà en avant vers le monde adulte. Les personnages se raccrochent encore aux vannes potaches et se comportent encore souvent comme des lycéens voire des collégiens, en ne pensant qu’à draguer les filles, à boire des coups et à faire la fête. Mais Jake (Blake Jenner), fraîchement débarqué sur le campus, révèle une autre sensibilité. S’il ne manque pas l’occasion de s’amuser avec ses nouveaux potes de l’équipe de baseball, il est surtout intéressé par une fille en particulier, Beverly (la délicieuse Zoey Deutch), qu’il aborde avec douceur et romantisme. Ce qu’il y a d’agréable dans le monde cinématographique de Richard Linklater, ce sont ses personnages qui souvent ne jugent pas les autres malgré leurs différences. Ainsi, si Jake ne la joue pas rentre-dedans comme ses amis, ceux-ci ne se moquent pas, respectent, même s’ils ne manquent pas l’occasion d’envoyer quelques vannes bon-enfant. Mais il y a toujours le risque que le groupe éclate. Chacun doit y penser, mais préfère profiter du moment présent.
Avec ses couleurs pétillantes et sa légèreté, Everybody Wants Some !! fait souvent penser à une bande dessinée avec des personnages bien spécifiques et dépeints, qui forment un groupe bien soudé, qui danse ensemble, qui se bastonne, qui drague et qui joue. Tout le monde est logé à la même enseigne car tous sont dans la même galère, avec les mêmes peurs, que la fiesta et les danses endiablées peuvent dissimuler, mais pour un temps limité seulement. Alors, comme la rentrée est proche pourquoi ne pas en profiter à fond ?
Everybody Wants Some !! agit comme un véritable feel good movie généreux et chaleureux. La reconstitution des années 1980 est très soignée et participe à la grande réussite du film avec notamment sa garde-robe pas piquée des hannetons et ses moustaches duveteuses. Mais on retient surtout l’énergie contagieuse de tous les comédiens, excellents, drôles, complices, spontanés, merveilleusement dirigés. A l’instar du formidable The Myth of the American Sleepover de David Robert Mitchell (It Follows), Everybody Wants Some !! est la parfaite antithèse des teen-movies, loin des films graveleux (même si drôles) à la American Pie et autres films comparant les nanas à une tarte aux pommes tièdes. L’oeuvre de Richard Linklater peut paraître simple, mais comme toujours chez le cinéaste, la sensibilité et la nostalgie y sont universelles et la grande réussite est encore une fois au rendez-vous.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray d’Everybody Wants Some !!, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est étonnamment fixe et muet.
Tout d’abord, l’éditeur propose de visionner le film avec l’option Liner notes, qui donne quelques détails sur toutes les chansons de la bande-son au moment où elles sont entendues, à savoir le nom de l’interprète, le titre, son histoire… Cette option pop-up est disponible sur les deux langues. A noter que le chapitrage est également proposé à travers le titre de ces chansons réparties selon les jours de la semaine !
Le style des années 80 (4′) : Un des points forts d’Everybody Wants Some !! est sa reconstitution des années 1980. Ce petit module se focalise sur la (re)création des costumes, le maquillage, les décors et les accessoires, en compagnie des comédiens du film sur le plateau où règne une ambiance très détendue.
Les talents en vidéo (5′) : Pour organiser son casting, le réalisateur Richard Linklater a demandé aux personnes intéressées de filmer leur talent au baseball. Ce montage compile les vidéos tournées par les comédiens finalement retenus.
Rickipedia (4′) : Ce segment réalisé au fil du tournage, montre Richard Linklater à l’oeuvre avec ses comédiens, qui les dirige et leur donne des conseils quant au comportement et au langage appropriés à utiliser puisque les jeunes acteurs n’étaient pas nés dans les années 1980 ! Une authenticité qui repose entre autres sur l’excellente mémoire du réalisateur, qui épate constamment l’ensemble du cast.
Des trucs qui ne sont pas dans le film (25′) : Comme son titre l’indique, ce supplément est constitué de scènes ratées, prolongées ou coupées, d’improvisations des acteurs, de bêtisier et d’images du dernier jour, ou plutôt la dernière nuit de tournage.
Les joueurs de baseball savent danser (7′) : De retour avec les jeunes comédiens d’Everybody Wants Some !! qui sont réunis cette fois pour prendre quelques cours de danse après leur entraînement au baseball. Entre le disco, la country et le funk, les acteurs ont fort à faire, mais ne reculent devant rien, d’autant plus qu’ils se trouvent ici en charmante compagnie. Mais les chorégraphes les surveillent de près !
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et des liens internet.
L’image et le son
Le master HD restitue habilement les volontés artistiques du chef opérateur Shane F. Kelly (Boyhood). Point de grain vintage comme on pouvait s’y attendre, Richard Linklater a filmé son film entièrement en numérique via l’Arri Alexa. La patine est donc bien laquée, les couleurs chaudes et clinquantes, les contrastes léchés et le relief constamment palpable. Ces partis pris esthétiques bigarrés sont savamment pris en charge par une compression sans failles, la définition demeure exemplaire sur tous les plans et tout du long, sur les scènes sombres comme sur les lumineuses séquences diurnes. Les détails sont légion sur le cadre, le piqué aiguisé et la copie éclatante. C’est superbe.
Everybody Wants Some !! n’est pas un film à effets et les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 ne font pas d’esbroufe inutile. L’essentiel de l’action est canalisé sur les enceintes avant, même si chacune des séquences en extérieur s’accompagne inévitablement de petites ambiances naturelles sur les latérales. Il en est de même pour l’incroyable bande-son, systématiquement mise en valeur par l’ensemble des enceintes, mais qui aurait pu être encore plus dynamique. Les voix demeurent claires, limpides, solidement délivrées par la centrale, bien que la version française (au doublage réussi) demeure moins ardente que son homologue et trop axée sur les voix.
Copyright Metropolitan FilmExport / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
L’ETRANGLEUR DE RILLINGTON PLACE (10 Rillington Place) réalisé par Richard Fleischer,disponible en Blu-ray et DVD le 9 novembre 2016 chez Carlotta Films
Acteurs : Richard Attenborough, Judy Geeson, John Hurt, Pat Heywood, Isobel Black, Miss Riley…
Scénario : Clive Exton, d’après le livre de Ludovic Kennedy 10 Rillington Place
Photographie : Denys N. Coop
Musique : John Dankworth
Durée : 1h51
Date de sortie initiale: 1971
LE FILM
A la fin des années 1940, Timothy et Beryl Evans emménagent avec leur petite fille au 10 Rillington Place, à Londres. Ils sympathisent rapidement avec leurs voisins du rez-de-chaussée, les Christie. Mais derrière ses airs courtois et respectables, John Reginald Christie est en réalité un meurtrier qui assassine et viole des femmes en se faisant passer pour un ancien médecin.
Dès ses premiers films réalisés dans les années 1940, Bodyguard, Assassin sans visage, Le Pigeon d’argile, le cinéaste Richard Fleischer, sous contrat avec la RKO, s’intéressait au mal et aux recoins les plus sombres de l’âme humaine. En 1959, il signe Le Génie du mal, également connu sous son titre original Compulsion, qui allait devenir le premier volet d’une trilogie criminelle. Ayant un temps envisagé des études pour devenir psychiatre, Richard Fleischer s’est toujours penché sur les obsessions de ses personnages, d’un côté ou de l’autre de la justice. Dans Le Génie du mal, adapté du roman Crime (1956) de l’écrivain et journaliste Meyer Levin (1905-1981), le cinéaste s’inspire de l’affaire Leopold et Loeb, que Levin avait par ailleurs couvert pour le compte du Daily News en 1924 alors qu’il fréquentait la même Université que les deux criminels. Nathan Leopold (1904-1971) et Richard Loeb (1905-1936) étaient deux riches et brillants étudiants en droit de l’Université de Chicago, fascinés par la théorie du surhumain de Friedrich Nietzsche. Se sentant intellectuellement au-dessus du commun des mortels et donc des lois, les deux étudiants ont décidé de tuer un adolescent de 14 ans pour le seul plaisir de réaliser un crime parfait et d’éliminer un être inférieur, donc « inutile ». Les cinéphiles auront noté quelques ressemblances avec La Corde d’Alfred Hitchcock, réalisé dix années auparavant, adapté de la pièce de Patrick Hamilton inspirée par le même fait divers. Mais ici, contrairement au film d’Hitchcock qui s’ouvre sur le crime, celui du Génie du mal reste hors-champ, car ce qui intéresse Fleischer est ailleurs.
Dans la première partie du Génie du mal, Richard Fleischer observe ses personnages avec une patience et l’oeil aiguisé d’un entomologiste. Bien avant De sang-froid de Truman Capote (publié en 1966) et adapté au cinéma par Richard Brooks l’année suivante, Fleischer réalise une étude sociologique, une analyse clinique du comportement criminel, un de ses sujets de prédilection (L’Etrangleur de Boston, nous y reviendrons) et se penche sur le rapport dominant-dominé à travers le portrait de ses deux personnages principaux. Judd Steiner (Dean Stockwell, qui avait créé ce rôle sur scène) est en état de dépendance affective et vraisemblablement amoureux de l’autre, Arthur A. Straus (Bradford Dillman) qui se sert de cette faiblesse pour l’entraîner vers l’irréparable. Un élément que nous retrouverons dans L’Etrangleur de Rillington Place. Malgré la « perfection » de ce crime, les deux étudiants sont trahis par un détail et se retrouvent sur le banc des accusés. Leur défense est confiée à un ténor du barreau, Jonathan Wilk, farouchement opposé à la peine de mort (thème que l’on retrouvera également dans L’Etrangleur de Rillinton Place, nous y reviendrons aussi) et payé à prix d’or par la famille des accusés. Dans Le Génie du mal il est interprété par Orson Welles.
Sa plaidoirie reprenant mot pour mot – ou du moins une partie puisqu’elle aurait duré près de douze heures – celle véritablement proclamée lors du procès de Leopold et Loeb, est une des plus magistrales de toute l’histoire du cinéma. Véritablement transporté par son personnage et son texte, le comédien – que Richard Fleischer était souvent obligé de freiner dans son enthousiasme – laisse pantois d’admiration durant son monologue quand il s’adresse au juge et jurés. Le comédien, ainsi que Dean Stockwell et Bradford Dillman (parfaits de cynisme et d’orgueil démesuré) se partageront le Prix d’interprétation au Festival de Cannes en 1959.
Sur un rythme vif, avec un sens inouï du cadre, un montage au cordeau, une photo N&B magnifique signée William C. Mellor (Géant), et la partition jazzy de Lionel Newman, Le Génie du mal marque une étape dans la carrière de Richard Fleischer.
En 1968, le cinéaste met en scène L’Etrangleur de Boston – The Boston Strangler, avec Tony Curtis dans un de ses plus grands rôles. Cette fois, Fleischer s’inspire des meurtres en série d’Albert de Salvo, un ouvrier plombier qui assassina une douzaine de femmes entre 1962 et 1964. Afin de refléter les troubles de la personnalité de son personnage, Richard Fleischer a recours à la technique du split screen, popularisée en 1966 par John Frankenheimer pour Grand Prix, puis réutilisée par le réalisateur Norman Jewison pour L’Affaire Thomas Crown.
Jamais gratuit, ce nouveau langage cinématographique permet à Richard Fleischer de recentrer l’attention du spectateur sur certains éléments synchrones tout en gardant le fil de son récit. Les spectateurs sont donc littéralement happés du début à la fin par ces actions multiples, qui plus est relevées par l’usage de la caméra portée Arriflex qui donne à L’Etrangleur de Boston un aspect réaliste et documentaire, surtout quand le cinéaste se penche sur le rôle et les responsabilités des politiques et des médias qui s’emparent de cette actualité.
Sans concessions, Richard Fleischer plonge son audience autant dans les méandres d’un esprit malade que dans les coins plutôt oubliés du cinéma hollywoodien comme les bars gay, en montrant à l’écran des individus pervers et obsédés sexuels, sans tabous, sans détours, avec une rare audace formelle. Rétrospectivement, L’Etrangleur de Boston apparaît comme l’un des films matrice du grand cinéma américain des années 70, mais également comme la référence ultime du genre. Cependant, le maître du thriller et du film-noir hollywoodien abordera une fois de plus le thème du serial killer peu de temps après.
Nous arrivons en 1971. Après le film de guerre Tora ! Tora ! Tora !, Richard Fleischer revient aux affaires criminelles avec L’Etrangleur de la Place Rillington, également connu sous le titre L’Etrangleur de Rillington Place, ou par son titre original 10 Rillington Place. Le cinéaste relate ici les événements liés à l’affaire John Christie, tueur en série qui sévit à Londres durant les années 1940 et 1950. Ce qui intéresse plus particulièrement Richard Fleischer ici, c’est le rapport qui s’instaure entre John Christie et Timothy Evans, qui vient s’installer avec sa femme Beryl et sa petite fille Geraldine au premier étage du 10 Rillington Place, au-dessus de l’appartement où vit John Christie et sa femme. Dès la première séquence où retentit une sirène, Fleischer instaure le lieu et la date de l’histoire qu’il va nous raconter. Nous sommes en 1944 dans un quartier pauvre de Londres. Un homme au crâne dégarni, pour ne pas dire bulbeux, lunettes rondes sur le nez et vêtu d’un uniforme de la police est suivi par une femme qu’il fait entrer chez lui. Très vite, il prépare une solution de son invention destinée à être inhalée par la personne qui attend fébrilement et qui est supposée l’aider à guérir d’une bronchite, puisque les médicaments sont rares et chers en cette période troublée. Alors qu’elle inhale le gaz, la femme commence à se débattre, mais l’homme la force en lui maintenant le dispositif, jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse. C’est alors qu’il l’étrangle. Son corps sera enterré dans l’arrière-cour de l’immeuble. Cinq ans plus tard, John Christie accueille la famille Evans. Ses pulsions criminelles vont alors reprendre.
John Christie est interprété par Richard Attenborough, alors une des plus grandes stars du cinéma britannique et un des acteurs les plus populaires. Il livre ici une immense prestation, méconnaissable avec un faux crâne très réussi qui donne à sa tête un aspect inquiétant, renforcé par des lunettes aux verres ronds légèrement déformants.
John Christie apparaît dès le premier plan comme un être répugnant, un prédateur qui assassine froidement les jeunes femmes en les étranglant, puis qui les viole après qu’elles aient rendu leur dernier souffle. Sa rencontre avec Timothy Evans, remarquablement interprété par John Hurt, bouleversant dans un de ses premiers films, va lui donner l’occasion de se laisser aller à ses penchants criminels, tout en manipulant et en faisant porter le chapeau à cet homme, peu éduqué, analphabète, habitué à écouter les « conseils » de ceux qui lui sont supérieurement intelligents. Christie va réduire en cendres la vie d’Evans en tuant son épouse Beryl (Judy Geeson) et sa petite fille. Rongé par la culpabilité puisque Christie lui a bien fait comprendre qu’il était le principal responsable de la mort de celles qu’il aimait – Christie avait réussi à convaincre Evans de ses connaissances en médecine pour pouvoir faire avorter sa femme – Evans se dénonce à la police. Mais Christie avait envisagé cette décision.
Si Richard Attenborough et Richard Fleischer se sont engagés sur L’Etrangleur de Rillington Place, c’est pour livrer un combat direct contre la peine de mort. En effet, l’affaire John Christie / Timothy Evans, racontée dans le livre de Ludovic Kennedy, a mis en relief les erreurs judiciaires et les failles du recours à la peine de mort, qui sera finalement suspendue au milieu des années 1960, puisque Evans, jugé responsable de la mort de sa famille, a été condamné à mort par pendaison. Parallèlement, L’Etrangleur de Rillington Place demeure un des films les plus glaçants, réalistes et saisissants sur le thème du serial killer. Maître des espaces exigus, Richard Fleischer enferme littéralement le spectateur dans la bâtisse située au 10 Rillington Place. Avec ses appartements miteux aux murs suintants de crasse, son escalier étroit et son arrière-cour glauque, le décor est planté et participe au sentiment de claustrophobie distillé à travers la mise en scène stylisée et quasi-documentaire de Fleischer. Connu pour le soin apporté aux détails les plus infimes, le cinéaste livre une approche radicalement différente pour dresser le portrait de l’étrangleur de Rillington Place que pour celui de Boston, même si le film est tout autant prodigieux et oppressant avec une caméra souvent portée qui appuie le malaise des séquences de meurtres, dans un lieu isolé qui reflète l’extrême pauvreté de ses habitants. Par ailleurs, le réalisateur a mis un point d’honneur à tourner les séquences en extérieur sur les lieux-mêmes où se sont déroulés les faits et à faire écrire les dialogues à partir des témoignages d’époque et des transcriptions tirées des procès.
