Test DVD / Le Masque arraché, réalisé par David Miller

LE MASQUE ARRACHÉ (Sudden Fear) réalisé par David Miller, disponible en DVD le 14 février 2017 chez Rimini Éditions

Acteurs : Joan Crawford, Jack Palance, Gloria Grahame, Bruce Bennett, Virginia Huston, Mike Connors

Scénario : Lenore J. Coffee, Robert Smith d’après le roman « Ils ne m’auront pas » d’Edna Sherry

Photographie : Charles Lang

Musique : Elmer Bernstein

Durée : 1h50

Date de sortie initiale : 1952

LE FILM

Alors qu’elle supervise les auditions de sa prochaine pièce, la dramaturge Myra Hudson rejette la candidature du jeune acteur Lester Blaine. Elle le retrouve peu après dans le train qui la ramène à San Francisco, en tombe amoureuse et l’épouse rapidement. Mais Lester renoue avec Irène, sa précédente petite amie : ils décident d’éliminer Myra.

Voilà un thriller-film noir oublié qu’il est temps de réhabiliter ! Réalisé en 1952, Le Masque arrachéSudden Fear réunit à l’écran Joan Crawford, qui entamait la deuxième partie de son immense carrière après avoir été longtemps l’égérie des studios Warner et MGM, et Jack Palance dans un de ses premiers rôles au cinéma. Avant d’exploser véritablement avec Le Grand CouteauThe Big Knife de Robert Aldrich (1955), le comédien d’origine ukrainienne, né Volodymyr Palahniuk, avait fait ses débuts chez Elia Kazan (Panique dans la rue, 1950), Lewis Milestone (Okinawa, 1950), puis chez George Stevens (L’Homme des vallées perdues, 1953), Douglas Sirk (Le Signe du païen, 1954). Ces films ont immortalisé son visage anguleux et émacié, que l’on retrouvera d’ailleurs plus tard chez Jean-Luc Godard dans Le Mépris et même dans le Batman de Tim Burton. Dans Le Masque arraché, il trouve un rôle venimeux, qui deviendra sa spécialité.

L’acteur Lester Blaine (Jack Palance) épouse une riche et célèbre dramaturge à succès, Myra Hudson (Joan Crawford), sans avoir pour autant rompu avec sa petite amie, Irene Nest (Gloria Grahame). Quelque temps plus tard, il apprend que le nouveau testament de sa femme lui assure une rente annuelle de dix mille dollars, à la seule et unique condition qu’il ne se remarie pas. Irene, qui n’apprécie pas du tout cette clause, incite Lester à éliminer Myra avant que son testament n’entre en vigueur. Les amants ignorent que le magnétophone de Myra enregistre leur conversation. Réalisateur, producteur et scénariste, David Miller (1909-1992) est un cinéaste méconnu qui a pourtant quelques pépites à son palmarès, dont le célèbre Seuls sont les indomptés avec Kirk Douglas et Complot à Dallas avec Burt Lancaster. Le Masque arraché est assurément une de ses plus grandes réussites et un vrai bijou de film noir.

Sudden Fear joue avec la notion de direction d’acteur et de mise en scène à travers le personnage d’une dramaturge à succès, qui découvre la manipulation dont elle est victime et qui risque de lui coûter la vie. Afin de contrer cette menace, elle décide d’utiliser son don pour la mise en scène en complotant de son côté et en préparant sa vengeance, heure par heure, dans un lieu précis. Le deuxième acte peut commencer, la dramaturge manipulée reprend ses droits et dirige à nouveau sa vie pour éviter d’être assassinée. Deux ans avant Johnny Guitare de Nicholas Ray, Joan Crawford (également productrice exécutive et scénariste non créditée) se délecte de ce rôle dense et charismatique, même si ses nombreux détracteurs trouveront encore à redire sur l’emphase de son jeu, parfois limite c’est vrai, tout comme ses « grimaces » – héritées de sa période muette – successives quand son personnage découvre que son époux souhaite se débarrasser d’elle pour toucher l’argent de l’assurance-vie. Avec son sens du cadre qui sied à merveille aux rues en pente luisantes de pluie de San Francisco (surtout lors de la poursuite finale), David Miller livre un thriller qui distille son poison au compte-gouttes, aidé pour cela par la sublime photo contrastée signée Charles Lang (Certains l’aiment chaud, Sabrina, Les 7 Mercenaires), sans oublier la composition de l’immense Elmer Bernstein.

Sur un scénario machiavélique et riche en rebondissements, adapté du roman Ils ne m’auront pas d’Edna Sherry, David Miller compose un face à face percutant, qui n’a rien à envier aux films noirs plus célébrés des années 1940-50 et mérite amplement d’être réévalué à sa juste valeur, autrement dit un chef d’oeuvre du genre. L’intrigue est épurée et comme le disait François Truffaut dans sa première critique écrite pour Les Cahiers du cinéma en mars 1953 « Pas un plan dans ce film qui ne soit nécessaire à la progression dramatique. Pas un plan non plus qui ne soit passionnant et ne nous donne à penser qu’il est le clou du film ». Outre Joan Crawford et Jack Palance, vraiment superbes dans le rôle du chat et de la souris dont les rôles finissent par s’inverser, Gloria Grahame tire son épingle du jeu dans le rôle d’une jeune escroc, qui entretient une relation amoureuse et brutale avec Lester.

Quelle merveilleuse surprise donc que ce Masque arraché, thriller angoissant qui fait penser au Soupçons d’Alfred Hitchcock (dont la présence d’un verre de lait), qui se clôt dans un dernier acte quasi-dépourvu de dialogues, reposant uniquement sur la mise en scène virtuose et l’intensité de l’interprétation de Joan Crawford. Immanquable !

LE DVD

Le DVD du Masque arrac, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un élégant surétui cartonné. La jaquette saura attirer les fans de films noirs. Le menu principal est élégant, animé et musical. Notons la faute sur le nom de l’actrice Gloria Grahame, corrigée sur l’exemplaire disponible à la vente.

Le Masque arraché / Sudden Fear, est présenté par Antoine Sire (39’). l’auteur de Hollywood, la cité des femmes (editions Institut Lumière / Acte Sud) propose un portrait brillant de la comédienne Joan Crawford, mais aussi de son partenaire Jack Palance (après le refus de Clark Gable et de Marlon Brando) et du cinéaste David Miller. Fourmillant d’informations et d’anecdotes, Antoine Sire part un peu dans tous les sens et se répète parfois, mais on ne pourra pas lui reprocher la passion contagieuse avec laquelle il évoque Le Masque arraché et tout ce qui l’entoure. Composé d’extraits et de bandes-annonces, cet entretien s’avère riche, spontané et passionnant.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce anglaise de la sortie DVD du Masque arraché.

L’Image et le son

Ce master restauré (en 2K par Cohen Media Group) au format respecté 1.33 (16/9) du Masque arraché, jusqu’alors inédit en France, est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Charles Lang retrouve une densité inespérée dès l’ouverture. La restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie ne sautent aux yeux, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves. Les contrastes sont fabuleux et le piqué n’a jamais été aussi tranchant. Le grain original est présent, même si certaines séquences paraissent étonnamment plus lisses, ce qui fera tiquer quelque peu les puristes. Le cadre fourmille de détails, les fondus enchaînés n’entraînent pas de décrochages et cette très belle copie participe à la redécouverte de ce diamant noir. Dommage de ne pas trouver Le Masque arraché en Haute-Définition !

L’éditeur ne propose que la version originale du Masque arraché. Dynamique, nettoyée, homogène et naturelle, sans souffle parasite, cette piste offre un confort acoustique solide et restitue admirablement la musique d’Elmer Bernstein et les effets sonores. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Joseph Kaufman Productions, Inc. / Captures du DVD :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

 

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