Test Blu-ray / Darling Chérie, réalisé par John Schlesinger

DARLING CHÉRIE (Darling) réalisé par John Schlesinger, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 1er juillet 2025 chez Tamasa Distribution.

Acteurs : Julie Christie, Dirk Bogarde, Laurence Harvey, José Luis de Vilallonga, Roland Curram, Basil Henson, Helen Lindsay, Carlo Palmucci…

Scénario : Frederic Raphael

Photographie : Kenneth Higgins

Musique : John Dankworth

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Diana Scott est une « enfant gâtée », consciente de sa beauté. Elle a épousé, jeune, un candide jeune homme mais ce mariage est un échec. Elle devient mannequin, lancée par Robert Gold, un reporter de télévision, qui a quitté sa famille pour elle. Mais Diana abandonne son amant pour un bel homme d’affaires puis pour un prince italien. Elle prend peu à peu conscience du monde artificiel dans lequel elle vit…

Arrêtez les machines ! Et penchez-vous absolument sur Darling, sorti en France sous le titre Darling chérie, troisième long-métrage du réalisateur britannique John Schlesinger (1926-2003). Pourquoi le cinéphile se doit de consacrer deux heures de son temps précieux à ce film ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’une œuvre matricielle, qui annonce toute la comédie anglaise qui explosera dans les années 1990-2000, en particulier Le Journal de Bridget Jones Bridget Jones’s Diary auquel on ne peut s’empêcher de penser. Mais attention, Darling n’a rien d’une gaudriole non plus et demeure une satire sociale grinçante, dans laquelle explose littéralement Julie Christie, tout juste révélée par John Schlesinger dans Billy le menteurBilly Liar et qui retrouve donc le cinéaste pour un rôle qui fera d’elle une star internationale, grâce auquel elle remportera d’ailleurs l’Oscar de la meilleure actrice. Darling est un bonbon acidulé, un plaisir de chaque instant, porté par une actrice flamboyante que l’on ne quitte pas d’une semelle du début à la fin, qui est observée avec l’oeil d’un entomologiste, mais sans aucun jugement, comme un poisson sans cesse à la recherche du bocal qui pourra lui convenir, un temps, avant de jeter son dévolu sur un autre. Immense découverte que Darling, classé dans le top 100 des plus grands films britanniques du XXe siècle par le British Film Institute.

Diana Scott est une jeune mannequin qui s’ennuie, mariée à un homme nommé Tony Bridges. Un jour, elle rencontre par hasard Robert Gold, intervieweur littéraire et réalisateur de programmes artistiques télévisés, qui la repère dans la rue par son équipe de tournage itinérante et qui décide de lui demander son point de vue sur les conventions. Diana est invitée à regarder le montage final dans le studio de télévision, et là une relation démarre entre les deux. Après quelques liaisons dans des chambres d’hôtel, ils quittent leur conjoint (et, dans le cas de Robert, leurs enfants) et emménagent dans un appartement. En tant que couple, ils font partie du milieu médiatique et artistique à la mode de Londres. Au départ, Diana est jalouse lorsque Robert voit sa femme alors qu’elle rend visite à ses enfants, puis elle se mêle aux autres hommes de la scène médiatique, artistique et publicitaire, notamment Miles Brand, un puissant publicitaire de la Glass Corporation, qui lui fait participer à un thriller trash après avoir couché avec lui. L’intellectuel Robert préfère la vie tranquille, mais il devient jaloux à son tour, en apparaissant détaché, puis déprimé et solitaire. Diana assiste à un tirage au sort caritatif organisé par la classe bourgeoise, pour lutter contre la faim dans le monde. L’événement, orné d’images géantes de victimes africaines de la famine, est juxtaposé à de riches invités se gorgeant de nourriture. Diana tombe plus tard enceinte et décide d’avorter pour poursuivre sa carrière…De nouvelles rencontres se font.

Pour toi, la fidélité c’est avoir un seul type dans son lit à la fois.

Avec Darling chérie, Julie Christie devient une icône de la mode liée au Swinging London. Juste avant la consécration ultime qui viendra tout de suite après avec Le Docteur JivagoDoctor Zhivago de David Lean, la comédienne, qui n’était pourtant pas le premier choix de la production (Shirley MacLaine avait même été envisagée), crève l’écran. Diana aurait pu être un personnage peu sympathique et même repoussant, mais Julie Christie lui apporte une formidable ambiguïté, teintée de mélancolie et même de désespoir. Diana est en réalité une jeune femme qui n’a pas encore tout à fait fini de grandir, qui réagit souvent comme une petite fille à qui l’on interdirait d’aller à tel endroit ou de fréquenter telle personne, avant de se dépêcher de transgresser cet ordre. En réalité, Diana n’est à sa place nulle part, cherche où elle pourrait bien se caser, tout en continuant perpétuellement de se chercher elle-même. De rencontre en rencontre, ses certitudes s’effondrent, ce qu’elle avait réussi à construire précédemment s’écroule et Diana doit constamment réapprendre à recoller les morceaux de son existence.

Sur un scénario en béton armé écrit par Frederic Raphael (Eyes Wide Shut, Voyage à deux), Darling prend l’apparence d’une chronique, celle d’une Anglaise trimballée d’un univers à un autre, qui désire s’élever en société, mais qui en même temps est systématiquement rattrapée par un ennui qui la paralyse. Si Julie Christie est impériale, ses partenaires masculins n’en restent pas moins virtuoses. C’est le cas du légendaire Dirk Bogarde, dans un rôle qui annonce furieusement celui campé par Colin Firth dans Le Journal de Bridget Jones, Mark Darcy, et il n’est pas bête de penser que l’interprétation que le comédien Oscarisé pour Le Discours d’un roi se soit inspiré de son aîné, dans ses postures, dans son flegme, dans son phrasé. Une ressemblance vraiment troublante.

Belle présence aussi que celle de Laurence Harvey (Alamo, Un crime dans la tête, Maldonne pour un espion, La Vénus au vison), sans oublier celle de José Luis de Vilallonga, tronche reconnaissable croisée chez Agnès Varda (Cléo de 5 à 7) et Francesco Propsperi (Technique d’un meurtre), Louis Malle (Les Amants) et Henri Verneuil (Mélodie en sous-sol).

De Londres à Paris, en passant par Capri, on suit la folle échappée de Diana, Madame Bovary moderne, égocentrique et égoïste qui deviendra même princesse en Italie, avant de s’apercevoir que le piège s’est encore refermé sur elle. Ce désir de s’échapper de cette cage dorée sera représenté par une scène durant laquelle Diana ôte petit à petit ses bijoux et ses vêtements, dans un plan-séquence à la fin duquel Julie Christie apparaît nue de dos, devant son miroir, avant de craquer.

Sorti sur les écrans en 1965, Darling connaît un succès foudroyant dans le monde entier, fait s’envoler la carrière de Julie Christie et remporte trois Oscars et quatre BAFTAs, tandis que John Schlesinger est appelé aux États-Unis où il signera quelques chefs d’oeuvres comme Marathon Man et Macadam Cowboy. Ça vous dit quelque chose ?

LE COMBO BLU-RAY + DVD

En 2012, Tamasa nous proposait un coffret DVD intitulé John Schlesinger, la trilogie anglaise, qui comprenait Billy le menteur, Darling et Un amour pas comme les autres. En 2025, le même éditeur présente Darling en Haute-Définition ! On peut donc espérer la sortie en Blu-ray des deux autres, dans un proche avenir. Toujours est-il que l’éditeur a concocté un superbe objet, un Digipack à deux volets, comprenant les deux disques. Le menu principal est fixe et musical.

En ce qui concerne les suppléments, il y a du pain sur la planche !

On démarre par une petite intervention de Sofia Coppola (2’30). La réalisatrice s’exprime sur Darling, qui a toujours été l’un de ses films préférés (on comprend pourquoi), qui l’a beaucoup influencé, encore aujourd’hui dit-elle, ne serait-ce qu’au niveau du montage. Par ailleurs, Sofia Coppola avoue avoir « volé » un plan à Darling pour Marie-Antoinette, afin d’illustrer la solitude de son personnage enfermé dans sa prison dorée.

Nous trouvons un petit entretien audio avec John Schlesinger (4’40), retrouvé dans les archives du BFI, au cours duquel le cinéaste parle essentiellement de la genèse de Darling.

Place au scénariste Frederic Raphael (né en 1931), qui à son tour évoque la genèse de Darling, l’évolution du scénario (écrit à partir du titre, qu’il a lui-même trouvé), ainsi que les conditions de tournage. L’écrivain parle aussi du casting, ainsi que du succès international du film, récompensé par trois Oscars. Suite à quoi, Frederic Raphael en vient à la suite de sa carrière, dont sa rencontre avec Stanley Donen, avec lequel il signera Voyage à deux.

La présentation de Darling Chérie à ne pas rater est celle proposée par Jean-Ollé Laprune (26’). L’historien du cinéma replace le film dans la carrière de John Schlesinger, dont le parcours (les étapes, les rencontres déterminantes) est ensuite retracé. Il en vient très vite à Darling, pour lequel il passe le casting eu peigne fin, ainsi que l’équipe technique, l’évolution du scénario, croise habilement le fond et la forme, tout en précisant pourquoi Darling est un film pivot, qui regarde encore un peu ce qui a été fait par le passé, tout en affichant de grandes ambitions formelles. « Un film de transition », qui obtiendra un énorme succès commercial aux États-Unis notamment.

On termine par un superbe portrait dressé de Julie Harris, costumière de renom, récompensée par un Oscar pour son travail sur Darling (27’). Un module présenté par Josephine Botting, historienne rattachée au BFI, qui propose un fabuleux retour sur la vie et la carrière de Julie Harris, qui participera à moult classiques du cinéma, de Quatre garçons dans le vent au Dracula de John Badham, en passant par Casino Royale, Frenzy, Sentimentalement vôtre, Vivre et laisser mourir, Rollerball…De nombreux dessins dévoilent son processus créatif, tandis que Josephine Botting dissèque son travail sur le film de John Schlesinger.

L’Image et le son


Tamasa présente une toute nouvelle restauration 4K de Darling, réalisée à partir des éléments originaux. Les contrastes affichent d’emblée une densité sans doute inédite, les noirs sont profonds, la palette de gris riche et les blancs lumineux. La texture argentique est présente, préservée, organique, rutilante, les arrière-plans sont stables, le piqué ahurissant et les détails regorgent sur les visages des comédiens. La restauration se révèle extraordinaire, aucune scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’encodage AVC consolide l’ensemble du début à la fin, y compris sur les séquences sombres et nocturnes, logées à la même enseigne que les lumineuses séquences diurnes. La photo du chef opérateur Kenneth Higgins (Les Baroudeurs, Jules César) n’a jamais été aussi resplendissante et le cadre brille de mille feux.

Darling est disponible en anglais et en français. En version originale, comme dans la langue de Molière, les mixages instaurent un très large confort acoustique. L’écoute est aérée avec des dialogues clairs et affirmés, ainsi qu’une belle délivrance de la musique de John Dankworth (L’Arnaqueuse, L’Étrangleur de Rillington Place). La restauration ne fait aucun doute et surtout, aucun souffle n’est à déplorer.

Crédits images : © Tamasa / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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