CYBORG réalisé par Albert Pyun, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 2 décembre 2020 chez Lionheart Editions & ESC Editions.
Acteurs : Jean-Claude Van Damme, Deborah Richter, Vincent Klyn, Alex Daniels, Dayle Haddon, Ralf Moeller…
Scénario : Albert Pyun
Photographie : Philip Alan Waters
Musique : Kevin Bassinson
Durée : 1h26
Date de sortie initiale : 1989
LE FILM
Dévastée par l’anarchie sociale et la peste, l’Amérique du 21ème siècle est plongée dans un cauchemar barbare. Seul Pearl Prophet, une magnifique mi-humaine / mi-robot, a les connaissances nécessaires pour développer un vaccin. Mais Pearl est capturée par des pirates cannibales qui veulent garder l’antidote pour eux… et dominer la Terre ! Seuls les talents de combattant de Gibson Richenbaker peuvent la sauver. Et, avec elle, le reste de la civilisation.
Né en Belgique en octobre 1960, Jean-Claude Van Varenberg devient un champion national d’arts martiaux et de bodybuilding au début des années 1980. Attiré par le rêve américain, il part aux Etats-Unis en 1982 pour devenir une star de cinéma. Entre deux boulots, il parvient à démontrer ses talents sportifs et acrobatiques aux célèbres producteurs de la Cannon, Yoram Globus et Menahem Golan. Impressionnés, ils misent un film sur celui qui sera désormais célèbre sous le nom de Van Damme. Le film en question est Bloodsport, un triomphe inattendu qui rapporte 40 fois sa mise, soit 65 millions pour 1,5 million de dollars de budget. La carrière de JCVD est lancée. C’est ainsi l’occasion pour Black Eagle – L’Arme absolue, tourné en même temps que Bloodsport, de surfer sur le succès de ce dernier. Alors second rôle, JCVD est mis à l’avant-plan sur l’affiche, alors que les producteurs misaient au départ sur la vedette Shô Kosugi, spécialisé dans les personnages de ninja pour les films produits par la Cannon dans des oeuvres aux titres explicites : L’Implacable ninja (1981), Ninja III (1984) et American Ninja (1985). Si Shô Kosugi a du mal à lever la jambe, JCVD, quasi-mutique, lui vole la vedette en homme de main russe indestructible, prénommé Andreï, qui fait son petit numéro en lançant un couteau, tout en faisant le grand écart entre deux barils, sous le regard impressionné de quelques marins bourrus. Tout d’abord machine à tuer, son personnage va peu à peu s’adoucir et « s’humaniser » au contact d’une jeune femme qui en pince pour ses pectoraux, derrière lesquels il y a avant tout un coeur qui bat. C’est beau. Mais JCVD montre déjà de véritables capacités dramatiques, qui seront merveilleusement exploitées dans son film suivant, Cyborg, souvent considéré comme le meilleur film d’Albert Pyun (né à Hawaii en 1954). Depuis son premier long métrage, le film d’heroic-fantasy L’Epée sauvage (1982), le metteur en scène américain est devenu un spécialiste du cinéma d’action tourné avec des moyens souvent dérisoires. On compte aujourd’hui à son palmarès plus de 50 séries B d’action et de science-fiction, parmi lesquelles Nemesis (1992) et ses suites, Kickboxeur 2 : Le Successeur (1991), un Captain America (1990) considéré comme un des pires films de tous les temps (merci la Cannon), Explosion imminente (2001) avec Steven Seagal, Tom Sizemore et Dennis Hopper ou bien encore Adrénaline (1996) et Mean Guns (1997) avec Christophe(r) Lambert. Mais pour l’heure, Cyborg, tourné en seulement 23 jours pour un demi-million de dollars, est et demeure une grande référence du cinéma d’action des années 1980, un thriller post-apocalyptique débordant d’imagination, une chasse à l’homme prenante qui n’oublie jamais l’émotion et où notre ami JCVD crève l’écran.
À l’aube du XXIe siècle, l’Amérique vit un cauchemar. Une épidémie de peste décime la population. Profitant du désordre apocalyptique, des gangs de hors-la-loi font régner la terreur partout où ils passent. Pearl Prophet, une femme mi-humaine, mi-robot, possède des informations qui, amenées à Atlanta, permettraient de trouver un remède contre la peste. Mais cette dernière tombe entre les griffes de Fender Tremolo, chef d’une bande de pirates barbaresques, qui convoite le remède à son seul profit. Au cours de son périple vers Atlanta, le groupe est rejoint par Gibson Rickenbacker, homme au passé douloureux, dont le seul but est de débarrasser le monde de Fender, responsable de la perte de ceux qu’il aimait.
Il y a d’abord eu l’effondrement de la civilisation, l’anarchie, le génocide, la famine…
Bienvenue dans un monde ravagé où les survivants doivent désormais lutter pour rester en vie et éviter des tueurs cannibales ! Dans Cyborg, Jean-Claude Van Damme, taiseux, devra affronter tout ce beau monde. Disons-le tout de go, Cyborg, né de l’abandon de Spider-man et de la suite des Maîtres de l’univers, n’est certainement pas une série Z ou un nanar, ou un mauvais film comme beaucoup ont pu longtemps le penser. S’il ne correspond pas à la vision originale d’Albert Pyun, qui avait pensé faire de Cyborg un opéra-rock en N&B (!) avant de se faire débarquer par les Go-Go Boys, Menahem Golan et Yoram Globus, qui allaient confier le montage cinéma à JCVD lui-même et à son pote Sheldon Lettich (scénariste de Karate Tiger et Bloodsport, futur réalisateur de Full Contact et Double Impact), le film mérite tous les honneurs. Albert Pyun est loin d’être un manchot derrière la caméra et soigne chaque plan, chaque cadre, avec une virtuosité souvent confondante et plonge immédiatement le spectateur dans l’action, pour ne plus le lâcher durant 90 minutes.
J’aime la mort, la misère, ce monde !
Telle une figure christique, il sera d’ailleurs crucifié par Fender et ses sbires, Gibson Rickenbacker continue son chemin de croix, tente de surmonter son trauma et ira jusqu’au bout de sa vengeance. Agé d’à peine trente ans, Jean-Claude Van Damme signe une très bonne performance, autant dans les séquences d’action (mais ce n’est pas une surprise) que dans les scènes dramatiques où il excelle peut-être pour la première fois de sa carrière. Face à lui, s’impose Vincent Klyn, sportif professionnel néo-zélandais, que l’on verra plus tard dans Point Break de Kathryn Bigelow et qu’Albert Pyun dirigera à nouveau en 1993 dans Les Chevaliers du futur – Knights et Nemesis. Avec son mètre 88, ses lunettes de soleil poussiéreuses, sa cotte de mailles et son regard bleu perçant, le sieur en impose face à la tête d’affiche et leur duel final sous la pluie diluvienne est peut-être l’un des plus grands moments de toute la filmographie de JCVD.
Je crois qu’il est le remède aux malheurs du monde !
Ajoutons à cela des bruitages passés à la postérité (repris dans les sketchs des Inconnus, Les Liaisons vachement dangereuses et Les Miséroïdes), une photographie à se damner signée Philip Alan Waters, des décors délabrés savamment exploités, des effets spéciaux fort sympathiques, un montage surdécoupé (mais toujours lisible), bref, Cyborg est devenu un film légendaire, croisant la SF vintage avec le western (beaucoup de références à Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone notamment), saupoudré de thriller à la Mad Max, qui a largement contribué au mythe Van Damme, avant sa mise en orbite définitive.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Nous avons eu la chance d’avoir entre les mains l’édition Collector Blu-ray + DVD + Goodies co-éditée par Lionheart et ESC Editions, qui se présente sous la forme vintage d’une VHS (13,5 cm x 21,5 cm x 3 cm) et qui arbore un visuel inédit créé spécialement par le talentueux Laurent Melki. Une fois la VHS sortie de son fourreau (fragile…), la cassette révèle un écrin dans lequel vous trouverez l’affiche du film avec recto/verso le visuel original et celui concocté par Laurent Melki, dix photos N&B tirées du film (papier brillant, 15 cm x 10 cm), un magnet souple qui reprend encore une fois le visuel « Melki » (11,5 cm x 19 cm), ainsi qu’un facsimilé de la BD Cyborg, 28 pages traduites en français pour l’occasion, à l’exception des encarts publicitaires, notes de production et le courrier des lecteurs. Les deux disques reposent sur une façade du boîtier en très légère mousse. Le menu principal du Blu-ray est très légèrement animé et musical. Cette édition étant épuisée, Cyborg est désormais disponible en combo Blu-ray + DVD standard.
Le DVD contient les bandes-annonces de Kickboxer, Double Impact et Cyborg, mais aussi et surtout une présentation enthousiaste et dynamique de ce dernier par Nicolas Bressier (20’), réalisée par Lionel Grenier. Auteur et réalisateur de films indépendants, passionné par le cinéma et la littérature de genre, Nicolas Bressier indique d’emblée que les premières minutes du film d’Albert Pyun sont uniques, et loue le mélange des genres qui explose aux yeux des spectateurs dès l’introduction. Le charisme, le talent (ainsi que la sensibilité) et l’investissement de Jean-Claude Van Damme sont également au centre de ce module, qui croise habilement le fond avec la forme, et dissèque en même temps la représentation de la violence, celle du badguy (« peut-être l’adversaire le plus terrifiant et le plus impressionnant de toute la carrière de JCVD »), sans oublier les différences avec le montage d’Albert Pyun (disponible sur le Blu-ray). Nicolas Bressier déclare d’ailleurs qu’il trouve celui-ci beaucoup plus lent, triste et mélancolique, avec un JCVD moins charismatique et moins convaincant.
On passe ensuite aux suppléments présents sur le Blu-ray et on commence par un making of rétrospectif intitulé Un Futur ravagé (2016-29’), qui croise les propos d’Albert Pyun, de la monteuse Rozanne Zingale, du directeur de la photographie Philip Alan Waters, des comédiens Deborah Richter (attention à la chirurgie quand même…), Terrie Batson et Vincent Klyn. Ce que l’on retient essentiellement de ce document, c’est que toute l’équipe s’est beaucoup amusée et que Vincent Klyn en imposait sur le plateau, au point d’intimider ce cher JCVD, étonné de voir son partenaire rester dans la peau de son personnage en dehors des plateaux. La genèse de Cyborg, les démêlés d’Albert Pyun avec la Cannon (qui a fini par lui retirer le montage final, au profit de JCVD lui-même), le casting (Chuck Norris a longtemps été envisagé pour le rôle principal), la chorégraphie des combats, l’investissement de JCVD dans les scènes d’action, la difficulté du tournage du combat final et la pérennité du film sont aussi abordés.
Si vous désirez tout savoir sur Cyborg, absolument TOUT, nous ne saurions que trop vous conseiller de vous ruer immédiatement sur l’intervention d’Arthur Cauras (30’), réalisateur de deux courts-métrages, Jour après jour (2004) et Point Zéro (2014). En toute honnêteté, nous n’avions jamais pris autant de notes durant un bonus d’une demi-heure ! Du coup, il serait inconcevable de résumer ce qu’analyse, dissèque, souligne, met en avant Arthur Cauras, mais nous dirons tout simplement que cette présentation est assurément LE bonus à voir sur cette édition. Juste pour faire vite alors ? OK ! Vous entendrez parler pêle-mêle du cinéma éclectique et prolifique d’Albert Pyun (Nemesis, ou les deux films avec Christophe Lambert), de sa méthode, de ses débuts, de sa maladie (il est atteint de la sclérose en plaques depuis 2012), de ses projets avortés (Total Recall, un remake de The Killer de John Woo), de la genèse et de ses premières intentions pour Cyborg (« un opéra-rock muet et en N&B »), puis surtout de ses mésaventures lors du montage du film qui nous intéresse aujourd’hui. Sans oublier le casting, les conditions de tournage, le travail du chef opérateur, les différences entre la version cinéma et son montage intitulé Slinger, voilà de quoi répondre à toutes les questions que vous pouviez vous poser sur Cyborg (« un film qui ne débande jamais ») et le cinéma d’Albert Pyun.
L’introduction (4’) de Cyborg par Albert Pyun ne concerne pas le montage cinéma et présenté en HD sur cette édition. Le réalisateur s’adresse ici aux spectateurs pour leur dire comment il avait envisagé Cyborg, avant de se faire virer de la salle de montage par les pontes de la Cannon après une première projection test interne désastreuse. Albert Pyun explique que la version vue au cinéma a en fait été montée par JCVD et qu’il existe un montage dit Director’s Cut, appelé Slinger (également le titre original du film), qui a circulé et qui a reçu de bonnes critiques. Enfin, sachez que le cinéaste annonce une préquelle, qui sera interprété par…Christophe Lambert !
Un carton en introduction indique qu’il s’agit de la dernière copie de travail du montage de Cyborg par Albert Pyun, refusé par la Cannon, avant que JCVD et Sheldon Lettich s’enferment pendant deux mois pour tout remanier à leur guise, comme ils l’avaient déjà fait sur Bloodsport. C’est ce montage qui sera exploité dans les salles du monde entier. Il aura fallu attendre 2011 pour qu’Albert Pyun parvienne à mettre la main sur une copie de travail, comprenant une version non finalisée et retouchée par le réalisateur en 2014, avec l’aide d’un composite d’images issues de la VHS du premier montage et d’un fichier DVD. A titre de supplément, cette édition propose ce montage en définition Standard, qui respecte le matériel d’origine. Lancez donc ce workprint très étonnant qui offre aux spectateurs un montage totalement inédit et alternatif de Cyborg, que l’on ne verra plus de la même façon, même si on vous l’avoue, il est parfois difficile de suivre ces images de très mauvaise qualité (et mises bout à bout sans aucun rythme) et qu’il n’est pas interdit (loin de là) de préférer le montage connu de tout le monde. Mais à titre de curiosité, on découvre quelles étaient les intentions de départ d’Albert Pyun. L’épilogue rajouté annonce la sortie prochaine de Cyborg Nemesis: The Dark Rift, mais ce serait donc un autre film et pas celui annoncé avec Christophe Lambert, en un mot on n’y comprend plus rien !
