Test Blu-ray / Trois amies, réalisé par Emmanuel Mouret

TROIS AMIES réalisé par Emmanuel Mouret, disponible en DVD & Blu-ray le 6 mars 2025 chez Pyramide Vidéo.

Acteurs : Camille Cottin, Sara Forestier, India Hair, Damien Bonnard, Grégoire Ludig, Vincent Macaigne, Éric Caravaca, Louise Vallas…

Scénario : Emmanuel Mouret & Carmen Leroi

Photographie : Laurent Desmet

Musique : Benjamin Esdraffo

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 2024

LE FILM

Joan n’est plus amoureuse de Victor et souffre de se sentir malhonnête avec lui. Alice, sa meilleure amie, la rassure : elle-même n’éprouve aucune passion pour Éric et pourtant leur couple se porte à merveille ! Elle ignore qu’il a une liaison avec Rebecca, leur amie commune… Quand Joan décide finalement de quitter Victor et que celui-ci disparaît, la vie des trois amies et leurs histoires s’en trouvent bouleversées.

Il est assez rare en France, qu’un cinéaste enchaîne à ce point les réussites et ce depuis un quart de siècle. C’est bien simple, en dehors d’un gros raté (Une autre vie en 2013, avec Jamsine Trinca et JoeyStarr), les dix autres longs-métrages d’Emmanuel Mouret oscillent entre le formidable et le sublime. Dans cette seconde catégorie, il faudra désormais ajouter Trois amies, présenté en compétition officielle lors de la dernière édition de la Mostra de Venise, en septembre 2024, 12e opus (pour le cinéma) du réalisateur acclamé ces dernières années pour Mademoiselle de Joncquières (2018) et dernièrement pour Chronique d’une liaison passagère (2022). Deux ans après ce dernier, Emmanuel Mouret se penche une fois de plus sur le thème, ô combien complexe, mais passionnant, de l’amour dans tous ses états, et place ici trois sublimes comédiennes en haut de l’affiche, India Hair, Sara Forestier et Camille Cottin. Cela étant, il n’oublie pas la gent masculine et Grégoire Ludig, Vincent Macaigne (qui avait déjà collaboré avec Emmanuel Mouret), Damien Bonnard et Éric Caravaca auraient tout aussi bien pu avoir leur place aux côtés de leurs consœurs. Comme à son habitude, sans aucune redondance, avec un sens inouï du rythme et avec une élégance propre à son cinéma depuis ses débuts, le metteur en scène et scénariste livre à sa distribution une fabuleuse partition sur ce qu’on pourrait qualifier les équations de l’amour, qui possèdent un nombre incalculable d’inconnues et donc tout autant de combinaisons à essayer, ou tout du moins à vivre. Le spectateur se laisse embarquer dans cet opéra tragi-comique ou comédie teintée de drames (on vous l’a dit, les tournures sont multiples), qui rend compte de la complexité intemporelle et universelle de l’existence. Un des très grands films français de l’année 2024.

Rebecca, professeure d’arts plastiques, sans poste depuis quelque temps, fréquente un homme marié. Son amie Joan n’est plus vraiment amoureuse de son compagnon Victor, mais n’est pas capable de le lui dire, souffrant de potentiellement l’anéantir. Alice, sa meilleure amie, essaye de la rassurer en affirmant qu’elle n’est elle-même pas certaine d’avoir jamais aimé son mari Eric, mais qu’elle préfère cette situation plutôt que d’être dépendante comme dans d’autres relations, ce qu’elle trouvait invivable. Elle ignore cependant qu’Eric n’est autre que le mystérieux amant de Rebecca…

Cela fait déjà une bonne quinzaine d’années que la comédienne India Hair illumine le cinéma français et ce depuis sa première apparition dans le superbe Avant l’aube de Raphaël Jacoulot. Depuis, tout le monde s’est arraché cette actrice saumuroise née en 1987, Noémie Lvovsky, Riad Sattouf, Brigitte Sy, Alain Guiraudie, Hubert Charuel, Anne Fontaine, Quentin Dupieux, Delépine & Kervern. Très demandé par le cinéma d’auteur, elle sera d’ailleurs prochainement à Cannes pour défendre le dernier film des frères Dardenne, India Hair détonne dans le panorama cinématographique français avec sa beauté singulière, son charisme magnétique, une sensibilité à fleur de peau qui contraste violemment avec une force dévastatrice que l’on sent souvent prête à exploser. Dans Trois amies, elle incarne Joan, qui arrivée aux portes de la quarantaine remet en question ses sentiments pour Victor (Vincent Macaigne, fabuleux funambule marchant sur le fil tendu entre le burlesque et le pathétique), transi d’amour pour elle, avec lequel elle a eu une fille.

Quand Victor décède des suites d’un accident survenu après qu’elle lui ait annoncé qu’elle voulait qu’ils se séparent, la vie de Joan paraît la faire repartir de zéro. Mais cela est-il possible ? D’autant plus que ses amies semblent elles-mêmes ne plus savoir ce qu’elles désirent, entre l’une (Alice, lumineuse Camille Cottin), qui se demande si elle est réellement amoureuse de celui avec lequel elle partage le quotidien, ou Rebecca (solaire Sara Forestier), qui entretient une relation passionnée avec Éric, qui n’est autre que le compagnon d’Alice…Chacun ne semble pas être à sa place, ou pense ne pas l’être, tente alors une nouvelle alliance, une fusion originale, une imbrication inédite, sans se soucier des conséquences, en vivant le moment présent.

Emmanuel Mouret accorde toujours autant d’importance aux éléments féminins que masculins, tout le monde est logé à la même enseigne, « coupable » et pourtant innocent, dans le sens où personne ne juge le comportement des autres, en premier lieu le réalisateur lui-même, dont on sent l’immense affection pour ses protagonistes. Depuis son premier long-métrage, Laissons Lucie faire ! avec Marie Gillain (qu’on désespère de revoir chez Mouret), les personnages déambulent, papillonnent, se confrontent par l’intermédiaire de dialogues très écrits, surréalistes aussi parfois, comme si le cinéaste s’exprimait à travers eux (quand il n’apparaît pas lui-même dans ses propres films), avec une légèreté qui calfeutre la gravité des sentiments amoureux.

Au bout du compte (ou du conte, c’est selon), le résultat des diverses équations n’est peut-être pas celui auquel s’attendai(en)t le(s) personnage(s), mais comme le dit merveilleusement bien Joan, « j’ai envie d’essayer ». C’est là le sel de la vie, son aspect romanesque, ainsi que la virtuosité d’un des plus grands réalisateurs français en activité.

LE BLU-RAY

À l’instar de Chronique d’une liaison passagère, Trois amies débarque dans les bacs en DVD et Blu-ray chez Pyramide Vidéo. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

On commence les bonus par une poignée de scènes coupées, toutes introduites par un carton explicatif signé Emmanuel Mouret (12’). Le réalisateur s’exprime (par écrit donc) sur la raison de leur éviction, tout en les replaçant dans leur contexte. Ainsi, pas mal de séquences étaient centrées sur la liaison entre Rebecca et Éric. Le cinéaste explique que ces scènes devaient apparaître assez tôt dans le film et encourager le spectateur à ne pas porter trop vite un jugement négatif sur cette liaison, en montrant notamment qu’ils avaient beaucoup de scrupules malgré tout. Ces scènes ont été coupées pour démarrer avec plus de mystère, éviter la répétition, car ces scrupules apparaissaient dans d’autres scènes. Notons aussi une fin alternative quant à la décision de Joan. Le réalisateur indique que les acteurs ne savaient pas quelle fin serait montée.

Place ensuite à Emmanuel Mouret (10’), interviewé pour Télérama. Le metteur en scène revient évidemment sur le sujet de l’amour au cinéma (« un je t’aime peut faire peur à l’autre, car il exige une réponse »), évoque les thèmes abordés dans Trois amies, dissèque la psychologie des personnages, parle du désir et de la sexualité, ainsi que son rapport avec les spectateurs (« il faut susciter en permanence son imagination »).

Nous sommes moins convaincus par l’analyse de Louise Dumas, critique de cinéma pour la revue Positif (9’). Sur des images tirées du film, les arguments font souvent place à la forme, plus qu’au fond. Le tout paraît souvent tiré par les cheveux.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Cela fait vingt ans que le chef opérateur Laurent Desmet collabore avec Emmanuel Mouret, depuis Changement d’adresse. Les deux s’associent cette fois encore pour Trois amies. Les contrastes sont superbes en Haute-Définition, la copie se révèle claire et lumineuse, le relief est appréciable, la colorimétrie chatoyante et les détails sont précis aux quatre coins du cadre large. Le piqué est acéré, le moindre recoin demeure splendide de précision sur les séquences diurnes tournées en extérieur. Ce Blu-ray est au format 1080p.

Comme à son habitude, Emmanuel Mouret use de la musique comme un véritable écrin avec la présence de Beethoven, Ravel, Mozart, Bach et bien d’autres, sans oublier la composition originale de Benjamin Esdraffo, le tout admirablement délivré et spatialisé par le mixage DTS-HD Master Audio 5.1. Les voix des comédiens s’imposent sans mal sur la centrale, toujours clairs et distincts, notamment la voix-off de Vincent Macaigne solidement plantée sur la centrale. Quelques ambiances naturelles parviennent à percer sur les latérales sur les séquences en extérieur, la balance gauche-droite est dynamique. La stéréo contentera ceux qui ne sont malheureusement pas équipés sur les arrières et demeure percutante. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Pyramide Films / Pyramide Distribution / Pascal Chantier / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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