ARSENAL réalisépar Steven C. Miller, disponible en DVD et Blu-ray le 14 juin 2017 chezMarco Polo Production
Acteurs : Nicolas Cage, John Cusack, Adrian Grenier, Johnathon Schaech, Lydia Hull, Heather Johansen…
Scénario : Jason Mosberg
Photographie : Brandon Cox
Musique : Ryan Franks, Scott Nickoley
Durée : 1h37
Date de sortie initiale: 2017
LE FILM
Quand Mikey, toujours fourré dans les mauvais plans, disparaît et qu’une grosse rançon est demandée, tout le monde pense qu’il a lui-même monté le coup pour récupérer l’argent… surtout qu’il a déjà travaillé dans le passé pour le mafieux Eddie King. Seul JP, son frère, reste persuadé qu’il est réellement en danger et abandonne alors tous ses principes pour tenter de le sauver.
Depuis les grandes réussites de Joe et de Suspect, Nicolas Cage a encore plus accéléré la cadence déjà folle de ses tournages. Depuis ces deux excellents crus, le comédien qui tourne plus vite que son ombre a joué dans 18 films. Dans cette liste, nous sauverons La Sentinelle de Paul Schrader, même si le cinéaste l’a renié pour cause de différends avec le studio LionsGate, The Runner d’Austin Stark, Le Casse des frères Brewer, Dog Eat Dog également de Paul Schrader, Snowden d’Oliver Stone dans lequel le comédien fait une petite participation, USS Indianapolis de Mario Van Peebles. A l’heure où cet article est rédigé, Nicolas Cage a déjà emballé quatre autres longs métrages actuellement en post-production, dont le très attendu Mom and Dad de Brian Taylor. Autant dire que l’acteur n’a pas chômé, en raison de grands problèmes d’argent, de problèmes avec le fisc, d’un comptable véreux, d’un divorce difficile, anyway, Nicolas Cage est obligé de tourner et dans le lot, forcément, certains films s’avèrent particulièrement mauvais. Toutefois, Arsenal parvient à échapper à cette catégorie, même si le film est avant tout une série B.
Dans Arsenal, il n’y joue qu’un rôle secondaire, mais alors quel personnage ! Prothèse nasale, lunette de soleil, peau grêlée, moustache épaisse, moumoute improbable, il y est absolument remarquable et disons-le, on ne voit que lui. Arsenal est un petit thriller bien emballé par Steven C. Miller, réalisateur né en 1981, devenu un spécialiste des films d’action à petit budget. On lui doit un The Aggression Scale avec Ray Wise, Silent Night – sorti en France sous le titre Bloody Christmas – avec Malcolm McDowell et Jaime King, Extraction, First Kill et Marauders avec Bruce Willis. Il vient tout juste de terminer la suite d’Evasion, intitulée Escape Plan 2 : Hades, avec Sylvester Stallone, Dave Bautista, Jaime King et 50 Cent. Autant dire que le metteur en scène ne fait pas dans la dentelle, mais que son efficacité a été remarquée. C’est le cas pour Arsenal.
Sur une trame archi-rabattue, Steven C. Miller soigne sa photographie et sa mise en scène avec des couleurs cramées inspirées des films de Michael Bay et des ralentis stylisés parfois proches du bullet-time. On ne s’ennuie pas devant Arsenal, grâce à ses acteurs, en particulier Nicolas Cage comme nous le disions précédemment dans le rôle d’Eddie King. Survolté, enflammé, le comédien joue ici un immonde salopard cocaïné et psychotique. Extrêmement violent – le film a d’ailleurs été interdit aux moins de 17 ans aux Etats-Unis – son personnage de boss de la pègre nous est présenté en train de passer à tabac une pauvre victime à coups de batte de baseball, en lui fracassant les dents, devant les yeux d’un gamin. Bien que peu présent à l’écran durant la première heure, Nicolas Cage porte le troisième acte de manière percutante, notamment lors d’une baston sanglante avec son frère, interprété par un certain Christopher Coppola…le propre frangin de l’acteur ! A voir pour le croire et surtout pour se rendre compte encore une fois à quel point Nicolas Cage est toujours immense. D’ailleurs, Arsenal apparaît comme une suite non officielle de Deadfall, réalisé par Christopher Coppola en 1993, dans lequel Nicolas Cage arborait déjà le même look et interprétait le personnage d’Eddie !
Au générique, John Cusack, également spécialiste des DTV entre deux belles performances au cinéma (Love & Mercy, Maps to the Stars), qui est ici plus discret et moins présent à l’écran. Contrairement à l’excellent Suspect, il ne donne pas la réplique à Nicolas Cage ici et se contente de jouer le flic de service en apportant son nom porteur au projet. Arsenal est surtout porté par Adrian Grenier, connu pour avoir joué le boyfriend d’Anne Hathway dans Le Diable s’habille en Prada et surtout Vince dans la série Entourage, ainsi que par Johnathon Schaech, le Jonah Hex de la série DC : Legends of Tomorrow. Tout ce beau petit monde cohabite, fait le job, conscient de ne pas participer au film du siècle, mais au service d’un réalisateur qui fait du bon boulot en s’inspirant parfois de l’univers du roman graphique et qui possède donc un atout majeur avec la présence d’un Nicolas Cage inspiré et explosif dans le rôle du badguy. Sa prestation, qui rappelle à quel point le bougre est sublime dans les rôles de pourris, vaut bien qu’on accorde 1h35 à Arsenal !
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray d’Arsenal, disponible chez Marco Polo Production, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet. Le visuel de la jaquette fait la part belle aux deux têtes d’affiche les plus célèbres, entourant ici Adrian Grenier. Dommage que l’éditeur n’ait pas repris l’affiche originale. Aucun supplément, ni de chapitrage d’ailleurs.
L’Image et le son
Le Blu-ray est au format 1080p – AVC. L’éditeur prend soin du thriller de Steven C. Miller et livre un master HD très convaincant et au transfert soigné. Respectueux des volontés artistiques originales, la copie se révèle solide, probablement une des plus belles éditions HD de Marco Polo Production, alliant des teintes chaudes, ambrées et dorées (des filtres jaunes-orangés pour résumer) avec les bleus électriques du ciel. Le piqué est parfois doux en raison des partis pris esthétiques, les blancs sont cramés, les arrière-plans manquent de profondeur, mais ces légers bémols n’entravent en rien les conditions de visionnage. Les contrastes sont tranchants, la colorimétrie joliment laquée, le relief omniprésent et les visages, en particulier la trogne de Nicolas Cage avec son faux nez, sont détaillés à souhait.
Du côté acoustique, les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique et à quelques effets latéraux. Des ambiances naturelles percent les enceintes arrière sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Sans grande surprise, la version originale se révèle plus naturelle et riche que la piste française. C’est assez rare pour qu’on le signale, Nicolas Cage n’est pas doublé en français par l’excellent Dominique Collignon-Maurin. Autant vous dire que la surprise est de taille… mauvaise même. A éviter donc. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale, et le changement impossible à la volée.
REVENGER (The Assignment)réalisépar Walter Hill, disponible en DVD et Blu-ray le 6 juin2017 chezTF1 Vidéo
Acteurs : Michelle Rodriguez, Sigourney Weaver, Tony Shalhoub, Caitlin Gerard, Terry Chen, Anthony LaPaglia…
Scénario : Walter Hill, Denis Hamill
Photographie : James Liston
Musique : Giorgio Moroder, Raney Shockne
Durée : 1h35
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Une chirurgienne brillante et manipulatrice décide de se venger du meurtre de son frère. Elle est prête à tout pour retrouver le tueur et lui faire payer son crime….au-delà de l’imaginable. Frank Kitchen est un tueur sans pitié qui pourchasse ses proies et les abat froidement pour éxécuter ses contrats. Mais cette fois ci, le contrat, c’est lui. Un contrat motivé par un puissant désir de vengeance qui doit le mener sur le chemin de la rédemption. Après s’être fait kidnapper, Frank se réveille avec un nouveau visage… Comprenant qu’il est l’objet d’une terrible manipulation, c’est à son tour de mettre en œuvre sa vengeance : elle sera redoutable !
Si Du plomb dans la têteavait marqué le retour de Walter Hill derrière la caméra dix ans après Un seul deviendra invincible, le cinéaste n’aura pas attendu aussi longtemps pour livrer son nouveau film Revenger, The Assignment en version originale. Comme pour son précédent long métrage, Walter Hill adapte une bande dessinée, publiée en France sous le titre Corps et Ame (chez Rue de Sèvres), cosignée par le réalisateur lui-même avec Matz et Jef. Revenger reprend la même intrigue. Frank n’est pas un type bien. Des hommes, il en a descendus des dizaines, proprement, sans histoires, un vrai pro. Pourtant, il aurait pu se douter que cette affaire payée le double était louche. Mais le réveil est bien plus rude que tout ce qu’il pouvait imaginer : si son âme est toujours homme, son corps, lui, est devenu femme. Une vengeance pour un crime passé. Sa vengeance à lui commence, et elle ne laissera personne indemne. Walter Hill ne le cache pas, Revenger, dont le script initial – sous le titre Tomboy – remonte aux années 1970, est une pure série B tournée avec un budget très restreint (on parle de 2,5 millions de dollars) et une intrigue réduite au plus simple.
Le plus amusant du film car le plus improbable, c’est bien évidemment la performance de Michelle Rodriguez, qui n’est certes pas la plus sobre des comédiennes, mais qui a l’air de s’amuser à jouer un tueur à gages, avec la barbe qui n’a d’égale que la perruque de Christophe Lambert dans Vercingétorix : la légende du druide roi et le service trois-pièces en latex, qui subit une vaginoplastie comme représailles après un contrat qui a mal tourné. Autant dire que le réveil est difficile pour ce mec macho qui lève des nanas dans les bars éclairés aux néons. Mais s’il doit dorénavant prendre des hormones et « accepter » sa nouvelle situation, il, ou elle désormais, est bien décidée à retrouver celle qui est responsable de cette nouvelle identité, tout en flinguant les sbires qui se mettront sur sa route. Michelle Rodriguez en fait des tonnes, fronçant les yeux et en faisant la moue, pétoires à la main et démarche de camionneuse. Ça défouraille pas mal, mais malheureusement le récit ne suit pas une seconde.
Revenger qui se complaît dans une esthétique craspec avec une nonchalance assumée, tout en plagiant l’idée centrale du chef d’oeuvre de Pedro Almodóvar, La Piel que habito, avec un zest de Sin Cityavec cette voix-off omniprésente. Entre Michelle Rodriguez d’un côté en mode bulldozer, et Sigourney Weaver sanglée dans une camisole de force qui tape la discute avec son toubib Tony Shalhoub, Revenger est un film qui adopte un rythme de croisière avec le frein à main serré, tandis que le spectateur attend toujours la scène d’action qui viendra un peu remuer tout ça. Peine perdue.