Si le rythme est lent, il n’en demeure pas moins maîtrisé, créant même parfois une sensation hypnotique. 45 ans après sa réalisation, L’Etrangleur de Rillington Place n’a pas pris une seule ride et l’on reste toujours estomaqué par cette peinture de l’horreur montrée sous sa forme la plus banale, qui a ensuite largement inspiré Alfred Hitchcock pour Frenzy ou même Anthony Hopkins pour son incarnation d’Hannibal Lecter.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de L’Etrangleur de Rillington Place, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
A l’instar des Blu-ray de Terreur aveugleet des Flics ne dorment pas la nuit, Terreur aveugle s’accompagne d’une préface (7′30) réalisée par le brillant réalisateur Nicolas Saada (Espion(s), Taj Mahal). Même si l’éditeur appelle ce segment une préface, ne la visionnez surtout pas avant L’Etrangleur de Rillington Place puisque les propos de Nicolas Saada sont collés sur des images tirées du film qui révèlent beaucoup d’éléments. Le cinéaste, passionné par le cinéma de Richard Fleischer, aborde cette fois le traitement et l’approche du sujet par le réalisateur du Génie du mal, l’exploitation des lieux exigus (une spécialité de Fleischer). Nicolas Saada indique également qu’Alfred Hitchcock a vraisemblablement vu L’Etrangleur de Rillington Place et s’en est inspiré pour Frenzy réalisé un an après. Si la forme est abordée, le fond n’est pas oublié puisque Saada évoque également le fait divers à l’origine de cette histoire, ainsi que l’engagement de Richard Fleischer et de Richard Attenborough contre la peine de mort. Le casting est évidemment passé au peigne fin. De rares photos de tournage illustrent également cette présentation.
S’ensuit une rencontre tout aussi indispensable avec le réalisateur Christophe Gans, intitulé Richard Fleischer, un auteur discret (24′). Cette formidable approche sur L’Etrangleur de Rillington Place évoque tour à tour la notion du cinéma d’auteur, la grande part de la carrière de Richard Fleischer consacrée au mal, ainsi qu’aux recoins et événements les plus sordides de la société. Visiblement fasciné par le cinéaste, Christophe Gans dissèque le fond et la forme de L’Etrangleur de Rillington Place en abordant notamment le caractère social du film et son contexte réaliste. Dans une seconde partie, Gans parle du casting, du fait divers et de l’affaire Christie, ainsi que du livre qui relate ces événements et qui allait jouer un rôle prépondérant dans l’abolition de la peine de mort en Angleterre. Gans clôt cet entretien en évoquant la modestie du réalisateur Fleischer, qui ne s’est jamais engagé de manière frontale dans ses films de commande, mais qui a pourtant toujours distillé des indices qui ne trompent pas sur ses engagements.
Ne manquez pas la rencontre avec la comédienne Judy Geeson, qui interprète Beryl dans L‘Etrangleur de Rillington Place (22′). Révélée dans Les Anges aux poings fermés (1967) et aperçue dans Au service secret de Sa Majesté (1969) dans lequel elle jouait une patiente allergique recueillie au Piz Gloria, Judy Geeson est visiblement ravie de partager ses souvenirs liés au tournage de L’Etrangleur de Rillington Place. Elle revient sur son premier rôle de composition, sur son personnage, la collaboration avec Richard Fleischer, les partis pris et les intentions du film, les conditions de tournage sur les lieux mêmes du fait divers. Judy Geeson aborde ensuite l’affaire Christie, le livre de Ludovic Kennedy et son retentissement en Angleterre jusqu’à l’abolition de la peine de mort. La comédienne parle de l’écrivain, qui l’a beaucoup aidé pour préparer son personnage et qui était d’ailleurs consultant de Richard Fleischer sur le plateau. Enfin, Judy Geeson n’oublie pas de mentionner ses partenaires John Hurt et Richard Attenborough (avec quelques photos de la séance de maquillage de ce dernier), sans oublier la direction d’acteurs de Richard Fleischer, notamment lors de la scène du meurtre.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
L’Etrangleur de Rillington Place de Richard Fleischer renaît de ses cendres avec ce superbe master HD restauré à 4K ! Ce Blu-ray tient toutes ses promesses avec une superbe colorimétrie froide souvent désaturée, aux teintes brunes, des contrastes denses, des détails ciselés sur le cadre 1.66 respecté et un relief parfois étonnant. Si la définition fléchit légèrement – certaines séquences sombres en intérieur paraissent plus douces – le piqué est étonnant même s’il dépend des volontés artistiques originales et s’avère plus acéré sur les scènes tournées en extérieur. Le grain original se trouve heureusement respecté et conservé. Une élévation HD (1080p) élégante qui amplifie les partis pris esthétiques de la photographie signée Denys N. Coop. N’oublions pas de mentionner l’irréprochable propreté de la copie.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 1.0 instaurent un excellent confort acoustique. Les dialogues sont solidement délivrés, la propreté est de mise, les effets convaincants, sans aucun souffle sur les séquences sans musique. Les effets sonores, riches et très recherchés, jouissent également d’un écrin phonique somptueux. Au jeu des différences, la version originale l’emporte sur son homologue car plus aérée, naturelle et franche dans son rendu. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
LE VOYAGE DE FANNYréalisé par Lola Doillon,disponible en DVD et Blu-ray le 12 octobre2016 chez Métropolitan Vidéo
Acteurs : Léonie Souchaud, Cécile De France, Stéphane De Groodt, Fantine Harduin, Juliane Lepoureau, Ryan Brodie, Anaïs Meiringer, Lou Lambrecht, Igor van Dessel…
Scénario : Lola Doillon, Anne Peyregne, d’après le roman de Fanny Ben-Ami
Photographie : Pierre Cottereau
Musique : Sylvain Favre,, Gisèle Gérard-Tolini
Durée : 1h36
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Du haut de ses 12 ans, Fanny a la tête dure ! Mais c’est surtout une jeune fille courageuse qui, cachée dans un foyer loin de ses parents, s’occupe de ses deux petites sœurs. Devant fuir précipitamment, Fanny prend alors la tête d’un groupe de huit enfants, et s’engage dans un dangereux périple à travers la France occupée pour rejoindre la frontière suisse. Entre les peurs, les fous rires partagés et les rencontres inattendues, le petit groupe fait l’apprentissage de l’indépendance et découvre la solidarité et l’amitié…
Le Voyage de Fanny est le troisième long métrage de Lola Doillon, fille du réalisateur Jacques Doillon et de la monteuse Noëlle Boisson, après la chronique adolescente Et toi, t’es sur qui ? (2007) et le huis clos Contre toi (2011). La réalisatrice signe son film le plus ambitieux avec cette libre adaptation du livre autobiographique Le Journal de Fanny, écrit par la romancière Fanny Ben Ami. Née en 1930, Fanny Ben Ami a 12 ans lorsqu’elle se retrouve à la tête d’un groupe d’enfants de confession juive (y compris ses deux sœurs), livrés à eux-mêmes pendant la Seconde Guerre mondiale. Le conflit n’apparaît pas à l’écran, mais Lola Doillon a voulu le faire ressentir en adoptant le point de vue de ses petits héros qui tentent d’échapper aux allemands et de rejoindre la Suisse. Si la cinéaste a voulu respecter le parcours de Fanny et de ses compagnons, Lola Doillon a évidemment eu recours à la fiction pour livrer un véritable road movie tourné entre la France et la Belgique. Le Voyage de Fanny s’adresse en priorité aux enfants, pour les sensibiliser sur le sujet et pourquoi pas les aider à poser des questions.
Les événements sont vécus à travers les yeux de ce groupe de jeunes, abandonnés malgré eux après avoir fui le pensionnat de campagne où leurs parents les avaient cachés, après que le curé du village les ait dénoncé. S’ils ne se sont pas retrouvés sous les bombes, ils ont quand même vécu cette angoisse quotidienne et permanente, la violence du conflit et la peur de se retrouver orphelins, tout en faisant preuve d’un immense courage en continuant d’avancer jusqu’à la frontière. A ce titre, Lola Doillon s’en sort vraiment très bien en misant sur une belle reconstitution des années 1940, avec un soin particulier apporté aux décors et aux costumes. Malgré son sujet sombre, Le Voyage de Fanny demeure un film chaleureux avec des couleurs pétillantes et estivales. En revanche, le casting des enfants (près de 1000 ont été auditionnés) demeure inégal, surtout en ce qui concerne la jeune actrice Léonie Souchaud, qui interprète le rôle-titre, peu convaincante et attachante, et dont le jeu manque singulièrement de nuances. Malgré une courte apparition, Cécile de France marque les esprits par sa très belle interprétation de Mme Forman, personnage inspiré de véritables figures héroïques de la Résistance, en l’occurrence Nicole Salon-Weil et Lotte Schwartz, qui avaient aidé et caché des enfants pendant la Seconde Guerre mondiale. Même chose pour l’excellent Stéphane De Groodt, qui campe un fermier bourru sans histoire, qui recueille les gamins pour une nuit malgré le risque de se faire arrêter par les allemands postés dans la région.
En dépit de son aspect un peu sage et scolaire, Le Voyage de Fanny est une plaisante aventure humaine, bien réalisée, belle à regarder, non dénuée d’humour, avec beaucoup d’émotions et ce qu’il faut de suspense pour instruire les enfants et finalement divertir toute la famille.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray du Voyage de Fanny, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
C’est ce qu’on appelle une galette bien fournie !
On commence par le commentaire audio de Lola Doillon, qui attaque bille en tête ses anecdotes, sans se présenter. Ensuite, de sa très belle voix, la réalisatrice enchaîne avec ses intentions, dévoile la genèse du projet, le casting et le travail avec ses jeunes comédiens, les partis pris esthétiques, le travail sur les décors et la reconstitution, les conditions de tournage. Un excellent commentaire audio, dense, divertissant, largement conseillé.
Le making of (20’) illustre les propos tenus par Lola Doillon dans son commentaire puisqu’on y trouve essentiellement des images issues du plateau, montrant les gamins à l’oeuvre devant la caméra. Lola Doillon, les comédiens et Fanny Ben-Ami interviennent également sur les thèmes du film, son origine, la reconstitution des années 1940.
Nous retrouvons une fois de plus l’auteure Fanny Ben-Ami, à l’occasion d’une exposition regroupant ses dessins, ses croquis et ses peintures (23’). Visiblement très émue, Fanny Ben-Ami nous présente ses œuvres qui retracent cette fameuse épopée, quand du haut de ses douze ans elle est venue en aide à un groupe d’enfants juifs à gagner la Suisse en traversant la France occupée. Les propos ont été recueillis par Lola Doillon elle-même, qui a fait exprès le déplacement en Israël.
Ne manquez pas la section consacrée au casting des jeunes comédiens (12’) qui ne cessent d’étonner par leur spontanéité et leur talent naturel.
La séquence d’ouverture originale (3’) était très belle, même si un peu trop appuyée dans les coïncidences. Marina Vlady interprète Fanny âgée, qui arrive en France d’Israël pour retrouver ses anciens compagnons. En arrivant à l’institut, elle croise une petite fille qui s’appelle Fanny et qui joue au football avec ses amis. Elle est également interprétée par Léonie Souchaud.
Nous trouvons aussi une seule scène coupée (1’), visiblement laissée en raison du manque de conviction des jeunes comédiens.
L’Image et le son
La définition est optimale et fait la part belle à une magnifique colorimétrie. Ce transfert HD du Voyage de Fanny ne cesse de flatter les mirettes avec une luminosité omniprésente et un piqué incisif. Les séquences extérieures, particulièrement celles se déroulant en forêt, sont les mieux loties et le soleil qui perce à travers les arbres possède un relief fort étonnant. La palette est vive, chaude et bigarrée, les contrastes denses y compris en intérieur, les détails foisonnent sur le cadre large. Le film de Lola Doillon profite entièrement des apports de la Haute Définition.
La piste DTS-HD Master audio 5.1 met en avant la composition de Sylvain Favre et Gisèle Gérard-Tolini, spatialisée sur l’ensemble des enceintes. Les dialogues sont solidement positionnés sur la centrale, la balance frontale riche et dynamique. De nombreuses ambiances naturelles pointent évidemment sur les séquences en extérieur. L’éditeur joint également les sous-titres destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste audiodescription.
Copyright Metropolitan FilmExport / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
FOLLES DE JOIE (La Pazza goia) réalisé par Paolo Virzì,disponible en Blu-ray et DVDle 2 novembre 2016 chez Bac Films
Acteurs : Micaela Ramazzotti, Valeria Bruni Tedeschi, Valentina Carnelutti, Marco Messeri, Bob Messini, Roberto Rondelli, Anna Galiena…
Scénario : Paolo Virzì, Francesca Archibugi
Photographie : Vladan Radovic
Musique : Carlo Virzì
Durée : 1h56
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Beatrice est une mythomane bavarde au comportement excessif. Donatella est une jeune femme tatouée, fragile et introvertie. Ces deux patientes de la Villa Biondi, une institution thérapeutique pour femmes sujettes à des troubles mentaux, se lient d’amitié. Une après-midi, elles décident de s’enfuir bien décidées à trouver un peu de bonheur dans cet asile de fous à ciel ouvert qu’est le monde des gens « sains».
Le réalisateur Paolo Virzì ne s’est pas reposé sur ses lauriers après le triomphe mérité à la fois de la critique et du public de son excellent précédent film Les Opportunistes, une des plus grandes réussites du cinéma transalpin de ces dernières années qui s’est vu récompensé par 7 David di Donatello Awards en 2014 et plus d’une quarantaine de prix à l’international ! Il revient avec Folles de joie – La Pazza goia et délaisse le côté thriller, saga familiale et chronique de mœurs teintée d’humour noir des Opportunistes pour livrer une œuvre ensoleillée, drôle et très émouvante, qui rappelle les grandes heures du cinéma italien de Dino Risi, Mario Monicelli et Luigi Comencini.
Si les liens familiaux ont souvent tenu une part importante dans son cinéma, Paolo Virzì s’attache ici à deux femmes, inadaptées, solitaires, deux marginales. Beatrice la bonde pulpeuse, exubérante, bourgeoise déchue d’une quarantaine d’année, radieuse, qui ne s’arrête jamais de parler et de s’inventer une vie. Elle rencontre Donatella, la trentaine, brune, dépressive, maigre, tatouée, fragile, mutique, visiblement chargée de médicaments qui l’empêchent de s’automutiler et de s’autodétruire comme l’attestent diverses cicatrices. Elles se retrouvent toutes les deux à la Villa Biondi, institut psychiatrique pour femmes mentalement instables et sujettes à des troubles mentaux, qui tentent de retrouver le goût à la vie, entourées d’arbres séculaires et de pépinières. Tout semble les opposer et pourtant Beatrice et Donatella vont rapidement devenir complices, au point de réussir à se faire la malle pour profiter du soleil radieux qui inonde la Toscane.
Dans son cinéma, Paolo Virzì a souvent privilégié les valeurs simples et essentielles et livre cette fois encore un film extrêmement chaleureux, formidablement interprétée par Valeria Bruni Tedeschi, qui retrouve le réalisateur après Les Opportunistes, et Micaela Ramazzotti, compagne de Paolo Virzì, qui tenait déjà l’affiche de Tutta la vita davanti (2008) et La Prima cosa bella (2010), pour lequel elle avait obtenu le David di Donatello de la meilleure actrice. Les deux comédiennes sont exceptionnelles et l’alchimie est évidente.
Oeuvre furieusement attachante, pleine de pudeur, qui repose sur la folle énergie, le charme, le naturel confondant et l’immense sensibilité de ses comédiennes, Folles de joie est un road movie d’une justesse confondante, qui s’attache à deux désaxées lancées à fond la caisse pour oublier leur mal-être et la difficulté d’un monde qui ne les laisse pas s’exprimer ou tout simplement vivre dans le leur. Celui qu’elles se sont construits pour se protéger d’une douleur insupportable liée à un passé trouble. Mais les psychiatres, psychotérapeutes et même la police sont lancées à leurs trousses.
Animé d’une énergie contagieuse, sans pathos, mais avec une émotion, une délicatesse, un humour et une mélancolie qui vont droit au coeur des spectateurs, Folles de joie, sélectionné en Compétition officielle dans la section la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2016, chaînon manquant entre Une journée de fous de Howard Zieff et Thelma et Louise de Ridley Scott, est assurément un des plus beaux films de l’année.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Folles de joie, disponible chez Bac Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Grande déception, nous ne trouvons qu’un lot de bandes-annonces en guise de bonus.
Le Blu-ray de Folles de joie est au format 1080i.. Malgré cette déconvenue, les détails sont aiguisés et bien définis sur le cadre large. Que l’on soit en plan serré ou en plan large, la définition demeure quasi-optimale et le piqué acéré. Si les séquences en intérieur se révèlent plus douces, l’ensemble est consolidé par une compression AVC de haute volée restituant le soleil plombant de la Toscane, la végétation environnante et le bleu azur du ciel comme si on y était. La colorimétrie vive et saturée réalisée par le chef opérateur Vladan Radovic est superbement restituée, les contrastes concis même s’ils auraient pu l’être davantage, les noirs sont d’une densité exemplaire.
Les mixages italien et français DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent particulièrement sobres, mais instaurent un confort acoustique suffisant. En version originale, les dialogues sont solidement plantés sur l’enceinte centrale et nous vous conseillons d’éviter le doublage français. Dans les deux cas, la spatialisation musicale demeure évidente, les latérales soutiennent l’ensemble comme il se doit, les ambiances naturelles ne manquent pas. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version italienne.
TERREUR AVEUGLE (See no Evil / Blind Terror)réalisé par Richard Fleischer,disponible en Blu-ray et DVDle 9 novembre2016 chez Carlotta Films
Acteurs : Mia Farrow, Dorothy Alison, Robin Bailey, Diane Grayson, Brian Rawlinson, Norman Eshley, Paul Nicholas, Christopher Matthews…
Scénario : Brian Clemens
Photographie : Gerry Fisher
Musique : Elmer Bernstein
Durée : 1h29
Date de sortie initiale: 1971
LE FILM
Suite à une chute de cheval qui a mal tourné, la jeune Sarah perd l’usage de la vue. À sa sortie de l’hôpital, elle retourne habiter chez son oncle et sa tante dans un joli cottage de la campagne anglaise. Un jour que Sarah passe l’après-midi chez son ami Steve, un drame a lieu dans la demeure familiale…
Richard Fleischer (1916-2006), réalisateur éclectique et prolifique, est assurément l’un des plus grands metteurs en scène et raconteur d’histoire de l’industrie hollywoodienne. La plupart de ses films demeurent de vrais joyaux et continuent aujourd’hui de faire le bonheur des cinéphiles, tout en se transmettant de génération en génération. Auteur de thrillers, dont certains restent parmi les meilleurs du 7e Art à l’instar d’Assassin sans visage, Les Inconnus dans la ville, L’Etrangleur de Boston, ou bien encore Le Génie du mal, Terreur aveugle, réalisé en 1971 n’est certes pas le plus connu des films de Richard Fleischer, et pourtant cette nouvelle approche du « Mal » et de l’assassin est un vrai bijou. Terreur aveugle, Blind terror ou bien encore See no Devil n’est pas seulement un survival haletant, mais également un drame, une étude sociologique, un magnifique objet qui éblouit les yeux et qui offre à Mia Farrow un de ses rôles les plus impressionnants. Chaque cadre et chaque plan laissent pantois d’admiration. Si le Mal – la majuscule s’impose puisque Richard Fleischer, qui avait envisagé dans sa jeunesse des études pour devenir psychiatre, l’a souvent filmé comme une incarnation – est un des sujets principaux de Terreur aveugle, certains thèmes récurrents de son œuvre sont encore une fois présents avec un protagoniste esseulé, ici une femme, mélancolique, qui se reconstruit et qui doit pour cela affronter une épreuve inattendue.
Comme il n’a eu de cesse de le prouver tout au long de sa longue carrière (60 films en 45 ans), Richard Fleischer dirige ses comédiens d’une main de maître, en particulier ici Mia Farrow, époustouflante dans le rôle de Sarah, une jeune femme, victime d’un accident de cheval, qui lui a ôté la vue et qui apprend à vivre avec ce handicap. Après sa convalescence, elle retourne vivre dans la belle et grande maison de son oncle et de sa tante, isolée dans la campagne anglaise. Elle partage à nouveau sa chambre avec sa cousine Sandy. Le lendemain, elle rend visite à Steve, l’homme qui l’accompagnait au moment de son accident et avec lequel elle flirtait. Ils passent la journée ensemble, Sandy retrouvant ses marques en montant à cheval et en se laissant guider par Steve. A son retour, personne ne l’attend à la maison. Son oncle et sa tante ne sont pas rentrés de leur dîner et sa cousine, qui passait la soirée avec un prétendant secret, n’a pas non plus donné signe de vie, tout comme Barker le jardinier. Sarah s’endort avant la nuit tombée. Le lendemain matin, la maison est encore plongée dans le silence. Sarah se lève, pensant que ses habitants dorment encore. En réalité, alors qu’elle était avec Steve, l’oncle, la tante et la cousine de Sarah ont été assassinés et les corps laissés sur place dans la maison.
Le Mal est encore une fois au centre de l’intrigue de ce nouveau thriller de Richard Fleischer. Le cinéaste ouvre son film sur des spectateurs qui sortent d’un cinéma qui propose une séance en double programme, The Convent Murders et Rapist Cult, autrement dit Meurtres au couvent et Le Culte du violeur. Gros plan sur une paire de santiags étoilées et la musique d’Elmer Bernstein renforçant l’aspect cowboy-western de cet homme dont on ne verra pas le visage. Ce dernier déambule légèrement, comme s’il s’était senti ragaillardi par les deux films qu’il venait de voir. Il passe devant la vitrine d’un magasin de jouets qui propose des mitraillettes en plastique, des figurines de soldats armés jusqu’aux dents. Un peu plus loin, un marchand de journaux étale des magazines coquins et des thrillers, tandis que les manchettes des journaux indiquent en grands caractères qu’une émeute sanglante a éclaté dans la prison de la région ou que des enfants ont été massacrés. L’homme poursuit son chemin, gros plan sur ses doigts qui claquent au fil d’une mélodie qu’il est le seul à entendre. Il possède une gourmette au poignet. Il arrive devant des postes de télévision en vente qui diffusent le même film violent, en réalité Le Jardin des torturesréalisé par Freddie Francis. Il continue sa route quand soudain une voiture passe à côté de lui et roule dans une flaque d’eau qui arrose et salit ses bottes. L’homme s’arrête soudainement et observe. Un couple sort et vient accueillir une jeune femme à la gare. La voiture redémarre et l’homme prend le passage piéton où il s’arrête net. La voiture freine. Le conducteur et l’homme aux bottes semblent s’observer quelques secondes puis le premier sort la tête par la vitre et lui indique « C’est bon, on a compris… ». L’homme traverse et laisse la place à la voiture qui repart.
Après avoir visionné Terreur aveugle et pris une énorme baffe, revenir au début du film s’impose puisque tout se joue dans cette introducrion. Le Mal a toujours fasciné Richard Fleischer, dès ses premiers longs métrages réalisés à la RKO. Ici, la violence est montrée comme étant omniprésente, dans les salles de cinéma, jusque dans les journaux qui relatent les faits les plus horribles, tout comme dans les magasins de jouets. Le Mal s’incarne ici à travers cet homme aux santiags étoilées. Nous ne voyons pas sa tête, mais sa démarche chaloupée indique qu’il a visiblement pris du plaisir devant les deux films. Conditionné par l’horreur que l’on trouve à chaque coin de rue, il ne fallait sûrement pas davantage qu’une voiture qui éclabousse ses bottes, dont il prend visiblement le plus grand soin, pour que la violence que devait contenir jusqu’alors cet homme explose et s’en prenne à cette famille au sein de leur propriété. Le Mal n’a donc pas de visage – on pense d’ailleurs à Assassin sans visage, le premier long métrage de Fleischer – et pourtant si. C’est encore une fois le génie de Richard Fleischer et celui du scénariste Brian Clemens (créateur de la série Chapeau melon et Bottes de cuir), faire d’une femme aveugle la victime d’un tueur dont les spectateurs ne voient pas les traits.
Une fois qu’elle réalise l’horreur et le drame dont ont été victimes les membres de sa famille, Sarah se retrouve seule (mais pas « dans la nuit » comme le film de Terence Young avec Audrey Hepburn), livrée à elle-même. Le seul élément dont elle dispose est cette gourmette, aperçue durant le générique au poignet de l’homme aux santiags, retrouvée sur le sol, probablement égarée lors de l’interaction entre le tueur et ses victimes. Au-delà de la déambulation de Sarah dans l’immense propriété, fabuleusement mise en scène et dans un silence glacial, alors que les spectateurs découvrent horrifiés et médusés les corps gisant à côté desquels Sarah marche innocemment sans se rendre compte de rien, Terreur aveugle s’avère une réflexion sur le Mal qui peut frapper n’importe où et à n’importe quel moment. Et surtout, le Mal attire les badauds. La dernière image montre une foule agglutinée au portail en espérant apercevoir du sang ou même les corps des victimes.
Véritable leçon de mise en scène de 90 minutes, Blind Terror vaut évidemment pour l’époustouflante performance d’actrice de Mia Farrow. Le cinéaste ne la ménage pas et la comédienne se donne corps et âme à Sarah, rapidement attachante et à laquelle l’actrice prête sa frêle silhouette, son teint diaphane et ses yeux de poupée de porcelaine violentée jetée dans la boue.
Anxyogène, tendu, violent, angoissant, jouant constamment avec les nerfs des spectateurs, virtuose et stylisé avec également la magnifique photo du mythique Gerry Fisher, chef opérateur de Fedora et Le Convoi sauvage, Terreur aveugle est un thriller à la fois oppressant et réjouissant, une expérience incontournable. Un autre fascinant chef d’oeuvre à épingler au palmarès d’un des plus grands réalisateurs de tous les temps.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Terreur aveugle, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
A l’instar des Blu-ray de L’Etrangleur de Rillington Place et des Flics ne dorment pas la nuit, Terreur aveugle s’accompagne d’une préface (7′) réalisée par le brillant réalisateur Nicolas Saada (Espion(s), Taj Mahal). Même si l’éditeur appelle ce segment une préface, ne la visionnez surtout pas avant le film puisque les propos de Nicolas Saada sont collés sur des images tirées du film qui révèlent beaucoup d’éléments. Le cinéaste, passionné par le cinéma de Richard Fleischer, indique avoir découvert Terreur aveugle lorsqu’il était enfant et que le film l’avait beaucoup marqué. Nicolas Saada aborde ensuite la science du détail dans le cinéma de Fleischer et le sous-genre du film de terreur avec pour protagoniste un individu, la plupart du temps une femme atteinte d’un handicap comme Audrey Hepburn dans Seule dans la nuit de Terence Young et Deux mains, la nuit / The Spiral Staircase de Robert Siodmak.
C’est au tour du réalisateur belge Fabrice du Welz de s’exprimer sur Terreur aveugle (15′). L’auteur de Calvaire (2004), Vinyan (2008) et Alleluia (2015) avoue d’emblée sa fascination pour le cinéma de Richard Fleischer, dont le travail a influencé le sien du « point de vue physique et épidermique » comme il le dit lui-même. Rapprochant judicieusement Richard Fleischer de Robert Wise, Fabrice du Welz loue l’habileté et l’immense talent de ces metteurs en scène à passer d’un genre à l’autre avec aisance et un usage toujours innovant de l’outil cinématographique. Notre interlocuteur en vient plus précisément à Terreur aveugle, qui pour lui a dû forcément inspirer certains slashers et autres gialli, tout comme le travail de Brian de Palma.
L’interactivité se clôt sur une large galerie de photos, la bande-annonce originale et les credits du disque.
L’Image et le son
Carlotta Films livre un master HD qui frôle la perfection. Les partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Gerry Fisher (Highlander, Wolfen, Le Malin) trouvent en Blu-ray un nouvel écrin et se voient entièrement respectés. Point ou peu de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent tout en étant discret, la colorimétrie automnale retrouve un éclat inédit et le piqué est probant à l’instar des sublimes séquences en forêt. Le format 1.85 est conservé, la profondeur de champ fort appréciable. Notons de très légers plans flous, certains mouvements de caméra qui entraînent quelques pertes de la définition et des visages légèrement rosés. L’encodage AVC demeure solide, la gestion des noirs est impeccable, la propreté exceptionnelle et le niveau de détails impressionnant. Terreur aveugle qui affiche déjà 45 ans au compteur a bénéficié d’un lifting de premier ordre et d’un transfert d’une folle élégance.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 1.0 instaurent un confort acoustique total. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches, sans aucun souffle sur les séquences sans musique, comme celle extraordinaire où Sarah déambule dans sa maison sans se rendre compte de l’horreur qui l’entoure. Les effets sonores, riches et très recherchés, jouissent également d’un écrin phonique somptueux. Au jeu des différences, la version originale l’emporte sur son homologue car plus aérée, naturelle et franche dans son rendu. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.