Test Blu-ray / Maigret et l’affaire Saint-Fiacre, réalisé par Jean Delannoy

MAIGRET ET L’AFFAIRE SAINT-FIACRE réalisé par Jean Delannoy, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 4 septembre 2020 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Jean Gabin, Michel Auclair, Valentine Tessier, Jacques Morel, Paul Frankeur, Robert Hirsch, Jacques Marin, Michel Vitold, Armande Navarre, Gabrielle Fontan, Jacques Hilling, Micheline Luccioni…

Scénario : Rodolphe-Maurice Arlaud, Michel Audiard & Jean Delannoy, d’après le roman de Georges Simenon.

Photographie : Louis Page

Musique : Jean Prodromidès

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Le commissaire Maigret revient à Saint-Fiacre, village où il a passé son enfance, à l’invitation de la comtesse de Saint-Fiacre. Celle-ci connaît le « petit Jules » devenu commissaire, car le père de Maigret fut régisseur du domaine du château des Saint-Fiacre. La comtesse a reçu une lettre anonyme lui annonçant sa mort le mercredi des Cendres (premier jour du Carême). Le lendemain, Maigret la retrouve morte à l’église, victime d’une crise cardiaque. Toutefois, le commissaire est convaincu que cette crise cardiaque n’est pas due au hasard et commence son enquête…

Même s’ils n’étaient pas réellement enthousiasmés à l’idée de remettre le couvert et ce malgré le triomphe international de Maigret tend un piège, Jean Gabin et Jean Delannoy acceptent finalement cette nouvelle adaptation des aventures de Jules Maigret, Maigret et l’affaire Saint-Fiacre. La même année qu’Archimède le clochard de Gilles Grangier et de Rue des prairies de Denys de La Patellière, Jean Gabin reprend la pipe et le chapeau du commissaire divisionnaire créé par Georges Simenon, pour le plus grand plaisir des spectateurs, qui se sont rués en masse à nouveau dans les salles de cinéma en septembre 1959, même si le succès a été moindre que pour le premier opus. Malgré tout, le film attire 2,9 millions de français au cinéma. Maigret et l’affaire Saint-Fiacre délaisse les rues sombres et poisseuses de la capitale, pour emmener le personnage en province, là où il est né et a grandi. L’enquête touchera tout particulièrement Maigret de façon personnelle et le commissaire redoublera de malice pour mettre la main sur l’esprit tordu et malfaisant responsable de la mort de la comtesse de Saint-Fiacre, probablement son premier émoi. Plus aéré, mais toujours aussi passionnant, Maigret et l’affaire Saint-Fiacre est une immense réussite, un chef d’oeuvre qui se permet de surpasser le précédent opus, en y incorporant une émotion inattendue, une nostalgie universelle et une mélancolie troublante, le tout sur fond d’enquête où les suspects sont multiples et les coupables imprévisibles. N’oublions pas le final, absolument extraordinaire, qui fait penser aux célèbres réunions organisées par Hercule Poirot dans l’oeuvre d’Agatha Christie, et qui offre à Jean Gabin l’occasion de livrer l’une des plus grandes performances de sa carrière. Maigret et l’affaire Saint-Fiacre est un film exceptionnel.

Le commissaire Jules Maigret répond à l’appel de la comtesse de Saint-Fiacre qui a reçu une lettre anonyme lui annonçant sa mort prochaine. Le lendemain, au cours de l’office des Cendres, elle succombe à une crise cardiaque. Maigret fait la connaissance des personnes qui gravitaient autour de la châtelaine. Son secrétaire et amant, Lucien Sabatier, qui lui faisait vendre ses derniers objets de valeur ; Gautier, le régisseur, dont le fils Emile est employé de banque, qui lui apprend que la majorité des terres ont été vendues pour satisfaire les goûts dispendieux de Maurice, le fils de la famille. Celui-ci survient précisément, scandalisé que son suicide ait été annoncé par erreur dans les pages d’un journal local. Cette fausse nouvelle serait à l’origine de l’attaque de la comtesse.

Jean Delannoy, Rodolphe-Maurice Arlaud et Michel Audiard se sont surpassés au scénario, ainsi qu’aux dialogues pour ce deuxième épisode ! Le récit est tortueux à souhait et emmène le spectateur d’indice en indice, de rebondissement en rebondissement, sans aucun temps mort. Maigret et l’affaire Saint-Fiacre prolonge le travail entrepris avec Maigret tend un piège, notamment en qui concerne la psychologie de son personnage principal. Sorti de son environnement parisien et détaché de ses collègues avec lesquels il travaille habituellement devant une bière et un sandwich, Maigret est cette fois seul en piste et animé par un désir intime de venger la disparition de cette comtesse, puisque son père en était le régisseur principal quarante ans auparavant. Arrivé sur le domaine de Saint-Fiacre, Maigret retrouve les chemins qu’il a parcourus tous les jours pour aller à l’école, la cloche qu’il faisait tinter en lançant un caillou, ou bien encore la vieille épicière qui lui vendait des confiseries. Michel Audiard signe l’une de ses plus belles partitions avec des dialogues à la fois secs, nerveux et violents comme lors de la confrontation finale qui cloue le spectateur à son siège, ou bien encore tendres et pudiques lorsque Maigret retrouve ceux qui restent à jamais liés à son enfance.

Rien à redire sur le côté technique. Si la Nouvelle Vague n’a fait que vilipender le cinéma et les réalisateurs de sa génération, Jean Delannoy était pourtant un formidable directeur d’acteur et un habile metteur en scène, comme le prouvait Maigret tend un piège, avec son côté giallo avant l’heure. Maigret et l’affaire Saint-Fiacre pourrait passer pour plus classique dans sa forme, mais il s’agit d’une belle leçon de cadre et de maîtrise de l’espace, le tout soutenu cette fois encore par une photographie soignée de Louis Page doublée d’un montage percutant.

Aux côtés de Jean Gabin, Michel Auclair tire évidemment son épingle du jeu dans le rôle de Maurice de Saint-Fiacre, le fils, suintant à souhait, Valentine Tessier également dans celui de la comtesse de Saint-Fiacre, dont la présence se fait ressentir tout du long, même si elle disparaît en début de film. Pour une fois, Robert Hirsch force le trait de son personnage, sans doute la seule fausse note de ce chef d’oeuvre intemporel dans lequel brillent aussi et comme à son habitude Paul Frankeur, Jacques Morel et le sensationnel Jacques Marin, auquel on devrait rendre les plus beaux hommages pour avoir marqué le cinéma français, mais aussi international, de sa présence et de sa voix inimitable.

Devant le grand succès rencontré par le film, une troisième et dernière aventure de Maigret avec Jean Gabin est annoncée, même si Jean Delannoy et Michel Audiard la déclineront et laisseront la place à Gilles Grangier et au scénariste-dialoguiste Jacques Robert. Cet ultime opus s’intitulera Maigret voit rouge et sortira quatre ans plus tard. A suivre…

LE DIGIBOOK

Nous avons été parmi les premiers à parler de Coin de Mire Cinéma il y a de cela près de deux ans. Depuis, nous avons chroniqué les 25 titres sortis sous la bannière de l’éditeur, dont le travail et la passion ont immédiatement séduit les cinéphiles et les adeptes du support physique que nous sommes. Nous voici donc rendu à la cinquième vague de Coin de Mire Cinéma, qui a d’ores et déjà annoncé une trentaine de titres à venir, avec pêle-mêle La Chartreuse de Parme de Christian-Jaque, La Table aux crevés, Le Grand chef et Le Mouton à 5 pattes de Henri Verneuil, Chiens perdus sans collier de Jean Delannoy, Les Liaisons dangereuses de Roger Vadim, Classe tous risques de Claude Sautet, Le Jardinier d’Argenteuil de Jean-Paul le Chanois, Le Rapace et Dernier domicile connu de José Giovanni, Ho ! de Robert Enrico, La Veuve Couderc et Le Chat de Pierre Granier-Deferre, La Poudre d’escampette et Chère Louise de Philippe De Broca ou bien encore Les Granges brûlées de Jean Chapot…Pour l’heure, cette nouvelle vague comprend Maigret tend un piège (Jean Delannoy, 1958), Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre (Jean Delannoy, 1959), Maigret voit rouge (Gilles Grangier, 1963), Les Evadés (Jean-Paul Le Chanois, 1955), Maxime (Henri Verneuil, 1958) et Le Diable et les 10 commandements (Julien Duvivier, 1962). Jusqu’à présent, Maigret et l’affaire Saint-Fiacre n’était disponible qu’en DVD chez TF1 Studio depuis 2015. Coin de Mire vient d’en acquérir les droits pour intégrer ce titre, ainsi que les deux autres Maigret avec Jean Gabin, à leur prestigieuse collection. Pour connaître toutes les spécificités de ces éditions dites de « La Séance », nous vous renvoyons à notre premier article consacré à Coin de Mire Cinéma https://homepopcorn.fr/test-blu-ray-archimede-le-clochard-realise-par-gilles-grangier/ .Tous les titres de cette collection sont édités à 3000 exemplaires.

L’édition prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la filmographie de Jean Delannoy avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, de la reproduction du dossier de presse original, des matériels publicitaires et promotionnels, et d’articles divers. Le menu principal est fixe et musical.

Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores. Le film démarre une fois que le salut du petit Jean Mineur (Balzac 00.01).

Le journal des actualités de cette 36è semaine de l’année 1959 (8’30) démarre par un petit reportage sur les jeux d’eau des enfants à Hambourg durant les grandes chaleurs de la fin août. Puis, pour se rafraîchir, allons voir les nageurs enduits d’une bonne couche de graisse protectrice, qui se préparent à traverser la Manche à la nage. L’eau est encore présente, mais cette fois pour évoquer une catastrophe naturelle au Japon, après un typhon qui a ravagé la province de Nagano. Enfin, concernant la politique, nous voyons Charles de Gaulle arriver en Algérie, d’où il repart rapidement afin d’accueillir le président américain Dwight D. Eisenhower alors en tournée en Europe. Mention spéciale au parachutage d’une Simca P60 à Hassi Messaoud, qui semble avoir inspiré Luc Besson pour une des scènes de Taxi 2 !

Envie de chocolats glacés avant que le film commence ? Cela tombe bien, les réclames sont là pour vous donner envie (9’). Ne manquez pas les publicités pour Miko, les bonbons Minto, le café Nescafé, puis pour les lames de rasoir Gibbs, le dentifrice Colgate (attention, chef d’oeuvre), la nouvelle gaine Peter Pan, sans oublier l’eau Sterlitz avec évidemment une apparition de Napoléon…

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

A l’instar de Maigret tend un piège, Maigret et l’affaire Saint-Fiacre avait déjà bénéficié d’une restauration en Haute-Définition il y a de cela plusieurs années et l’éditeur n’a semble-t-il rien apporté de plus. Ce master HD (1080p, AVC) détonne par sa luminosité, on peut même parler ici de blancs brûlés qui dénaturent quelque peu les détails sur les plans larges, ainsi que sur les visages et les textures. Les gros plans sont heureusement plus précis avec un piqué affûté. Le grain est présent, élégant, mieux géré que sur le Blu-ray de Maigret tend un piège, quelques poussières résiduelles demeurent bien que discrètes, tout comme certaines légères griffures. Nous notons également divers fourmillements, visibles surtout quelques secondes avant un fondu enchaîné. Dans l’ensemble, revoir le film de Jean Delannoy dans ces conditions est impressionnant et participe à sa pérennité.

Egalement restaurée, la piste DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un haut confort acoustique avec des dialogues percutants et une très belle restitution des effets annexes. Aucun souffle sporadique ni aucune saturation ne sont à déplorer. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © TF1 Droits Audiovisuels – Pretoria Films – Titanus / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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