Test DVD / Une vie violente, réalisé par Thierry de Peretti

UNE VIE VIOLENTE réalisé par Thierry de Peretti, disponible en DVD chez Pyramide Vidéo le 2 janvier 2018

Avec :  Jean Michelangeli, Henry-Noël Tabary, Cédric Appietto, Marie-Pierre Nouveau, Délia Sepulcre-Nativi…

Scénario : Thierry de Peretti, Guillaume Bréaud

Photographie : Claire Mathon

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Malgré la menace de mort qui pèse sur sa tête, Stéphane, étudiant en sciences politiques, décide de retourner en Corse pour assister à l’enterrement de son ami d’enfance, assassiné la veille. C’est l’occasion pour lui de se rappeler les évènements qui l’ont vu passer, petit bourgeois cultivé de Bastia, de la délinquance au radicalisme politique et à la clandestinité…

En 2013, Les Apaches sort sur les écrans. Une bombe, un coup d’essai et véritable coup de maître ! Egalement acteur – on l’a vu dans Ceux qui m’aiment prendront le train et De la guerre – et metteur en scène de théâtre, Thierry de Peretti a d’abord fait ses classes derrière la caméra avec un court-métrage impressionnant, Le Jour de ma mort (2006), et un moyen-métrage intitulé Sleepwalkers (2011). Les Apaches, son premier long métrage, s’inspirait d’un fait divers sanglant qui avait secoué la Corse. Trois jeunes sans histoire avaient tué un autre de sang-froid, par peur qu’il les dénonce aux autorités, après avoir dérobé des fusils dans une villa de Porto Vecchio. Ils s’étaient ensuite débarrassés du corps en l’enterrant dans le maquis. « Peu de films racontent la Corse d’aujourd’hui. Je voulais écrire des petites choses sur ce que les gens vivent, je trouvais que cette île avait échappé au cinéma. La Corse est un endroit compliqué, meurtri, offensé, où le tourisme de masse a généré envie et frustration », déclarait le cinéaste à la sortie des Apaches. Pour Une vie violente, son deuxième film, Thierry de Peretti se penche une fois de plus sur le rapport à la violence, la question du meurtre, de l’héritage, du désir de posséder, sur les raisons qui conduisent au nationalisme et parfois à commettre l’irréparable sous un soleil de plomb (ou dans des ruelles très sombres), non loin des plages bondées de touristes friqués.

Depuis qu’elle a été vendue par la République de Gênes à la France en 1768, la Corse a été traversée par des vagues de contestations nationalistes. Elles atteignent leur apogée avec le passage à la lutte armée en 1976. Le nationalisme parcourt et divise la société corse. Une partie de la jeunesse s’y projette. Dans les années 1990, le FLNC (Front de libération nationale corse) éclate en deux branches. C’est le début de la guerre fratricide qui plonge la Corse dans un climat de confusion politique et de violence. La grande criminalité prospère. Des mouvements dissidents apparaissent. Ces forces entraînent avec elles une nouvelle génération de jeunes Corses.

Mené par un casting de jeunes comédiens non professionnels mais excellemment dirigés, Une vie violente fait preuve une nouvelle fois de la maturité indiscutable de son auteur, avec une violence rentrée, sèche et brutale, une abondance de dialogues coups de poing qui ne cessent d’impressionner. A ce titre, c’est le personnage de Stéphane, interprété par Jean Michelangeli, inspiré par le jeune militant nationaliste Nicolas Montigny, assassiné à Bastia en 2001, qui est fascinant. Le réalisateur ne recherche pas d’empathie et le lien avec le spectateur peut se faire difficilement, d’autant plus que le récit paraît souvent hermétique. Néanmoins, la hargne qui contraste avec le désir d’apaisement, imprègne le film du début à la fin et c’est ce qui rend le film passionnant.

Ayant grandi à Porto Vecchio, Thierry de Peretti parvient à saisir la réalité de la Corse. Ce portrait choquant, âpre, sans fards d’une jeunesse prise en étau entre un archaïsme ancestral ancré dans la terre de l’Ile de Beauté et une société en pleine mutation, prend souvent à la gorge et présente le verso de l’habituelle Corse « carte postale ». Si les enjeux politiques et narratifs diffèrent par rapport au premier film et que le récit puise également sa source dans des événements réels comme l’indiquent plusieurs cartons en introduction, Une vie violente est une œuvre plus étendue, géographiquement parlant, de Paris à la Corse, mais également du point de vue cinématographique puisque le réalisateur donne plus d’ampleur à son histoire. On pense alors à certaines fresques, notamment Nos meilleures années de Marco Tullio Giordana où les histoires personnelles se retrouvent imbriquées dans la grande Histoire, où le passé contamine et hante le présent. Gomorra de Matteo Garrone (2008) n’est pas loin non plus en ce qui concerne la forme.

Drame social, thriller politique, engagé, western moderne très immersif et réaliste qui convoque même parfois la tragédie antique, Une vie violente est une des œuvres les plus percutantes et saisissantes de 2017.

LE DVD

Le test du DVD d’Une vie violente, disponible chez Pyramide Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Cette édition comporte deux disques. Le menu principal est animé et musical sur le premier DVD, fixe et muet sur le second.

Sur la première galette, l’éditeur propose tout d’abord sept scènes coupées (16’). Probablement coupées au montage pour des raisons de rythme, ces scènes prolongent quelques discussions et débats, montrent un « dîner des chefs », Stéphane à Aix-en-Provence dans sa chambre d’étudiant, Gérard en prison, ou bien encore Stéphane qui se fait recadrer lors de son voyage en ferry.

Nous trouvons ensuite un making of conséquent de 50 minutes, constitué d’images volées sur le plateau, où le réalisateur Thierry de Peretti travaille et répète avec ses comédiens non-professionnels durant quelques ateliers qu’il a mis en place quelques mois avant le tournage. L’occasion de voir le metteur en scène aller étape par étape avec ses acteurs, parfois avec difficulté, mais sans jamais perdre patience, vers ce qu’il souhaite leur faire exprimer face à la caméra. Parfois, les images sont filmées de loin, ou carrément dans la pénombre avec un son inaudible, ce qui n’empêche pas d’apprécier ce documentaire intimiste, d’autant plus que Thierry de Peretti intervient plusieurs fois sur la genèse, les thèmes d’Une vie violente et ses intentions. Ce module se clôt sur la présentation du film aux spectateurs corses.

Le deuxième DVD comprend le documentaire intitulé Lutte jeunesse (55’). Il s’agit en réalité des essais réalisés afin de trouver le jeune comédien non-professionnel pour incarner le personnage principal d’Une vie violente. Suite à la publication d’une petite annonce qui indiquait que la production cherchait un jeune homme entre 25 et 30 ans pour un film, avec ou sans expérience, le réalisateur a dû faire son choix entre plusieurs candidats qui lui ont envoyé chacun une petite vidéo de deux minutes, dans laquelle ils indiquaient leurs motivations. Lutte jeunesse compile certaines interventions et rencontres plus longues avec Thierry de Peretti et sa directrice de casting Julie Allione. A travers ces témoignages sur leur enfance et adolescence, le portrait d’une génération se dessine. Certains vivent encore avec des images qui les ont traumatisés ou marqués, d’autres essayent de reprendre leur vie en main, d’autres encore se souviennent d’un ami ou d’un membre de leur famille qui a été assassiné. Ils donnent également leur avis sur le nationalisme, parlent de la violence, de leur attachement à la Corse, de l’importance de la langue. Un véritable prolongement à Une vie violente que nous vous conseillons fortement.

L’Image et le son

Pyramide Vidéo livre un joli master d’Une vie violente, restituant habilement la photographie élégante du film signée Claire Mathon. La chef opératrice de Rester vertical et de Mon roi privilégie les teintes chaudes et naturelles, la clarté reste de mise, le relief est agréable et les détails précis. Les contrastes sont légers, les séquences sombres sont aussi fluides et définies que les scènes diurnes, le piqué est suffisamment vif, les noirs denses et l’encodage demeure solide jusqu’à la fin malgré quelques séquences plus ternes.

Le mixage original Dolby Digital 5.1 est plutôt immersif et permet au spectateur de plonger dans le maquis. Les voix sont d’une précision sans failles sur la centrale, la balance frontale est constamment soutenue. La piste Stéréo devrait satisfaire ceux qui ne seraient pas équipés sur les enceintes arrière. Notons que l’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Pyramide Distribution /  Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

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