ESCALOFRIO réalisé par Carlos Puerto, disponible en DVD le 20 août 2019 chez Uncut Movies
Acteurs : Ángel Aranda, Sandra Alberti, Mariana Karr, José María Guillén, Manuel Pereiro, Luis Barboo, José Pagán, Isidro Luengo…
Scénario : Carlos Puerto
Photographie : Andrés Berenguer
Musique : Librado Pastor
Durée : 1h19
Année de sortie : 1978
LE FILM
Après s’être fait accoster par un couple avenant affirmant les connaitre, un homme et sa femme acceptent l’invitation chaleureuse à passer un moment dans leur magnifique demeure. Mais les choses se déroulent étrangement et visiblement, le couple a une idée précise en tête, et verse dans les pratiques sombres de la magie noire…
« Le mal et Satan existent ». Ainsi démarre Escalofrío, deuxième long métrage de fiction du réalisateur Carlos Puerto, auparavant l’auteur de deux documentaires, Entre el carbón y el mar (1965) et Recuerdo de Rosalía de Castro (1970), et d’El francotirador (1978), son premier film et thriller avec le légendaire Paul Naschy. Egalement scénariste du Continent fantastique – Viaje al centro de la Tierra (1977) inspiré par le chef d’oeuvre de Jules Vernes, Voyage au centre de la Terre, Carlos Puerto se lance dans l’écriture d’Escalofrío. Ce film érotico d’épouvante produit par Juan Piquer Simón, également connu sous les titres Le Sang de Satan et Satan’s Blood, est pour ainsi dire entré dans les livres d’histoire, puisqu’il s’agit d’un des tous premiers à avoir subi les foudres de la censure post-franquiste et à avoir été classé « S », qui correspondait à l’interdiction formelle aux mineurs, en raison de son contenu jugé hautement érotique et violent. Ça c’était pour le situer dans son contexte historico-politique. Aujourd’hui, Escalofrío demeure un joli tour de force, sulfureux comme il le faut, à la fois intrigant, bandant et inquiétant, bref, belle réussite que cette perle rare emblématique de l’âge d’or du cinéma fantastique espagnol.
Ana et Andrés, un jeune couple d’amoureux, décident de partir en balade pour profiter de leur week-end ensoleillé. Au cours de leur périple ils croisent la route d’un autre couple, Bruno et Berta, qui les aborde en prétextant les connaitre et en évoquant auprès d’eux de lointains souvenirs d’école. Ana et Andrés, séduits par cette rencontre fortuite, acceptent de passer la soirée en leur compagnie mais à peine sont-ils arrivés dans la maison de leurs hôtes qu’un violent orage éclate les contraignant à y passer la nuit. Enivrés par l’atmosphère étrange qui émane des lieux, les deux couples se lancent dans une séance de spiritisme afin de pimenter la soirée. Une soirée qui va tourner à l’horreur pour les occupants de la maison qui devront affronter toute la nuit durant une série d’évènements macabres qui les conduiront aux portes de la folie… Survivront-ils à cette longue nuit d’effroi ?
Escalofrío commence comme un reportage, donnant la parole à un véritable expert en parapsychologie et démonologie. S’ensuit un rituel où se mêlent le sexe et le sang, séquence assez frontale où la victime, consentante (ou pas), est poignardée durant l’acte et rend son dernier souffle dans un râle de douleur et d’extase. Carlos Puerto pose le décor, le ton, les partis pris et ses intentions en cinq minutes. Si le film aura du mal à réitérer l’efficacité de cette exposition, le spectateur se trouve pourtant embringué dans cette aventure ancrée dans un réalisme social et citadin ibériques. Après la présentation du couple principal et de leur rencontre « fortuite » avec un homme et une femme qui les invitent un peu trop rapidement à venir passer la soirée chez eux, Escalofrío accroche par son rythme languissant, son atmosphère sexuelle, par le huis clos que Carlos Puerto installe progressivement et dont l’étouffement se ressent à mesure que la nuit tombe et que l’orage se lève.
Si la séquence de ouija est un poil trop longue, l’atmosphère angoissante s’impose réellement, tout comme la scène d’orgie, très bien filmée et photographiée, qui permet d’apprécier les corps nus de ces demoiselles généreuses qui s’offrent à nous. Un acte érotique typique des années 1970, sans aucune vulgarité, très plaisante. Hormis une dernière partie où Carlos Puerto ne sait plus trop quoi faire de ses personnages, le remarquable épilogue rattrape le coup avec un coup de théâtre qui fait froid dans le dos.
Rosemary’s Baby de Roman Polanski est l’indiscutable référence du cinéaste, mais Escalofrío trouve sans mal un ton qui lui est propre et qui participe encore à son succès auprès des aficionados du genre.
LE MEDIABOOK
C’est devenu une spécialité chez nos amis d’Uncut Movies, leur nouveau titre prend la forme d’un superbe Mediabook. En revanche, grande nouveauté, vous aurez le choix ici entre deux visuels différents proposés au prix de 25 euros l’unité. L’éditeur annonce également un pack spécial pour les collectionneurs, à savoir les deux Mediabooks regroupés au prix de 45 euros. Les deux éditions sont éditées à 500 exemplaires et contiennent les mêmes suppléments que nous vous présentons ici. Le menu principal est animé et musical. Signalons que le film est disponible pour la première fois en France dans sa version intégrale comprenant toutes les scènes érotiques et sanglantes qui ont fait sa renommée internationale. Enfin, à l’intérieur du Mediabook, vous trouverez un livret de 32 pages, très bien écrit et illustré, ainsi qu’une affiche alternative collector. Le titre est d’ores et déjà disponible à la vente sur le site de l’éditeur http://www.uncutmovies.fr/ et le 20 août 2019 dans les enseignes spécialisées.
Cette édition d’Escalofrío s’accompagne d’une large galerie de photos, d’un lot de bandes-annonces de films disponibles chez Uncut Movies et surtout d’une présentation de l’oeuvre de Carlos Puerto qui nous intéresse ici, par l’expert, monsieur David Didelot. 52 minutes en compagnie de ce dernier, cela ne se refuse pas. Le co-fondateur du fanzine Vidéotopsie replace tout d’abord Escalofrío dans son contexte politique, la fin du régime de Franco, une nouvelle époque et l’ouverture de formes d’expression artistique, un vent de liberté qui souffle sur l’Espagne en 1977 avec la fin de la censure franquiste. David Didelot, toujours aussi passionnant, en vient ensuite à Escalofrío et aborde le casting, la carrière du réalisateur Carlos Puerto et celle du producteur Juan Piquer Simón. Escalofrío est analysé – sur le fond comme sur la forme – par notre spécialiste du Bis, qui aborde également l’accueil et la sortie du film, les divers titres d’exploitation et les coupes de la version française.
Chez Homepopcorn.fr, nous adorons les courts-métrages et nous saluons toujours les éditeurs quand ils prennent l’initiative d’agrémenter leurs suppléments de petites découvertes. C’est ici le cas avec La Maison des ténèbres (2017-25’). Un court-métrage très prometteur et excellemment interprété, inspiré des Innocents de Jack Clayton et de Phenomena de Dario Argento.
L’Image et le son
Le master est fort correct. Certes, quelques poussières subsistent, tout comme certains moirages et troubles, mais la copie est satisfaisante et trouve son équilibre après un prologue plus marqué par les années. Le teint des comédiens reste blafard, mais rien de rédhibitoire. La propreté est ensuite indéniable, les contrastes solides.
La version anglaise est anecdotique. Durant le prologue, le doublage est superposé sur les propos du parapsychologue. Privilégiez évidemment la piste originale espagnole, même si elle se révèle un peu sourde en début de programme, mais cela s’arrange immédiatement après. Les effets et la musique sont excellemment redirigés, tandis que les dialogues sont dynamiques.