Test Blu-ray / L’Homme à la peau de serpent, réalisé par Sidney Lumet

L’HOMME À LA PEAU DE SERPENT (The Fugitive Kind) réalisé par Sidney Lumet, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 19 septembre 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Marlon Brando, Anna Magnani, Joanne Woodward, Maureen Stapleton, Victor Jory, R.G. Armstrong, Virgilia Chew, Ben Yaffee…

Scénario : Tennessee Williams & Meade Roberts, d’après la pièce de théâtre de Tennessee Williams

Photographie : Boris Kaufman

Musique : Kenyon Hopkins

Durée : 1h54

Date de sortie initiale : 1960

LE FILM

Val Xavier, guitariste et vagabond, arrive de La Nouvelle-Orléans (où il a eu des ennuis avec la justice) dans une petite ville du Mississippi, avec la ferme volonté de devenir honnête et travailleur. Il est embauché par « Lady Torrance », patronne d’un bazar, aigrie par son mariage malheureux avec Jabe Torrance, actuellement malade et alité. Bientôt, elle tombe sous le charme du musicien qui ne laisse pas non plus indifférentes Vee Talbot, l’épouse du shérif, et une jeune femme alcoolique et nymphomane, Carol Cutrere.

C’est comme qui dirait le dernier grand film de la première partie de la carrière cinématographique de Marlon Brando. L’Homme à la peau de serpent The Fugitive Kind, est l’adaptation de la pièce La Descente d’OrphéeOrpheus Descending, créée par Tennessee Williams en 1957, elle-même une relecture de Bataille d’angesBattle of Angels, autre pièce de Tennessee Williams écrite en 1940, métaphore du mythe d’Orphée. Au début des années 1960, l’écrivain et dramaturge a le vent en poupe, puisque le septième art ne cesse de s’emparer de ses œuvres pour les transposer sur grand écran, donnant naissance à de multiples succès tels qu’Un tramway nommé Désir d’Elia Kazan, La Rose tatouée de Daniel Mann, La Chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks et Soudain l’été dernier de Joseph Mankiewicz. Avant La Nuit de l’iguane de John Huston et Propriété interdite de Sydney Pollack, c’est Sidney Lumet qui s’y colle pour Orpheus Descending, pièce qui n’a jamais connu de réel engouement, qui avait été refusée par Marlon Brando et qui se voit même rebaptisée pour son passage au cinéma, à savoir The Fugitive Kind. Tout juste auréolé par le triomphe de Douze Hommes en colère12 Angry Men, Sidney Lumet aura ensuite très vite enchaîné avec l’excellent Les Feux du théâtre Stage Struck et le sympathique Une espèce de garceThat Kind of Woman. Il se retrouve donc à diriger deux monstres, Marlon Brando d’un côté et Anna Magnani de l’autre, l’actrice ayant été récompensée par l’Oscar de la meilleure actrice pour La Rose tatouée, couple que voulait d’ailleurs à l’origine former Tennessee Williams sur scène. Après quelques ajustements demandés par l’acteur alors numéro un et le mieux payé du monde (un million de dollars de cachet, soit la moitié du budget total), The Fugitive Kind peut enfin voir le jour. Il est difficile voire impossible de visionner L’Homme à la peau de serpent sans penser à Un tramway nommé Désir, tant le personnage de Marlon Brando rappelle celui de Stanley Kowalski. Si Anna Magnani et Joanne Woodward sont aussi formidables, leur partenaire vampirise tout autour de lui et l’on ne voit que Brando, magnétique, fascinant dès la fabuleuse séquence d’ouverture. Sans doute moins célèbre que Viva Zapata !, Sur les quais ou L’Équipée sauvage, The Fugitive Kind est pourtant l’un des longs-métrages les plus symboliques et représentatifs de la filmographie du Dieu vivant qu’était Brando.

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Test Blu-ray / Queimada, réalisé par Gillo Pontecorvo

QUEIMADA réalisé par Gillo Pontecorvo, disponible en édition 2 DVD ou 2 Blu-ray + Livret le 21 septembre 2021 chez Rimini Editions.

Acteurs : Marlon Brando, Evaristo Márquez, Renato Salvatori, Dana Ghia, Valeria Ferran Wanani, Giampiero Albertini, Carlo Palmucci, Norman Hill…

Scénario : Franco Solinas & Giorgio Arlorio

Photographie : Marcello Gatti & Giuseppe Ruzzolini

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h50 (version courte) et 2h10 (version longue)

Année de sortie : 1969

LE FILM

Au début du XIXe siècle, Sir William Walker débarque à Queimada, une île des Antilles. Officiellement, il est là pour son plaisir. En réalité, il a été chargé par le gouvernement britannique de mettre fin au monopole commercial du royaume ibérique. Il manipule habilement un Noir, José Dolores, et un métis, Teddy, qu’il persuade pas à pas d’instaurer un gouvernement libre. Les indigènes croient faire leur révolution. Teddy devient gouverneur de l’île et signe avec l’Angleterre un traité avantageux. Dix ans plus tard, Walker est de retour. Mais sa nouvelle mission est d’un tout autre ordre…

Pour la plupart des cinéphiles, Gillo Pontecorvo (1919-2006) est surtout le réalisateur de La Bataille d’Alger La Battaglia di Algeri (1966), phénoménale reconstitution de l’action policière de l’armée française survenue en 1957, qui avait opposé la 10e division parachutiste de l’Armée française aux indépendantistes algériens du Front de libération nationale. Auréolé du Lion d’or au Festival de Venise, le cinéaste voit sa renommée exploser à travers le monde, même si l’exploitation de son film demeure difficile voire interdite, comme c’est le cas en France jusqu’en 2004. Trois ans plus tard, il revient avec Queimada, interprété par Marlon Brando, qui à l’instar de La Bataille d’Alger, fera grincer quelques dents. Dans ce qui sera son avant-dernier long-métrage, le metteur en scène fustige la colonisation et l’exploitation des peuples, de leurs terres et bien sûr de leurs richesses, par les grandes puissances du monde. Ou comment l’Angleterre va créer un monstre révolutionnaire aux Antilles, afin de renverser le Portugal alors en place, dans le but de s’approprier le marché du sucre, sous couvert de redonner sa liberté à la population locale. Queimada est un chef d’oeuvre absolu, viscéral, intelligent, passionnant et divertissant, qui rappelle souvent le Mandingo de Richard Fleischer, récemment réhabilité. Il est temps aujourd’hui que le cinéma de Gillo Pontecorvo connaisse le même engouement.

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Test Blu-ray / La Poursuite impitoyable, réalisé par Arthur Penn

LA POURSUITE IMPITOYABLE (The Chase) réalisé par Arthur Penn, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Marlon Brando, Jane Fonda, Robert Redford, E.G. Marshall, Angie Dickinson, Janice Rule, Miriam Hopkins, Martha Hyer, Robert Duvall, Paul Williams…

Scénario : Lillian Hellman d’après le roman de Horton Foote « The Chase »

Photographie : Joseph LaShelle

Musique : John Barry

Durée : 2h15

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

Bubber Reeves s’évade de prison avec un complice qui, après avoir volé une voiture et tué un conducteur, l’abandonne. Bubber est alors accusé du crime. Dans sa ville natale de Tarl, au Texas, l’annonce de son évasion et du meurtre déchaîne les haines et les passions, trop longtemps retenues. Anna, sa femme, devenue la maîtresse du fils du magnat local, Val Rogers, qui a commis le délit dont fut accusé Reeves, craint de voir sa faute éclater au grand jour. Le Shérif Calder, quant à lui, sait qu’il va lui falloir protéger le fuyard d’une foule fanatique, qui n’a plus qu’un seul souhait : terminer la fête du samedi soir par un lynchage…

La Poursuite impitoyableThe Chase (1966), c’est un peu comme qui dirait le film maudit d’Arthur Penn (1922-2010), une œuvre qu’il a désavoué après en avoir été écarté du montage par son producteur omnipotent, Sam Spiegel, qui comptait à son actif L’Odyssée de l’African Queen (1951), Le Rôdeur (1951), Sur les quais (1954), Le Pont de la rivière Kwaï (1957), Soudain l’été dernier (1959) et Lawrence d’Arabie (1962). Une belle carte de visite. Projet passé de main en main, avec des scénaristes qui se sont succédé et un casting qui n’a pas arrêté de muter, La Poursuite impitoyable a beau avoir été accouché dans la douleur, il n’en demeure pas moins une immense et incontestable réussite, emblématique du cinéma d’Arthur Penn, qui convie le spectateur une plongée asphyxiante dans une petite bourgade américaine paumée, un samedi, essentiellement en soirée quand les habitants décident de se mettre minable afin d’oublier momentanément qu’ils s’emmerdent royalement. Mais c’était sans compter sur le retour en ville (probable) d’un enfant du pays, alors détenu en cavale. Adapté de la pièce de théâtre et du livre de Horton Foote, lauréat de l’Oscar du meilleur scénario adapté pour Du silence et des ombresTo Kill a Mockingbird, adaptation du roman Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee réalisée par Robert Mulligan, The Chase est un drame psychologique et viscéral qui prend aux tripes jusqu’à l’explosion de violence finale, véritable enfer sur Terre, dont le seul et quasi-unique espoir est représenté par un shérif intègre, magnifiquement incarné par Marlon Brando dans un de ses plus grands rôles. Il s’agit aussi d’un des premiers films en vedettes d’un certain Robert Redford.

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Test DVD / King : De Montgomery à Memphis, réalisé par Ely Landau

KING : DE MONTGOMERY À MEMPHIS (King: A Filmed Record… Montgomery to Memphis) réalisé par Ely Landeau, disponible en DVD depuis le 18 octobre 1916 chez ZED

Acteurs : Martin Luther King, Harry Belafonte, James Earl Jones, Paul Newman, Joanne Woodward, Ruby Dee, Marlon Brando, Charlton Heston, Burt Lancaster, Ben Gazzara, Anthony Quinn…

Scénario : Mitchell Grayson, Ely A. Landau

Durée : 2h55

Date de sortie initiale : 1970

LE DOCUMENTAIRE

Depuis le boycott des bus de Montgomery en 1955, l’une des premières actions inspirées par Martin Luther King, jusqu’à son assassinat, le 4 avril 1968 à Memphis, le chantre de la cause noire n’a jamais cessé d’oeuvrer en faveur d’une reconnaissance de l’égalité des droits entre les Noirs et les Blancs aux Etats-Unis. Ce documentaire retrace de 1955 à 1968, les étapes cruciales de la vie du leader non violent, prix Nobel de la paix en 1964, qui prononça devant plus de 250 000 personnes un discours resté célèbre, commençant par ces mots : « I have a dream ».

« Nous avons un pouvoir ! ».

Il s’agit d’un documentaire de référence, passionnant, impressionnant et immersif, qui à partir d’images d’actualité de l’époque, dessine la vie et le combat pour la justice sociale du Dr. Martin Luther King Jr., du début du mouvement des droits civiques à Montgomery, Alabama jusqu’à son meurtre à Memphis treize ans plus tard. Réalisé par Ely Landau et Richard Kaplan, King : de Montgomery à MemphisKing: A Filmed Record… Montgomery to Memphis a également bénéficié du soutien de deux monstres du cinéma hollywoodien, Sidney Lumet et Joseph L. Mankiewicz. Si leurs rôles respectifs demeurent indistincts, les deux cinéastes ont participé en filmant certains comédiens et d’autres personnalités, qui apportaient leur soutien à des degrés divers à la lutte pour les droits civiques, qui apparaissent seuls face caméra dans une petite mise en scène, où ils évoquent Martin Luther King Jr. à travers quelques citations, écrits et monologues poétiques. Paul Newman, Joanne Woodward, James Earl Jones, Burt Lancaster, Ben Gazzara, Charlton Heston, Harry Belafonte, Ruby Dee, Anthony Quinn et bien d’autres servent ainsi de transition entre les évènements sélectionnés, en récitant divers extraits d’oeuvres littéraires, de la Bible ou de discours politiques. Comme l’indique un carton en introduction, ce film ne vise pas à traiter tous les incidents de cette période, mais tous ont été choisis pour leur importance historique et pour les conséquences qu’ils ont eues sur « notre » vie. Malgré la mauvaise qualité technique de certaines images d’archives, celles-ci ont été conservées et montées dans ce film extraordinaire, poignant, viscéral, toujours représentatifs du mouvement non-violent prôné par Martin Luther King Jr. tout le long de ces treize années étalées sur près de trois heures, qui passent à vitesse grand V.

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Test Blu-ray / Désirée, réalisé par Henry Koster

DÉSIRÉE réalisé par Henry Koster, disponible en DVD et Blu-ray le 18 juin 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Marlon Brando, Jean Simmons, Merle Oberon, Michael Rennie, Cameron Mitchell, Elizabeth Sellars, Charlotte Austin, Cathleen Nesbitt, Evelyn Varden, John Hoyt, Alan Napier…

Scénario : Daniel Taradash d’après une histoire originale d’Annemarie Selinko

Photographie : Milton R. Krasner

Musique : Alex North

Durée : 1h50

Année de sortie : 1954

LE FILM

Lorsque, en 1794, il rencontre Désirée Clary à Marseille, Napoléon Bonaparte n’est encore qu’un général sans le sou à la merci des dernières convulsions de la Révolution. S’ils se jurent un amour éternel et le mariage, les événements les séparent vite. Pour des raisons politiques, Napoléon épouse Joséphine de Beauharnais tandis que, désespérée, Désirée pense à un suicide dont la sauve le général Bernadotte. De batailles en conquêtes, de la victoire à la défaite, désormais empereur, jamais Napoléon n’oubliera Désirée que le destin conduit sur le trône de Suède…

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Test Blu-ray / Missouri Breaks, réalisé par Arthur Penn

MISSOURI BREAKS (The Missouri Breaks) réalisé par Arthur Penn, disponible en DVD et Blu-ray le 23 mai 2019 chez Rimini Editions

Acteurs : Marlon Brando, Jack Nicholson, Randy Quaid, Kathleen Lloyd, Frederic Forrest, Harry Dean Stanton, John McLiam, John P. Ryan, Richard Bradford, Luana Anders…

Scénario : Thomas McGuane

Photographie : Michael C. Butler

Musique : John Williams

Durée : 2h06

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

A la fin du XIXe siècle, dans le Montana… Une bande s’installe dans une ferme voisine et Logan, sous le couvert d’un honnête fermier, prépare sa vengeance. Il entretient même une liaison avec la fille de Braxton. Soucieux de démasquer les voleurs de chevaux, le riche propriétaire engage un tueur professionnel, Lee Clayton, pour nettoyer le territoire. Averti de ce danger, Tom Logan et sa bande poursuivent néanmoins leurs fructueuses activités. Mais pour donner le change, ils achètent un ranch à côté de celui de Braxton.

Quel film étrange ! Mais en même temps quelle claque ! En 1976, Arthur Penn a déjà à son actif, Miracle en Alabama (1962), La Poursuite impitoyable (1966), et surtout Bonnie and Clyde (1967), Alice’s Restaurant (1969) et Little Big Man (1970) ! Excusez du peu ! Un an après La FugueNight Moves, dans lequel il venait de diriger Gene Hackman, James Woods et la jeune Melanie Griffith, Arthur Penn décide de revenir au western et de sceller ses retrouvailles avec Marlon Brando, dix ans après leur association sur The Chase. Sur un scénario de l’écrivain Thomas McGuane, la légende d’Un tramway nommé désir donne la réplique à Jack Nicholson. Seulement le scénario est loin d’être terminé et Arthur Penn est dans l’obligation de tourner en raison de l’emploi du temps chargé de ses deux têtes d’affiche. Qu’à cela ne tienne, Marlon Brando, dont le rôle existe à peine sur le papier, obtient carte blanche pour créer son personnage de toutes pièces. Le résultat est époustouflant. Non seulement Missouri Breaks est un film quasi-inclassable, mais le personnage de « régulateur », Robert Lee Clayton, incarné par Brando s’imprime dans la mémoire des cinéphiles. La confrontation Nicholson/Brando a bel et bien lieu et offre aux spectateurs de grands moments de cinéma.

1880, dans les terres accidentées (Missouri Breaks) du centre du Montana. Le jeune Tom Logan et ses quatre acolytes sont des rustlers (voleurs de bétail). Pour faciliter leurs déplacements et stocker discrètement les animaux qu’ils volent, ils décident d’acquérir un ranch. Ils s’autofinancent grâce au hold-up d’un train et achètent un petit ranch à côté de l’immense propriété d’un grand éleveur. Ce voisin est David Braxton, riche éleveur arrivé dans la région trente ans auparavant, qui perpétue les traditions du jugement expéditif des voleurs de bétail et de chevaux. Un jeu du chat et de la souris commence alors entre Braxton et Logan : le jeune homme, tout en se faisant passer pour un paisible fermier, vole les bêtes du notable, pend son contremaître (car il a pendu un des voleurs, le jeune Sandy) et couche avec sa fille unique. Aussi Braxton engage-t-il un regulator réputé, Robert Lee Clayton, personnage atypique et traqueur impitoyable de voleurs de bétail, afin d’éliminer tous les gêneurs, Tom y compris. Quand Clayton, qui a compris qui est le chef des voleurs, commence à éliminer un par un les amis de Tom avec une grande perversité, celui-ci se défend.

Un duel au sommet ! Quand il entreprend Missouri Breaks, Marlon Brando n’a pas tourné depuis quatre ans, ce qui ne l’empêche pas d’être au top puisque ses derniers films étaient ni plus ni moins Le Parrain de Francis Ford Coppola (Oscar du meilleur acteur, qu’il a d’ailleurs décliné) et Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci. Quant à Jack Nicholson, les années 1970 ont déjà été prolifiques puisqu’il aura enchaîné Cinq pièces faciles de Bob Rafelson, La Dernière corvée de Hal Ashby, Chinatown de Roman Polanski, Profession : Reporter de Michelangelo Antonioni et Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman, qui lui vaut d’être récompensé par l’Oscar du meilleur acteur. Si Marlon Brando met près de 40 minutes pour apparaître à l’écran, et quelle introduction, le comédien bouffe évidemment chacune de ses scènes. En totale improvisation, ou presque, selon les indications d’Arthur Penn, Robert Lee Clayton change de peau, de costume (allant même parfois s’habiller en femme), de démarche et même d’accent pour mieux perdre le spectateur, rendant ainsi son personnage totalement imprévisible. Même chose pour ceux qui se retrouvent face à lui, ne sachant plus sur quel pied danser. Excentrique, les cheveux en bataille, ou arborant la même capote en rubans que Caroline Ingalls, en robe-tablier ou bien dans un costume immaculé à franges (empestant le lilas et l’armoise), jouant du ukulele en riant, puis capable l’instant d’après d’abattre un homme froidement avec un rare sadisme, le pervers Robert Lee Clayton est comme qui dirait l’ancêtre d’Anton Chigurh, le tueur monstrueux merveilleusement incarné par Javier Bardem dans No Country for Old Men des frères Coen. A voir pour le croire.

Quant à Jack Nicholson, loin de se laisser tirer la couverture, même si c’est pourtant difficile, son personnage trouble et ambigu recherche visiblement la tranquillité. Voleur de bétails certes, mais très sensible, donnant tout ce qu’il peut pour un petit lopin de terre. Touché par la mort d’un de sa bande (dont fait partie Harry Dean Stanton), la première séquence du film est d’ailleurs incroyable et inattendue, Tom Logan finit même par tomber amoureux de Jane Braxton (magnifique Kathleen Lloyd), la fille d’un riche propriétaire terrien. Le comédien fait preuve d’une rare délicatesse, comme lors de la scène où Tom déshabille lentement Jane, qui contraste avec la haine et la violence de son adversaire, supposé incarner « le bon » côté de la loi.

Arthur Penn reste sur la frontière tendue entre le western et le thriller, avec une noirceur et un nihilisme, opposés à une vraie mélancolie distillée du début à la fin (renforcée par la splendide composition de John Williams) et même beaucoup d’humour (l’attaque du train), dans un monde qui se meurt. Le bien et le mal sont ainsi brouillés, interchangeables, qui se confrontent dans de gigantesques paysages (photo de Michael Butler) où ils n’ont plus aucun repère et où les chevaux, tout comme le reste de la nature, reprennent enfin leurs droits. Arthur Penn s’empare de tous les ingrédients du genre, les malaxe, les triture, dans le but de refléter la décadence de l’âme humaine. Et c’est un chef d’oeuvre.

LE BLU-RAY

Il y a quinze ans, Missouri Breaks avait bénéficié d’une sortie en DVD chez MGM, aujourd’hui épuisée. Merci à Rimini Editions de faire resurgir le film d’Arthur Penn dans les bacs ! Le disque, à la très belle sérigraphie (qu’on ne mentionne jamais assez), repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. La jaquette est très élégante, tout comme le menu principal, animé sur la musique de John Williams.

Tout d’abord, on doit au spéléologue Jérôme Wybon la joie de pouvoir écouter la Masterclass d’Arthur Penn donnée en août 1981 au National Film Theatre de Londres. 55 minutes (en vostf) à passer en compagnie du réalisateur cela ne se refuse évidemment pas. Les propos sont passionnants, notamment quand Arthur Penn revient sur la production et le tournage de Missouri Breaks. Le cinéaste aborde son enfance, ses débuts à la télévision au début des années 1950, son travail dans le monde du théâtre, quelques rencontres (François Truffaut, Jean-Luc Godard), l’influence du cinéma européen, tout en passant en revue l’ensemble de sa filmographie et ses thèmes de prédilection. En fin de programme, Arthur Penn répond à quelques questions des spectateurs.

Fidèle à Rimini Editions, l’excellent Frédéric Mercier est de retour pour présenter Missouri Breaks, qu’il affectionne tout particulièrement (33’). Le critique et journaliste replace tout d’abord le film dans la carrière d’Arthur Penn. Puis, il en vient plus précisément à Missouri Breaks en évoquant tour à tour les lieux de tournage, la préparation du film (seulement six semaines en raison de l’emploi du temps chargé des deux stars), l’improvisation sur le plateau et bien évidemment le travail de Marlon Brando qui a complètement créé son personnage au quotidien. Frédéric Mercier rentre plus en détails et l’analyse thématique, tout en abordant les partis pris et les intentions d’Arthur Penn. Une intervention passionnante.

L’éditeur est allé ensuite à la rencontre d’Hélène Valmary, maître de conférences à l’Université de Caen (27’30). C’est devenu une spécialité de Rimini Editions et surtout un rendez-vous que l’on apprécie tout particulièrement, plaçant l’éditeur parmi les leaders des suppléments de qualité. Ici, l’intervention d’Hélène Valmary est consacrée à Marlon Brando. Son enfance, ses débuts au théâtre, ses rencontres déterminantes (Stella Adler, Elia Kazan), ses premiers pas au cinéma, puis sa consécration. Dans un second temps, le jeu unique du comédien est analysé (recherche de l’authenticité, de la vérité à travers la méthode Strasberg), ainsi que son travail sur Missouri Breaks. Regorgeant d’anecdotes de tournage et d’informations, cette brillante présentation est immanquable pour tous les fans du monstre sacré et pour les autres cinéphiles. Ce bonus est uniquement disponible sur le Blu-ray.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Le générique fait un peu peur avec des fourmillements et des plans flous. Puis, tout s’arrange après avec une jolie clarté et surtout des plans rapprochés plaisants avec des détails sur les visages, comme les taches de rousseur du jeune Sandy. La texture argentique est conservée, bien gérée et certaines séquences, comme toutes celles dans le repaire de la bande de Tom sont vraiment très belles avec des contrastes fermes. Si certains plans s’avèrent plus vaporeux ou plus abîmés (en raison des partis pris), ce master HD de Missouri Breaks est flatteur pour les mirettes, à l’instar des scènes chez Braxton, baignant dans des éclairages jaunes du plus bel effet.

Evitez à tout prix la version française qui dénature le jeu de Marlon Brando. D’autant plus que cette piste s’accompagne d’un souffle chronique, avec des dialogues chuintants. De son côté, la version originale est plus claire, plus aérée, et la composition de maestro John Williams est dynamique à souhait, comme lors des envolées soulignant le caractère burlesque de l’attaque du train. Les sous-titres français ne sont pas imposés.


Crédits images : © MGM / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr