Test Blu-ray / Deux soeurs, réalisé par Mike Leigh

DEUX SOEURS (Hard Truths) réalisé par Mike Leigh, disponible en DVD et Blu-ray le 19 août 2025 chez Diaphana.

Acteurs : Marianne Jean-Baptiste, Michele Austin, David Webber, Tuwaine Barrett, Ani Nelson, Sophia Brown, Jonathan Livingstone, Samantha Spiro…

Scénario : Mike Leigh

Photographie : Dick Pope

Musique : Gary Yershon

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 2025

LE FILM

Pansy est rongée par la douleur physique et mentale, et son rapport au monde ne passe que par la colère et la confrontation. Son mari Curtley ne sait plus comment la gérer, tandis que son fils Moses vit dans son propre monde. Seule sa sœur, Chantelle, la comprend et peut l’aider.

Quel plaisir de revoir le grand Mile Leigh (né en 1943) à l’oeuvre ! Sept ans après Peterloo, qui n’avait pas eu l’honneur d’être distribué dans les salles françaises, le réalisateur britannique revient à une veine plus intimiste dans la droite lignée d’Another Year (2010) et Be Happy Happy-Go-Lucky (2008), retrouvant à cette occasion Marianne Jean-Baptiste, sa comédienne de Secrets et mensongesSecret ans Lies, Palme d’or de l’année 1996. Tourné avec peu de moyens et pendant un mois et demi seulement, Deux sœursHard Truths permet au cinéaste de s’adonner à nouveau au drame psychologique contemporain, en se focalisant sur le caractère diamétralement opposé de deux frangines, qui ne vieillissent pas de la même façon dirons-nous. Alors, quand vient le jour de la Fête des Mères, le passé ressurgit, certaines tensions s’exacerbent et il est sans doute temps de parler. Si l’entière réussite de Deux sœurs ne nous a pas sauté aux yeux, le film n’a de cesse de retourner le cerveau, de le triturer, d’infuser, preuve s’il en est que Hard Truths ne laisse sûrement pas indifférent, que le temps fera son affaire et que le film deviendra à coup sûr un autre petit classique d’un des plus grands metteurs en scène anglais.

Pansy Deacon est une femme dépressive et anxieuse qui vit avec son mari plombier, Curtley, et son fils adulte, Moses, un homme paresseux, qu’elle réprimande constamment pour son manque d’ambition. Son tempérament colérique la pousse à se disputer et à critiquer tous ceux qu’elle rencontre, qu’il s’agisse de sa famille ou d’inconnus. Son anxiété est telle qu’elle déteste sortir et est dégoûtée par les animaux et les fleurs. Sa sœur Chantelle, coiffeuse célibataire et mère de deux filles adultes, la presse sans cesse de se rendre sur la tombe de leur mère, Pearl, le jour de la fête des Mères, pour le cinquième anniversaire de sa mort, ce qu’elle hésite à faire. Après avoir passé les jours précédant l’anniversaire à se battre avec des inconnus, Pansy accompagne Chantelle sur la tombe, où elle insiste sur le fait que Pearl lui a accordé un traitement de faveur et lui a fait subir une pression injustifiée après le départ de leur père.

Pourquoi tu n’aimes pas la vie ?

Je ne sais pas…

Ou comment, malgré la parole, un adulte arrivé à l’âge mûr, peut demeurer morose et enfermé dans ses névroses. De ce fait, un être qui a été malheureux toute sa vie, peut-il s’en sortir un jour ? Mike Leigh ne tranche pas vraiment et stoppe son film dans quelques moments suspendus. Tourné « à l’ancienne », autrement dit sur pellicule et non pas en numérique, Deux sœurs s’inscrit dans un contexte froid, réaliste, impression renforcée par la photographie très monochrome de Dick Pope (Brooklyn Affairs, Bernie, L’Enfant miroir) – grand complice de Mike Leigh et mort après le tournage – comme s’il s’agissait d’un film N&B en couleur. Les sentiments sont calfeutrés chez Pansy, Curtley et Moses, la première « crachant » son venin dès l’aube, tandis que les deux autres (qui se sont comme qui dirait fabriqué une carapace pour amortir les coups de sang) subissent ces jérémiades, le regard baissé, triste, attendant que cela passe. Mais comme Pansy n’arrête jamais, la fatigue, la résignation se sont installées.

Je ne te comprends pas, mais je t’aime.

Si l’on pourra peut-être reprocher un manque de rythme, Mike Leigh insistant sur le « temps réel » d’une action, avec ses silences, qui peuvent être très longs, le charme opère, on rit beaucoup, mais l’amertume propre au réalisateur est toujours là et crée un contraste violent, faisant ainsi passer le spectateur du rire jaune au rire noir en un clin d’oeil. C’est aussi le quotidien de Curtley et de Moses, qui doivent supporter le caractère imprévisible de Pansy, animée chaque seconde par la colère, une ire qui sue par tous les pores et qui doit être continuellement être expulsée, sous peine d’asphyxie. Mike Leigh se fait entomologiste et observe la condition humaine avec un oeil aussi attendri qu’implacable.

Présenté dans moult festivals, de Toronto à Londres, en passant par New York, Deux sœurs n’a guère emporté l’adhésion du public français, qui réserve habituellement un accueil plus chaleureux aux œuvres de Mike Leigh, dont les plus grands succès chez nous demeurent Secrets et mensonges (1,5 millions d’entrées), Another Year (461.000 entrées) et Be Happy (362.000 entrées). Néanmoins, les cinéphiles sauront lui redonner une seconde chance, ce qu’il mérite largement.

LE BLU-RAY

À l’instar d’Another Year, Deux sœurs fait son apparition dans les bacs chez Diaphana, en DVD, mais aussi en Haute-Définition. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

À l’occasion de la sortie de Deux sœurs en France, Mike Leigh a répondu a quelques questions sur son travail avec les comédiens (11’). Cela consiste tout d’abord à multiplier les répétitions, bien en amont du tournage, l’équipe prenant possession des décors. Les acteurs créent en toute liberté, improvisent, mettent en place, essayent, tentent, ceci afin que chaque membre de la distribution s’approprie, devienne son personnage. Mike Leigh déclare qu’il découvre réellement ce qu’est le film au fur et à mesure de sa réalisation, « un peu comme les peintres peignent leurs tableaux ». La psychologie des personnages est aussi passée au peigne fin.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Deux soeurs est chouchouté par l’éditeur qui offre pour l’occasion un master HD absolument splendide, mettant en valeur la palette chromatique de la photo signée Dick Pope, fidèle collaborateur de Mike Leigh, ainsi qu’un piqué constamment ciselé. La définition laisse pantois, le relief est palpable, les détails chirurgicaux (jusqu’au grain de peau des comédiens), l’image demeure magnifique, la clarté est de mise et les contrastes éminemment léchés.

Comme pour l’image, l’éditeur propose ici une écoute de fort bonne qualité avec une délivrance ardente des dialogues. Diaphana propose une piste Stéréo et une DTS-HD Master Audio 5.1, uniquement en langue anglaise. Pour la première, la dynamique est indéniable, les voix des comédiens possèdent un relief probant et l’ensemble demeure d’une homogénéité confondante. La 5.1 enfonce le clou avec une ampleur musicale enivrante marquée par un usage brillant des latérales. Cette spatialisation exsude de superbes ambiances naturelles sur les séquences extérieures, tandis que les dialogues s’avèrent particulièrement précis et remuants sur l’enceinte centrale.

Crédits images : © Diaphana / Channel Four Television Corporation Mediapro Cine S.L.U. / Thin Man Films Ltd. / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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