Revenger est un thriller pulp, mâtiné de plans directement issus de la BD avec des arrêts sur image « comics » qui tentent de donner une identité à l’ensemble. Ce n’est pas déplaisant, surtout avec ce personnage principal qui tente de renouer avec son identité, ce qui vaut quelques réflexions sur le genre, mais Revenger est tellement lent, lambda et déjà-vu, qu’il ne se distingue jamais du tout-venant. Et qu’est-ce que c’est bavard ! C’est vraiment dommage, surtout que Walter Hill avait prouvé avec le réjouissant Du plomb dans la tête, buddy movie renvoyant directement à ceux réalisés dans les années 80, qu’il en avait encore sous le capot.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Revenger, disponible chez TF1 Vidéo après un passage en VOD, a été réalisé à partir d’un check disc. Le menu principal est animé et musical.
Edition minimaliste pour Revenger puisque l’éditeur ne livre qu’un petit entretien de Walter Hill et de Michelle Rodriguez (12’), visiblement réalisé à l’occasion de la promotion du film par le journaliste Didier Allouch. Dans un premier temps, le réalisateur monopolise la parole tandis que la comédienne se contente d’acquiescer et de renifler dans le micro Studiocanal. Walter Hill revient sur la genèse de Revenger, sur le budget restreint et le fait de réaliser une série B, sur les partis pris et la BD à l’origine du film. Michelle Rodriguez sort ensuite de sa torpeur et de son rhume pour indiquer à quel point elle s’est sentie femme en incarnant un homme. Merci Michelle.
L’Image et le son
Le master HD (1080p) français de Revenger édité par TF1 Vidéo restitue habilement les volontés artistiques du chef opérateur James Liston (Lost Identity) en conservant un très léger grain cinéma, des couleurs à la fois chaudes et froides, des contrastes léchés ainsi qu’un relief constamment palpable. La compression AVC consolide l’ensemble avec brio, les détails sont légion sur le cadre large et les visages des comédiens, le piqué est aiguisé, les noirs denses, les blancs cramés et la copie éclatante. Les très nombreuses séquences nocturnes jouissent également d’une belle définition, même si les détails se perdent quelque peu.
Pour un film de ce genre, nous nous attendions à un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 plus ardent. En français comme en anglais, la scène latérale distille ses effets avec une étonnante parcimonie et il faut véritablement attendre les quelques séquences d’action pour que la spatialisation se fasse enfin concrète et que le caisson de basses se réveille. Sans grande surprise, la version originale se révèle plus naturelle et riche que la piste française. Les dialogues manquent de punch et d’intelligibilité sous la percutante balance frontale.
LE CYNIQUE, L’INFÂME, LE VIOLENT(Il Cinico, l’infame, il violento)réalisépar Umberto Lenzi, disponible en combo DVD/Blu-rayle 18 mars 2017 chezThe Ecstasy of Films
Acteurs : Maurizio Merli, Tomás Milián, John Saxon, Renzo Palmer, Gabriella Lepori, Claudio Undari, Bruno Corazzari…
Scénario : Ernesto Gastaldi, Dardano Sacchetti, Umberto Lenzi d’après une histoire originale de Sauro Scavolini
Photographie : Federico Zanni
Musique : Franco Micalizzi
Durée : 1h40
Date de sortie initiale: 1977
LE FILM
Luigi Maietto, dit »le Chinois » , jeune truand cynique et ambitieux, vient de s’évader de prison. Son premier souhait est de faire mordre la poussière au responsable de sa condamnation à vie, l’ex-commissaire de police Leonardo Tanzi, en lui envoyant deux tueurs. En dépit de graves blessures, il se fait passer pour mort et se cache à Rome pour y donner la chasse à son persécuteur. Le Chinois, qui se croit débarrassé, a repris son activité au sein de la pègre organisée, en s’associant au « boss » italo-américain Frank Di Maggio pour mieux régner en maître sur la Mafia romaine. Tanzi monte un plan machiavélique pour anéantir Le Chinois en l’opposant à Di Maggio. Une guerre sans merci va débuter.
Au cours des années 70, l’Italie subit les revendications politiques des Brigades Rouges et vit ce que l’on appellera plus tard ses « années de plomb » . Reflet social, le cinéma va exprimer cette violence dans une vague de polars urbains âpres et cruels. Fortement inspirés par des films comme L’inspecteur Harry (1971), Un justicier dans la ville (1974) ou encore French Connection (1971), les réalisateurs Enzo G. Castellari, Fernando Di Léo, Umberto Lenzi, et bien d’autres, vont faire mettre en images violence, vengeance et justice. Franco Nero, Tomás Milián, Fabio Testi, ou Maurizio Merli, vont camper les flics, voyous, mafieux, escrocs ou justiciers, pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Celui qui nous intéresse ici est Le Cynique, l’Infâme et le Violent – Il cinico, l’infame, il violento (et même The Cynic, the Rat and the Fist en anglais !) réalisé par le prolifique Umberto Lenzi (Maciste contre Zorro, Kriminal, Le tueur à l’orchidée) avec le mythique Tomás Milián, comédien cubain qui alternait les séries B lucratives et les films d’auteur chez Mauro Bolognini, Alberto Lattuada, Valerio Zurlini, Liliana Cavani, Bernardo Bertolucci, Michelangelo Antonioni. A l’heure où certaines villes italiennes sont ratissées par certains gangs organisés et les petits commerçants pillés de toutes parts, Le Cynique, l’Infâme et le Violent agit comme un véritable défouloir dans les salles de cinéma en 1977.
Triomphe public, ce thriller violent n’a sans doute pas l’audace de Big Racket d’Enzo G. Castellari, mais n’en demeure pas moins un reflet de l’Italie d’alors et n’a rien perdu de sa férocité aujourd’hui. Porté par le charisme animal de Tomás Milián d’un côté, de Maurizio Merli de l’autre et du comédien italo-américain John Saxon entre les deux, Le Cynique, l’Infâme et le Violent est un véritable festival de bastons aux bruitages à la Terence Hill / Bud Spencer, de répliques cinglantes (en version originale tout du moins), de règlements de comptes (on y casse des jambes avec un cric, on jette de l’acide au visage d’une femme, on défonce la tête d’un homme à l’aide de balles de golf avant de le donner à bouffer à des dogues allemands), ça défouraille sévère. Le tout en gardant l’air décontracté, la chemise au col pelle à tarte bien ouvert sur le torse poilu où brillent les chaînes en or.
Après La rançon de la peur – Milano odia : la polizia non può sparare, Bracelets de sang – Il giustiziere sfida la città, Opération casseur – Napoli violenta, Le Cave sort de sa planque – Il trucido e lo sbirro, Le Clan des pourris – Il trucido e lo sbirro et surtout Brigade spéciale – Roma a mano armatadont il s’agit d’une suite (mais contrairement à Merli, Milian n’incarne pas le même personnage), Umberto Lenzi réunit ses précédentes têtes d’affiche pour Le Cynique, l’Infâme et le Violent, même si Tomás Miliánet Maurizio Merli, qui ne se supportaient plus au point d’en venir aux mains, n’apparaissent jamais dans le même plan, y compris lors de l’affrontement final, grâce à un montage malin et très découpé.
Maurizio Merli traverse le film en singeant Franco Nero, au point d’y ressembler de façon troublante sur certains plans, comme si rien ne pouvait l’atteindre, en mettant un coup de poing d’abord et en discutant après. L’intrigue est typique du néo-polar italien aka poliziesco, avec quelques ingrédients directement issus du western et même de Mission Impossible lors d’un casse réalisé à l’aide de quelques gadgets (dont des lunettes à infrarouges pour passer à travers des lasers), et l’on suit avec délectation ces trois intrigues en parallèle, jusqu’à ce que le destin réunisse les trois personnages principaux sur la même scène.
Quarante ans après, Le Cynique, l’Infâme et le Violent demeure un savoureux divertissement, un pur plaisir de cinéma Bis, un petit bijou de l’Eurocrime fait évidemment pour remplir le tiroir-caisse, mais avec une redoutable efficacité doublé d’un vrai sens du spectacle populaire.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray et le DVD duCynique, l’Infâme et le Violent, disponible chez The Ecstasy of Films, repose dans un élégant boîtier classique de couleur noire. L’élégante jaquette (réversible) saura immédiatement taper dans l’oeil des cinéphiles passionnés de cinéma Bis, et des autres, puisqu’elle reprend l’un des visuels originaux. Le menu principal est animé et musical. La tranche de la jaquette indique que ce titre est le numéro 1 de la collection Eurocrime et la sérigraphie du disque arbore les couleurs du drapeau italien.
Pour cette édition limitée, The Ecstasy of Films propose 1h45 de suppléments ! Autant dire que les fans vont être ravis !
On commence par l’entretien avec le réalisateur Umberto Lenzi (22’). Né en 1931, le cinéaste revient tout d’abord sur son amour du film noir américain, ses études au Centro Sperimentale di Cinematografia, ses débuts au cinéma dans le péplum et dans les films de pirates. Puis, Lenzi aborde son travail dans le giallo et le poliziecoavec quelques-uns de ses plus grands succès. Le metteur en scène est visiblement heureux de partager ses souvenirs et de revenir sur la période la plus glorieuse de sa carrière. Evidemment, il n’oublie pas de mentionner les acteurs qu’il a fait tourné à plusieurs reprises, Maurizio Merli et Tomás Milián (« qui avait besoin de se charger avant de tourner »), en insistant sur le fait que les deux comédiens, qui ne pouvaient pas se supporter, ne se sont pas croisés une seule fois sur le plateau du Cynique, l’Infâme et le Violent. Le titre original du film « Insieme per una grande rapina » (Ensemble pour un grand casse), utilisé sur le plateau et même pour la bande-annonce, est gentiment moqué de la part de Lenzi puisque cette idée des producteurs ne correspondait pas du tout au film qu’il était en train de tourner. C’est le réalisateur lui-même qui a ensuite trouvé le titre définitif en s’inspirant bien sûr de Sergio Leone. Ne manquez pas ce rendez-vous bourré d’anecdotes intéressantes.
Réalisée peu de temps avant sa disparition, l’interview de Tomás Milián (13’) est également au programme. Aux côtés d’un chat tranquillement endormi, le comédien passe pas mal de temps à parler (en anglais) de son statut d’immense star en Italie, sur ses collaborations avec les plus grands et son triomphe dans les séries B. Milián s’attarde surtout sur ses diverses collaborations avec Umberto Lenzi, « un réalisateur qui avait besoin de travailler avec moi, car il était sûr de gagner de l’argent ». L’acteur se penche notamment sur sa relation avec le cinéaste, « un rapport amour-haine, car je refusais de faire ce qui ne me plaisait pas ». Dans la dernière partie de cet entretien, Tomás Milián aborde le côté défouloir d’incarner des salauds à l’écran, « cela permet de vider son sac et c’est donc plutôt relaxant », ainsi que sa participation aux dialogues pour ses personnages, en indiquant que chacune de ses trouvailles faisait le bonheur des spectateurs.
