Test Blu-ray / Les Diaboliques, réalisé par Henri-Georges Clouzot

LES DIABOLIQUES réalisé par Henri-Georges Clouzot, disponible en Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret le 24 octobre 2017 chez TF1 Studio

Acteurs :  Simone Signoret, Véra Clouzot, Noël Roquevert, Paul Meurisse, Charles Vanel, Jean Brochard, Thérèse Dorny, Michel Serrault, Robert Dalban, Jean Lefebvre…

ScénarioHenri-Georges Clouzot, Jérôme Géronimi, René Masson, Frédéric Grendel, d’après le romans de Pierre Boileau et Thomas Narcejac – Celle qui n’était plus

Photographie : Armand Thirard

Musique : Georges Van Parys

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Christina mène une existence malheureuse auprès de son mari, le tyrannique Michel Delasalle, directeur du pensionnat pour garçons dont elle est propriétaire. Elle sait qu’une des institutrices, Nicole Horner, est sa maîtresse, mais cela n’a pas empêché les deux femmes de se rapprocher l’une de l’autre. Christina voit en effet en Nicole une compagne d’infortune, partageant avec elle sa haine envers Michel. Lorsque Nicole demande à Christina de l’aider à tuer Michel, celle-ci accepte.

Difficile d’aborder Les Diaboliques, l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. Oeuvre centrale dans le domaine du thriller et de l’épouvante, qui allait inspirer moult cinéastes, à l’instar d’Alfred Hitchcock pour Psychose, le septième long métrage d’Henri-Georges Clouzot demeure une des références du genre plus de soixante ans après.

Nicole, une institutrice, est devenue la maîtresse de Michel Delasalle, le directeur d’un minable pensionnat de jeunes garçons, à Saint-Cloud. Despotique et cruel, tyrannique et méprisant, Delasalle s’amuse à maltraiter et à terroriser Christina, son épouse, cardiaque et fragile, également propriétaire de l’établissement. Il ne ménage pas pour autant la sensibilité de Nicole. Aussi les deux femmes, pourtant rivales, sont-elles devenues amies. A elles deux, poussées à bout, elles décident de se débarrasser de Michel. Drogué puis noyé dans une baignoire, l’odieux personnage finit sa course au fond de la piscine du pensionnat. Quelque temps après, le cadavre disparaît et d’étranges phénomènes se produisent, qui effraient la faible Christina et attirent l’attention du commissaire Fichet. Les évènements inexpliqués ne cessent alors de rappeler aux deux criminelles la présence obsédante de Michel.

Quel film ! Bien que la plupart des cinéphiles connaissent aujourd’hui son extraordinaire dénouement, Les Diaboliques, (vaguement) basé sur le roman Celle qui n’était plus du tandem Boileau-Narcejac, n’a rien perdu de son intensité et de sa force hypnotique, sentiments renforcés par l’absence quasi-totale de musique (2 minutes au total sur les deux heures du long métrage), qui instaure quelques silences particulièrement glaçants. Avec une atmosphère angoissante qui étouffe le spectateur du début à la fin, le cinéaste plonge son audience dans un récit qui triture autant les méninges que l’estomac et parvient à ancrer le fantastique dans une histoire réaliste, qui continue aujourd’hui d’inspirer les réalisateurs du monde entier. Tourné dans le secret le plus absolu, Les Diaboliques repose également sur une interprétation tendue et exceptionnelle, en particulier celle de Simone Signoret, sublime, vénéneuse et démoniaque à souhait, à mille lieues de son rôle dans Casque d’or de Jacques Becker, qui avait fait d’elle une vedette trois ans auparavant. Une beauté froide et d’une cinglante cruauté que n’aurait pas reniée Alfred Hitchcock, qui par ailleurs était intéressé par le livre de Boileau-Narcejac, qui écriront spécialement pour lui leur roman D’entre les morts, qui deviendra au cinéma Sueurs froidesVertigo. Pour Psychose, Hitchcock reprendra également le même principe des portes fermées aux spectateurs dès le commencement de la séance, voulu par Clouzot pour Les Diaboliques, afin de préserver les effets et intriguer les spectateurs.

Longtemps critiquée pour son talent limité de comédienne, Véra Clouzot, d’origine brésilienne, tourne pour la seconde fois avec son mari et contrairement au Salaire de la peur, sorti deux ans avant, obtient ici le rôle principal aux côtés de sa partenaire. Rétrospectivement, il est troublant de voir à quel point ce personnage était finalement proche de l’actrice, elle-même cardiaque, et décédée en décembre 1960 à l’âge prématuré de 46 ans, suite à un infarctus. Même s’il est indéniable que Véra Clouzot manque cruellement d’expérience (elle ne tournera que trois films, ceux de son époux), sa fragilité, son charisme, son hésitation et sa spontanéité servent à merveille l’histoire. Quant à Paul Meurisse, monstre du cinéma français, capable de passer de la gaudriole au drame en un regard, il est ici tout simplement abject et repoussant, magnifique donc et d’ailleurs excellemment épaulé par d’autres camarades de jeu tout aussi bons, comme Michel Serrault, Noël Roquevert, Charles Vanel, Pierre Larquey.

Lauréat du Prix Louis Delluc en 1954, Les Diaboliques sort sur les écrans le 26 janvier 1955. Les spectateurs hurlent d’angoisse devant la violence sèche, souvent verbale, et les rebondissements alors avant-gardistes, au point d’être vraiment sonnés en sortant de la salle. Le bouche-à-oreille fait rapidement son œuvre. Heureusement, la plupart des spectateurs respectent le carton final qui apparaît en guise d’épilogue « Ne soyez pas DIABOLIQUES ! Ne détruisez pas l’intérêt que pourraient prendre vos amis à ce film. Ne leur racontez pas ce que vous avez vu. Merci pour eux ». En dépit d’une interdiction aux moins de 16 ans, Les Diaboliques réalisera 3,7 millions d’entrées. Et non, nous n’évoquerons pas le piteux remake de Jeremiah S. Chechik avec Sharon Stone, Isabelle Adjani, Chazz Palminteri et Kathy Bates, non.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray des Diaboliques est disponible chez TF1 Studio (collection Héritage), dans une édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret. Les deux disques disposent des mêmes suppléments et le livret retraçant l’histoire du film et présenté par Pascal Mérigeau (44 pages), ne nous a pas été envoyé.

Les bonus de cette édition française Haute-Définition sont quelque peu décevants.

On commence par le témoignage peu passionnant de Bernard Stora (20’). Le cinéaste et scénariste, qui a fait ses débuts comme stagiaire et assistant-réalisateur d’Henri-Georges Clouzot sur L’Enfer, partage ses souvenirs liés à cette association, tout en revenant sur les conditions de tournage du film qui nous intéresse. Bernard Stora semble avoir du mal à trouver les mots pour évoquer Clouzot et ses oeuvres (« j’aime beaucoup ses films, pas tous… »), et ce qui est finalement le plus intéressant dans cet entretien est le portrait de l’homme et du cinéaste. L’intervenant aborde la forte personnalité du réalisateur, « un homme qui pouvait être attachant et gentil, malgré sa réputation […] qui était très impressionnant », avant de se pencher sur Les Diaboliques. Bernard Stora n’hésite pas à dire que ce film représente bien son « cinéma très carré, écrit et même corseté […] qui contient tous ses motifs, même s’il pâtit peut-être de son côté mécanique, sec et peut-être moins crédible […] qui a peut-être moins de fond, bien qu’admirablement filmé et interprété ». Dans la dernière partie, Stora aborde le cas Véra Clouzot, que « Simone Signoret a porté car sa partenaire n’était pas très bonne actrice ».

S’ensuit une rencontre (23’) entre le journaliste Samuel Blumenfeld (Le Monde) et Jean Ollé-Laprune (historien du cinéma). Leurs propos se complètent et s’avèrent plutôt intéressants, même si nous pouvions espérer plus pour un film de cette envergure. Les Diaboliques est replacé dans la filmographie de Clouzot, la genèse, l’adaptation du roman de Boileau-Narcejac, les houleuses conditions de tournage (avec quelques anecdotes), la faiblesse du jeu de Véra Clouzot (qui n’est vraiment pas épargnée ici), le perfectionnisme de Clouzot, ainsi que le remake américain (« exécrable ») – l’occasion pour Ollé-Laprune de dire que Sorcerer de William Friedkin est « pas mal sans plus », vous avez le droit de vous indigner – sont analysés sans temps mort.

En plus de la bande-annonce originale, l’éditeur joint également un montage de 3 minutes, constitué de propos enregistrés en 1969 et 1985, des écrivains Pierre Louis Boileau et Thomas Narcejac, sur l’adaptation cinématographique de leur roman, sur le travail de Clouzot et ses partis pris.

L’Image et le son

Les Diaboliques a été restauré en 4K à partir du négatif original. Les travaux numériques et photochimiques ont été réalisés et supervisés en 2017 par le laboratoire L21. Force est de constater que nous n’avions jamais vu le film d’Henri-Georges Clouzot dans de telles conditions. Les contrastes sont très appréciables, les noirs sont profonds. Seule la palette de gris n’est pas aussi riche que nous pouvions l’espérer, mais en même temps, la photo a toujours été plutôt blanche. Seul le générique apparaît peut-être moins aiguisé, mais le reste affiche une stabilité exemplaire ! Les arrière-plans sont bien gérés, le grain original est respecté, le piqué est souvent dingue et les détails regorgent sur les visages des comédiens. Avec tout ça, on oublierait presque de parler de la restauration. Celle-ci se révèle extraordinaire, aucune scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’encodage AVC consolide l’ensemble du début à la fin. Ce master très élégant permet de redécouvrir ce chef d’oeuvre dans une qualité technique admirable.

La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Si certains échanges manquent de punch et se révèlent moins précis (la voix de Véra Clouzot a souvent un rendu métallique), les dialogues sont dans l’ensemble clairs, sans souffle parasite. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Et Dieu… créa la femme, réalisé par Roger Vadim

ET DIEU…CRÉA LA FEMME réalisé par Roger Vadim, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2017 chez TF1 Studio

Acteurs :  Brigitte Bardot, Curd Jürgens, Jean-Louis Trintignant, Jeanne Marken, Jean Tissier, Christian Marquand, Marie Glory…

ScénarioRoger Vadim, Raoul Lévy

Photographie : Armand Thirard

Musique : Paul Misraki

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1956

LE FILM

Juliette, une jeune femme d’une beauté redoutable, n’attire que convoitises autour de sa personne. Trois hommes se disputent son coeur indécis.

En 1956, une jeune femme du nom de Brigitte Bardot devient une star, l’emblème de l’émancipation féminine, un mythe vivant et un sex-symbol international. Âgée de 22 ans, elle a déjà plus d’une quinzaine de films à son actif. Remarquée dès son premier long métrage, l’excellente comédie Le Trou normand (1952) de Jean Boyer, dans lequel elle faisait tourner la tête à Bourvil, Brigitte Bardot enchaîne alors les petites apparitions chez Sacha Guitry (Si Versailles m’était conté…), Marc Allégret (Futures vedettes, En effeuillant la marguerite), René Clair (Les Grandes manœuvres), avant d’être propulsée au firmament des mythes grâce à son compagnon Roger Vadim, dans Et Dieu… créa la femme.

Elle y interprète Juliette, sublime de beauté et de sensualité, qui fait chavirer les cœurs dans le petit port traditionnel de Saint-Tropez. Trois hommes, un entrepreneur d’âge mûr (Curd Jürgens) et deux frères ouvriers, Michel (Jean-Louis Trintignant) et Antoine (Christian Marquand), se disputent l’amour de cette jeune orpheline dont la soif de liberté est très grande et qui redoute les lendemains. Juliette, c’est l’incarnation de la femme moderne. Celle qui décide de partir sur un coup de tête, parce qu’elle a le courage de faire ce qui lui plaît, quand ça lui plaît. Alors que la gent féminine la scrute d’un mauvais œil et la considère comme une simple dévergondée, mal élevée et paresseuse, les hommes lui tournent autour et ne cessent de la convoiter. « Cette fille-là est faite pour faire perdre les hommes… » dit d’ailleurs Eric Carradine, cet homme aisé et habitué à obtenir tout ce qu’il désire, qui va voir pour la première fois ses espoirs déçus.

Juliette n’est pas une femme que l’on appâte avec l’argent, Juliette a besoin de plus. Alors quand elle se retrouve face à tous ces prétendants, elle choisit celui qui apparaît le plus effacé, Michel, délicatement interprété par Jean-Louis Trintignant dans sa première apparition à l’écran. Brigitte Bardot enflamme les coeurs et la pellicule, tandis que son caractère insaisissable ne la rend que plus désirable. Conscient de la sexualité innocente (ou non) de sa compagne à l’écran, Roger Vadim la filme sous toutes les coutures. Tous les cinéphiles, même ceux qui n’ont pas vu le film, savent que cette scène où BB, couchée nue derrière un drap étendu, libre au vent, profitant de l’instant, est tirée de Et Dieu…créa la femme.

Ce premier long métrage de Roger Vadim est aussi un dernier cadeau pour la femme qu’il a aimée, puisque Brigitte Bardot tombe alors amoureuse de son partenaire Jean-Louis Trintignant. Le cinéaste et sa première épouse divorceront peu de temps après la sortie triomphale du film, accompagnée d’une interdiction aux moins de 16 ans en France et d’un parfum de scandale. Si Et Dieu…créa la femme paraît aujourd’hui « gentillet », il n’en demeure pas moins bourré de charme, bien réalisé (très beau CinemaScope) dans des décors soignés (aah ce petit village de Saint-Tropez !), représentatif d’une époque en plein bouleversement et surtout porté par des jeunes comédiens au charisme qui détonnait alors dans le panorama cinématographique français.

Certes, Jean-Louis Trintignant s’imposait déjà par sa sensibilité empathique et son phrasé si reconnaissable, mais nous n’avons d’yeux que pour Brigitte Bardot, dont le naturel à l’écran, ses répliques capricieuses, sa moue boudeuse et un corps qui transpire le sexe – le mambo lascif ! – font encore beaucoup d’effets soixante ans après ! A noter que Roger Vadim réalisera lui-même le remake américain de son propre film en 1988, And God Created Woman, avec Rebecca De Mornay et Frank Langella.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Et Dieu… créa la femme, disponible chez TF1 Studio, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur une des séquences du film.

Pour accompagner le film, l’éditeur propose un documentaire sur le cinéaste, scénariste, acteur, romancier et poète Roger Vadim, intitulé Vadim, Mister Cool (57’), narré par le comédien Gaspard Ulliel, réalisé par Olivier Nicklaus en 2016 et déjà diffusé sur Arte. Constitué d’archives exceptionnelles (les premiers pas de BB devant la caméra, la première interview de Catherine Deneuve), d’images de tournage souvent inédites (sur Barbarella, Et Dieu… créa la femme), d’interviews, vous saurez tout sur Roger Vladimir Plémiannikov (né Roger Vadim Ardilouze), né le 26 janvier 1928 et mort le 11 février 2000, son enfance, les fêtes à Saint-Germain-des-Prés, ses verres au Café de Flore, ses débuts dans le cinéma.

Ses films sont passés au peigne fin, tout comme la vie privée (et donc publique) du réalisateur, puisque le documentaire se plaît à revenir sur chacune des histoires d’amour de Roger Vadim avec Brigitte Bardot, Annette Stroyberg, Catherine Deneuve, Jane Fonda et Marie-Christine Barrault. Très bien réalisé, le film d’Olivier Nicklaus dévoile également des scènes coupées de Et Dieu…créa la femme, notamment une scène suggérée du personnage de Jean-Louis Trintignant faisant un cunnilingus à Brigitte Bardot. Pas étonnant que la censure ait vu rouge.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette édition HD ressuscite le flamboyant Eastmancolor de Et Dieu créa la femme…, qui bénéficie d’une restauration en 4K réalisée à partir du négatif image par Hiventy. Uune véritable splendeur ! Ce Blu-ray ne déçoit pas et profite de l’apport de la Haute-Définition. D’emblée, le générique d’ouverture illumine les rétines. Les teintes rouge, verte, bleue, jaune explosent à l’écran comme un feu d’artifice. Le codec AVC stabilise l’image à la perfection, le grain original est respecté sans utilisation outrancière de réducteur de bruit, la profondeur de champ est évidente et le cadre large est réhabilité et n’est pas avare en détails. La propreté demeure impressionnante tout du long, le piqué est joliment acéré, la copie demeure flatteuse et stable, la luminosité des séquences en extérieur est superbe. Malgré de légers décrochages sur les fondus enchaînés, ainsi que deux ou trois plans plus troubles et aux teintes fanées (les plans éthérés sur Trintignant durant le mambo de Juliette), l’ensemble reste d’un haut niveau et l’on redécouvre avec bonheur le film de Roger Vadim.

La musique jazzy de Paul Misraki donne le la. La bande-son a été restaurée de fond en comble, et le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 mono s’en donne à coeur joie. Les dialogues n’ont jamais été aussi intelligibles et les effets annexes jouissent d’un coffre inédit. Aucun souffle constaté. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audioscription.

Crédits images : © TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr