L’HÉROÏQUE MONSIEUR BONIFACE – BONIFACE SOMNAMBULE réalisés par Maurice Labro, disponible en Coffret DVD ou Blu-ray « Fernandel – Coffret 3 films : L’Armoire volante + L’Héroïque Monsieur Boniface + Boniface somnambule » le 11 décembre 2024 chez Pathé.
Acteurs : Fernandel, Andrex, Michel Ardan, Yves Deniaud, Liliane Bert, Mathilde Casadesus, Gaby Andreu, Raoul Marco…
Scénario : Gérard Carlier
Photographie : Marc Fossard – Pierre Levent
Musique : Louiguy
Durée : 1h35-1h31
Date de sortie initiale : 1949-1951
LES FILMS
Boniface, timide étalagiste, trouve un soir en rentrant chez lui un cadavre dans son lit. Enlevé à sa sortie du commissariat par le véritable assassin (Charlie, un chef de bande), Boniface se retrouve libre et héros du jour au lendemain. Adulé, fêté et reconnu, Boniface commence sérieusement à gêner Charlie, qui décide d’enlever sa petite amie, Irène. Ce geste donnera à l’honnête Boniface la force d’accomplir cette fois, un audacieux coup de main qui mettra fin à la bande de gangsters.
Irréprochable détective privé aux magasins Berthès et spécialement au rayon bijouterie, Victor Boniface est somnambule. Ce qui l’amène à dérober la nuit ce qu’il surveille si brillamment le jour. Ce travers va le conduire à faire arrêter héroïquement trois gangsters : Charlie, René et leur complice, qui l’avaient repéré et abusaient de sa crédulité. Mlle Thomas, la sous-directrice de la bijouterie lui confiera son cœur et deviendra la mère de ses nombreux enfants qui seront, eux aussi, somnambules.
Un an après le semi-succès rencontré par L’Armoire volante, qui a autant décontenancé le public que la critique en raison de son humour noir, Fernandel revient au top du box-office avec L’Héroïque Monsieur Boniface, qui franchit la barre des trois millions d’entrées. Réalisé par Maurice Labro (aucun lien avec Philippe), ce film aussi connu sous le titre Le Sympathique Monsieur Boniface est une comédie conçue pour la star du cinéma français, où Fernandel pousse même la chansonnette. Le succès est tel qu’une suite, la première de sa carrière pour le comédien, sortira deux ans plus tard, mise en scène par le même réalisateur, avec une partie du même casting…mais où le personnage paraît ne pas être le même et où il ne subsiste que de rares éléments le rattachant au premier opus. Si Boniface somnambule ne connaîtra pas le même engouement (2,1 millions d’entrées), ce hit confirmera une fois de plus l’aura de Fernandel auprès des spectateurs, étant par ailleurs à l’affiche de cinq longs-métrages en 1951, dont Topaze (3,2 millions d’entrées) de Marcel Pagnol et L’Auberge rouge (2,7 millions d’entrées) de Claude Autant-Lara. Au jeu des comparaisons, L’Héroïque Monsieur Boniface s’avère plus réussi et original que Boniface somnambule, plus recherché aussi sans doute dans son mélange des genres, une comédie teintée d’enquête policière, dans laquelle Fernandel démontre encore son talent protéiforme. Si Boniface somnambule sent constamment le tournage en studio, contrairement au précédent, le spectacle est cependant bien mené, drôle et divertissant près de 75 ans après sa sortie.
On préférera donc tout de même L’Héroïque Monsieur Boniface, dans lequel Fernandel se retrouve face à des gangsters, le Gang des Tractions avant (qui par ailleurs avait vraiment existé), qui décide de le libérer après l’avoir kidnappé, étant devenu l’homme qui en savait trop. Une fois relâché (à condition qu’il se taise sur l’organisation criminelle), Victor Boniface devient un héros aux yeux du peuple, situation dont il profite surtout en voyant que celle dont il est épris, sa collègue de travail, s’intéresse enfin à lui. Le hic, c’est que le gang garde toujours un œil sur lui et que leur leader tombe amoureux de la donzelle en question. Timide et réservé, Boniface va devoir prendre confiance en lui pour la première fois pour oser s’opposer une fois encore aux criminels. Maurice Labro filme tout d’abord Paris, ses rues, ses bouches de métro, ses petites places du côté de Montmartre, ses voitures…un côté documentaire qui fait toujours son effet aujourd’hui, puisque peu nombreux étaient les films tournés en extérieur après la Seconde Guerre mondiale.
L’Héroïque Monsieur Boniface bénéficie d’un petit bijou de scénario signé Gérard Carlier, qui deviendra un nom récurrent dans la carrière de Fernandel, pour lequel il écrira également Le Bon roi Dagobert, Le Couturier de ces dames et Blague dans le coin. Le film fonctionne aussi bien dans le registre comique que dans l’intrigue « policière », l’humour noir de la première partie rappelle celui de L’Armoire volante (y compris cette trame autour d’un cadavre ambulant) et le burlesque s’invite à la partie à l’instar de cette scène mémorable où Victor essaye de se débarrasser de sa cavalière éméchée (et droguée), fabuleusement interprétée par Liliane Bert (Voici le temps des assassins). S’il y a sans doute une chanson de trop (la troisième, celle avec les employés de la gare), les gags visuels sont truculents, tandis que Fernandel donne de sa personne au cours d’une bagarre où il se retrouve face aux gangsters.
Boniface fait son retour deux ans plus tard. Enfin presque. Car il reste finalement peu du Boniface du premier épisode dans Boniface somnambule. Irène n’est même pas évoquée, Victor a changé de boulot (il est désormais détective privé aux magasins « Berthès » et spécialement au rayon bijouterie) et seules quelques coupures de journaux rappelant le Gang des Tractions avant et l’apparition des sbires en question relient les deux films. En dehors de cela, Boniface est devenu un homme quelque peu imbu de sa personne, un poil méprisant et donc moins attachant que dans sa précédente aventure. Boniface somnambule est plus classique, dans le fond comme dans sa forme, l’intrigue étant quasiment uniquement concentrée entre le magasin où officie Victor et l’immeuble où celui-ci habite. Boniface, devenu somnambule, réalise quelques larcins (sans le savoir, puisqu’il dort), en s’introduisant chez Berthès, les bras tendus, en s’emparant au passage de bijoux de luxe. Le lendemain, ne se souvenant de rien, il commence à mener l’enquête en promettant de mettre la main sur ce voleur qui a l’art de disparaître sans laisser de traces.
Le plus marquant de Boniface somnambule est l’apparition de Louis de Funès. Moustachu et brun, le comédien âgé de 37 ans est partout en cette année 1951, dans près d’une vingtaine de films, chez Gilles Grangier, Jean-Paul Le Chanois, Sacha Guitry, André Hunebelle…Il retrouvera Fernandel trois ans plus tard dans Le Mouton à cinq pattes et il est toujours étonnant de voir ces deux personnalités opposées être confrontées à l’écran. La scène qui les réunit dans Boniface somnambule est assurément l’une des plus réussies, Louis de Funès faisant déjà une belle démonstration de colère explosive.
Si L’Héroïque Monsieur Boniface l’emporte donc sur Boniface somnambule, ces deux comédies démontrent le savoir-faire de Maurice Labro, cinéaste aujourd’hui complètement oublié, qui savait se mettre au service de ses stars, tout en insufflant une modernité à travers une mise en scène alerte et inventive.
LES BLU-RAYS
Pathé réunit dans un coffret Blu-ray (ou DVD, au choix) trois films avec Fernandel, récemment restaurés, L’Armoire volante, L’Héroïque Monsieur Boniface et Boniface somnambule, trois opus sans doute « difficiles » à proposer en solo. Après L’Armoire volante, place aux deux Boniface ! Précédemment édités en DVD chez René Chateau, ces deux films reviennent dans la musette de Pathé. Le menu principal de chaque film est animé et musical.
Aucun supplément sur ces deux galettes.
L’Image et le son
Deux masters restaurés 4K qui font jeu égal. Des copies au format respecté et compression AVC. Voilà un lifting inattendu et bienvenu pour les deux films de Maurice Labro. Les Blu-rays en mettent souvent plein les yeux et la définition laisse pantois. La restauration se révèle étincelante, les contrastes sont d’une densité impressionnante, les noirs profonds, les blancs lumineux et le grain original heureusement préservé. Une ou deux séquences peut-être moins définies, mais cela demeure anecdotique car les très nombreuses séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes plus claires ou les séquences diurnes, le piqué est aussi tranchant qu’inédit, la stabilité de mise et les détails étonnent par leur précision.
Les pistes monos bénéficient d’un encodage en DTS HD-Master Audio. L’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises, les dialogues clairs, dynamiques, même s’ils s’accompagnent d’un très léger souffle. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.
Crédits images : © Pathé / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr