PHANTASM V : RAVAGER réalisépar David Hartman,disponible en DVD et Blu-ray en coffret Intégrale Collector le 31 octobre 2017 chez ESC Editions et Sidonis Calysta
Acteurs : A. Michael Baldwin, Reggie Bannister, Angus Scrimm, Bill Thornbury, Kathy Lester, Daniel Roebuck, Dawn Cody, Gloria Lynne Henry, Stephen Jutras…
Scénario : Don Coscarelli
Photographie : David Hartman
Musique : Christopher L. Stone
Durée : 1h27
Date de sortie initiale : 2016
LE FILM
Reggie, désormais vieilli et mal en point, se trouve dans un institut médicalisé. Il raconte son histoire à son meilleur ami Mike, avec qui il a traversé tant de périples face à L’Homme en Noir… mais qui semble ne pas le croire et qui annonce à Reggie qu’il a été déclaré dément !
Il aura fallu attendre presque vingt ans pour avoir des nouvelles de Reggie, de Mike, de Jody et bien sûr du Tall Man ! Le cinquième volet de la franchise Phantasm était inespéré. C’est peu dire que les fans attendaient ce grand retour de Don Coscarelli, de son boogeyman et de ses sphères perceuses de crânes ! Si Phantasm : Ravager n’est pas mis en scène par le cinéaste, qui laisse sa place à un dénommé David Hartman, touche à tout oeuvrant principalement pour la télévision, Don Coscarelli reste coscénariste et coproducteur. Tout le monde a bien évidemment pris de l’âge et de la bedaine depuis Phantasm IV : Aux sources de la Terreur (1998), et Phantasm : Ravager a visiblement bénéficié d’un budget anémique. Cependant, même si le film oscille souvent entre le navet fauché et le nanar sympathique, ce cinquième épisode demeure souvent attachant dans sa façon de se la jouer « plus grand » qu’il l’est en réalité, et surtout parce qu’il s’agit contre toute attente de l’opus le plus émouvant.
Si Reggie parvient, au terme d’une longue errance, à s’évader de la Vallée de la Mort, c’est pour découvrir que le monde a désormais plongé dans le chaos, contrôle par le Tall Man et une armée de sphères géantes. Seule une poignée de résistants poursuivent la lutte, menés par Mike. Si commencer le nouveau chapitre à partir de la fin du précédent pouvait jusque là passer avec beaucoup d’indulgence, c’est ici difficile d’accepter le fait que Reggie sorte du désert 18 ans après. Mais cela fait partie du truc « Phantasm » puisque les spectateurs sont au fait depuis le premier volet que ce qui est raconté peut-être de l’ordre du rêve, du fantasme, du cauchemar. Malin, Don Coscarelli, profite du vieillissement de ses acteurs, et donc de ses personnages, pour appuyer une nouvelle théorie : et si tout ce qui se déroulait depuis Phantasm n’était autre que le fruit de l’imagination de Reggie ? Le créateur de la saga nous le montre cloué sur un fauteuil, dans un institut psychiatrique, se perdant continuellement entre plusieurs dimensions, dont l’une qui lorgne sur Matrix, avec le héros branché malgré-lui sur une machine qui semble lui insuffler de faux souvenirs.
Difficile à résumer tant Don Coscarelli et David Hartman s’amusent à paumer les spectateurs, Phantasm : Ravager n’est pas avare en nouvelles idées, mais le film est souvent rattrapé par son manque d’argent. David Hartman tente de chiader l’image comme il le peut, mais le tournage en numérique trahit ses ambitions, la photographie est laide, les effets spéciaux du même acabit. On a souvent l’impression de visionner un film d’étudiant ou même un truc d’amateur – vous avez dit fan-made ? – filmé entre potes dans le jardin du caméraman, avec de la peinture à l’eau rouge en guise de faux sang. Mais après tout, le premier avait tourné dans des conditions à peu près similaires !
Angus Scrimm, 89 ans au moment du tournage, n’est plus que l’ombre de lui-même et fait beaucoup de peine à voir. Il s’agit d’ailleurs de son dernier tour de piste dans le costume sombre du Tall Man, puisque le comédien est décédé le 9 janvier 2016, après les prises de vue. Le film lui est évidemment dédié. Don Coscarelli et David Hartman resserrent l’histoire sur le but ultime du Tall Man, à savoir annihiler le monde grâce à ses sphères, qui ont ici pour certaines la taille d’une montgolfière capable de raser un building. L’apocalypse arrive ! Rempli de références aux quatre précédents chapitres, y compris dans l’apparition de certains personnages croisés autrefois, Phantasm V, qui n’a de « Ravager » que le titre, prend également parfois des allures de jeu vidéo dans quelques séquences réalisées en CGI au rabais, tandis que Reggie (Bannister) et Mike (A. Michael Baldwin) se la jouent soldats armés jusqu’aux dents.
Mais tout ceci n’est pas sérieux, rien n’est vraiment crédible et malgré toute l’affection que l’on peut avoir pour la mythologie Phantasm et toute la bonne volonté de l’équipe, ce cinquième épisode déçoit. Seuls les fans hardcore (ou les Phans devrait-on dire) apprécieront et pardonneront les nombreux défauts de cette ultime (?) aventure.
LE BLU-RAY
Phantasm: Ravager est donc disponible en Blu-ray, mais pour l’instant uniquement en coffret intégrale (5 films) édité par ESC Editions. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de dire si ce titre sera édité à l’unité, mais puisque les deux premiers le sont déjà, il n’y a pas de raison d’en douter. Le menu principal est animé sur le célèbre thème du film, mis au goût du jour ici.
En ce qui concerne les suppléments présents sur ce disque, ils se résument à un documentaire sur le tournage du film (10’), constitué d’images du plateau et de propos de l’équipe, y compris de Don Coscarelli, jamais très loin de David Hartman. Ce making of dément donc les dires de certains fans déçus, comme quoi le créateur de la franchise n’aurait pas pris part à Phantasm: Ravager ! Mention spéciale au système D des effets spéciaux, notamment des sphères perceuses et du sang qui gicle partout !
En plus d’une vidéo amusante réalisée par David Hartman pour appâter les fans quant à la mise en route du cinquième volet (1’), nous trouvons également le teaser, la bande-annonce, un bêtisier (8’30) et une galerie de photos.
Ce coffret collector intégrale propose également un DVD Bonus, sans oublier un livre inédit de 152 pages par Marc Toullec sur la genèse et la réalisation de la saga. C’est donc enfin l’occasion de se pencher sur les suppléments présents sur la galette supplémentaire.
Le documentaire rétrospectif Phantasmagoria (98’), réalisé en 2005, propose un retour sur les quatre volets de la franchise, en compagnie des comédiens principaux, du réalisateur-scénariste Don Coscarelli, du coproducteur Paul Pepperman et des créateurs des effets visuels. De nombreuses images d’archives dévoilent l’envers du décor sur les quatre films, sur la préparation des scènes clés de chaque épisode, le tout ponctué par quelques savoureuses anecdotes de tournage.
Tout ce beau petit monde revient sur ce qui a fait le succès du premier film, mais aussi ce qui a créé l’attachement et la fidélité des spectateurs d’un opus à l’autre. Les clés de la mythologie sont passées en revue, ainsi que les influences de Don Coscarelli (Un chien andalou de Luis Buñuel) et même quelques fins alternatives sont rapidement montrées !
Le module Phantasmagorical Mystery Tour (2005-13′), s’apparente à un petit trip touristique sur les lieux de tournage du premier film, en compagnie de Reggie Bannister ! Une visite guidée fort sympathique, durant laquelle Don Coscarelli apparaît pour parler du tournage auprès de son ami.
L’interactivité se clôt sur des scènes coupées anecdotiques du premier épisode (3’).
L’Image et le son
Phantasm: Ravagerbénéficie d’un master HD 1080p qui remplit son cahier des charges sans se forcer, mais avec efficacité. Le piqué est probant même si pas aussi acéré qu’espéré, les effets numériques paraissaient bien artificiels et passent difficilement le cap du plus petit écran et ressemblent à des animatiques figés et risibles. Les séquences en extérieur sont mieux définies avec une profondeur de champ palpable, une luminosité plaisante, des contrastes assurés et une colorimétrie riche. La photo paraît parfois vaporeuse, certaines pertes de la définition sont constatables sur quelques gros plans et séquences trop agitées. Ce Blu-ray n’est pas mauvais mais l’apport HD est finalement souvent limité.
Le mixage anglais DTS-HD Master Audio 5.1 crée un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique, aux passages des sphères et aux scènes d’affrontements. Quelques ambiances naturelles, explosions et déflagrations percent les enceintes latérales sans se forcer mais avec une efficacité chronique, tandis que le caisson de basses distille ses effets avec ardeur. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
OPÉRA (Opera) réalisépar Dario Argento,disponible en combo Blu-ray+DVD le 20 octobre 2017 chez Le Chat qui fume
Acteurs : Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbano Barberini, Daria Nicolodi, Coralina Cataldi-Tassoni, Antonella Vitale, William McNamara, Barbara Cupisti …
Scénario : Dario Argento, Franco Ferrini
Photographie : Ronnie Taylor
Musique : Claudio Simonetti
Durée : 1h47 – version intégrale
Date de sortie initiale : 1987
LE FILM
Une grande cantatrice doit interpréter Lady Macbeth dans une originale adaptation de la pièce d’opéra de Verdi. Or elle n’apprécie pas les choix artistiques de Marco, le metteur en scène. Elle part furieuse des répétitions et se fait renverser par une voiture. Pour la remplacer est choisie la jeune Betty, qui fait un triomphe. Malheureusement, son succès rappelle de sombres souvenirs à un fan dérangé qui va aller la rejoindre…
De l’avis général, Opéra, réalisé deux ans après Phenomena, est le dernier grand film de l’immense cinéaste Dario Argento. Si le film n’a pas bénéficié d’une exploitation dans les salles françaises, il sera plus tard distribué en VHS dans les années 1990 sous le titre Terreur à l’opéra. Le tournage de ce dixième long métrage a été exténuant pour le maestro et n’a malheureusement connu aucun succès dans les salles italiennes en décembre 1987. Il est aujourd’hui – et avec raison – considéré comme l’ultime chef d’oeuvre de son auteur. De l’avis même du réalisateur, Opéra est le film dans lequel il a placé toutes ses connaissances cinématographiques, en voulant mettre une idée différente dans chaque plan durant 1h45. Si la censure, qu’il combattait depuis ses années de critique cinéma au quotidien romain Paese Sera, a été très sévère avec le cinéaste sur ce film en particulier, y compris lors de son exploitation en VHS où tout le final en Suisse a été purement et simplement coupé, Opéra reste et demeure un immense film ambitieux, cher (7 millions de dollars de budget), dont la virtuosité ininterrompue laisse pantois d’admiration.
Suite à l’accident de la cantatrice principale, une jeune chanteuse lyrique, Betty (la comédienne espagnole Cristina Marsillach), est choisie pour interpréter le rôle de Lady Macbeth dans l’opéra de Verdi, œuvre ayant la réputation de porter malheur. Commence une série de meurtres dans l’entourage de la jeune femme qui se voit poursuivie par un mystérieux fan possessif. Avec l’aide du metteur en scène, Marco (Ian Charleson), Betty cherche à comprendre si elle n’est pas liée à l’assassin qui parsème l’opéra de corps mutilés. Jusqu’où la malédiction de Macbeth frappera-t-elle ? Sublime giallo, mais aussi véritable hommage au gigantisme de l’opéra, le film de Dario Argento foudroie d’emblée par beauté et sa technique envoûtante. En quelques plans et avec l’aide de la caméra subjective, le réalisateur se place aux quatre coins de son incroyable théâtre (sur scène, dans la fosse, dans les coulisses), lieu principal où vont se dérouler les principaux meurtres d’Opéra. Si l’on parvient finalement très vite à deviner, du moins à suspecter qui est l’auteur de ces crimes particulièrement sanglants, on ne peut être qu’ébahis par le soin extrême apporté à chaque plan et cette maîtrise qui surpasse encore et de loin la plupart des supposés maîtres de l’horreur d’aujourd’hui.
En plaçant sa caméra là où personne n’aurait pu l’imaginer, à l’instar de ce plan de deux secondes d’une balle traversant le judas d’une porte pour aller se loger dans l’oeil d’une femme un peu trop curieuse, pour continuer sa course jusqu’au fond du couloir, nul doute que le metteur en scène continue d’inspirer ses confrères, comme David Fincher qui a toujours utilisé les effets spéciaux numériques pour immiscer sa caméra là où il lui est impossible d’aller. Les ciseaux, couteaux, gants en cuir, mais aussi les épingles collées aux paupières et les armes à feu sont bien présents dans Opéra, véritable film de genre.
Dario Argento se sert de l’emphase de l’opéra, pour appuyer le côté graphique des crimes à l’écran, tandis que la musique, Macbeth de Giuseppe Verdi, mais aussi la composition originale de Claudio Simonetti du groupe Goblin et quelques morceaux hard-rock au moment des scènes violentes, reste toujours ou presque audible en fond sonore. Qui dit Argento dit également jeux de lumières – photo du chef opérateur britannique Ronnie Taylor, oscarisé pour Gandhi de Richard Attenborough – et le maître tire encore une fois profit des ambiances chromatiques, ici plus particulièrement la couleur bleue et froide qui revient de manière récurrente. Ces partis pris appuient et reflètent l’absence des relations, amoureuses ou sexuelles. D’ailleurs le seul acte visible dans le film est aussitôt avorté puisque Betty, que l’on devine frigide, n’arrive pas à s’offrir au jeune homme qui partage son lit pour un soir. Dario Argento ne cherche finalement pas à créer d’empathie avec son personnage principal, ce qui a pu rebuter une bonne partie des spectateurs. La tension est ailleurs, dans l’acte de se donner sur scène, comme si les protagonistes restaient concentrés et que the show must go on en dépit de l’horreur. L’épilogue en Suisse, souvent décriée, n’est qu’une cerise sur le gâteau, comme une sorte de rappel après le spectacle et si Dario Argento interpellait le spectateur en leur disant « Vous en voulez encore ? ».
Point de véritable enquête dans Opéra, puisque le récit se focalise presque uniquement sur Betty, qui assiste passive et bien sûr contre sa volonté, aux meurtres atroces commis devant ses yeux écarquillés, qui doivent d’ailleurs rester ouverts sous peine de voir ses paupières transpercées par des pointes bien placées par son tortionnaire. L’oeil est par ailleurs le motif récurrent dans Opéra, comme il l’est dans d’autres films de Dario Argento. Le film démarre par un plan sur la rétine d’un corbeau qui reflète le théâtre. Cet oiseau et ses congénères, tiennent la même place importante dans la mise en scène de Macbeth que dans l’histoire contée en parallèle par Dario Argento. S’ils apparaissent sporadiquement, ils deviennent les véritables stars, pour ne pas dire les héros du dernier acte, dans une scène aérienne époustouflante, vertigineuse, magistrale et foudroyante, qui serait aujourd’hui encore inconcevable même avec le drone le plus perfectionné.
Devant Opéra, on pense aux plus grands films de Brian De Palma, de par son thème, le voyeurisme, la ressemblance de l’actrice principale avec la Geneviève Bujold d’Obsession, mais également par cette démonstration technique et fulgurante qui n’a pourtant rien de tape à l’oeil (sans jeux de mots), mais qui se fond totalement dans le récit comme l’utilisation de la steadicam qui se place dans la tête du tueur. Le metteur en scène va même au-delà comme lorsque les images montrent le cerveau en ébullition du criminel, comme s’il était passé aux rayons X. Dario Argento livre ici son ultime précipité réussi entre le macabre et le sublime, qu’il est temps de réhabiliter.
LE BLU-RAY
Nous commençons à manquer d’arguments, mais cette fois encore, Le Chat qui fume a sorti les griffes pour son édition Blu-ray/DVD d’Opéra de Dario Argento ! Voici une fois de plus un objet de collection à ranger auprès des éditions de La Longue nuit de l’exorcisme, A la recherche du plaisir, Tropique du cancer, La Soeur d’Ursula et tous les autres chatons de l’éditeur qui caresse décidément les cinéphiles dans le sens du poil. Le combo Digipack à trois volets de ce nouveau titre « Exploitation italienne », renferme à la fois le DVD du film (ainsi qu’une partie des suppléments), le Blu-ray du film (avec l’intégralité des bonus) et le DVD (avec la suite et fin des suppléments). Sur le verso des volets, nous trouvons l’un des célèbres visuels du film, celui de Cristina Marsillach bâillonnée et les yeux écarquillés et menacés par des aiguilles collées sur sa paupière inférieure. L’ensemble se glisse dans un fourreau cartonné du plus bel effet, au visuel superbe et liseré rouge sang. Le menu principal est élégant, animé et musical.
Quatre heures de suppléments ! Oui, vous avez bien lu, 240 minutes réparties en une dizaine de modules et d’interviews diverses, variées et passionnantes.
On démarre si vous le voulez bien par le making of d’époque d’une durée de 45 minutes. Ces images incroyables et brutes, proposées sans sous-titres, mais peu importe puisqu’il s’agit essentiellement de regarder plus que d’écouter (le son est d’ailleurs de qualité moyenne), permettent d’admirer il maestro al lavoro. Dario Argento est partout, omniprésent, la caméra le suit aux quatre coins de son incroyable décor (naturel) en train de mettre en place son prochain plan. La vidéo se concentre essentiellement sur le tournage de la séquence finale avec l’attaque des corbeaux (donc à ne visionner qu’une fois après avoir vu le film), mais aussi les prises de vue – en langue anglaise – des différents meurtres (à travers le judas, le couteau dans la gorge). On y voit entre autres le cinéaste « assassiner » lui-même ses acteurs, vêtu du pardessus et des gants du tueur. Entre la préparation des effets visuels directs (les faux corbeaux, le dressage des vrais, le maquillage des comédiens), un coup de sang de Dario Argento (les yeux exorbités) envers sa comédienne principale, un incendie qui a du mal à être maîtrisé, ce précieux document vaut le détour pour les admirateurs du maître !
D’ailleurs, en parlant de Dario Argento, enchaînez directement avec l’interview réalisée de ce dernier en 2017 (23’). Posément, le réalisateur revient sur ce film qu’il adore et considère comme étant l’un de ses plus réussis et « dans lequel il a placé toutes ses connaissances et son savoir, aussi bien cinématographique que musical ». Dario Argento évoque la genèse du film (un rendez-vous manqué pour mettre en scène un véritable opéra), le choix de Macbeth alors réputé pour porter malheur, le tournage au Teatro Regio di Parma après que la Scala de Milan ait refusé d’accueillir l’équipe, le travail avec les comédiens et les effets spéciaux. Le réalisateur n’est pas avare en anecdotes de tournage (un corbeau qui lui a donné un coup de bec dans la bouche, la scène du judas, sa relation houleuse avec Cristina Marsillach, « une actrice capricieuse […] nous ne nous parlions plus à la fin du tournage »), revient sur sa collaboration avec le chef opérateur britannique Ronnie Taylor, sa recherche sur le cadre, l’utilisation de la musique, les thèmes abordés tout en dévoilant comment les scènes clés du film ont été mises en scène, les propos étant illustrés par les images tirées du making of précédent.
Dario Argento laisse ensuite sa place Daria Nicolodi (17’). Comédienne (Les Frissons de l’angoisse, Ténèbres, Phenomena) et scénariste (Suspiria, Inferno), également ex-compagne du cinéaste et aussi mère d’Asia Argento, Daria Nicolodi passe en revue toutes ses collaborations avec Dario Argento, devant la caméra, mais aussi sur les scénarios pour lesquels elle n’est pas créditée. Après avoir raconté sa rencontre et son histoire personnelle avec le maître, Daria Nicolodi partage ses souvenirs sur leur manière de travailler ensemble, la façon dont elle a été virée sèchement de Suspiria (dont elle aurait dû tenir le haut de l’affiche après l’avoir coécrit) par la production, avant de se pencher un peu plus sur le tournage de la célèbre séquence du judas dans Opéra, ainsi que de la représentation de la violence au cinéma.
Passions maintenant à l’entretien de Franco Ferrini (37’). Dans le segment intitulé L’Identité du killer, le coscénariste d’Opéra propose un large tour d’horizon de ses diverses collaborations avec Dario Argento. Né en 1944, Franco Ferrini parle tout d’abord de sa rencontre, puis de son travail avec le cinéaste, de Phenomena (1984) à Opéra (1987). Ils collaboreront également sur Deux yeux maléfiques (1990), Trauma (1993), Le Syndrome de Stendhal (1996), Le Sang des innocents (2001), Card Player (2004) et le téléfilm Aimez-vous Hitchcock ? (2005). Si Marco Ferrini se concentre essentiellement sur leurs premières associations, ce module en dit un peu plus sur le processus créatif de Dario Argento, continuellement à la recherche de plans inédits. Grand passionné de cinéma, il cite à plusieurs reprises quelques chefs d’oeuvre américains qui ont pu l’inspirer, Franco Ferrini évoque les idées avortées sur Opéra et les conditions de tournage.
Bon, passons à la musique du film à présent (31’). Le compositeur Claudio Simonetti passe en revue sa carrière, notamment en tant que claviériste du groupe de rock progressif Goblin (qu’il a créé), jusqu’à sa première dissolution en 1979. Ayant poursuivi sa carrière en solo, Claudio Simonetti s’est ensuite spécialisé dans la musique électronique. Parallèlement, il est aussi le créateur des célèbres thèmes de nombreux films de Dario Argento, entre autres Les Frissons de l’angoisse (1975), Suspiria (1977) et Opéra (1987) et même de Dracula 3D (2012), mais aussi de Zombie de George A. Romero (1978). D’où de nombreuses anecdotes liées à la création de toutes ces compositions et surtout des différents thèmes d’Opéra. Claudio Simonetti clôt cette interview en donnant son top Argento, avec par ordre de préférence Les Frissons de l’angoisse, Suspiria, Opéra et Phenomena.
Place à Enrico Lucherini ! L’attaché de presse aux 800 longs métrages parle à son tour de sa longue collaboration avec Dario Argento (38’), dont il s’est occupé de quasiment tous les films. Autant dire qu’il connaît bien le cinéaste et qu’il l’a vu évoluer, en rappelant au passage que Dario Argento était l’un des critiques cinéma (pour le Paese Sera) les plus importants du pays avant de passer à l’écriture de films (Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone), puis lui-même derrière la caméra en 1970 avec L’Oiseau au plumage de cristal. Enrico Lucherini en vient au tournage compliqué (et cher !) d’Opéra, aux inventions de Dario Argento sur le tournage, à la légende de Macbeth, au retard lié à la difficulté de tourner avec les corbeaux.
L’un des éléments que l’on retient après avoir vu Opéra, ce sont les corbeaux, qui tiennent un rôle primordial dans l’histoire. Si le tournage a nécessité de véritables oiseaux, il a fallu avoir également recours à quelques effets spéciaux directs. C’est donc là qu’intervient le spécialiste Sergio Stivaletti (16’), qui s’est occupé des corbeaux réalisés en animatroniques pour les plans et séquences violentes ou impossibles à réaliser avec de véritables volatiles. Le responsable de ces effets ne garde pas un très bon souvenir d’Opéra en raison du manque de temps qui ne lui a pas permis de peaufiner ses créations comme il le désirait. Il considère d’ailleurs Opéra comme un film maudit, même s’il en garde finalement un bon souvenir.
Placez votre curseur sur Panique à l’opéra (26’30). Vous y trouverez un Q&A réalisé le 27 avril 2006 au cinéma Farnese de Rome, en compagnie de Dario Argento, du scénariste Franco Ferrini et du réalisateur/scénariste Lamberto Bava, fils de Mario Bava. Dario Argento monopolise évidemment l’attention en évoquant le tournage d’Opéra. Les propos tenus ici reprennent en gros ce qu’il dévoile dans son interview en début de programme. Nous retenons entre autres que le cinéaste était épuisé à la fin du tournage et que se voyant entré en dépression, avait décidé de partir seul en voyage en Inde, loin de tout. Dario Argento mentionne également une version non censurée d’Opéra (la censure avait été très sévère sur les scènes violentes) qui circulait en VHS sous le manteau aux Etats-Unis. Assistant-réalisateur de Dario Argento sur Inferno et Ténèbres, mais aussi lui-même metteur en scène de Démons et Démons 2 (coécrits avec Dario Argento) Lamberto Bava prend ensuite le micro pour parler de leurs diverses associations. Même chose pour Franco Ferrini, qui se concentre sur le processus créatif de Dario Argento et notamment son attachement aux personnages féminins.
On termine les interviews, par le bonus « facultatif » de cette édition, dans le sens où l’entretien avec le critique de cinéma Fabrizio Spurio (38’), résume tout ce qui a pu être vu et entendu à travers les suppléments précédents, sans apporter aucun élément inédit. Une redite pendant près de 40 minutes, dont vous pouvez finalement vous passer si vous avez été attentifs aux propos des intervenants depuis près de 3h30 maintenant.
Bon, c’est pas tout ça, mais l’interactivité se clôt sur deux clips vidéo de Claudio Simonetti, forcément très kitsch, sans oublier quatre films-annonces, Opéra, La Longue nuit de l’exorcisme, Lord of illusions et Le Retour des morts-vivants.
Merci infiniment au Chat qui fume de nous avoir permis de réaliser cette longue chronique et surtout d’avoir pu (re)découvrir le film dans les meilleures conditions possibles.
L’Image et le son
Le Chat qui fume propose Opéra de Dario Argento en version intégrale. Quelle beauté ! Le Blu-ray au format 1080p (AVC) restitue toutes les merveilleuses volontés artistiques du cinéaste et du chef opérateur Ronnie Taylor (Tommy de Ken Russell, oscarisé pour Gandhi de Richard Attenborough) avec une large palette chromatique à dominante bleue. Les contrastes sont denses, la texture argentique heureusement préservée, la copie stable et d’une propreté absolue. Les détails sont riches aux quatre coins du cadre large et la profondeur de champ ne cesse d’impressionner. Alors même si l’éditeur a choisi de préserver les quelques pertes de la définition originales et liées aux conditions de tournage (voir les séquences de vues subjectives des corbeaux), l’apport Haute-Définition s’avère aussi omniprésent que primordial. Vous ne pouvez pas passer à côté de cet incroyable master restauré.
Qui dit version intégrale, dit forcément scènes non doublées. Celles-ci sont donc présentées en anglais, langue de tournage du film. Comme l’indique l’éditeur, la piste italienne est différente et présente la voix de Dario Argento à 1h23 pendant une courte scène, ainsi qu’en guise de conclusion. Deux versions anglaises sont présentées, celle qui a accompagné le film lors de sa présentation au marché du film à Cannes (finalement non retenue pour son exploitation), ainsi que celle réalisée pour la sortie internationale d’Opéra dans les salles. A première vue, on serait tenté de sélectionner tout de suite la piste italienne, mais comme le film a été tourné en anglais, autant le visionner ainsi une première fois. Mais quelle piste choisir du coup ? Les deux pistes sont bien nettoyées, propres et de même acabit, avec quelques légers craquements et un souffle palpable sur les quelques plages de silence. Mais le doublage cannois est bien moins réussi et manque sérieusement de naturel avec des voix parfois inappropriées. Notre préférence va à la version italienne, bien plus convaincante. La piste française est étonnamment la plus dynamique du lot avec un rendu souvent plus élevé des dialogues, de la musique et des effets. Les sous-titres français sont imposés en italien et en anglais et toutes les options acoustiques proposées en DTS-HD Master Audio Mono.
PHANTASM IV : AUX SOURCES DE LA TERREUR (Phantasm IV: Oblivion) réalisépar Don Coscarelli,disponible en DVD et Blu-ray en coffret Intégrale Collector le 31 octobre 2017 chez ESC Editions et Sidonis Calysta
Acteurs : A. Michael Baldwin, Reggie Bannister, Angus Scrimm, Bill Thornbury, Heidi Marnhout, Bob Ivy…
Scénario : Don Coscarelli
Photographie : Chris Chomyn
Musique : Christopher L. Stone
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1998
LE FILM
Séparément perdus dans l’immense Vallée de la Mort, Mike et Reggie tentent de percer les secrets du sinistre Tall Man. En franchissant les limites d’un portail spatio-temporel, Mike découvre que son ennemi juré n’est plus la créature démoniaque qu’il paraît être. Enfin, pas tout à fait…
Où en étions-nous ? Ne vous inquiétez pas, Don Coscarelli résume les trois épisodes précédents au moyen de quelques extraits et d’une voix-off, ici celle de Reggie (Reggie Bannister). Car oui, nous en arrivons au quatrième volet de la saga Phantasm. Phantasm IV : Aux sources de la Terreur – Phantasm IV : Oblivion, le « IV » du sous-titre Oblivion marquant alors le 4e épisode. Et c’est dans cet excellent opus que le réalisateur-scénariste dévoile le passé et les origines de son boogeyman, le Tall Man, toujours interprété par Angus Scrimm, âgé ici de 72 ans. Bien que chaque histoire commence là où la précédente s’était arrêtée, Don Coscarelli ne s’est jamais préoccupé du fait que ses personnages prenaient un sacré coup de vieux entre deux chapitres. Rappelons tout de même que le premier Phantasm avait été réalisé en 1979, le second en 1988 et le troisième en 1994 ! Mais cela fait partie de la mythologie Phantasm, puisque Don Coscarelli s’amuse à jouer avec les dimensions et le vieillissement « accéléré » des protagonistes rajoute un côté fantastique à l’ensemble.
Le cinéaste se fait ici plaisir en signant un vrai western métaphysique et quasi-abstrait, qui encore une fois apporte de nombreuses réponses sur le Tall Man, mais qui pose de nouvelles bases pour ainsi relancer la machine. Ou ses sphères métalliques tueuses plutôt. On prend les mêmes alors et on recommence. Terrassé par le désespoir en apprenant qu’il est lui aussi devenu une créature au sang jaune du Tall Man, Mike a décidé de fuir loin de Reggie, son meilleur ami, par peur de ses propres réactions peut-être, mais aussi pour lui épargner d’être traqué comme il l’est lui-même. De son côté, Reggie est acculé par le Tall Man qui est une fois de plus revenu à la vie. Pour une raison connue de lui seul, le boogeyman décide d’épargner Reggie et même de le relâcher. Il semble que la partie ne fasse que commencer…Don Coscarelli sépare ses personnages pendant quasiment l’intégralité du film. Si la quête de Reggie, ancien vendeur de glaces devenu soldat par la force des choses, est somme toute classique et proche de celles des épisodes précédents, c’est ici Mike (A. Michael Baldwin) qui importe et le réalisateur ne s’en cache pas.
Phantasm IV : Aux sources de la Terreur déploie un nouvel univers, principalement en plein jour. Mike abandonne sa voiture dans la Vallée de la Mort (en fait les scènes ont été tournées à Lone Pine en Californie) et erre comme un zombie, qu’il est d’ailleurs devenu en partie, en tâchant de conserver son libre-arbitre et de ne pas devenir l’un des pantins et serviteurs du Tall Man. Les décors déserts sont magnifiques, excellemment filmés, ce décalage avec l’univers original du film emporte alors l’adhésion. Evidemment, les spectateurs qui s’attendaient à voir un nouveau spectacle avec de l’humour noir et des effets gore seront probablement déçus, mais Don Coscarelli, ambitieux, prend l’audience au dépourvu en privilégiant la psychologie et le côté introspectif de ses personnages. Il se rapproche ainsi du premier épisode et chef d’oeuvre de la franchise, ce qui est tout autant inattendu que bienvenue. De là à dire que Phantasm IV : Aux sources de la Terreur est le meilleur film de la franchise après le premier et l’aboutissement de cette longue histoire, il n’y a qu’un pas. Ceci d’autant plus que Coscarelli utilise des scènes coupées du premier film (ou filmées pour être utiliser plus tard), pour les intégrer ici sous forme de flashbacks.
Tandis que Reggie continue sa route et rencontre une mignonne petite blonde qui l’excite d’emblée et que Mike commence à prendre conscience que son suicide pourrait mettre fin aux noirs desseins du Tall Man, Don Coscarelli décide de dévoiler les origines du Tall Man, grâce aux passages entre deux mondes et deux époques disséminés sur Terre. Un Tall Man Begins en quelque sorte. Mais alors pourquoi Mike est-il persuadé d’avoir rencontré le Tall Man durant la Guerre de Sécession ? Comment son frère présumé décédé parvient-il à survivre entre deux univers et se transforme également en sphère ? Autant de nouvelles questions que l’on se pose à la fin de Phantasm IV : Aux sources de la Terreur et auxquelles Don Coscarelli ne répondra que…18 ans plus tard dans Phantasm V : Revenger, à ce jour le seul épisode non mis en scène par le cinéaste, mais pour lequel il signe néanmoins le scénario. Ce sera également le dernier tour de piste d’Angus Scrimm, décédé juste après le tournage à l’âge de 89 ans.
LE BLU-RAY
Phantasm IV : Aux sources de la Terreur est donc disponible en Blu-ray, mais pour l’instant uniquement en coffret intégrale (5 films) édité par ESC Editions. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de dire si ce titre sera édité à l’unité, mais puisque les deux premiers le sont déjà, il n’y a pas de raison d’en douter. Le menu principal est animé sur le célèbre thème du film.
En plus de réunir les cinq films de la saga, ce coffret collector intégrale propose également un DVD Bonus, contenant un documentaire rétrospectif de la franchise “Phantasmagoria” (97’), Phantasmagorical Mystery Tour (14′), des scènes coupées de Phantasm (3′), sans oublier un livre inédit de 152 pages par Marc Toullec sur la genèse et la réalisation de la saga. Ces suppléments seront chroniqués ultérieurement.
Le Blu-ray de Phantasm IV : Aux sources de la Terreur contient également quelques bonus.
En plus de la bande-annonce et d’une galerie de photos, nous disposons ici d’un documentaire sur le tournage du film (11’), composé d’images de tournage, directement suivies par le résultat final à l’écran. A signaler que d’autres images du plateau se trouvent dans le documentaire proposé en bonus sur le Blu-ray de Phantasm III : Le Seigneur de la Mort !
L’Image et le son
Du point de vue qualité, le master HD de Phantasm IV : Aux sources de la Terreur est sans aucun doute le plus beau du coffret intégrale. Encore plus aiguisé que l’image du troisième épisode, celle-ci sublime les plans tournés dans le désert avec un ciel bleu immaculé, une profondeur de champ inouïe et une luminosité qui flatte les rétines. La texture argentique est heureusement préservée et excellemment gérée, la copie est d’une propreté immaculée, le cadre stable, les gros plans détaillés à souhait, bref c’est superbe. Le Blu-ray est au format 1080p (AVC).
Comme sur les précédents Blu-ray, la version originale bénéficie d’un mixage DTS-HD Master Audio 5.1. Cette option acoustique séduisante permet à la composition d’environner une fois de plus le spectateur pour mieux le plonger dans l’atmosphère du film. Les effets latéraux sont très convaincants, à l’instar des ambiances naturelles dans les paysages désertiques. De plus, les dialogues ne sont jamais noyés et demeurent solides, la balance frontale assurant de son côté le spectacle acoustique, riche et dynamique, surtout lors du passage des sphères métalliques, évidemment toujours présentes dans ce quatrième épisode. Les fans de la version française devront se contenter d’une piste mono DTS-HD Master Audio 2.0. Cette version se révèle assez percutante et propre, mais certains dialogues s’avèrent sensiblement grinçants. Les sous-titres ne sont pas imposés sur la version originale. Aucun souffle constaté.