Test Blu-ray / Les Chasseurs de scalps, réalisé par Sydney Pollack

LES CHASSEURS DE SCALPS (The Scalphunters) réalisé par Sydney Pollack, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 7 avril 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Burt Lancaster, Shelley Winters, Telly Savalas, Ossie Davis, Dabney Coleman, Paul Picerni, Dan Vadis, Armando Silvestre…

Scénario : William W. Norton

Photographie : Duke Callaghan & Richard Moore

Musique : Elmer Bernstein

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1968

LE FILM

En 1850, dans les Montagnes Rocheuses. Un trappeur, Joe Bass, rencontre des Indiens Kiowas, qui lui proposent d’échanger ses fourrures contre un esclave noir. Joe est obligé d’accepter. Plus tard, il retrouve les Indiens scalpés. Il décide de retrouver ses chasseurs, payés par l’Etat, afin de reprendre ses fourrures.

Sydney Pollack (1934-2008) doit comme qui dirait les débuts de sa carrière à Burt Lancaster (1913-1994), ce dernier ayant remarqué le talent qui couvait chez ce jeune aspirant metteur en scène sur le tournage du Temps du châtiment de John Frankeinheimer (1961) où il officiait comme stagiaire, l’avait encouragé et fait sa promo auprès de quelques gens importants des studios. C’est tout d’abord à la télévision qu’il va faire ses classes, en mettant en boite moult épisodes de séries diverses et variées (Bob Hope Presents the Chrysler Theatre, Haute tension, Ben Casey, The Law and Mr. Jones, Shotgun Slade), avant de signer son premier long-métrage en 1965, 30 minutes de sursis The Slender Thread, avec Sidney Poitier, Anne Bancroft et Telly Savalas. Il enchaîne très vite sur Propriété interdite This Property Is Condemned, d’après une pièce de Tennessee Williams et un scénario de Francis Ford Coppola, sur lequel il dirige Robert Redford, Natalie Wood et Charles Bronson. 1968, Sydney Pollack dirige enfin Burt Lancaster dans un western quelque peu tardif, Les Chasseurs de scalps The Scalphunters, d’après une histoire de William W. Norton, futur auteur du formidable The Hunting Party Les Charognards (1971) de Don Medford et de White Lightning Les Bootleggers de Joseph Sargent (1973). Alors qu’On l’appelle Trinita – Lo chiamavano Trinità… n’était même pas encore sorti, le troisième long-métrage du réalisateur flirtait déjà avec le western parodique, sans se vautrer complètement dans la comédie (au contraire de Cat Ballou d’Elliot Silverstein sorti trois ans plus tôt), mais comporte tout de même beaucoup d’humour et même quelques séquences quasi-burlesques, qui contrastent avec la violence sèche des affrontements. Chasse à l’homme, survival, road-trip, comédie, buddy-movie, Les Chasseurs de scalps est bel et bien et avant tout un vrai et excellent western.

Au XIXè siècle. Le trappeur Joe Bass est satisfait de son excellente saison de chasse. Il rencontre une petite troupe d’Indiens kiowas qui lui imposent d’échanger Joseph Lee, un esclave noir, contre son stock de fourrures et sa réserve de whisky. Joe fait connaissance avec son nouveau compagnon. Originaire de la Louisiane, élevé chez les Comanches, Lee s’avère particulièrement cultivé. Ensemble, les deux hommes se lancent sur les traces des Indiens et des peaux. Ils les retrouvent, ivres, et assistent à leur massacre par des chasseurs de scalps, accessoirement voleurs de fourrures. Bass décide de poursuivre les « scalpeurs » et leur chef Howie…

« T’es un bon gars ! Tu devrais être blanc ! Tu serais capitaine ou directeur d’une banque… »

La cinquantaine entamée, Burt Lancaster continue d’enchaîner les tournages, aussi bien en Europe que chez l’Oncle Sam. Après Le Train de John Frankenheimer, il interprète le colonel Thaddeus Gearhart chez John Sturges dans Sur la piste de la grande caravane, puis rejoint Lee Marvin, Robert Ryan, Woody Strode, Ralph Bellamy et Claudia Cardinale pour Les Professionnels The Professionals de Richard Brooks. Le comédien part en Arizona (Quartzsite, Parker, le mont Harquahala) et au Mexique (Barranca del Cobre, Chihuahua, Durango, Sierra de Organos) où il s’associe donc officiellement pour la première fois avec Sydney Pollack, qui s’était déjà chargé de la version « américaine » du Guépard de Luchino Visconti, sur demande de l’acteur lui-même. S’il livre une remarquable prestation, celui-ci se fait voler la vedette à chaque apparition de Telly Savalas, qui sortait des Douze Salopards The Dirty Dozen de Robert Aldrich, et se préparait à endosser le costume d’Ernst Stavro Blofeld dans Au service secret de Sa Majesté On Her Majesty’s Secret Service de Peter Hunt. Inquiétant, cruel, ambigu, ironique, sarcastique, le personnage de Jim Howie est riche, dense, imprévisible, forcément très dangereux et l’on sent que Telly Savalas se délecte une fois de plus dans ce rôle de composition. Que ça soit avec l’incroyable Shelley Winters, impayable dans le rôle de la castratrice et ancienne prostituée Kate, ou le génial Ossie Davis (A Man Called Adam, La Colline des hommes perdus et futur acteur fétiche de Spike Lee), nous n’avons souvent d’yeux que pour celui qui campera le mythique lieutenant Théo Kojak.

Les Chasseurs de scalps est un western détonnant, qui sent le vent tourner en intégrant un humour inattendu au genre, dont l’âge d’or est déjà derrière, pas encore un chant du cygne (Mon nom est Personne Il mio nome è Nessuno de Tonino Valerii n’arrivera que cinq ans plus tard), prenant le train en marche du progressisme constaté depuis quelques années. Certains diront que The Scalphunters semble avoir le cul entre deux chaises, pourtant Sydney Pollack parvient sans mal à trouver le parfait équilibre, pour au final livrer un western ultra-divertissant, beau à regarder (photo de Duke Callaghan, Conan le Barbare, Jeremiah Johnson, et Richard Moore, Virages et Le Clan des irréductibles), magistralement interprété, drôle, percutant, saisissant, bercé par la splendide partition d’Elmer Bernstein, bref, un grand moment de cinéma.

LE BLU-RAY

Deux ans après Un château en enfer, Rimini Editions se charge de la sortie en Combo Blu-ray + DVD des Chasseurs de scalps, le troisième long-métrage de Sydney Pollack. Très beau Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné, magnifiquement illustré. Le menu principal est animé et musical.

Le supplément disponible à la fois sur le DVD et sur le Blu-ray est une interview d’Éric Thouvenel (34’), enseignant-chercheur à l’Université Rennes 2. Cette présentation tourne surtout autour du genre du western, en pleine mutation, et donc de la place singulière qu’y occupe le film de Sydney Pollack qui nous intéresse aujourd’hui, ainsi que dans la carrière de ce dernier. Les éléments qui font des Chasseurs de scalps un western révisionniste, la psychologie des personnages, leurs valeurs, l’humour et même les motifs burlesques, les thèmes et la violence sont brillamment analysés.

Seulement présent sur le disque HD, l’entretien avec l’exceeeeellent Olivier Père (40’30) complète parfaitement le précédent, malgré de très légères et inévitables redites. Après feu Bertrand Tavernier, le directeur de l’Unité Cinéma d’Arte France a toujours été notre intervenant préféré et même notre inspiration pour la préparation de notre propre intervention sur Les Pirates du métro de Joseph Sargent. Un peu de pub, ne fait jamais de mal, surtout qu’il s’agit là aussi d’un titre Rimini Editions. Les Chasseurs de scalps sont/est (on ne sait jamais) remis dans le contexte de la carrière de Sydney Pollack. Olivier Père évoque la relation entre Burt Lancaster et le réalisateur, qui s’étaient rencontrés par l’intermédiaire de John Frankenheimer au début des années 1960. Avant d’entreprendre The Scalphunters, les deux hommes planchaient sur ce qui deviendra Un château en enfer, mais devront toutefois attendre et livrer un film plus simple et facile à monter. Les éléments comiques voire parodiques, les différences avec Jeremiah Johnson, autre western de Sydney Pollack, les thèmes récurrents de son cinéma déjà à l’oeuvre ici (comme l’individualisme), la question du racisme et des droits civils dans le récit, l’implication politique de Burt Lancaster et du metteur en scène, l’inversion quasi-systématique des clichés, le succès commercial du film, sont autant de sujets passionnants abordés ici.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Vous pouvez d’ores et déjà revendre votre ancien DVD MGM/United Artistes datant de 2006 ! Exit le master truffé de griffures et de tâches, à la compression aux pâquerettes et à la définition qui ferait pâlir le visage orange de Donald Trump. Que dire si ce n’est que nous nous trouvons devant la plus belle présentation à ce jour du film de Sydney Pollack, même si nous soupçonnons tout de même que la copie présentée découle de celle précédemment sortie en édition Standard. On oublie rapidement les quelques plans flous, car dès le générique marqué par des dessins représentants le quotidien du personnage principal, le master HD des Chasseurs de scalps en met souvent plein la vue et permet d’apprécier la superbe photographie ainsi que les extraordinaires paysages naturels. Le piqué est suffisamment ciselé, la texture du grain toujours palpable, la luminosité chronique et les détails omniprésents aux quatre coins du cadre large, ainsi que sur les gros plans. Les contrastes affichent également une solidité à toutes épreuves sur les scènes nocturnes et diurnes, le relief est indéniable, la colorimétrie est bigarrée à souhait et la profondeur de champ appréciable. Un beau lifting. Blu-ray au format 1080p.

Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Dans les deux cas, l’espace phonique se révèle probant et dynamique (belle place à la musique d’Elmer Bernstein), le confort est indéniable, et les dialogues sont clairs, nets, précis. Sans surprise, au jeu des comparaisons, la piste anglaise s’avère plus naturelle et harmonieuse. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare ou celle de Molière (l’immense Claude Bertrand double Burt Lancaster et André Valmy prête son timbre reconnaissable à Telly Savalas), aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Rimini Editions / MGM / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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