L’éminent Laurent Melki, légendaire affichiste, dessinateur et illustrateur, a été invité pour parler de ses débuts, de son travail et de ses plus célèbres créations (7’30). Ce bonus est sans doute trop court, mais nous ne gâcherons pas notre plaisir d’écouter celui qui, à travers ses œuvres, a donné envie à des milliers de cinéphiles et de cinéphages de découvrir les films qui se cachaient derrière des visuels impressionnants et colorés. Laurent Melki évoque ses partis-pris (« une affiche de cinéma doit être transgressive et agressive et doit survivre au film » […] « une affiche c’est comme avec une fille, il faut de la séduction ») son amour pour Jean-Paul Belmondo, pour le cinéma d’épouvante, qui se ressent à travers les affiches de La Baie sanglante (alors qu’il n’avait pas vu le film), de Creepshow (peut-être sa plus célèbre), de Freddy 3 : Les Griffes du Cauchemar, avant d’en venir à Cyborg (« une madeleine, un film tourné avec une grande sincérité et peu de moyens ») et à l’affiche concoctée spécialement pour cette édition. Le sourire et la passion de Laurent Melki sont toujours aussi contagieux !
Ceux qui adorent les bonus consacrés aux effets spéciaux seront ravis d’apprendre la présence d’un module centré sur ce sujet, en compagnie des responsables FX de Cyborg (12’). Christopher Warren, Gene Warren Jr. et Bret Mixon reviennent sur l’aventure Cyborg, sur laquelle ils se sont visiblement tous bien marrés, et passent en revue les effets visuels du film (stop-motion, matte painting…) dont ils révèlent les petits secrets, qui la plupart du temps renvoient au système D puisqu’ils ne bénéficiaient pas de moyens conséquents. Les conditions de tournage, l’inventivité d’Albert Pyun et la statut culte de Cyborg sont aussi abordés.
Cette édition comporte un supplément inattendu, l’étonnant court-métrage Point Zéro (2014-18’), réalisé par Arthur Cauras, qui reprend pour ainsi dire les partis-pris d’Albert Pyun pour Cyborg, son atmosphère, qui bénéficie de décors impressionnants (trouvés à Soissons !), de combats violents et d’un habillage sonore tout aussi chiadé. Dans un futur dévasté, le monde tel que nous le connaissons a sombré dans le chaos le plus total après une guerre mondiale sans précédent, et les rares humains survivants ont régressé dans un état quasi-primitif. Pour subvenir à ses besoins, un homme va risquer sa vie en pénétrant un territoire habité par des sauvages sans foi ni loi. Dans sa présentation (7’), Arthur Cauras, le scénariste et le metteur en scène de Point Zéro, fait une véritable déclaration d’amour à Cyborg et revient sur sa découverte du film d’Albert Pyun, dans lequel il retrouvait comme qui dirait une adaptation plus ou moins officieuse de Ken le Survivant, dont il était un grand fan. Il (re)donne son avis – forcément dithyrambique – sur Cyborg, qui reste la principale inspiration de son deuxième court-métrage professionnel, Point Zéro (tourné en quatre jours), qu’il est honoré de dévoiler ici.
L’Image et le son
Voilà un master HD (1080p) soigné comme il le faut ! Un lifting numérique a été effectué, avec un résultat très probant et même plutôt hallucinant pour un film de cet acabit. L’encodage AVC est de haute tenue et la promotion HD indéniable. Les détails sont appréciables, le piqué et la clarté sont aléatoires mais plus nets et affirmés sur les séquences diurnes, la colorimétrie retrouve une nouvelle jeunesse et les contrastes affichent une petite densité inattendue. L’ensemble est propre, stable en dehors des scènes à effets spéciaux, sensiblement plus vacillantes, les quelques rares scories aperçues demeurent subliminales, et le grain est respecté. C’est superbe.
Les pistes française et anglaise sont disponibles en DTS-HD Master Audio 2.0 qui redonnent un petit coup de fouet au film. La musique est très bien lotie et les frontales instaurent un spectacle acoustique réjouissant. Nous étions habitués à voir ce film en version française, mais la piste originale permet d’entendre le sieur Jean-Claude avec son accent à couper au couteau. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
Une réflexion sur « Test Blu-ray / Cyborg, réalisé par Albert Pyun »