C’est avec une grande joie que nous découvrons ensuite un entretien avec le grand John Saxon (16’). Visiblement réalisée pour la télévision allemande, cette interview est étrangement présentée, mais les propos n’en demeurent pas moins spontanés, drôles et toujours intéressants. Tenant toujours la forme à 80 ans, le comédien évoque sa collaboration avec Tomás Milián (« avec qui cela s’est très bien passé »), Maurizio Merli (« qui parlait de lui à la troisième personne et qui était très satisfait de lui-même […] une grande star, mais qui planait un peu »), Umberto Lenzi (« qui criait beaucoup et qui maudissait tout ce qu’il pouvait »). John Saxon se dit surpris par le regain d’intérêt pour le sous-genre polizieco, dont il savait le succès colossal dans les salles, mais qu’il n’allait pas voir au cinéma, préférant les films d’auteurs dans les petites salles souvent éloignées de la ville. Le comédien revient également sur sa carrière en Italie (dont son premier film La Fille qui en savait trop de Mario Bava en 1963) et son attachement pour le pays et sa culture, étant lui-même d’origine italienne.
Le plus long supplément de cette interactivité s’avère l’entretien avec Franco Micalizzi (36’). Le compositeur à qui l’on doit les thèmes de On l’appelle Trinita, Brigade spéciale, Le Cynique, l’Infâme, le Violent, Quand faut y aller, faut y aller et Attention les dégâts revient ici sur l’ensemble de sa carrière et ses rencontres déterminantes. Sa passion pour la musique, ses débuts, ses influences, sa passion pour le jazz, son travail à la maison de disques R.C.A., son arrivée dans l’industrie du cinéma, tous ces sujets sont abordés avec passion par Franco Micalizzi.
Le dernier bonus est une présentation du Cynique, l’Infâme et le Violent par Mike Malloy (11’). S’il recoupe l’essentiel des modules précédents, notre interlocuteur ne manque pas d’imagination pour parler du film qui nous intéresse avec notamment l’apparition d’un fan de Tomás Milián qui tente d’imposer le portrait de son comédien favori au moment où Malloy évoque Merli et Saxon.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale.
L’Image et le son
Alors là, chapeau ! Jusqu’alors inédit en DVD et Blu-ray, Le Cynique, l’Infâme et le Violent déboule en version restaurée et Haute-Définition chez The Ecstasy of Films. Dès le générique d’ouverture (en français), l’image, au format respecté 2.35, affiche une propreté remarquable et une stabilité jamais prise en défaut, la clarté est de mise, les couleurs sont restituées pimpantes, le grain cinéma bien géré, les contrastes riches, le piqué agréable. La définition flatte les mirettes, la compression demeure discrète. C’est superbe ! Le Blu-ray est au format 1080p.
Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Franco Micalizzi . Elle demeure la plus dynamique du lot, mais également la plus virulente et la plus frontale dans ses dialogues par rapport à son homologue à l’adaptation plus « légère ». La version française DTS HD Master Audio Mono pousse un peu trop les dialogues, légèrement chuintants, au détriment des effets annexes. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
TROPIQUE DU CANCER(Al Tropico del Cancro)réalisépar Edoardo Mulargia et Giampaolo Lomi, disponible en combo DVD/Blu-rayle 1er avril 2017 chez Le Chat qui fume
Acteurs : Anthony Steffen, Anita Strindberg, Gabriele Tinti, Umberto Raho, Stelio Candelli, Gordon Felio, Kathryn Witt…
Scénario : Anthony Steffen, Giampaolo Lomi, Edoardo Mulargia
Photographie : Marcello Masciocchi
Musique : Piero Umiliani
Durée : 1h35
Date de sortie initiale: 1972
LE FILM
Vivant depuis de nombreuses années à Port-au-Prince, le Docteur Williams traîne une réputation de fabricant de drogue. Sa dernière création est un puissant hallucinogène permettant de plonger dans un univers érotique ouvrant sur ses désirs les plus secrets. Peacock, énorme fortune de l’île, pédophile notoire, convoite la formule, tout comme un certain Murdock, fraîchement arrivé en ville. Après avoir caché son invention, Williams voit débarquer un vieil ami, Fred Wright et son épouse Grace. Commence alors une série de règlements de comptes de plus en plus violents, tandis que Grace, au son des tambours vaudous, découvre ses désirs enfouis.
Tropique du Cancer – Al Tropico del Cancro (1972), est un giallo à part. Alors que les films du genre se déroulent habituellement dans une ville (européenne), de nuit, éclairée froidement ou au contraire avec moult jeux de couleurs baroques, le film coréalisé – enfin c’est à voir, comme cela est expliqué dans les suppléments du Blu-ray – par Edoardo Mularcia (Creuse ta fosse, j’aurai ta peau, El Puro, la rançon est pour toi) et Giampaolo Lomi (assistant sur Les Négriers de Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi, déjà tourné à Haïti) se déroule sous la chaleur moite et le soleil éclatant d’Haïti. En plus de cette approche singulière et exotique, le giallo est lui-même parasité par un autre genre d’exploitation alors lancé depuis dix ans, le mondo. Ce qui caractérise le mondo est une approche semi-documentaire, proposant des images souvent très crues, destinées avant tout à choquer les spectateurs. Comme qui dirait l’ancêtre du found-footage, puisqu’il s’agit avant tout de renforcer l’immersion de l’audience. C’est donc à la lisière de ces deux genres qu’apparaît Tropique du Cancer.
Le Docteur Williams (Anthony Steffen aka Antonio De Teffè, également coscénariste) vit à Port-au-Prince depuis plusieurs années et semble se consacrer à son travail à l’hôpital. En réalité, Williams s’adonne à des recherches et même à la fabrication de substances illicites. Le scientifique solitaire et misanthrope a mis au point un puissant hallucinogène à haute teneur érotique, ayant pour conséquence de rendre réaliste les fantasmes de celui ou celle qui le respire. La découverte de Williams, aidé dans ses travaux par deux assistants, est parvenue jusqu’aux oreilles d’individus peu scrupuleux, qui souhaitent acquérir la formule par tous les moyens possibles. C’est alors que débarquent Fred (Gabriele Tinti, le « vrai » Don Cesar de La Folie des grandeurs) et son épouse Grace (Anita Strindberg), visiblement pour essayer de relancer leur couple en crise. Tandis que cette dernière tombe immédiatement sous le charme de l’île et de ses habitants, un en particulier, la visite de Fred, ancien ami de Williams, ne semble pas innocente. Pendant ce temps, les deux assistants du docteur se font assassiner. Se pourrait-il que le meurtrier soit le dénommé Peacock, un obèse pédophile qui a la mainmise sur l’île grâce à son argent ? Ou bien encore un certain Murdock, qui vient tout juste d’arriver dans la capitale accompagné d’un homme de main ? Malgré les tensions, Williams ne souhaite pas vendre son invention et l’a dissimulée. Mais les menaces se multiplient.
Tropique du Cancer est plus un film d’ambiances et d’atmosphère qu’un véritable thriller proprement dit, même si les meurtres réalisés par un tueur aux gants de cuir s’enchaînent – en caméra subjective bien entendu – et s’avèrent de plus en plus sauvages. En situant le récit à Port-au-Prince, dans un climat étouffant et anxiogène, les deux réalisateurs créent un malaise constant et inquiétant, d’autant plus qu’ils marquent le film de brisures documentaires, notamment quelques transes, rituels et pratiques vaudou organisés pour les moyens du tournage, mais bel et bien réels, non mis en scène, y compris le sacrifice d’un taureau dont on recueille le sang après égorgement, comme plus tard lors d’une visite d’abattoirs. Sous ce climat lourd et suffocant, nous suivons la course à un aphrodisiaque puissant et révolutionnaire. Là encore, c’est moins cet aspect « espionnage » – à la résolution très décevante il faut bien l’avouer – que le réveil du désir d’une femme qui s’avère le plus intéressant, d’autant plus quand celle-ci est interprétée par la sublime actrice suédoise Anita Strindberg !
Dès l’arrivée de Grace sur le sol de Port-au-Prince, la jeune femme remarque un des employés de l’hôtel où elle a posé ses valises. On sent Grace bouleversée par ce qui lui arrive et cet habitant, lui-même peu indifférent, semble réveiller chez elle quelques fantasmes sexuels jusqu’alors refoulés. Sentiments qui conduisent à la séquence la plus célèbre du film, quand Grace, sous le charme de l’aphrodisiaque distillé à son insu, plonge dans un rêve peuplé de jeunes éphèbes noirs, nus, qui tentent de l’agripper dans un couloir couleur rouge-sang, jusqu’à ce qu’elle tombe dans les bras de celui sur qui elle fantasme depuis son arrivée, le tout bercé par la superbe partition de Piero Umiliani. Magnifique scène graphique qui n’est évidemment pas sans rappeler l’ouverture du Venin de la peur de Lucio Fulci, également interprété par Anita Strindberg.
Film pluriel, à la croisée des genres, à la lisière du fantastique, Tropique du Cancer est finalement un film inclassable et sensuel, curieux, atypique et ambitieux, à la fois divertissant et réflexion sur la sexualité féminine. De grandes qualités qui font oublier les quelques facilités et l’aspect parfois décousu du scénario.
LE BLU-RAY
Le Chat qui fume a mis le turbo depuis la sortie en Blu-ray du Venin de la peur en octobre 2015 ! Après les sublimes éditions HD La Nuit des diables, Exorcisme tragique, La Soeur d’Ursula et Terreur sur la lagune, le félin sort les griffes à nouveau ! C’est au tour de Tropique du Cancer d’arriver dans l’escarcelle – ou la gamelle – du Chat noir. L’objet est magnifique.
Le combo Digipack à trois volets de ce nouveau titre « Exploitation italienne », renferme à la fois le DVD du film, celui alloué aux suppléments et le Blu-ray qui reprend le tout. Sur le verso des volets, nous trouvons trois affiches originales du film. L’ensemble se glisse dans un étui cartonné du plus bel effet, au visuel superbe et attractif. Cette édition limitée à 1000 exemplaires s’avère un véritable objet de collection. Le menu principal est animé et musical. Un service princier.
Comme d’habitude pour ses éditions HD, Le Chat qui fume a mis le paquet concernant les suppléments avec plus d’1h45 de bonus à se mettre sous la dent !
On commence par l’entretien avec le coréalisateur Giampaolo Lomi (32’). Né en 1930 et ne comptant que deux films à son actif en tant que metteur en scène, Tropique du Cancer en 1972 et I Baroni en 1975, Giampaolo Lomi explique que l’idée d’Al Tropico del Cancro vient de lui et de son désir de retravailler en Haïti, où il a vécu 1 an et demi et où il a surtout servi d’assistant-réalisateur sur Les Négriers de Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi. Dans un deuxième temps, Lomi insiste sur le fait qu’on lui ait imposé de réaliser Tropique du Cancer en binôme avec Edoardo Mulargia en raison de son manque d’expérience dans le domaine de la fiction. Mais l’argument est aussitôt démenti par l’intéressé qui indique que Mulargia, qui était chargé à la base de superviser le tournage, préférait aller à la plage en lui faisant confiance. Lomi s’accapare donc l’entière paternité du film, sur lequel il revient ensuite plus longuement, les conditions de tournage – en Arriflex 9mm – des scènes de vaudou, le travail avec les comédiens, Anthony Steffen qu’il qualifie de voleur de gros plans et qui s’est imposé pour écrire également le scénario, sans oublier Anita Strindberg, dont il se souvient surtout de la poitrine refaite qu’il a essayé de dissimuler à l’image. Après être revenu sur les personnages et la représentation de l’homme de couleur dans Tropique du Cancer, Lomi aborde un sujet épineux, ses rencontres avec le dictateur François Duvalier ou Papa Doc, qu’il considère comme l’un des chefs d’état les moins cruels « dans le genre » et tente de démontrer ce qu’il a fait pour Haïti, en permettant à la population d’avoir accès à la nourriture. Damn !
Tout ce qui est dit par Lomi est en quelque sorte démenti par le second réalisateur de Tropique du Cancer dans le supplément suivant. Contrairement au module précédent, le document présenté est composé d’entretiens audio avec Edoardo Mulargia (décédé en 2005), ainsi que des propos face caméra du journaliste Davide Pulci, du réalisateur Roger A. Fratter et des comédiens Robert Woods et Marc Fiorini (18’). Dans son interview à l’enregistrement grinçant, Edoardo Mulargia annonce de son côté être l’auteur du film en avançant que Giampaolo Lomi « s’est uniquement occupé de tourner quelques scènes secondaires, mais pas grand-chose […] il n’a pas grand-chose à y voir, même si le film est sorti sous nos deux noms ». Ce sur quoi les autres intervenants réagissent en allant dans ce sens, en expliquant que Lomi s’est probablement occupé de la partie « documentaire » du film, à savoir les scènes de vaudou, alors que Mulargia s’est chargé de tout le reste, autrement dit de la partie fictive et du travail avec les acteurs. Tropique du cancer est ensuite un peu abordé sur la forme et sur le fond, même si ce module s’égare ensuite sur le travail d’acteur de Anthony Steffen avec les interventions de deux comédiens qui lui ont donné la réplique. Dans la dernière partie de ce documentaire, l’intérêt se recentre sur la fin de carrière de Mulargia, placée sous le signe de films érotiques, ce que l’intéressé dément dans son entretien. Plus critique, Davide Pulci indique que Mulargia « était un réalisateur qui n’avait pas vraiment de style notable et ses films sans particularité artistique ou technique ».
C’est ensuite au tour du journaliste Francis Barbier du site DeVilDead.com de prendre la parole pour une analyse indispensable de Tropique du Cancer (27’). Comme il l’indique d’entrée de jeu, ce module contient des spoilers et n’est donc à visionner qu’après avoir vu le film. Outre son attachement pour la belle Anita Strindberg (« avec son corps qui capte le soleil… ») et sa pique sur « cette espèce de vieux con d’Eastwood » quand il aborde le thème du racisme, Francis Barbier croise habilement le fond et la forme du film qui nous intéresse en revenant sur son caractère singulier et transgenre, entre giallo et mondo, sans oublier une touche de blaxploitation. La scène d’hallucination est passée au crible, tout comme le travail des deux réalisateurs, le cadre, l’espace et l’homme de couleur dans le cinéma italien.
Dernier entretien de cette interactivité avec celui du scénariste Fathi Beddiar (25) qui nous présente ses trois gialli préférés. Visiblement peu habitué à l’exercice, l’intéressé s’embrouille quelque peu dans ses propos qui manquent de construction, même si l’ensemble est malgré tout sympathique et intéressant. L’auteur du très bon Colt 45, qu’il a néanmoins renié avec le réalisateur Fabrice Du Welz en raison d’une production catastrophique, essaye tout d’abord de donner sa propre définition du giallo, avant de livrer son top constitué de Gente di rispetto de Luigi Zampa (1975), Le Corps et le Fouet et 6 Femmes pour l’assassin de Mario Bava (1963 et 1964), ainsi que Les Frissons de l’angoisse de Dario Argento (1975). Si Fathi Beddiar s’égare quelque peu, au moins l’intéressé fait preuve de grandes connaissances du giallo (et du cinéma en général) et son intervention ne manque pas d’attraits.
Egalement au programme, à la fois sur le DVD consacré aux bonus et sur cette édition HD, nous trouvons Tropique du Cancer proposé en mode VHS, en version française et encodé en 1080i sur le Blu-ray. Outre la fibre nostalgique titillée, c’est aussi l’occasion de voir tout le travail effectué du point de vue de la restauration !
Cette section se clôt sur un lot de bandes-annonces de films, celle de Tropique du Cancer, mais aussi celles de films prochainement disponibles chez Le Chat qui fume dont La Longue nuit de l’exorcisme de Lucio Fulci !
Une des éditions indispensables et incontournables de ce premier semestre 2017 sur laquelle devraient se ruer tous les cinéphiles !
L’Image et le son
Une fois passé le générique grumeleux et marqué par quelques rayures verticales, la Haute-Définition prend son envol devant nos yeux sans cesse flattés. Le Blu-ray édité par Le Chat qui fume restitue habilement les volontés artistiques originales en conservant heureusement le précieux grain cinéma ainsi que les couleurs chaudes et clinquantes (voir les carrosseries rutilantes des voitures). Les contrastes sont léchés et le relief étonnamment palpable, tandis que le piqué demeure acéré. Ces partis pris entraînent certes une image parfois plus douce, une sensible perte de la définition sur les nombreux zooms, mais la compression AVC consolide l’ensemble avec brio, les détails sont légion sur le cadre large, les noirs denses et la copie éclatante. Quant à la restauration, elle est souvent sidérante.
Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Piero Umiliani (Le Pigeon, A cheval sur le tigre). A titre de comparaison, elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot, à tel point que l’on parvient à entendre les maracas jouées par un musicien au fond de l’image. La version française DTS-HD Master Audio Mono 2.0, au doublage particulièrement raté (donc amusant), apparaît plus grinçante, même si comme son homologue, elle apparaît dépourvue de souffle parasite. Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale.
L’INVASION DES PROFANATEURS(Invasion of the body snatchers)réalisépar Philip Kaufman, disponible en DVD et Blu-rayle 25 avril 2017chez Rimini Editions
Acteurs : Donald Sutherland, Brooke Adams, Leonard Nimoy, Jeff Goldblum, Veronica Cartwright, Art Hindle, Kevin McCarthy, Don Siegel, Tom Luddy…
Scénario : W.D. Richter d’après le roman de Jack Finney
Photographie : Michael Chapman
Musique : Denny Zeitlin
Durée : 1h55
Date de sortie initiale: 1978
LE FILM
Elizabeth s’aperçoit un jour du comportement étrange de son ami. Puis, peu à peu, d’autres personnes se transforment ainsi bizarrement. Pendant leur sommeil, une plante fabrique leur double parfait, tandis que l’original disparaît.
L’Invasion des profanateurs – Invasion of the Body Snatchersde Philip Kaufman est bien plus qu’un simple remake du film culte réalisé par Don Siegel en 1956. C’est une fabuleuse relecture du livre original de Jack Finney paru en 1955 (mais publié en 1977 en France sous le titre Graines d’épouvante) qui s’inscrit dans le cinéma hollywoodien des années 1970 placé sous le signe de la paranoïa. De mystérieuses particules venues de l’espace arrivent sur la Terre. A San Francisco, Elizabeth Driscoll (Brooke Adams) cueille une fleur étrange sur un arbre de son quartier et tente de l’identifier, en vain. Intriguée, elle s’en ouvre à son compagnon, sans réussir à éveiller son intérêt. De plus en plus inquiète, Elizabeth se confie à Matthew Bennell (Donald Sutherland), son collègue de bureau au ministère de la Santé. Plus tard, lors d’une réception, Jack (Jeff Goldblum), un ami de Matthew, décide de rentrer chez lui se reposer. Quelques heures après, son épouse constate avec un légitime effroi qu’il s’est transformé en une énorme «cosse», semblable à un embryon.
Près de 40 ans après sa sortie, L’Invasion des profanateurs demeure une référence de la science-fiction. Anxiogène, sombre, le film malmène son audience du début à la fin. Le dénouement aura traumatisé plus d’un spectateur et fait toujours son effet, y compris sur celles et ceux qui connaissent pourtant l’épilogue du film. En transposant ce récit à San Francisco, le réalisateur Philip Kaufman, qui avait auparavant signé en 1972 La Légende de Jesse James avec Cliff Robertson et Robert Duvall (qui fait ici un étrange caméo au début du film dans le rôle du prêtre sur la balançoire), ainsi que le scénario de Josey Wales hors-la-loi de Clint Eastwood en 1976, étend la folie et le danger de son invasion éponyme. Paradoxalement, cela renforce l’enfermement des personnages qui tentent de s’échapper. Cette ville extraordinaire et l’une des plus belles filmées au cinéma, s’apparente alors à un terrain de jeu dangereux, où les derniers êtres humains doivent fuir dans des rues souvent désertées. La tension est maintenue tout du long, l’attachement envers les personnages est trouble puisque chacun peut avoir été « répliqué » à un moment ou à un autre.
Le scénario de W.D. Richter, futur réalisateur des Aventures de Buckaroo Banzaïà travers la 8e dimension (1984) et scénariste des Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin de John Carpenter (1986) est un bijou et réserve son lot de surprises. Du point de vue technique, outre la virtuosité de Philip Kaufman et la grande réussite des effets visuels, la photographie de Michael Chapman, l’un des plus grands chefs opérateurs de l’histoire du cinéma (Taxi Driver, Raging Bull, Le Fugitif), renforce cette impression de claustration qui se resserre à mesure que les personnages se voient obliger de courir sans cesse pour échapper aux griffes des envahisseurs. N’oublions pas la partition de Denny Zeitlin, la seule incursion au cinéma du compositeur, qui donne des frissons et envoûte toujours les spectateurs. Evidemment, nous retenons aussi et surtout la performance de comédiens immenses, dominés par un Donald Sutherland en état de grâce et qui passait de grands films en grands rôles, de M*A*S*H de Robert Altman, en passant par Klute d’Alan J. Pakula, Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg, 1900 de Bernardo Bertolucci ou bien encore Le Casanova de Fellini de Federico Fellini. Cependant, sa prestation n’éclipse jamais celle de ses partenaires, notamment une Brooke Adams intrigante et débarquant des Moissons du ciel de Terrence Malick, un Jeff Goldblum âgé de 25 ans et déjà pince-sans-rire, une Veronica Cartwright affrontait déjà des aliens avant celui de Ridley Scott, et surtout un Leonard Nimoy froid comme la glace, qui impressionne à chaque regard ou réplique. Deux apparitions de premier choix sont également au programme, celle de Don Siegel en personne, dans le rôle d’un chauffeur de taxi ambigu, et celle de Kevin McCarthy, premier rôle du film original, qui fait ici le lien avec L’Invasion des profanateurs de sépultures.
A la fois thriller, film d’horreur et de science-fiction, L’Invasion des profanateurs est aussi un film politique angoissant et redoutablement pessimiste, parfait reflet d’une Amérique post-Watergate, en manque de repère et livrée à elle-même, alors que le Siegel reflétait plutôt la peur héritée du maccarthysme. Les derniers êtres humains sont ici les derniers représentants de l’individualité et du libre-arbitre, qui doivent lutter pour préserver ce qu’il leur reste de plus cher, pour ne pas être dupliqué et remplacé par un être programmé, sans haine et sans amour, né dans une cosse, métaphore de la standardisation. Après cette fabuleuse adaptation, Abel Ferrara y reviendra en 1993 avec Body Snatchers, ainsi qu’Oliver Hirschbiegel en 2007 avec Daniel Craig et Nicole Kidman dans Invasion. Les profanateurs feront sûrement leur retour un jour ou l’autre…
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de L’Invasion des profanateurs, disponible chez Rimini Editions, repose dans boîtier classique de couleur noire. Le visuel de la jaquette est très élégant, jouant sur la duplicité du personnage joué par Donald Sutherland. Le menu principal est animé et musical. L’éditeur joint également un livret de 12 pages rédigé par Pascal Montéville et intitulé Invasion(s), que nous retrouvons au cours d’un des suppléments détaillés ci-dessous.
Nous commençons cette large interactivité par l’entretien avec Brooke Adams (9’-2016). Chaleureuse, drôle et visiblement ravie de partager ses souvenirs liés au tournage de L’Invasion des profanateurs, la comédienne entame cette interview en indiquant qu’elle ne connaissait pas le film de Don Siegel. La rencontre et le travail avec Philip Kaufman, la scène de nu, la psychologie des personnages, la collaboration avec ses partenaires de jeu, la photographie de Michael Chapman, Brooke Adams aborde tous ces sujets, sans oublier de nous refaire son « truc avec les yeux » qui a marqué tant de spectateurs.
Dans un module réalisé en 2007, le scénariste W.D. Richter, le réalisateur Philip Kaufman, le directeur de la photographie Michael Chapman, les comédiens Donald Sutherland et Veronica Cartwright reviennent à leur tour sur leur adaptation du livre de Jack Finney (15’). Ces intervenants mentionnent les thèmes du film, les partis pris, les différences avec le film de Don Siegel, le tournage à San Francisco et la surprise de la scène finale.
Ne manquez pas le segment intitulé Une invasion signée Jack Finney (28’), qui donne la parole à Pascal Montéville, enseignant en Sciences Politiques à School Year Abroad de Rennes et qui propose un formidable comparatif entre les films de Don Siegel et Philip Kaufman, mais également des films avec le roman original de Jack Finney, tout en évoquant rapidement les deux adaptations suivantes. Notre interlocuteur passe en revue les thèmes du livre et la façon dont les réalisateurs ont su chacun refléter le climat politique et social de leur époque. Vous en saurez beaucoup plus sur la publication de ce roman qui a su marquer l’histoire de la science-fiction des années 1950. Enfin, Pascal Montéville donne également son point de vue sur le film qui nous intéresse.
Les suppléments suivants sont uniquement disponibles sur l’édition Blu-ray :
On passe à l’interview du comédien canadien Art Hindle, l’interprète du Dr. Geoffrey Howell dans L’Invasion des profanateurs (25’). Aujourd’hui paumé dans les séries B et Z au cinéma et à la télévision, Art Hindle ne cache pas son enthousiasme à évoquer sa participation au film de Philip Kaufman, tout en rappelant qu’il avait également participé au classique Black Christmas (1974) de Bob Clark puis juste après dans Chromosome 3 de David Cronenberg (1979). Très attachant l’acteur parle de son amour pour la science-fiction depuis son enfance et se souvient également que sa mère cinéphile l’avait emmené voir la version de Don Siegel au cinéma. A son tour, Art Hindle aborde le travail avec Philip Kaufman, sa découverte du scénario, les partis pris, le travail du chef opérateur, son personnage, ses partenaires (avec un « Leonard Nimoy merveilleux », une « Brooke Adams formidable» et un « Donald Sutherland froid, distant et un peu dédaigneux »), tout en avouant que L’Invasion des profanateurs est le film sur lequel il a préféré travailler.
C’est ensuite au tour du scénariste W.D. Richter de se pencher sur son travail (16’). Comment transposer le roman original, sans copier le travail déjà effectué par Don Siegel dans sa version du livre de Jack Finney ? Comment le tournage s’est-il déroulé ? W.D. Richter répond à ces questions, tout en avouant que le script était modifié en permanence. Les thèmes, mais aussi les effets visuels, le choix des comédiens, l’apparition de Don Siegel et de Kevin McCarthy, ainsi que la fin tenue secrète jusqu’au dernier moment, y compris pour les acteurs, sont également passés au peigne fin.
Dernier bonus tout aussi indispensable de cette édition HD, celui de la rencontre avec le compositeur Denny Zeitlin (15’). Chose rare dans l’histoire du cinéma, notre interlocuteur, enseignant en psychanalyse n’a composé qu’une seule partition, celle de L’Invasion des profanateurs de Philip Kaufman ! L’intéressé explique comment il est arrivé sur ce projet et comment il a relevé le défi d’écrire la musique du film qui nous intéresse. S’il se dit toujours très fier d’avoir participé à L’Invasion des profanateurs, Denny Zeitlin revient sur la difficulté de cette tâche à laquelle il consacrait entre 18 à 22 heures par jour pendant 10 semaines. Ce documentaire se clôt sur une petite démo au piano, tandis que Denny Zeitlin indique avoir reçu de nombreuses propositions à la sortie du film, mais qu’il a poliment décliné pour se consacrer à sa véritable vie professionnelle.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce. Un très grand merci à Rimini Editions !
L’Image et le son
L’éditeur nous permet de redécouvrir L’Invasion des profanateurs dans de belles conditions techniques, même si les partis pris esthétiques du chef opérateur Michael Chapman, donnent constamment du fil à retordre au codec AVC. Quelques séquences nocturnes demeurent altérées avec des noirs poreux virant au bleu, une baisse de la définition avec des plans flous, un grain plus hasardeux et une gestion des contrastes déséquilibrée. En dépit de diverses scènes à la définition aléatoire et de sensibles fourmillements, la propreté est indéniable et le dépoussiérage conséquent, la copie demeure très appréciable, et l’apport HD (1080p) est loin d’être négligeable. Les séquences diurnes lumineuses sont bien restituées avec parfois un halo de lumière vaporeux fort plaisant. On découvre aussi un lot de détails inédits qui flatte la rétine, d’autant que le cadre est stable et superbement exploité.
Malgré ce qui est mentionné sur la jaquette, point de piste anglaise en 5.1 ! La version originale bénéficie d’un mixage Stéréo qui instaure un confort acoustique convaincant. Cette option séduisante permet à la composition enivrante de Denny Zeitlin de s’étendre convenablement afin de mieux plonger le spectateur dans l’atmosphère du film. Les effets annexes ne tombent jamais dans la gratuité ni dans l’artificialité. De plus, les dialogues ne sont jamais noyés, bien qu’ils auraient pu être un poil plus relevés. Même chose pour la balance frontale, qui assure correctement le spectacle, même si l’on pouvait cependant espérer un ensemble plus riche et dynamique. Les fans de la version française devront se contenter d’une piste mono qui fait ce qu’elle peut pour imposer ses ambiances, les dialogues et la musique. Dommage que les sous-titres français soient imposés sur la version originale. Le changement de langue est impossible à la volée et nécessite le retour au menu contextuel. Dans les deux cas, aucun souffle constaté.
LA MÉCANIQUE DE L’OMBREréalisépar Thomas Kruithof, disponible en DVD et Blu-ray le 17 mai 2017 chez M6 Vidéo
Acteurs : François Cluzet, Denis Podalydès, Sami Bouajila, Simon Abkarian, Alba Rohrwacher, Philippe Resimont…
Scénario : Thomas Kruithof, Yann Gozlan
Photographie : Alex Lamarque
Musique : Grégoire Auger
Durée : 1h30
Date de sortie initiale: 2017
LE FILM
Deux ans après un burn-out, Duval, au chômage, se voit contacter par un mystérieux employeur pour retranscrire des écoutes téléphoniques. Aux abois financièrement, il accepte sans poser de questions sur la finalité de cette organisation. Ce travail simple, s’il lui permet de reprendre pied dans sa vie, va néanmoins le placer très vite au cœur d’un complot politique et le plonger malgré lui dans le monde impitoyable des services secrets.
Comme chaque année ou presque, le nouveau François Cluzet arrive dans les salles. Et c’est un peu comme le Beaujolais nouveau. On sait quelle couleur ça a, que ça n’a jamais le goût de vin, que c’est parfois amer en bouche ou au contraire trop doux, que ça peut donner des brûlures d’estomac à force d’en abuser, mais on y goûte quand même pour voir la qualité de ce nouveau cru. C’est encore une fois pareil pour La Mécanique de l’ombre, premier long métrage de Thomas Kruithof après un court intitulé Rétention. Il y a de bonnes choses dans ce film, notamment un Denis Podalydès froid comme la glace et qu’on a rarement vu comme ça. Mais il y a aussi de mauvais points, qui finissent par peser dans la balance.
Duval sort de deux ans d’inactivité. Après une grosse dépression, l’homme s’est retrouvé au chômage, sans parvenir à sortir la tête de l’eau. Aussi, quand il est contacté par un mystérieux homme d’affaires, accepte-t-il immédiatement sa proposition : retranscrire, contre une belle rémunération, des écoutes téléphoniques. Mais Duval, qui ne s’était pas posé beaucoup de questions sur la finalité de sa mission, comprend bientôt que celle-ci le place au cœur d’un inquiétant complot politique. La Mécanique de l’ombre, c’est le croisement entre Conversation secrète de Francis Ford Coppola et l’univers de John le Carré. Ce thriller s’inspire librement de plusieurs crises ou complots, avérés ou supposés, qui ont eu lieu en France ces trente dernières années : la crise des otages du Liban dans les années 80, les carnets de Ziad Takieddine ou encore le soupçon d’instrumentalisation des services secrets à des fins politiques qui flotte dans l’actualité du pays. Sur la thématique de la paranoïa, Thomas Kruithof emprunte également aux films d’espionnage, notamment ceux dont les récits se situent durant la Guerre Froide.
Si son film est réussi sur la forme avec une photographie quasi-monochrome du chef opérateur Alex Lamarque (Sheitan, Les Seigneurs), le fond reste malheureusement creux et l’interprétation figée, neurasthénique, avec un François Cluzet complètement éteint qui murmure ses répliques. On a même parfois l’impression qu’il s’endort au milieu d’une phrase. Sami Bouajila traverse le film les mains dans les poches et la mâchoire serrée, Simon Abkarian s’en sort bien, tandis que la géniale Alba Rohrwacher ne sert à rien, tout juste de remplissage entre deux scènes où Cluzet tape à la machine à écrire ou sur sa cafetière pour faire du café, tout en gardant la même expression fermée du début à la fin, sans jamais inspirer l’empathie. Thomas Kruithof compose de jolis cadres et l’esthétique est léchée, mais pour rien. On s’ennuie, beaucoup, dès le premier acte et rien ne rattrapera le coup. On ne croit pas une seule seconde aux rebondissements ou à cette histoire d’homme ordinaire plongé malgré lui dans une histoire extraordinaire, au sein même des coulisses du pouvoir politique et des services secrets. Aucune tension, la mécanique du titre tourne à vide et a finalement raison de notre patience, surtout que le film ne va pas en s’arrangeant, jusqu’à un dénouement complètement raté. Un pétard mouillé, une camomille coupée au Lexomil.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de La Mécanique de l’ombre, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé, sobre et musical.
Si le film laisse perplexe, l’entretien avec le réalisateur Thomas Kruithof s’avère absolument passionnant (34’). Ce dernier ne manque pas d’arguments pour présenter et défendre son film sous tous les angles. Nous nous en étions rendu compte avant d’écouter cette interview, Conversation secrète de Francis Ford Coppola est son film de chevet. Thomas Kruithof aborde ensuite la genèse de La Mécanique de l’ombre, les thèmes du film (la lutte d’un homme contre le système), l’évolution du scénario, les références littéraires (John le Carré, Ian Fleming), le casting, le travail avec les comédiens, les partis pris (les couleurs, les décors, la photographie) et ses intentions, sans oublier la collaboration avec le compositeur Grégoire Auger. En toute honnêteté cette présentation nous donne envie de revoir le film pour, peut-être, le reconsidérer.
M6 Vidéo nous permet également de découvrir le court-métrage Rétention, réalisé par Thomas Kruithof en 2012 (15’). Un centre de rétention en France. Mathilde (Anne Azoulay) bataille chaque jour pour défendre les droits d’étrangers qui y sont enfermés. Arrive Yuri (Miglen Mirtchev), ukrainien sans papiers. Commence alors une course contre la montre pour Mathilde, qui va tenter d’empêcher son expulsion. Un film tendu, quasi-documentaire et coup de poing.
L’Image et le son
Bien que le film soit passé relativement inaperçu dans les salles, M6 Vidéo prend soin du thriller de Thomas Kruithof et livre un master HD au format 1080p, irréprochable et au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques originales, la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes chaudes, ambrées et dorées (les scènes dans le bar et chez Clément), puis plus monochrome et métallique le reste du temps, le tout étant soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, la colorimétrie est joliment laquée, le relief omniprésent et les détails foisonnants sur le cadre large. Un service après-vente remarquable.
Le spectateur a le choix entre les pistes DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0. Notre préférence va pour la première qui instaure un confort acoustique percutant, une spatialisation musicale convaincante et des effets latéraux probants. Les ambiances naturelles sont présentes, la balance frontale est toujours dynamique et équilibrée, et le report des voix solide. La piste stéréo est évidemment plus plate, mais riche et remarquablement équilibrée.
L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
INCARNATEréalisé par Brad Peyton, disponible en DVD et Blu-ray le 26 avril 2017 chez Wild Side Video
Acteurs : Aaron Eckhart, Carice van Houten, Catalina Sandino Moreno, David Mazouz, Keir O’Donnell, Matt Nable…
Scénario : Ronnie Christensen
Photographie : Dana Gonzales
Musique : Andrew Lockington
Durée : 1h26
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Lindsay, mère célibataire, est le témoin de très inquiétants phénomènes entourant son fils de 11 ans Cameron. Persuadée qu’il s’agit d’un cas de possession démoniaque, Lindsay et une envoyée du Vatican font appel au scientifique Seth Ember pour s’en débarrasser. Cloué dans une chaise roulante après la disparition tragique de sa famille, il est capable de s’introduire dans le subconscient de la personne possédée. En pénétrant celui du jeune Cameron, Ember se retrouve confronté à un démon de son passé…
Agé d’à peine 50 ans, Jason Blum a déjà produit plus de 115 films en passant allègrement d’un genre à l’autre comme à la bonne époque de la Cannon, du petit film de genre fauché au film indépendant. S’il a commencé sa carrière en 1995, c’est en 2009 que Blumhouse Productions prend son envol avec le triomphe inattendu de Paranormal Activity. Produit pour 13.500 dollars, le film en rapporte près de 200 millions dans le monde ! Depuis, Jason Blum n’aura de cesse de reprendre la même recette. Un budget souvent dérisoire, la plupart du temps autour de 5 millions de dollars, afin de maximiser le retour de billets verts à travers le monde, tout en créant des franchises avec des épisodes récurrents tombant à point nommé pour Halloween. A côté des cinq épisodes Paranormal Activity, Jason Blum a également produit en vrac The Reader de Stephen Daldry (Oscar de la meilleure actrice pour Kate Winslet), les deux Sinister, la trilogie Insidious, Des hommes sans loi de John Hillcoat, The Lords of Salem de Rob Zombie, The Bay de Barry Levinson, Whiplash de Damien Chazelle, la trilogie American Nightmare,The Green Inferno d’Eli Roth, sans oublier The Visit et Split de M. Night Shyamalan ! Si Jason Blum a de la suite dans les idées, dans tous les sens du terme avec un quatrième épisode pour American Nightmare et Insidious, le producteur prolifique et inclassable a su également attirer des acteurs de renom dans ses derniers films. L’un des derniers en date est Incarnate.
A la barre de ce petit film d’épouvante au budget modeste, on trouve le réalisateur Brad Peyton, un « faiseur » honnête qui compte quelques succès commerciaux à son actif comme les sympathiques Comme chiens et chats: La revanche de Kitty Galore, Voyage au centre de la Terre 2: L’île mystérieuse et dernièrement San Andreas avec Dwayne Johnson et Alexandra Daddario. Il bénéficie également de têtes d’affiche prestigieuses avec Aaron Eckhart, Carice van Houten et Catalina Sandino Moreno. Malheureusement, le scénario est signé Ronnie Christensen, coupable de grosses séries B, ou plutôt de séries Z du style Instinct mortel – Menace terroriste, Le Mur du secret avec Nicole Eggert, le très mauvais Les Passagers de Rodrigo García avec Anne Hathaway et Patrick Wilson ou le « fameux » Dark Tide avec Halle Berry et Olivier Martinez. Le scénariste ne se gêne pas pour piller ses idées à droite à gauche, sur Constantine de Francis Lawrence, Inception de Christopher Nolan, qui s’était déjà bien servi sur Le Monde sur le fil de Fassbinder, mais aussi directement dans les productions Bloom, notamment Insidious.
Rien, absolument rien ne fonctionne dans Incarnate, thriller horrifique de bas étage, resucée sans imagination de tous les films de genre sortis depuis plus de dix ans. Aaron Eckhart semble être le seul à croire à cette sempiternelle histoire de gamin possédé par un être diabolique. Son personnage Seth Ember est cloué dans une chaise roulante suite à la mort de sa famille. Scientifique aidé par deux comparses, il est appelé par le Vatican pour exorciser un petit garçon. Le docteur est un « Incarné », capable de s’introduire dans le subconscient des personnes possédées pour chasser leurs démons. Il découvre que l’enfant (David Mazouz, le jeune Bruce Wayne de la série Gotham) qu’il doit exorciser est habité par le démon (qu’il doit « expulser ») responsable de la mort de sa femme et de son enfant quelques années auparavant. L’affaire devient alors personnelle et Ember est cette fois prêt à y laisser sa vie pour ramener le garçon à la raison, mais surtout à chasser et tuer définitivement l’entité maléfique.
Sur la forme, Incarnate est correct. Le film – tourné en trois semaines – se passe principalement de nuit, la photographie de Dana Gonzales (les séries Legion et Fargo) est soignée et la mise en scène passe-partout est correcte, même si Peyton ne fait rien pour insuffler du suspense ou une réelle tension. Ce qui coince c’est au niveau du scénario qui cumule les poncifs du genre, tout est usé et archi-usé, prévisible, sans aucune surprise, y compris le twist final qui peut même se deviner dès le début du film. La talentueuse et divine Carice van Houten n’a rien à défendre dans le rôle de la mère dépassée par les événements et se contente de rouler des yeux en regardant son fils assis en tailleur, en train de psalmodier, sur les images provenant des caméras de surveillance. Aaron Eckhart qui s’est fait la tronche de Sean Bean fait le boulot dans le rôle de Leonardo DiCaprio et de Keanu Reeves ce mec porté sur la bibine, mais qui reste professionnel pour entrer dans les rêves des gens, surtout qu’il y apparaît beaucoup plus classe et sur ses deux jambes. Mais cela ne sauve en rien Incarnate du marasme.
On ne sait pas si Bloom tient ici une nouvelle franchise, on espère que non, toujours est-il qu’il semble désormais pourvu lui aussi du désormais célèbre générateur de scénarios aléatoires de Luc Besson version Mozinor.
LE BLU-RAY
Incarnate est un DTV disponible chez Wild Side Video. Le test du Blu-ray a été effectué à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
L’interactivité ne va pas aider à relever le niveau du film puisque l’éditeur ne fournit qu’un lot de bandes-annonces et les credits du disque.
L’Image et le son
Comme pour ses sorties traditionnelles, Wild Side Video soigne autant le transfert de ce Direct-to-Video qu’un blockbuster. Ce master HD (1080p, AVC) d’Incarnate ne déçoit pas et se révèle même superbe. Le piqué et le relief sont acérés tout du long et permet d’apprécier les visages des comédiens, le cadre large offre un lot confondant de détails y compris sur les très nombreuses scènes sombres et la belle photographie de Dana Gonzales marquée par des teintes alliant le chaud et le froid est habilement restituée. Evidemment, la copie est d’une propreté immaculée, les contrastes sont denses. Les meilleures conditions techniques sont réunies et la définition est exemplaire.
Vous pouvez compter sur les mixages DTS-HD Master Audio 5.1 anglais et français pour vous plonger dans l’ambiance du film, bien que l’action demeure souvent réduite. La bande originale est la mieux lotie. Toutes les enceintes sont exploitées, les voix sont très imposantes sur la centrale et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques effets étonnants qui vous feront sursauter. Le caisson de basses se mêle également à la partie, notamment lors de l’affrontement final. Notons que la version originale l’emporte sur la piste française, se révèle plus naturelle et homogène, y compris du point de vue de la spatialisation musicale. Les sous-titres français sont imposés sur la piste anglaise et le changement de langue impossible à la volée.
VENGEANCE (Vengeance : A Love Story)réalisé par Johnny Martin, disponible en DVD et Blu-ray le 26avril2017chez Marco Polo production
Acteurs : Nicolas Cage, Don Johnson, Deborah Kara Unger, Anna Hutchison, Emily Sandifer, Talitha Bateman…
Scénario : John Mankiewicz, Scott Windhauser, d’après le roman de Joyce Carol Oates, Rape: A Love Story
Photographie : David Stragmeister
Musique : Frederik Wiedmann
Durée : 1h35
Date de sortie initiale: 2017
LE FILM
Un soir de fête nationale, après une soirée chez des amis, Teena et sa fille Bethie traversent le parc pour rentrer chez elles. Quatre hommes drogués les agressent, Bethie parvient à se cacher mais entend sa mère se faire agresser. Teena laissée pour morte, la fillette s’enfuit et croise l’inspecteur Dromoor et son coéquipier. Reconnus par Bethie, les agresseurs sont arrêtés puis jugés. Mais lors du procès, un avocat véreux, payé par la famille des malfrats, obtient leur libération en salissant la réputation de Teena. Pour Dromoor, justice n’est pas encore faite…
Lors de l’hommage qui lui était rendu au Festival du cinéma américain de Deauville en 2013, Nicolas Cage avait promis qu’on ne le reprendrait plus à jouer dans des films de seconde zone. Malheureusement, les grandes réussites de Joe et de Suspect n’étaient que la partie émergée de l’iceberg qui se profilait à l’horizon. Depuis ces deux excellents crus, le comédien qui tourne plus vite que son ombre a joué dans 18 films. Oui, c’est sans doute incroyable mais c’est vrai. Dans cette liste, nous sauverons La Sentinelle de Paul Schrader, même si le cinéaste l’a renié pour cause de différends avec le studio LionsGate, The Runner d’Austin Stark, Le Casse des frères Brewer, Dog Eat Dog également de Paul Schrader, Snowden d’Oliver Stone dans lequel le comédien fait une petite participation, USS Indianapolis de Mario Van Peebles. A l’heure où cet article est rédigé, Nicolas Cage a déjà tourné sept autres longs métrages dont cinq ne sont pas encore sortis. Autant dire que l’acteur n’a pas chômé, en raison de grands problèmes d’argent, de problèmes avec le fisc, d’un comptable véreux, d’un divorce difficile, anyway, Nicolas Cage est obligé de tourner et dans le lot, forcément, certains films s’avèrent particulièrement mauvais.
Nous ne reviendrons pas sur Tokarev et Le Chaos, qui marquent vraiment le fond du gouffre de la filmographie de Nicolas Cage, qui compte bientôt 100 films, mais malheureusement, l’oeuvre qui nous intéresse ici, Vengeance : A Love Story, rebaptisé Vengeance dans nos contrées pour sa sortie dans les bacs (sans passage par la case cinéma) est complètement anecdotique. Réalisé par un certain Johnny Martin, qui a oeuvré comme cascadeur sur plus de 160 films et en tant que responsable de la deuxième équipe (notamment sur Hell Driver, Tokarev et USS Indianapolis), Vengeance rappelle quelques films de la Cannon qui avait fait un pont d’or à Charles Bronson avec Un justicier dans la ville 2 (1982) avant les pires suites (mais merveilleux nanars) à venir. Vengeance est l’adaptation du roman de Joyce Carol Oates, Rape : A Love Story, publié en 2003 en France sous le titre Viol : une histoire d’amour.
Dans Vengeance, Nicolas Cage interprète un flic (bah voyons), veuf, fatigué, héros de sa petite bourgade, qui n’a plus que son boulot depuis que sa femme est morte. Vétéran de la Guerre du Golfe, ses exploits publiés dans les journaux sont affichés au comptoir du bar qu’il fréquente tous les soirs. Alors qu’il vient de perdre son coéquipier au cours d’une arrestation qui a mal tourné, ce flic prénommé John, rencontre Teena, une jeune femme avec qui le courant passe très bien. Mais quelque temps après, Teena est victime d’une agression par quatre mecs bourrés, qui la frappent et la violent devant les yeux de sa fille Bethie. Alors que Teena gît inconsciente, Bethie parvient à s’échapper et à prévenir la police. John arrive sur les lieux du drame. Teena s’en sort miraculeusement. De son côté, Bethie identifie les agresseurs qui sont rapidement arrêtés. Le procès démarre, les quatre désignés coupables sont défendus par un ténor du barreau, maître Jay Kirkpatrick (Don Johnson, la classe), visiblement ami du juge chargé de l’affaire. Tout est organisé pour que Teena n’obtienne pas de gain de cause. Excédé par cette parodie de justice, John décide de régler cette histoire à sa façon. Il va éliminer un par un les quatre responsables de l’agression de Teena et n’hésitera pas à violer la loi qu’il a toujours tenu à faire respecter.
Résumer ainsi Vengeance pourrait faire croire que le personnage de Nicolas Cage est omniprésent, ce qui n’est pas le cas. En réalité, le comédien fait comme qui dirait une participation et revient de manière sporadique après un début plutôt sympa et old-school. Après, l’histoire se focalise surtout sur les personnages de Teena et de sa fille Bethie, bien interprétées par Anna Hutchison (La Cabane dans les bois) et Talitha Bateman (La 5ème vague), sans oublier Deborah Kara Unger, défigurée par la chirurgie plastique, qui interprète le rôle de la mère de Teena, et qui paraît presque plus jeune que la comédienne qui joue sa fille. Nicolas Cage n’oublie de faire quelques apparitions, heureusement d’ailleurs, mais il faut vraiment attendre le dernier tiers pour le voir passer à l’action, prendre la pétoire pour jouer les justiciers, sans sourciller ni être décoiffé. Heureusement, Vengeance, écrit par John Mankiewicz, créateur de la série House of Cards, produit par Harold Becker (Mélodie pour un meurtre) n’est pas aussi mauvais que Tokarev, c’est juste que l’ensemble fait penser à un téléfilm de deuxième partie de soirée.
Nicolas Cage, longtemps pressenti pour réaliser également le film, traverse cette histoire en ayant l’air de penser au salaire qu’il touchera à la fin du tournage pour pouvoir payer ses dettes. Ce qui ne l’empêche pas de se montrer très bon dans deux ou trois scènes dramatiques, d’autant plus que son personnage s’exprime peu. Mais cela ne sauve malheureusement pas Vengeance de l’ennui.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Vengeance, disponible chez Marco Polo Production, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet. Le visuel de la jaquette se concentre sur Nicolas Cage et saura attirer l’oeil de ses admirateurs les plus fervents. Il y en a encore. Aucun supplément.
L’Image et le son
Ce DTV est proposé en HD dans un format 1080p. Si l’on est d’abord séduit par le rendu de la colorimétrie, force est de constater que la définition chancelle à plusieurs reprises, malgré une luminosité plaisante et un piqué somme toute mordant et acéré. Les détails sont agréables, le rendu des visages impressionne. C’est d’ailleurs là qu’on se rend compte à quel point Nicolas Cage paraît bouffi et l’image est parfois si précise que nous parvenons à distinguer les raccords capillaires du comédien. Le codec AVC tente de consolider certains plans caméra à l’épaule, surtout sur les séquences plus agitées, avec parfois un peu de difficulté. La profondeur de champ est souvent décevante, quelques sensibles fourmillements s’invitent à la partie, la gestion des contrastes étant au final aléatoire. Toutefois, certains plans sortent aisément du lot avec un relief et une texture indéniables.
Du côté acoustique, les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique et à quelques effets latéraux. Des ambiances naturelles percent les enceintes arrière sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Le doublage français est convaincant et que les fans soient rassurés, Dominique Collignon-Maurin prête sa voix cette fois encore à Nicolas Cage, tout comme Patrick Poivey qui double Don Johnson. Les sous-titres français sont imposés et le changement de langue impossible pendant le visionnage nécessite le recours au menu pop-up.
DOG EAT DOGréalisé par Paul Schrader, disponible en DVD et Blu-ray le 21avril2017chez Métropolitan Vidéo
Acteurs : Nicolas Cage, Willem Dafoe, Christopher Matthew Cook, Omar J. Dorsey, Louisa Krause, Melissa Bolona, Reynaldo Gallegos…
Scénario : Matthew Wilder, d’après le roman d’ Edward Bunker Les Hommes de proie (Dog Eat Dog)
Photographie : Alexander Dynan
Musique : Deantoni Parks
Durée : 1h33
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Lorsque trois ex-détenus désespérés se voient offrir un boulot par un chef de la mafia mexicaine, ils savent qu’ils feraient mieux de refuser, mais l’appât du gain les empêche de tourner les talons. Tout ce qu’ils ont à faire est de kidnapper l’enfant d’un homme qui cherche à mettre le chef de la mafia sur la touche. Le rapt tourne mal lorsque les ravisseurs sont forcés de tuer un intrus inattendu et aussi dangereux mort que vif. Désormais indésirables dans le milieu, les trois ex-détenus deviennent les fugitifs les plus recherchés. Chacun d’eux s’est juré de ne jamais retourner en prison et pour ça ils sont prêts à tout.
Même si le film était réussi et que le montage que nous avions découvert en 2015 ne nous paraissait pas « charcuté », La Sentinelle, réalisé par Paul Schrader, avec Nicolas Cage et Anton Yelchin avait été renié par le cinéaste. En octobre 2014, quelques semaines avant la sortie du film, Paul Schrader, ses deux comédiens principaux ainsi que le producteur Nicolas Winding Refn appelaient tout simplement au boycott de La Sentinelle. Pour quel motif ? Le Studio Lionsgate a purement et simplement retiré le film des mains du réalisateur, le montage original a été dénaturé du début à la fin, mis en musique et mixé sans demander l’avis de Paul Schrader. Depuis cette mésaventure, ce dernier cherchait une nouvelle histoire afin de retravailler avec Nicolas Cage, tout en bénéficiant cette fois–ci du final cut.
Voulant renouer avec le thriller, Paul Schrader a jeté son dévolu sur un roman du célèbre écrivain Edward Bunker, ancien taulard et plus jeune détenu de la prison de Saint Quentin aux Etats-Unis, qui s’est spécialisé dans les romans policiers. Ses oeuvresAucune bête aussi féroce et La Bête contre les murs ont été adaptées au cinéma, le premier en 1978 par Ulu Grosbard, avec Dustin Hoffman et Theresa Russell, le second en 2000 par Steve Buscemi, avec Willem Dafoe, Edward Furlong et Danny Trejo. Dog Eat Dog est la transposition du roman éponyme, publié en France en 2000 sous le titre Les Hommes de proie. Le récit se concentre sur trois ex-détenus fauchés, Troy (Nicolas Cage), Mad Dog (Willem Dafoe) et Diesel (Christopher Matthew Cook) qui viennent de sortir de prison et qui se voient offrir un job par un chef mafieux mexicain, El Greco (Paul Schrader lui-même). Bien qu’ils sachent qu’ils devraient mieux décliner la proposition, ils cèdent à l’appât du gain. Ils doivent kidnapper l’enfant de l’homme voulant arrêter le chef de la mafia sur la touche. Mais cela tourne mal lorsqu’ils tuent quelqu’un. Ils deviennent alors les fugitifs les plus recherchés. Ils sont par ailleurs déterminés à ne jamais retourner en prison.
Nous sommes en pleine série B de luxe. Dog Eat Dog a été tourné dans le but d’oublier la mauvaise expérience de La Sentinelle et on sent Paul Schrader heureux de pouvoir faire enfin ce dont il a envie. Il faut dire qu’il est épaulé par trois acteurs en très grande forme, qui prennent visiblement beaucoup de plaisir à se donner la réplique, en particulier Willem Dafoe et Nicolas Cage, tous les deux géniaux, le premier incarnant un tueur psychopathe à la recherche d’affection, le second qui s’imagine être Bogart dans un film noir des années 1940. Le troisième larron est sans doute moins bon, mais impose sans mal son gabarit. Dog Eat Dog est l’histoire classique d’anciens criminels qui ont passé quelques années en prison, mais qui replongent immédiatement qu’ils ont mis le nez dehors. Sur cette trame usée, Paul Schrader, l’auteur de Yakuza, Taxi Driver, Obsession, American Gigolo, Raging Bull, Affliction et A tombeau ouvert, s’en sort en vieux briscard du cinéma grâce à un savoir-faire indéniable derrière la caméra et la superbe photographie du chef opérateur Alexander Dynan.
Dog Eat Dog s’ouvre sur une scène très violente qui a fait grincer des dents lors de la présentation du film au Festival de Cannes en 2016, en clôture de la Quinzaine des Réalisateurs. Après cette exposition sanglante, le film adopte un rythme de croisière ponctué de longs tunnels de dialogues à la Tarantino qui peinent à éveiller l’intérêt, de scènes agitées particulièrement jouissives jusqu’à un final onirique durant lequel Nicolas Cage adopte même le phrasé spécifique de Bogey. Nous ne vous dévoilerons évidemment pas la teneur de cet épilogue, mais cette dernière séquence vaut largement le déplacement. L’intrigue part un peu dans tous les sens et s’avère prétexte à un dernier baroud d’honneur pour nos trois tragiques Pieds Nickelés.
L’essentiel du film repose sur la véritable alchimie des comédiens, tous survoltés et prenant un pied contagieux à se balancer des vannes, notamment celle qui n’a pas laissé Cannes de marbre : Nicolas Cage : « Where’s the thing you put in the baby’s mouth? What’s it called? » Willem Dafoe « A dick ? ». Malgré cet humour noir, l’émotion et même une certaine mélancolie se dégagent également de ce thriller étrange, sombre et nocturne, qui fonctionne bien et qui mérite amplement d’être découvert.
LE BLU-RAY
A l’instar de La Sentinelle et Le Casse, Dog Eat Dog est un autre DTV avec Nicolas Cage qui arrive dans l’escarcelle de Métropolitan Vidéo. Le test de l’édition HD a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est quant à lui animé et musical.
Réalisés à l’occasion de la présentation de Dog Eat Dog au Festival de Cannes en 2016, ces entretiens avec d’un côté Paul Schrader et de l’autre Nicolas Cage et Willem Dafoe s’avèrent très plaisants. Le réalisateur s’exprime sur son envie de retravailler avec Nicolas Cage, sur le roman d’Edward Bunker, sur les thèmes et références de son film. Même chose pour les deux comédiens, qui reviennent sur les personnages jusqu’à ce que le journaliste Nicolas Rioult leur donne son point de vue. Grand moment de flottement où les acteurs écoutent patiemment, Willem Dafoe avec un grand sourire sincère, Nicolas Cage qui a l’air de se demander ce qui se passe (l’éditeur a d’ailleurs placé une petite musique amusante en fond à ce moment-là). Ces interviews donnent quelques indications très intéressantes sur les conditions de tournage et les partis pris.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et les credits.
L’Image et le son
Comme pour ses sorties traditionnelles, Metropolitan soigne autant le transfert de ce Direct-to-Video qu’un blockbuster. Ce master HD de Dog Eat Dog ne déçoit pas. Le piqué et le relief sont acérés tout du long et permet d’apprécier la tronche taillée à la serpe de Willem Dafoe, la clarté est de mise, le cadre large offre un lot confondant de détails y compris sur les scènes sombres et la colorimétrie marquée par des teintes ambrées est habilement restituée, tout comme les séquences tournées en N&B. Evidemment, la copie est d’une propreté immaculée, les contrastes sont denses. Les meilleures conditions techniques sont réunies et la définition est exemplaire.
Vous pouvez compter sur les mixages DTS-HD Master Audio 5.1 anglais et français pour vous plonger délicatement mais sûrement dans l’ambiance du film, bien que l’action demeure souvent réduite. La bande originale est la mieux lotie. Toutes les enceintes sont exploitées, les voix sont très imposantes sur la centrale et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques effets naturels. Le caisson de basses se mêle également à la partie lors de la séquence de poursuite ou lors de l’affrontement final. Notons que la version originale l’emporte sur la piste française, se révèle plus naturelle et homogène, y compris du point de vue de la spatialisation musicale. Que les amateurs de VF soient rassurés, Nicolas Cage est bien doublé par l’excellent Dominique Collignon-Maurin.
IRISréalisé par Jalil Lespert, disponible en DVD et Blu-ray le 21mars 2017 chez Universal Pictures France
Acteurs : Romain Duris, Charlotte Le Bon, Jalil Lespert, Camille Cottin, Adel Bencherif, Sophie Verbeeck…
Scénario : Jalil Lespert, Jérémie Guez
Photographie : Pierre-Yves Bastard
Musique : Dustin O’Halloran, Adam Wiltzie
Durée : 1h34
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Iris, la femme d’Antoine Doriot, un riche banquier, disparaît en plein Paris. Max, un jeune mécanicien endetté, pourrait bien être lié à son enlèvement. Mais les enquêteurs sont encore loin d’imaginer la vérité sur l’affaire qui se déroule sous leurs yeux.
Comédien rare à la présence souvent magnétique (Ressources humaines, Le Petit Lieutenant), Jalil Lespert est également un metteur en scène appliqué qui a su imposer dès son premier long métrage en tant que réalisateur, 24 mesures (2007), un vrai tempérament de cinéaste. Après Des vents contraires, adapté d’un roman d’Olivier Adam et son biopic Yves Saint Laurent (2014), qui a valu à Pierre Niney le César du meilleur acteur, Jalil Lespert revient derrière la caméra pour Iris, librement inspiré du film japonais Kaosu – Chaos de Hideo Nakata, réalisé en 1999, mais sorti en France dix ans après en DVD ! Iris reprend exactement le même canevas. Un homme, ici un petit garagiste et ancien taulard, se retrouve complice d’un faux enlèvement, celui de la femme d’un riche banquier qu’elle met elle-même en scène. Elle se laisse cloîtrer dans sa maison tandis qu’il envoie la demande de rançon. Mais lorsqu’il rentre chez lui, il retrouve la femme morte, son cadavre allongé sur le sol.
Pour la première fois, Jalil Lespert joue dans un film qu’il réalise et s’octroie le rôle de l’homme d’affaires. Il confie les deux rôles principaux à Romain Duris et Charlotte Le Bon, eux-mêmes soutenus par Camille Cottin (la « Connasse » de Canal+) dans un contre-emploi étonnant, Adel Bencherif (vu dans Frontière(s) de Xavier Gens et Un prophète de Jacques Audiard). C’est dire si l’affiche était prometteuse, mais il faut bien se rendre à l’évidence, Iris est un sacré fiasco. Après un prologue pourtant excellent, inquiétant, excellemment réalisé et photographié par Pierre-Yves Bastard (JCVD, Le Vilain) qui montre un Paris particulièrement sombre, humide et glacial, Jalil Lespert se perd dans une démonstration technique complètement gratuite, un montage alambiqué qui dévoile le pot aux roses trop rapidement en croyant pourtant brouiller les pistes pour mieux perdre les spectateurs. Du coup, tout ce qui faisait le charme du film dans les premières minutes, s’estompe au profit d’un festival de grimaces de la part de Romain Duris (sourcils froncés et lèvres retroussées sur des canines pour montrer l’agacement de son rustre personnage), tandis que Charlotte Le Bon fait la moue en trémoussant son corps de rêve moulé dans du vinyle, dans une boite SM. Au moins, les yeux ont de quoi se rassasier. De son côté, Camille Cottin déclame des dialogues souvent vulgaires en tirant la tronche, Jalil Lespert prend l’air malheureux en se disant qu’il aurait mieux fait de se concentrer uniquement sur sa mise en scène.
Iris est un thriller de manipulation teinté d’érotisme à l’esthétique laquée et goudronneuse, mais qui s’avère en réalité une vraie mélasse. Les comédiens s’embourbent littéralement dans une intrigue limitée et prévisible, tandis que Jalil Lespert tente de bien faire les choses en s’inspirant parfois (trop) de Brian de Palma et d’Alfred Hitchcock, avec Body Double d’un côté et Vertigo – Sueurs froides de l’autre, sans oublier un soupçon de Gone Girl de David Fincher. Mais malgré ces solides références, Iris ne décolle jamais et ennuie l’audience, encore plus si le spectateur est déjà un grand habitué des codes du genre avec ses trahisons et ses intrigues à tiroirs. Et quand on se dit au final que toute cette histoire arrive parce-qu’un type prend son pied quand on lui donne la fessée, cela n’arrange rien à l’affaire. Si tous les ingrédients étaient réunis pour que la sauce prenne, Iris ne parvient pas à convaincre.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray d’Iris, disponible chez Universal Pictures France, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical et la jaquette reprend le visuel de l’affiche du film.
Hum…pas grand-chose à se mettre sous la dent ! En plus de la bande-annonce, l’éditeur joint deux mini-featurettes de 3 minutes, qui font office de making of. Quelques images de tournage et des propos de l’équipe donnent un aperçu des prises de vues et des intentions du réalisateur Jalil lespert. Ce dernier revient sur ses références et sur l’écriture du scénario.
L’Image et le son
Ce master HD d’Iris est en tous points sublimes et s’inscrit directement comme un Blu-ray de démonstration. Les premiers plans donnent le ton : les noirs sont d’une densité inégalée, le piqué est tranchant comme une lame de rasoir aux quatre coins du cadre large, les teintes froides peuvent compter sur un encodage AVC de haute volée et les détails du cadre large s’impriment sur les rétines. Les contrastes sont pénétrants, la texture de la photo signée Pierre-Yves Bastard est constamment palpable et bénéficie d’un relief extraordinaire, sur les scènes en extérieur comme sur les intérieurs tamisés. N’oublions pas la colorimétrie, sombre, parfaitement restituée.
La piste DTS-HD Master Audio 5.1 est d’une qualité technique ébouriffante. Comme pour l’image, le spectateur est immédiatement happé dès la première séquence. D’emblée, les frontales, les latérales et le caisson de basses créent un environnement percutant, qui ne se relâche jamais. Rien n’est laissé au hasard dans ce mixage, les ambiances naturelles se déploient au point où l’on parvient à distinguer la rumeur des passants dans la rue. La musique ponctue constamment le visionnage, les voix demeurent saisissantes sur la centrale, tandis que la balance des enceintes avant n’en finit pas de rivaliser d’effets en tous genres. Avec une piste Stéréo de très haut niveau, l’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.