Test Blu-ray / La Grosse Caisse, réalisé par Alex Joffé

LA GROSSE CAISSE réalisé par Alex Joffé, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma et L’Atelier d’images

Acteurs : Bourvil, Paul Meurisse, Françoise Deldick, Daniel Ceccaldi, Bernard Fresson, Aimé de March, Tsilla Chelton, Roger Carel, Pierre Vernier, Jacques Legras, Dominique Zardi…

Scénario : Alex Joffé, Renée Asséo, Geno Gil, Luc Charpentier, Pierre Levy Cort

Photographie : Louis Page

Musique : Jean Marion

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Louis Bourdin est employé à la RATP le jour, romancier la nuit, avec une forte prédilection pour le genre policier. Un jour, il rédige un polar situé dans l’univers de la RATP, boudé par les éditeurs. Le livre parvient alors aux yeux d’une bande de criminels…

« Je fais des trous, des petits trous, encore des petits trous
Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous
Des trous de seconde classe
Des trous de première classe… »

1965 est une grande année pour Bourvil qui aura enchaîné Le Corniaud de Gérard Oury, Guerre secrète de Christian-Jaque, Les Grandes Gueules de Robert Enrico et La Grosse Caisse d’Alex Joffé. Près de vingt millions d’entrées sur quatre films, dont plus de la moitié pour Le Corniaud. La Grosse Caisse n’est certes pas sa comédie la plus célèbre, mais n’en demeure pas moins intéressante et surtout drôle, pour plusieurs raisons. Premièrement, Alex Joffé trouve le parfait équilibre entre l’humour, décalé voire même parfois onirique (le cauchemar du procès), et l’intrigue policière. Deuxièmement, l’histoire nous permet de jeter un œil sur le Paris d’époque, et plus particulièrement sur son métro. Enfin, La Grosse Caisse est aussi et surtout l’occasion d’admirer le face à face entre deux monstres du cinéma français, Bourvil et Paul Meurisse.

Louis Bourdin est poinçonneur au métro parisien. Piqué de romans policiers (son petit appartement de célibataire croule d’ailleurs sous les livres de Ian Fleming et les séries noires) et secrètement amoureux d’Angélique, poinçonneuse du quai d’en face, l’idée lui vient de conquérir la gloire et la fortune en écrivant un roman dont la trame est simple, efficace et bourrée de détails : profitant du lundi, jour où la recette collectée par la rame à finances de la R.A.T.P. est considérable, des gangsters particulièrement audacieux s’empareront de cette  » grosse caisse ». Mais hélas personne ne daigne publier sa prose, la jugeant « trop invraisemblable ». Il décide alors de prouver tout le contraire, d’autant plus qu’il subit de plus en plus les railleries de ses collègues. Il prend le pseudonyme de Lenormand, et intitule son roman « Rapt à la RATP ». Il décide d’en faire bénéficier, bien imprudemment, un malfaiteur notoire, Paul Filippi. Ce dernier, entouré de ses sbires, décide de suivre à la lettre l’écrit de Bourdin. Ce dernier n’imaginait pas qu’il serait aussi mis à contribution…

La carrière du réalisateur Alex Joffé tourne essentiellement autour de Bourvil, avec lequel il collaborera à six reprises : Les Hussards (1955), Fortunat (1960), Le Tracassin ou Les Plaisirs de la ville (1961), Les Culottes rouges (1962), La Grosse Caisse (1965) et Les Cracks (1968). Tous de grands succès populaires, tout comme d’ailleurs le reste de la filmographie du metteur en scène, à qui l’on doit également Les Fanatiques (1957) avec Pierre Fresnay et Du rififi chez les femmes (1959) avec Robert Hossein et Roger Hanin. Dans La Grosse Caisse, Bourvil prend visiblement beaucoup de plaisir à interpréter cet humble employé de la RATP, vantard, mais peureux, qui affronte son quotidien monotone à la station Quai de la Rapée, en pensant au roman policier qu’il est en train de terminer. Il y a tout d’abord l’humanité toujours débordante de Bourvil qui fait son effet. Même s’il se sent pousser des ailes, à tel point que ses pieds ne touchent plus le sol (au sens propre comme au figuré) en rêvant de son futur succès et de sa célébrité à venir, Louis Bourdin est un homme timide, mal dans sa peau, seul, gentil, honnête, qui se fait constamment engueuler par son chef de station (l’immense Roger Carel) et qui en pince pour la charmante Angélique (délicieuse Françoise Deldick) qui poinçonne les billets en face de son guichet en direction de la Place d’Italie.

Immense comédien, Bourvil parvient également à montrer également le feu qui anime son personnage, son désir de s’extraire de son quotidien morose et sans avenir. Le destin le rattrape finalement en le mettant face à un bandit. Tout droit sorti du Monocle rit jaune de Georges Lautner, Paul Meurisse apparaît avec son élégance coutumière et son rictus cynique, véritable aristocrate du crime. Comme son partenaire, son interprétation est constamment sur le fil entre le rire et la gravité, capable de passer d’un bon mot à un regard perçant et menaçant qui refroidit immédiatement son interlocuteur. Comme si le Michel Delassale des Diaboliques refaisait surface entre deux répliques à l’humour so british. La rencontre entre les deux acteurs fait des étincelles.

Ce petit bijou de scénario rappelle les merveilleux romans de Donald Westlake et notamment les aventures de Dortmunder. Si l’on pourra déplorer quelques longueurs, notamment durant le périple de Bourdin pour trouver le truand susceptible d’être intéressé par son affaire, La Grosse Caisse séduit à plus d’un titre. Outre le jeu phénoménal des comédiens, le décor reste original avec celui de la belle station de Quai de la Rapée (formidablement reconstituée dans les studios d’Epinay-sur-Seine) et de ses environs, dont la station Arsenal, fermée aux usagers, servant de vitrine publicitaire pour des voitures Simca (!), investie ici par les gangsters.

Témoignage d’une époque révolue et de métiers aujourd’hui disparus, le film d’Alex Joffé reste bourré de charme (très belle photo de Louis Page) et toute la séquence du fameux rapt est un grand moment d’humour et de suspense. Car même si l’on rit, on souhaite également que les bandits s’en sortent et réussissent leur larcin, tout en espérant que le livre de Bourdin soit reconnu. La Grosse Caisse est une comédie policière savoureuse, qui toutes proportions gardées, annonce Le Cerveau de Gérard Oury. D’ailleurs, le vol du train postal est même évoqué au détour d’une réplique. Etrange coïncidence…

LE DIGIBOOK

Nous terminons cette deuxième vague Coin de Mire Cinéma, par La Grosse Caisse. Comme les précédents titres de la collection « La Séance », cette édition prend la forme d’un coffret Digibook prestige numéroté et limité à 3.000 exemplaires. L’objet mesure 142 x 194 mm et comprend le Blu-ray, le DVD, ainsi qu’un superbe livret de 24 pages cousu au boîtier, reproduisant des archives sur le film, mais aussi celles de la R.A.T.P. dans les années 1960, sans oublier la reproduction de 10 photos d’exploitations cinéma sur papier glacé format 120 x 150 mm rangées dans 2 étuis cartonnés, ainsi que la reproduction de l’affiche originale en format 215 x 290 mm pliée en 4. Rappelons que chaque titre est annoncé au tarif de 32€, disponible à la vente sur internet (sur le site de l’éditeur notamment) et dans certains magasins spécialisés à l’instar de Metaluna Store tenu par le fringuant Bruno Terrier, rue Dante à Paris. Merci à Laure et Thierry Blondeau pour leur confiance ! Le menu principal du Blu-ray est fixe et musical.

On attaque cette « dernière » séance, en attendant la troisième vague Coin de Mire Cinéma avec une grande impatience, par les actualités de la 27e semaine de l’année 1965 (9’). Au programme, des images impressionnantes d’un militant viet-cong fusillé devant des spectateurs, suivi d’un attentat dans les rues de Saïgon, un record de vitesse effectué à bord d’une 404 diesel rapide, une large place accordée au résumé d’un Grand Prix remporté par Jim Clark, ainsi qu’une nouvelle collection portée par des mannequins mis dans des situations quelque peu atypiques…

Place aux réclames publicitaires (8’30) avec cette fois les nougats Coupo Santo, les esquimaux Gervais, les caramels Isicrem (avec le comédien Paul Mercey), sans oublier la nouvelle gamme de chez Frigidaire, la brosse à dents Gibbs aux poils doux, Jean Nohain qui passe faire un coucou pour vanter les chauffages Arthur Martin, tandis que Régilait propose un granulé de lait soluble instantané.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

D’emblée, la copie nous apparaît étincelante, des noirs denses côtoient des blancs immaculés et la palette de gris est largement étendue. La restauration HD (à partir du négatif original) est exceptionnelle, aucune scorie n’a survécu au nettoyage numérique et le piqué est bluffant. Seules quelques séquences nocturnes témoignent d’une sensible perte de la définition, comme lors des fondus en noir où le N&B paraît alors étrangement bleuté avec un rendu plus lisse, mais ce serait vraiment chercher la petite bête. A 1h19, les limites de la restauration sont également notables à droite de l’écran. Vous pouvez donc remiser votre ancienne édition DVD LCJ.

L’éditeur est toujours aux petits soins avec ses films. La Grosse Caisse bénéficie d’une piste DTS HD Master Audio mono. Si quelques saturations demeurent inévitables surtout sur les quelques dialogues aigus, l’écoute se révèle fluide, limpide et surtout saisissante. Aucun craquement ou souffle intempestifs ne viennent perturber l’oreille des spectateurs, l’excellente musique de Jean Marion (La Cuisine au beurre, Le Capitan) est admirablement restituée et les échanges sont clairs. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.


Crédits images : © TF1 Droits Audiovisuels / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr