
IN BED WITH MADONNA (Madonna: Truth or Dare) réalisé par Alex Keshishian, disponible en Édition Blu-ray + DVD + Livret & Édition Collector FNAC Blu-ray + DVD depuis le 28 mai 2025 chez Bubbel Pop’ Édition.
Acteurs : Madonna, Antonio Banderas, Warren Beatty, Pedro Almodóvar, Kevin Costner, Ingrid Casares, Sandra Bernhard, Luis Camacho, Matt Dillon….
Musique : Madonna
Durée : 2h00
Date de sortie initiale : 1991
LE FILM
Plongée très intime dans l’univers de la chanteuse Madonna, à travers les différentes étapes de la tournée mondiale « The Blonde ambition tour » de 1990.

Au début des années 1990, les documentaires musicaux sont encore rares à être distribués au cinéma et ce depuis Don’t Look Back (1967) avec Bob Dylan. On peut toutefois penser à One + One – Sympathy for the Devil (1968) de Jean-Luc Godard, avec les Rolling Stones, Pink Floyd : Live at Pompeii (1972), Let It Be (avec les Beatles bien sûr), La Dernière Valse – The Last Waltz de Martin Scorsese, Let’s Get Lost (1988) sur Chet Baker…Après cela devient difficile d’en trouver, si ce n’est la captation de concerts devenus mythiques, Ziggy Stardust and the Spiders from Mars (1979), Woodstock (1970)…Puis, il y a eu Rattle and Hum, documentaire original sur le périple américain de U2, qui n’a pas connu le succès escompté. Néanmoins, Madonna a de la suite dans les idées. Après quatre albums, Madonna (1983), Like a Virgin (1984), True Blue (1986) et Like a Prayer (1989), la star veut tourner la page de cette décennie qui l’a portée au firmament, tout en préparant déjà la sortie du cinquième album studio qui sera le sulfureux Erotica. Et quoi de mieux pour se mettre en avant de proposer au public et à ses aficionados de la première heure, une plongée dans son intimité, non pas anatomique (quoique…), mais dans son quotidien et ce dès le lendemain du dernier concert de la tournée mondiale Blond Ambition. Dans sa chambre d’hôtel, Madonna se remémore la tournée et l’impact que son achèvement aurait sur elle. Filmé avec une poignée de cameramen qui se fondaient dans le décor ou capturant la chanteuse, installés derrière un miroir sans tain (ou comment annoncer l’émission qui commençait par le jingle « Onze célibataires coupés du monde… »), In Bed with Madonna est assurément l’un des meilleurs films-documentaires jamais sortis, marqué par une excellente mise en scène, qui colle au plus près d’un personnage fascinant, riche, complexe, énervant, attachant. Chef d’oeuvre du genre.



Un flashback d’avril 1990 nous ramène au Japon, où le Blond Ambition Tourest sur le point de démarrer. Madonna ignore que c’est la saison des pluies. De ce fait, elle et les danseurs troquent leurs costumes de tournée contre des vêtements plus chauds. En voix off, Madonna confie que la seule chose qui l’empêche de « se taillader les veines » est l’idée de retourner en Amérique du Nord et de présenter le spectacle comme prévu. Aux États-Unis, elle rencontre les familles de ses danseurs. Oliver Crumes, l’un d’eux, voit son père pour la première fois depuis plusieurs années. À Los Angeles, des problèmes de son surviennent ; malgré les assurances, Madonna se concentre sur les problèmes techniques et engueule son manager Freddy DeMann pour avoir autorisé autant de personnes de l’industrie musicale aux premiers rangs. Lors du dernier spectacle à Toronto, l’équipe reçoit la visite de la police locale qui menace Madonna d’arrêter pour « exhibition obscène et indécente », notamment la scène de masturbation pendant « Like a Virgin ». Elle refuse de modifier le spectacle. DeMann pense que la menace d’arrestation ne fera qu’inciter Madonna à aller plus loin. Selon un reportage, la police de Toronto décide de ne pas l’arrêter, affirmant qu’aucune menace n’a été proférée. L’étape suivante est Détroit, la ville natale de Madonna. Elle exprime ses difficultés à rentrer chez elle. À la fin de « Holiday », Madonna appelle son père Tony sur scène et chante « Happy Birthday to You ». En coulisses, Tony et sa femme Joan complimentent le spectacle, bien que Tony exprime son mécontentement face à certains aspects plus « burlesques ». Madonna et Christopher attendent l’arrivée de leur frère aîné Martin tout en discutant de ses problèmes de toxicomanie. Plus tard, elle retrouve son « idole d’enfance », Moira McPharlin-Messana, qui lui offre un tableau qu’elle a peint, intitulé « La Vierge à l’Enfant », et lui demande d’être la marraine de son enfant à naître. Avant de quitter Détroit, Madonna se rend sur la tombe de sa mère pour la première fois depuis son enfance, tandis que « Promise to Try » joue en arrière-plan. Elle s’allonge près de la tombe sous le regard de Christopher, de loin.


Et ainsi de suite. Si elle tentera de réitérer l’expérience en 2005 avec I’m Going to Tell You a Secret, In bed With Madonna demeure LA référence et reste plus spontané, un témoignage riche, innovant pour l’époque et sur une époque, l’(auto)portrait d’une icône, d’une des plus grandes et importantes artistes du vingtième siècle. Mais il y a aussi la grande place laissée aux danseurs qui accompagnaient la chanteuse, non seulement sur scène, mais aussi chaque jour, chacun devenant un confident, un proche, le membre d’une famille éphémère, mais qui allait les marquer à tout jamais.


Au milieu de ce dispositif, Warren Beatty, compagnon de la Madone, tente de se faire tout petit devant toutes les caméras qui l’irritent (il le fera d’ailleurs savoir par avocat interposé en exigeant que diverses scènes soient coupées au montage), Kevin Costner vient féliciter l’équipe pour un spectacle qu’il semble ne pas avoir vu (Madonna se fout bien de sa tronche), Al Pacino apparaît, Antonio Banderas vient la saluer (elle aurait tellement aimé le mettre dans son lit, avant de voir qu’il était marié), tandis que la réalisation d’Alek Keshishian (qui remplaçait alors David Fincher, qui avait emballé le clip d’Express Yourself) est aussi inventive sur scène (les chansons en couleur, capturées le 6 juillet 1990 au Palais Omnisport de Paris-Bercy) qu’en dehors (où le N&B reprend le dessus comme chez U2). Entre deux interprétations et quelques scandales qui feraient bien rire aujourd’hui, Madonna mime une fellation (doublée d’une gorge profonde) avec une bouteille de Vichy Catalan au cours d’une partie de Truth or Dare (Action ou Vérité), qui donne son titre au film en version originale, avant de retourner seule dans sa chambre, le visage bas, plus grave, en ruminant, perdue dans ses pensées, fatiguée, usée.


Projeté hors-compétition au Festival de Cannes en présence de Madonna et du réalisateur, In bed with Madonna est un immense succès à sa sortie en mai 1991 et devient le documentaire le plus rentable de tous les temps en amassant près de trente millions de dollars, tout en attirant près de 200.000 curieux dans les salles françaises.



LE BLU-RAY
In Bed with Madonna a tout d’abord été édité en DVD chez MGM/United Artists en 2003. 2016, BQHL Éditions proposait à nouveau le film d’Alek Keshishian en format Standard, mais avec un nouveau master HD. 2025, attention,Bubbel Pop’ Édition entre dans la danse et met les petits plats dans les grands avec une magnifique édition Blu-ray + DVD + Livret écrit par Rania Griffete et Valérie Etter (dont le contenu apparaît comme un bonus à part entière), mais aussi une Édition Collector FNAC – Blu-ray + DVD (limitée à 2000 exemplaires) qui comprend les mêmes suppléments vidéos que l’autre mouture, ainsi que le livret En attendant Madonna 24 pages), mais agrémenté de goodies disposés dans un coffret monocuvette limité à 2000 exemplaires, à savoir une reproduction du dossier de presse d’époque (16 pages, une affiche, 4 croquis offerts par Jean-Paul Gaultier et 4 cartes postales). Nous avons pu disposer de l’édition dite « standard », qui se présente sous la forme d’un boîtier Blu-ray Scanavo.


Après Recherche Susan désespérément, l’éditeur a eu l’excellente idée d’aller demander à Olivier Cachin de nous présenter In Bed with Madonna (31’). Le « spécialiste des musiques urbaines » livre une formidable et complète présentation du film « assez incroyable » qui nous intéresse aujourd’hui, Madonna: Truth or Dare, réalisé à une époque où les documentaires musicaux ne faisaient pas recette, à l’instar du U2: Rattle and Hum de Phil Joanou, qui suivait le groupe irlandais sur scène et pendant leur tournée triomphale « Joshua Tree », qui n’avait pas eu un grand succès dans les salles. Cela n’allait pas décourager Madonna nous dit Olivier Cachin, qui allait investir plus de quatre millions de dollars et qui en récoltera près de trente millions. Les conditions de tournage (200 heures de rushes capturées au fil des mois, en étant au plus près de la star), le contexte du film dans la carrière musicale de Madonna, son intimité avec les danseurs, les partis-pris (ne pas montrer la chanteuse forcément à son avantage). Puis, on évoque aussi la présence de Warren Beatty (qui reprochait à celle qui était sa compagne, de se mettre en scène et qui allait lui imposer de couper des scènes le concernant), les fêlures de Madonna, sa fragilité, son travail acharné, sa liberté, son indépendance, son caractère provocateur (voir la scène de la bouteille), qui savait (et même encore aujourd’hui, même si l’époque a changé) utiliser le sexe comme une arme.

L’interview que nous avons adorée sur cette édition est celle de Michel Burstein, attaché de presse de In Bed with Madonna en 1991 (34’). Des souvenirs à foison, essentiellement liés à la venue de Madonna au Festival de Cannes. Comment cet événement a-t-il été organisé ? Comment le dispositif de sécurité – digne d’un pape – a-t-il été monté pour protéger la star, tout en la mettant en valeur, histoire de créer le buzz ? Beaucoup de questions auxquelles répond le fort sympathique invité de l’éditeur. Celui-ci revient aussi sur son métier, évoque une rencontre entre Madonna et Michel Drucker, en Floride, chez la star, qui s’apprêtait à sortir son film, relayé par le magazine Première. Enfin, Michel Burnstein parle aussi de ses rencontres avec Madonna, qu’il résume en quelques mots, « intelligence », « professionnalisme », « attentive », « généreuse », « charmante », « normale ».





On continue avec l’intervention de Jérôme Brücker, directeur artistique chez Warner Chappell (33’). Ancien attaché de presse chez Warner Music Group et responsable radio au service promo de WEA Music (Warner Music), l’intéressé s’exprime sur son travail sur et avec Madonna au début des années 2000, dont il avait la gestion du catalogue à l’époque de l’album Music (2000) jusqu’à Hard Candy (2008). Au fil de cet entretien, se dessine un autre portrait de la chanteuse star, qui a su traverser les décennies, se renouveler, se métamorphoser aussi, avec le même et authentique perfectionnisme. Jérôme Brüker évoque le bide aux États-Unis de l’album American Life, qui a néanmoins connu un immense succès en France, met en parallèle les marchés américains et européens, avant d’en venir plus précisément à In Bed with Madonna, à l’époque où selon lui la Madone « était aussi connue que Michael Jackson et Jésus ». Le documentaire (« qui a dix ou quinze ans d’avance par les messages qu’il véhicule, tout en annonçant la télé-réalité ») est ainsi passé au crible, tant sur le fond que sur la forme, avec une autre sensibilité que celle d’Olivier Cachin.

Le dernier bonus est une analyse du film par Samuel Blumenfeld (23’). À l’instar de l’interactivité de Recherche Susan désespérément, ce sont les « outsiders » qui s’en sortent le mieux, tandis que le critique cinéma au Monde s’embourbe une fois de plus dans son laïus. De plus, certains arguments font échos avec ce qui a déjà été entendu précédemment, mais en moins étayé, moins intéressant, plus prétentieux aussi sans doute, surtout quand il résume la carrière cinématographique à rien, en évinçant notamment Evita d’Alan Parker ou même son travail comme productrice (le documentaire I Am Because We Are de Nathan Rissman) et réalisatrice (Obscénité et Vertu – Filth and Wisdom et W.E. : Wallis & Édouard – W.E.) qui est franchement à saluer. Enfin, notons encore des redondances avec l’intervention présente sur le Blu-ray de Recherche Susan désespérément, qui démontre que Samuel Blumenfeld n’était encore une fois pas celui vers qui se tourner pour une présentation d’In Bed with Madonna.

L’Image et le son
Une résurrection ! Un peu plus et on en viendrait à se masturber aussi avec un crucufix comma la signora Ciccone devant la beauté insolente de la nouvelle copie HD restaurée proposée par Bubbel Pop. Tourné essentiellement en 16mm, In Bed with Madonna bénéficie d’une superbe édition Blu-ray, qui rend justice aux images stylisées d’Alex Keshishian, restituées avec une précision d’orfèvre. Le cadre est superbe, la palette chromatique élégante, entre couleur (sur scène) et N&B (tout le reste) et le relief omniprésent. L’encodage consolide l’ensemble avec fermeté, le piqué est merveilleusement acéré, le master est propre et net, la texture argentique préservée, les noirs compacts et les contrastes denses. En un mot, c’est somptueux. Blu-ray au format 1080p.

Comme pour l’image, l’apport HD pour In Bed with Madonna permet de profiter à fond de la bande son. En version originale, comme en français (avec un doublage sous Lexomil et protoxyde d’azote), les deux pistes DTS-HD Master Audio 5.1 s’en donnent à coeur joie en ce qui concerne la spatialisation de chaque morceau musical. Chaque enceinte est remarquablement mise à contribution, précise dans les effets, avec une impressionnante balance frontales-latérales et une fluidité jamais démentie. Le caisson de basses participe évidemment à ces numéros. Maintenant, au jeu des comparaisons, la piste française s’avère un cran en dessous de la version originale du point de vue de la délivrance des voix et restitution musicale. Dans les deux cas, les effets sont concrets et immersifs.



Crédits images : © MGM / Boy Toy / Bubbel Pop’ Édition / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr