ENGRENAGES (House of Games) réalisé par David Mamet, disponible en DVD et Blu-ray le 4 septembre 2018 chez ESC Editions
Acteurs : Lindsay Crouse, Joe Mantegna, Mike Nussbaum, Lilia Skala, J.T. Walsh, Willo Hausman, Karen Kohlhaas, Steven Goldstein, Jack Wallace, William H. Macy…
Scénario : David Mamet
Photographie : Juan Ruiz Anchía
Musique : Alaric Jans
Durée : 1h42
Année de sortie : 1987
LE FILM
Le docteur Margaret Ford, brillante psychanalyste, considérée comme trop froide par ses clients, est un jour poussée à bout par un de ses patients, Billy Haln, qui la menace de se suicider si elle ne l’aide pas à honorer ses dettes de jeu vis-à-vis d’un certain Mike. Margaret accepte. Elle se rend à la maison de jeux et découvre un univers qui la fascine. Mike et ses amis, après avoir tenté de la plumer, lui démontrent quelques-unes de leurs arnaques favorites. Pour Margaret, c’est l’engrenage et sa vie rigide va tout à coup être bouleversée par cette passion.
A la barre d’Engrenages – House of Games, il y a le dramaturge, producteur, réalisateur, scénariste et essayiste américain David Mamet. Né en 1947, lauréat du Prix Pulitzer en 1984 pour Glengarry Glen Ross, cet auteur de renom débute sa carrière à Hollywood en signant les scénarios du Facteur sonne toujours deux fois de Bob Rafelson (1981), Le Verdict de Sidney Lumet (1982) pour lequel il est nommé à l’Oscar et Les Incorruptibles de Brian de Palma (1987). Trois chefs d’oeuvre. Il décide de passer derrière la caméra avec Engrenages, son premier long métrage, dont il cosigne l’histoire avec le comédien et scénariste Jonathan Katz. Tout ce qui fera la renommée des films de David Mamet, à l’instar de La Prisonnière espagnole, se retrouve déjà dans ce coup d’essai. Radiographie de l’âme humaine, scénario empreint de psychologie, forme quasi-anachronique et inspirée du cinéma américain des années 1950, solide direction d’acteurs, élégance omniprésente, récit passionnant. Engrenages est un savoureux tour de force.
Margaret Ford est une psychanalyste solitaire qui bénéficie d’une certaine renommée, en particulier depuis la publication d’un livre intitulé Driven: Compulsion and Obsession in Everyday Life, dont les ventes lui assurent un revenu confortable. Lors d’une séance de psychanalyse, Billy, un joueur compulsif, lui confie qu’il doit la somme de 25 000 dollars à un criminel et qu’il sera probablement abattu s’il ne s’acquitte pas de sa dette. Le soir venu, Margaret décide de se rendre dans un bar appelé The House of Games pour y rencontrer l’homme dont Billy lui a parlé – un certain Mike, dont la jeune femme fait rapidement connaissance. Mike lui propose un deal : il efface l’ardoise de Billy, qui en réalité s’élève à seulement 700 dollars, si elle l’aide à gagner une partie de poker en observant les tics de son adversaire. Margaret accepte, et débute alors une expérience qui va peu à peu confronter les théories de la psychanalyste à une troublante réalité…
Engrenages est l’histoire d’une femme aux désirs refoulés qui se retrouve face à sa propre psyché, à la tentation et au passage à l’acte. Jusqu’alors, le personnage impeccablement interprété par Lindsay Crouse (La Castagne, Le Prince de New York) au regard glacial, se contentait de guérir et de soulager les maux de ses patients, sans penser une seconde à sa propre existence. Ne vivant que pour son métier et ses patients, Margaret commence à perdre le fil de ses pensées, en faisant notamment quelques lapsus révélateurs, en mentionnant « pressions » au lieu de « passions ». Suite à une affaire en cours, elle décide de sortir de sa zone de confort et plonge malgré elle dans le monde de la nuit peuplé d’escrocs, en rencontrant notamment un expert, Mike, incarné par le toujours classe Joe Mantegna (Le Parrain 3, la série Esprits criminels). Sa véritable nature va alors éclore au fur et à mesure que Margaret apprend les rudiments d’arnaques en tous genres. Mais de par son métier qui exige contrôle et dans un sens manipulation, Margaret acceptera t-elle de se retrouver face à plus fort qu’elle et surtout de devenir victime d’un jeu qu’elle pensait alors contrôler ? Lequel de ces deux professionnels parviendra à prendre le dessus sur l’autre ?
House of Games, c’est le lieu où se réunissent celles et ceux qui ont décidé de prendre l’ascendant sur ceux qu’ils ont désignés comme leurs proies, en les arnaquant et en profitant de leur crédulité. En pénétrant dans ce lieu, Margaret voit s’animer tout ce qu’elle dissimulait au plus profond d’elle-même, sous l’apparence d’une psy stricte, corsetée dans un tailleur droit, qui préfère passer ses soirées à peaufiner ses dossiers en cours, plutôt que de penser à elle. La rencontre avec Mike va non seulement réveiller en elle ses instincts dissimulés, ses envies compulsives, mais également sa sexualité.
Les films de David Mamet donnent toujours cette impression d’avoir été tournés en N&B. Engrenages ne fait pas exception. Avec ses angles de caméra insolites, sa musique jazzy, ses rues au bitume détrempé après la pluie, ses nombreux gros plans, le film prend la forme d’un polar made in fifties, mais en couleur. Sans en dévoiler davantage, disons que l’ombre de Pas de printemps pour Marnie d’Alfred Hitchcock (1964) plane constamment sur Engrenages. David Mamet signe un vrai coup de maître, jouant constamment avec les apparences et les faux-semblants, probablement encore plus passionnant aujourd’hui qu’à sa sortie.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray d’Engrenages, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
ESC Editions fait décidément confiance à Mathieu Macheret, qui réalise une fois de plus une analyse du film qui nous intéresse (21’30). Le critique cinéma pour Le Monde présente tout d’abord le parcours et l’oeuvre de David Mamet, à travers ses thèmes récurrents, mais se trompe en avançant que ce premier long métrage est l’adaptation d’une des pièces de son auteur. Puis, Engrenages est abordé à la fois dans le fond, mais aussi sa forme. Si le journaliste paraphrase parfois l’histoire, tout en se gardant bien d’en dévoiler les principaux rebondissements, les arguments avancés sont souvent passionnants et mettent en valeur l’intelligence d’un scénario sur lequel repose entre autres la très grande réussite du film.
L’Image et le son
Merci à ESC Editions d’avoir exhumé ce titre tombé dans l’oubli, qui était sorti en DVD il y a près de quinze ans chez MGM / United Artists ! A cette occasion, la copie a été restaurée. Cela se voit, même si on dénombre encore quelques points blancs et pas mal de points noirs qui ont échappé au Biactol numérique, surtout lors du changement de bobine. Cela n’empêche pas la copie d’être lumineuse et stable. Les couleurs retrouvent un réel éclat (voir les bleus et les rouges), le grain argentique est heureusement conservé. Toutefois, la définition est parfois chancelante au cours d’une même séquence avec quelques flous sporadiques. Mais cela n’entame en rien le plaisir de (re)voir cet excellent premier long métrage de David Mamet.
Deux pistes DTS HD Master Audio 2.0 au programme. Evitez la version française, d’autant plus que les dialogues sont souvent sourds et mis trop en avant. La piste anglaise est plus naturelle et aérée, même si un léger souffle se fait entendre. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
Crédits images : © MGM / United Artists / ORION / ESC EDITIONS / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr