CHE ! réalisé par Richard Fleischer, disponible en DVD et Blu-ray le 28 novembre 2019 chez BQHL Editions
Acteurs : Omar Sharif, Jack Palance, Cesare Danova, Robert Loggia, Woody Strode, Barbara Luna, Frank Silvera, Albert Paulsen…
Scénario : Sy Bartlett, David Karp, Michael Wilson
Photographie : Charles F. Wheeler
Musique : Lalo Schifrin
Durée : 1h36
Date de sortie initiale : 1969
LE FILM
La vie d’Ernesto Guevara, dit le Che, révolutionnaire communiste qui fut un proche de Fidel Castro et qui voulut conduire la révolution en Amérique du Sud.
Ernesto Guevara, le Che, est mort depuis seulement deux ans quand débarque sur les écrans le film de Richard Fleischer consacré au révolutionnaire marxiste-léniniste et internationaliste, exécuté en octobre 1967 par l’armée bolivienne. Le cinéaste né en 1916 a déjà plus de 25 films derrière lui et se voit confier un budget confortable de près de dix millions de dollars par la Twentieth Century Fox. Durant les années 1960, Richard Fleischer sera passé du drame criminel (Drame dans un miroir) au film d’aventure (Le Grand risque), en passant par le péplum (Barabbas), la science-fiction (Le Voyage fantastique), la comédie-musicale (L’Extravagant docteur Dolittle) et le thriller (L’Etrangleur de Boston). Il clôt cette décennie avec ce film biographique, qui dresse un portrait ambigu du Che, à la fois idéaliste et humaniste, mais aussi redoutable guerrier. Che ! est à la fois un vrai drame intimiste centré sur un homme hors du commun, mais aussi un véritable film de guerre très violent, qui compte de nombreuses séquences d’assauts, de fusillades et d’affrontements, qui entraînent un nombre impressionnant de victimes. Des scènes sèches, brutales, sanglantes par moments. S’il est et demeure un Fleischer « mineur », d’ailleurs le film ne rentrera pas dans ses frais, Che ! démontre une fois de plus toute la virtuosité d’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma.
Che Guevara est mort le 9 octobre 1967, exécuté par l’armée bolivienne sur demande de la CIA. Tandis que sa dépouille est transportée par hélicoptère, plusieurs témoins de son engagement parlent. De la guérilla auprès de Fidel Castro contre la dictature Batista jusqu’à son départ de Cuba, cinq ans plus tard, pour rejoindre les rangs d’une autre révolution en Amérique du Sud, tous se souviennent d’un homme courageux, mais aussi impitoyable et inflexible lorsque arrive l’heure de la répression…
Durant la première partie, le scénario de Michael Wilson (L’Affaire Cicéron, Le Pont de la rivière Kwai, La Planète des singes) et de Sy Bartlett (Les Bérets rouges) se focalise sur le débarquement de Fidel Castro et de ses troupes à Cuba, ainsi qu’Ernesto Guevara, médecin, qui espèrent rejoindre La Havane afin de renverser le dictateur Fulgencio Batista et son régime corrompu. C’est là qu’intervient l’immense Richard Fleischer. Tout d’abord, le générique « iconise » le Che tel un Christ, le corps allongé, troué de balles. La caméra scrute son visage, ses mains et même ses pieds. Ses blessures renvoient à des stigmates. Via un split-screen, des images de manifestations se superposent aux gros plans faits sur le corps du Che. Puis, divers témoignages qui seront récurrents tout au long du film, donnent une impression de documentaire, puisque les intervenants s’adressent directement à la caméra, comme si un journaliste venait de leur poser une question sur le Che, qu’ils ont tous connu, et avec lequel ils ont partagé quelques moments particuliers. Richard Fleischer parvient à faire passer ce parti pris casse-gueule grâce à une narration toujours fluide et une efficacité de tous les instants.
« J’ai mis deux ans pour atteindre La Havane et au bout de deux jours je ne la supporte plus ».
Les séquences de guerre étonnent encore aujourd’hui par leur brutalité, à l’instar de cette scène où les veuves, drapées de noir, se dirigent vers des soldats, avant de se faire frapper et renverser par ces derniers tel un rouleau compresseur. Les balles fusent de tous les côtés, parfois de façon inattendue après quelques accalmies. Même s’il a avoué ne pas avoir été vraiment concerné par le film, Omar Sharif s’impose sans mal dans le rôle principal. D’une part par sa ressemblance physique avec le personnage, parfois troublante, d’autre part en faisant du Che un messie et un monstre, froid, déterminé, solitaire, cloîtré dans sa cellule monastique, où il prépare son départ pour la Bolivie afin d’y étendre la révolution. Face à Omar Sharif, Jack Palance prête son fantastique faciès à Fidel Castro. Contre toute attente, il s’en sort également très bien et les scènes où les deux têtes d’affiche s’affrontent font le sel de la seconde partie, où l’on suit le révolutionnaire se renfermer sur lui-même, convaincu que sa vie doit être consacrée à renverser les régimes totalitaires en Amérique latine. Après le recul de Castro pendant la crise des missiles cubains, Guevara l’accuse d’être un outil soviétique et décide de quitter Cuba. Dans la dernière partie, le récit se concentre sur le combat perdu d’avance de Che Guevara en Bolivie où il peine à s’imposer dans son combat et auprès de ses hommes.
Tous ces éléments biographiques qui représentent dix ans de la vie du Che sont réunis et resserrés sur 95 minutes. Si l’on retire les scènes de guerre, il reste finalement peu d’éléments dramatiques. Toutefois, le film fonctionne très bien grâce à la technique irréprochable de maître Fleischer, à la belle photographie de Charles F. Wheeler (Tora ! Tora ! Tora !, Silent Running, Condorman), à la superbe composition de Lalo Schifrin, à la beauté des décors naturels (le film a été tourné à Porto Rico) et aux comédiens, tous impeccables et solidement dirigés. Divertissement avant tout, Che ! s’empare donc des passages obligés, sans véritablement les approfondir, pour ensuite se consacrer au spectacle et de ce point de vue-là, le film remplit toutes ses promesses. Et tout cela est beaucoup mieux (euphémisme) que l’insupportable et soporifique diptyque de Steven Soderbergh, sorti en 2008, avec Benicio del Toro. L’insuccès de Che ! entraînera l’annulation du projet de Francesco Rosi sur le même sujet. Toujours est-il que Che ! est à réévalué et vaut bien plus que ne l’a laissé croire la critique à la sortie du film.
LE BLU-RAY
On l’attendait de pied ferme ce film de Richard Fleischer ! Inédit en DVD et en Blu-ray en France, Che ! est pris en main par BQHL Editions, qui nous permet de compléter notre collection consacrée à ce grand réalisateur. La jaquette reprend l’un des visuels d’exploitation du film. Le menu principal, animé et musical, ne propose que le choix des langues.
Aucun supplément sur cette édition.
L’Image et le son
La qualité de ce nouveau master restauré HD convainc et redonne un certain panache à Che !. Les contrastes affichent une belle densité, la copie restaurée est propre, même si le générique en split-screen comporte encore quelques points, une texture plus grumeleuse, une baisse de la définition et des couleurs un poil plus ternes. Immédiatement après la fin des credits, le piqué est saisissant et de nombreux éléments jouissent de cette élévation HD sur les plans diurnes en extérieur. Alors certes, tout n’est pas parfait, quelques flous sporadiques font leur apparition, une ou deux séquences sont plus altérées (l’attaque de nuit), mais ces menus accrocs restent anecdotiques compte tenu de la clarté, du grain cinéma respecté, et du relief parfois inattendu sur le sublime cadre large. Enfin, l’ensemble est consolidé par une compression AVC de haute tenue. Toutes les séquences de guerre de la première partie impressionnent par leur précision et leur profondeur de champ. Un très beau master.
Les mixages anglais et français Dolby Digital 2.0 instaurent un très bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches, sans aucun souffle. Au jeu des différences, la version originale l’emporte sur son homologue car plus aérée, naturelle et franche dans son rendu, y compris du point de vue musical. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.