Test Blu-ray / Qui l’a vue mourir?, réalisé par Aldo Lado

QUI L’A VUE MOURIR? (Chi l’ha vista morire?) réalisé par Aldo Lado, disponible en Blu-ray chez Frenezy depuis le 6 décembre 2023.

Acteurs : George Lazenby, Anita Strindberg, Adolfo Celi, Nicoletta Elmi, Dominique Boschero, Peter Chatel, Piero Vida, José Quaglio, Alessandro Haber…

Scénario : Francesco Barilli, Massimo D’Avak, Aldo Lado & Rüdiger von Spies

Photographie : Franco Di Giacomo

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

En 1968, en France, une jeune fille est assassinée à coups de pierre par une personne mystérieuse, voilée et vêtue de noir. Quatre ans plus tard, à Venise, le sculpteur Franco Serpieri vit paisiblement avec sa maîtresse. Séparé de son épouse qui s’est installée à Londres, il reçoit fréquemment la visite de sa fille Roberta. Mais un soir, celle-ci ne rentre pas chez son père. Le lendemain, on retrouve son corps noyé dans un des canaux de la ville. La police se charge de l’enquête mais sans résultats. Franco, qui se sent responsable du drame, décide de se lancer seul à la poursuite du coupable…

Remarqué avec Je suis vivant !, son « film politique déguisé en giallo » comme il le qualifiait lui-même, Aldo Lado (1934-2023) pense déjà à son prochain opus comme metteur en scène, La Drôle d’affaire – La Cosa buffa, quand il reçoit la proposition du producteur allemand Dieter Geissler (Kill, Out of Order, Société anonyme anti-crime) de réaliser Qui l’a vue mourir ? – Chi l’ha vista morire?, d’après un scénario de Francesco Barilli (Le Parfum de la dame en noir, Prima della rivoluzione) et Massimo D’Avak (Exécutions, Si douces, si perverses), autre film de genre dans lequel il s’était précédemment illustré. Il laisse alors son ami Bernardo Bertolucci, avec lequel il préparait Le Dernier tango à Paris, décide de remanier le script en y ajoutant toutes ses connaissances sur Venise, lieu où se déroule l’action, ville qu’il connaît sur le bout des doigts pour y avoir grandi. Est-ce en raison de cette authenticité que Qui l’a vue mourir ? est aujourd’hui devenu l’un des gialli préférés des spectateurs, ou tout du moins qui revient souvent dans les tops des fans du thriller italien ? Pas seulement. Aldo Lado et ses scénaristes privilégient l’émotion, souvent oubliée au profit des effets sanglants, en combinant à la fois l’histoire d’un deuil impossible, le désir de vengeance et l’hypocrisie de la bourgeoisie. Un cocktail virtuose, amer en bouche certes, mais avec lequel Aldo Lado prouvait pour la seconde fois qu’il était à la fois un fabuleux conteur, doublé d’un brillant formaliste.

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Test Blu-ray / Le Chat et le canari, réalisé par Radley Metzger

LE CHAT ET LE CANARI (The Cat and the Canary) réalisé par Radley Metzger, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 22 mars 2024 chez Rimini Editions

Acteurs : Honor Blackman, Michael Callan, Edward Fox, Wendy Hiller, Olivia Hussey, Beatrix Lehmann, Carol Lynley, Daniel Massey, Peter McEnery, Wilfrid Hyde-White…

Scénario : Radley Metzger, d’après la pièce de théâtre de John Willard

Photographie : Alex Thomson

Musique : Steven Cagan

Durée : 1h29

Année de sortie : 1978

LE FILM

À Glendiff en 1914, le riche et extravagant Cyrus West meurt dans son château. Vingt ans plus tard, la notaire Allison Crosby réunit tous les héritiers dans la grande salle afin de divulguer le testament. Elle découvre qu’Annabelle West en est la légataire universelle. Peu à peu les invités disparaissent puis sont retrouvés assassinés…

Tandis que les gialli et films d’épouvante de Dario Argento et de ses confrères compatriotes remplissent les salles dans les années 1970, que le slasher est sur le point de prendre son envol avec La Nuit des masques – Halloween de John Carpenter et que les enquêtes d’Hercule Poirot semblent intéresser les spectateurs (après Le Crime de l’Orient-Express, Mort sur le Nil se profile à l’horizon), le producteur Richard Gordon (Inseminoïd, Monstres invisibles, Corridors of Blood) a de la suite dans les idées. Pourquoi ne pas mixer tous ces ingrédients, les passer à la sauce à la menthe (autrement dit british) et tenter de surfer sur ces effets de mode ? Voilà comment est né Le Chat et le canari The Cat and the Canary, adapté d’une pièce de théâtre de John Willard, déjà transposée dans les années 1920 par Paul Leni, qui combine le film d’horreur (plusieurs meurtres y sont commis), l’enquête policière (un assassin se cache dans une demeure) et le whodunit (le meurtrier en question est peut-être dissimulé parmi les personnages principaux). Formidable opus que Le Chat et le canari version 1978, solidement mis en scène par Radley Metzger (1929-2017), bourré de trouvailles à la fois sur le fond et sur la forme et surtout merveilleusement interprété par une troupe de dix comédiens exceptionnels qui ont l’air de s’amuser du début à la fin. Une belle et grande découverte.

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Test Blu-ray / Un si noble tueur – The Gentle Gunman, réalisé par Basil Dearden

UN SI NOBLE TUEUR (The Gentle Gunman), réalisé par Basil Dearden, disponible en combo Blu-ray/DVD le 28 février 2024 chez Studiocanal.

Acteurs : John Mills, Dirk Bogarde, Robert Beatty, Elizabeth Sellars, Barbara Mullen, Eddie Byrne, Joseph Tomelty, Liam Redmond…

Scénario : Roger MacDougall, d’après sa pièce de théâtre

Photographie : Gordon Dines

Musique : John Greenwood

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1952

LE FILM

En 1941, un petit groupe d’hommes de l’I.R.A. dépose des bombes dans les stations du métro de Londres. Un membre, Terence, a fini par prendre conscience de la stupidité et de l’inutilité de la violence, et il déserte. Son frère Matt vient alors d’Irlande pour prendre sa place. Après l’arrestation de deux des hommes, Matt, croyant que Terence les trahissait, revient en Irlande et fait son rapport au chef de l’I.R.A., Shinto, et à une femme, partisane fanatique. Elle a aimé Terence mais maintenant elle reporte son amour sur son frère. Lorsqu’ils apprennent que deux prisonniers doivent venir à la prison de Belfast, Shinto projette de les faire échapper.

Noblesse oblige, De l’or en barres, Tueurs de dames, Passeport pour Pimlico, L’Homme au complet blanc, Tortillard pour Titfield, fleurons, monuments de la comédie anglaise des années 1940-50 ont toutes un point commun, elles sortent des Ealing Studios. Cependant, on a tendance à oublier que ces derniers ont toujours su se diversifier. C’est le cas des films de guerre (Un contremaître est allé en France, The Next of Kin, The Bells Go Down, Went the Day Well?) ou même fantastico-horreur (le génial Au coeur de la nuit Dead of Night). Avec près d’une vingtaine d’opus à son actif réalisés pour le compte des Ealing Studios, Basil Dearden (1911-1971), le metteur en scène de Pool of London Les Trafiquants du Dumbar, Police sans arme The Blue Lamp, Le Pas de l’oie The Goose Steps out, où d’ailleurs il ne se cantonne pas au registre comique, est l’un des rares cinéastes sous contrat à faire preuve de diversité. À ce titre, Un si noble tueur The Gentle Gunman, adapté d’une pièce de théâtre de Roger MacDougall, sorti au Royaume-Uni en 1952 (et deux ans plus tard dans nos contrées) est un thriller politique sombre furieusement moderne, pour ne pas dire toujours autant d’actualité. Certes, le film contient quelques touches d’humour étonnantes, qui contrastent avec le reste et servent avant tout de soupapes pour permettre aux spectateurs de reprendre leur souffle, mais Un si noble tueur est un vrai film noir qui se déroule dans le milieu encore rarement exploité au cinéma de l’IRA. Ainsi, bien avant Au nom du père et The Boxer de Jim Sheridan, Michael Collins de Neil Jordan, Ennemis rapprochés d’Alan J. Pakula, Bloody Sunday de Paul Greengrass, Le Vent se lève et Secret défense de Ken Loach, Hunger de Steve McQueen, ‘71 de Yann Demange, évidemment plus tardifs et reconnus, Un si noble tueur se penchait déjà avec réalisme sur le bouillonnement de cette lutte armée. Si Basil Dearden s’inspire vraisemblablement de ce que l’immense John Ford avait fait avant lui avec Le Mouchard The Informer (4 Oscars) en 1935 et The Plough and the Stars l’année suivante, il serait temps de (re)découvrir et surtout de réhabiliter The Gentle Gunman.

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Test Blu-ray / L’Énigmatique Monsieur D., réalisé par Sheldon Reynolds

L’ÉNIGMATIQUE MONSIEUR D. (Foreign Intrigue) réalisé par Sheldon Reynolds, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 6 mars 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Robert Mitchum, Geneviève Page, Ingrid Thulin, Frédéric O’Brady, Eugene Deckers, Inga Tidblad, John Padovano, Lauritz Falk…

Scénario : Sheldon Reynolds, Harold Jack Bloom & Gene Levitt

Photographie : Bertil Palmgreen

Musique : Paul Durand

Durée : 1h35

Année de sortie : 1956

LE FILM

En villégiature sur la Côte d’Azur, le riche homme d’affaires Victor Danemore meurt subitement. Travaillant pour Danemore et présent au moment de sa mort, l’agent de publicité Dave Bishop est intrigué par le mystérieux passé de son ancien employeur. Il découvre que celui-ci était un maître-chanteur. En pleine guerre froide, il suit alors ses traces en France, en Suède et en Autriche.

Rétrospectivement parlant, on ne peut pas dire que L’Énigmatique Monsieur D. fasse partie des films les plus connus de la carrière de Robert Mitchum. Situé entre La Nuit du chasseur de Charles Laughton (qu’on ne présente plus) et Bandido Caballero ! de Richard Fleischer (méconnu et pourtant très bon), Foreign Intrigue est en réalité l’une des premières adaptations d’une série télévisée au cinéma. Foreign Intrigue ou Foreign Assignment est donc à la base une série dramatique et d’espionnage créée et produite par Sheldon Reynolds, plus de 150 épisodes répartis sur quatre saisons tournées entre 1951 et 1955. Ayant de la suite dans les idées, le « showrunner » décide de transposer son bébé pour le grand écran, en proposant à la fois une suite et un récapitulatif de l’histoire déjà connue des spectateurs. Exit Jerome Thor, James Daly et Gerald Mohr, vedettes respectives des deux premières saisons, de la troisième et de la quatrième, place à Robert Mitchum à qui le trench-coat sied évidemment à ravir. S’il avait déjà derrière-lui La Griffe du passé, Ça commence à Vera Cruz, Un si doux visage et Rivière sans retour, le comédien, à l’aube de ses 40 ans, n’était pas encore totalement reconnu dans le milieu et continuait à passer d’un genre à l’autre avec la même apparente décontraction. Un talent insolent qui fait le sel de L’Énigmatique Monsieur D., qui n’est certes pas transcendant, mais qui n’en reste pas moins agréable à suivre et qui vaut surtout pour la prestation de ses deux actrices principales, la française Geneviève Page et la suédoise Ingrid Thulin. Une curiosité, une découverte.

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Test Blu-ray / Silent Night, réalisé par John Woo

SILENT NIGHT réalisé par John Woo, disponible en DVD & Blu-ray le 29 février 2024 chez Metropolitan Vidéo.

Acteurs : Joel Kinnaman, Catalina Sandino Moreno, Kid Cudi, Harold Torres, Vinny O’Brien, Yoko Hamamura, Anthony Giulietti, John Pollack…

Scénario : Robert Archer Lynn

Photographie : Sharone Meir

Musique : Marco Beltrami

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

En couple avec Saya, Brian Godlock est un père de famille comme tout le monde. En cette veille des fêtes de fin d’année, son jeune fils est tué, victime collatérale d’une guerre des gangs. Godlock va alors décider de se venger. Ignorant tous les codes, il va devoir se rendre dans les bas-fonds de la pègre et dans ce monde qu’il ne connaît pas, pour tuer les responsables de la mort de son enfant.

Pourquoi tant de haine autour du dernier long-métrage en date de John Woo ? Vingt ans après Paycheck, le réalisateur chinois fait son retour à Hollywood pour un nouveau film d’action, qui présente pour particularité de ne comprendre aucun dialogue, si ce n’est en fond, par radio ou à la télévision. Même chose, on a beaucoup entendu qu’il s’agissait d’un opus au rabais, pourtant Silent Night n’a rien d’un « John Wish », même s’il est inévitable de penser à la saga avec Keanu Reeves. En fait, il s’agit ici d’un mix entre John Wick (avec les mêmes producteurs Erica Lee et Basil Iwanyk aux manettes) et Un justicier dans la ville et le maître hongkongais (né en 1946) ne s’en cache pas, il connaît bien sûr les clichés inévitables, qu’il n’évite pas, mais qu’il embrasse au contraire avec une totale décontraction. Évidemment, ceux qui s’attendent à retrouver la virtuosité du Syndicat du crime, The Killer, Une balle dans la tête et bien d’autres seront sans doute déçus, pourtant, le cinéaste renoue avec l’efficacité plus édulcorée dirons-nous qui avait fait ses preuves dans Chasse à l’homme, Broken Arrow, Volte-Face et Mission impossible 2. Il n’y a rien de déshonorant dans Silent Night, le film étonne même par son émotion et la belle installation des personnages dans le premier acte, malgré son absence quasi-totale de dialogues et qui repose entre autres sur l’intense prestation du suédois Joel Kinnaman. Un bon ride, un divertissement soigné, un spectacle haut de gamme.

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Test Blu-ray / Main basse sur la ville, réalisé par Francesco Rosi

MAIN BASSE SUR LA VILLE (Le Mani sulla città) réalisé par Francesco Rosi, disponible en Édition Blu-ray + DVD + DVD bonus + livre – Boîtier Mediabook le 7 février 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Rod Steiger, Salvo Randone, Guido Alberti, Marcello Cannavale, Dante Di Pinto, Alberto Conocchia, Carlo Fermariello, Terenzio Cordova…

Scénario : Francesco Rosi, Raffaele La Capria, Enzo Provenzale & Enzo Forcella

Photographie : Gianni Di Venanzo

Musique : Piero Piccioni

Durée : 1h41

Année de sortie : 1963

LE FILM

Poussée par l’entrepreneur Nottola, la municipalité de Naples transforme des terrains agricoles en terrains constructibles pour lancer un gigantesque programme immobilier. Le chantier entraîne la paralysie d’un enfant et de vives polémiques au sein du conseil municipal, alors que de nouvelles élections se préparent. L’enquête sur l’accident s’enlise, mais les stratégies électorales s’affinent, et certains membres de la majorité au pouvoir s’inquiètent de voir Nottola sur leur liste.

« J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité. Main basse sur la ville est ce que j’appellerai un film théorème. » Francesco Rosi

Francesco Rosi, certainement l’un des cinéastes les plus engagés du cinéma italien, est né à Naples en 1922. Pour beaucoup et malgré une filmographie conséquente, Main basse sur la ville – Le Mani sulla città demeure son chef d’oeuvre, dans lequel sa critique (on peut même parler de radiographie) virulente des corps du pouvoir et de leurs malversations est la plus frontale. Entre fiction et documentaire, Main basse sur la ville poursuit sa revendication du genre du film d’enquête, initié l’année précédente avec Salvatore Giuliano en 1962. Le film s’inspire d’un fait réel survenu dans sa ville natale : l’écroulement d’un immeuble de Naples (en fait, le nom de la ville n’est jamais cité, mais tout le monde le sait) entraînant la mise en cause des industriels en charge du chantier. Cette séquence est d’ailleurs retranscrite à l’écran de manière très impressionnante, plongeant le spectateur dans une réalité sociale brute et immédiate qui renvoie ouvertement au néo-réalisme italien, Francesco Rosi ayant rappelons-le démarré sa carrière comme assistant (puis scénariste) de Luchino Visconti. Constat sévère de la spéculation immobilière et de ses mécanismes retors, Le Mani sulla città dévoile comment avec le soutien de la municipalité, un entrepreneur, incarné par l’ogre Rod Steiger, alors loin de l’inspecteur de la division des mineurs qu’il venait d’interpréter dans Lutte sans merci de Philip Leacock et juste avant d’enchaîner avec l’exceptionnel Prêteur sur gages de Sidney Lumet, s’empare de terrains vagues afin de les transformer en édifices modernes. Un business lucratif qui ne profite pas aux petites gens qui sont relogés dans des immeubles insalubres. La ville de Naples vit alors au cœur d’un véritable scandale immobilier, opposant la droite à la gauche qui craint que les prochaines élections ne viennent enliser le problème. Comme on dit en Italie donc, Capolavoro !

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Test Blu-ray / Visions, réalisé par Yann Gozlan

VISIONS réalisé par Yann Gozlan, disponible en DVD & Blu-ray le 24 janvier 2024 chez M6 Vidéo.

Acteurs : Diane Kruger, Mathieu Kassovitz, Marta Nieto, Amira Casar, Grégory Fitoussi, Élodie Navarre, Romain Fleury, Yun Lai…

Scénario : Yann Gozlan, Michel Fessler, Aurélie Valat, Jean-Baptiste Delafon & Audrey Diwan

Photographie : Antoine Sanier

Musique : Philippe Rombi

Durée : 2h03

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Estelle Vasseur est commandante de bord long courrier, au professionnalisme hors pair, elle mène une existence parfaitement réglée aux côtés de Guillaume, son mari aimant et protecteur. Tout semble aller pour le mieux même si les vols et les jet lag à répétition commencent à perturber le rythme biologique de la jeune femme, et particulièrement son sommeil. Un jour, par hasard, dans un couloir de l’aéroport de Nice, elle recroise la route d’Ana, photographe avec qui elle a eu une aventure passionnée vingt ans plus tôt. Estelle est alors loin d’imaginer que ces retrouvailles vont l’entraîner dans une spirale cauchemardesque et faire basculer sa vie dans l’irrationnel.

Bien que présent depuis plus de dix ans dans le panorama du cinéma français, le réalisateur Yann Gozlan (né en 1977) aura dû attendre 2021 pour toucher le grand public avec le succès de Boîte noire (1,2 millions d’entrées), multi-récompensé et auréolé de cinq nominations aux César. Qu’ils soient réussis (Captifs, Burn Out, Boîte noire) ou pas (Un homme idéal), ses films ont toujours démontré un savoir-faire indéniable, un style qui n’a eu de cesse de s’aiguiser et une ambition finalement rare dans nos contrées. Difficile de passer après un triomphe et Yann Gozlan n’aura pas attendu longtemps, puisque Visions devait débarquer sur les écrans deux ans quasiment jour pour jour après la sortie de Boîte noire. Ce thriller érotico-fantastico-psychologique allait décontenancer le public. Avec un budget avoisinant les 9 millions d’euros, Visions ne parviendra même pas à franchir la barre des 200.000 spectateurs. Un échec important et pourtant le cinquième long-métrage du metteur en scène apparaît comme étant le plus recherché sur le plan visuel. Avec sa magnifique photographie stylisée signée Antoine Sanier (King, Hors normes, Leatherface, Santa & Cie), Visions est l’un des plus beaux films hexagonaux de l’année 2023. Sans doute trop gourmand et désireux de montrer cette fois encore qu’il en a sérieusement sous le capot, Yann Gozlan aurait toutefois mérité de tailler dans son scénario, d’assécher son intrigue qui s’étend sur plus de deux heures, ce qui peut paraître long pour le spectateur quand celui-ci est perdu dans un labyrinthe mental, d’autant plus que certains éléments demeureront mystérieux. Mais Visions est une véritable expérience sensorielle et immersive, composée de motifs récurrents dans l’oeuvre de son auteur, au point que certains font étonnamment écho à Boîte noire, comme si les deux opus dialoguaient parfois. Il s’agit bel et bien d’un film d’auteur, qui n’a de cesse d’explorer des thèmes obsessionnels et qui prouve une nouvelle fois toute la virtuosité d’un artiste arrivé à sa pleine maturité et qui possède enfin les moyens de s’exprimer. Si Visions ne fera jamais l’unanimité, heureusement d’ailleurs, on ne pourra pas nier cette folie furieuse de faire du vrai, du bon, du grand cinéma.

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Test Blu-ray / Meurtres dans la 110e rue, réalisé par Barry Shear

MEURTRES DANS LA 110e RUE (Across 110th Street) réalisé par Barry Shear, disponible en Combo Blu-ray + DVD + DVD de bonus le 16 janvier 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Anthony Quinn, Yaphet Kotto, Anthony Franciosa, Paul Benjamin, Ed Bernard, Richard Ward, Norma Donaldson, Antonio Fargas…

Scénario : Luther Davis, d’après le roman de Wally Ferris

Photographie : Jack Priestley

Musique : J.J. Johnson

Durée : 1h37

Année de sortie : 1972

LE FILM

Dans un tripot de Harlem contrôlé par la Mafia, cinq hommes comptent la recette du jour. Deux Noirs déguisés en policiers font irruption dans la salle, abattent les hommes et s’enfuient à bord d’un véhicule des forces de l’ordre. Deux policiers, authentiques ceux-là, s’interposent et sont à leur tour abattus. La Mafia, qui a la mainmise sur le quartier, commence ses propres investigations, aidée par des caïds noirs. De son côté, la police confie l’affaire à Pope, un jeune et idéaliste lieutenant noir, et au capitaine Mattelli, proche de la retraite, et dont la misanthropie n’a d’égale que la corruption…

Tout le monde, ou presque connaît la chanson de Bobby Womack, Across 110th Street et la plupart des spectateurs ont dans la tête l’ouverture de Jackie Brown (1997) de Quentin Tarantino. En réalité, ce dernier a comme d’habitude pompé de tous les côtés et avait tout simplement repris le tube éponyme du film de Barry Shear, baptisé en France Meurtres dans la 110e rue. Souvent classé à tort dans le sous-genre alors en vogue de la Blaxploitation, Across 110th Street est un polar pur et dur se déroulant à Harlem, Pandémonium sur Terre, territoire laissé à l’abandon, ou plutôt aux mains des mafieux blancs qui se la coulent douce de l’autre côté de Central Park, laissant le sale boulot aux noirs avec lesquels ils sont en affaire. Venu de la télévision, pour laquelle il officiait sur une quantité phénoménale de téléfilms et de séries depuis les années 1950 (Des agents très spéciaux, Opération vol, Les Règles du jeu, Opération danger, Les Rues de San Francisco), Barry Shear (1923-1979) aura peu, mais bien tourné pour le cinéma. Meurtres dans la 110e rue est alors son quatrième long-métrage pour le grand écran et restera son film le plus célèbre. Comme dirait Raoul Volfoni, « c’est du brutal » ! Across 110th Street est une véritable immersion (rendu imputable à l’utilisation de la révolutionnaire caméra portée Arriflex 35BL) au coeur de l’enfer, une œuvre poisseuse, redoutablement pessimiste, ultra-violente par moments (certaines scènes sont même déconseillées aux âmes sensibles), qui n’a rien perdu de son efficacité et qui embarque le spectateur pendant 1h35 sur un des affluents du Styx. Merveilleusement interprété par Anthony Quinn (également co-producteur exécutif aux côtés du metteur en scène) et Yaphet Kotto, Meurtres dans la 110e rue, écrit par Luther Davis (auteur des géniaux La Main noire de Richard Thorpe et Une femme dans une cage de Walter Grauman) d’après un roman de Wally Ferris (sorti en France sous le titre Noirs et Blancs, dans la collection Série Noire), est un thriller à réhabiliter de toute urgence.

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Test Blu-ray / Eve of Destruction, réalisé par Duncan Gibbins

EVE OF DESTRUCTION réalisé par Duncan Gibbins, disponible en Blu-ray depuis le 1er octobre 2023 chez Le Chat qui fume

Acteurs : Renée Soutendijk, Gregory Hines, Michael Greene, Kurt Fuller, John M. Jackson Loren Haynes Nelson Mashita Alan Haufrect…

Scénario : Duncan Gibbins & Yale Udoff

Photographie : Alan Hume

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1991

LE FILM

En marge de ses programmes plus traditionnels, l’armée américaine travaille dans le plus grand secret à la fabrication de robots censés imiter à la perfection l’apparence et la personnalité humaines, dédiés à la surveillance, au combat rapproché, voire à la destruction massive. Responsable de ce département, le docteur Eve Simmons a notamment créé un modèle féminin à son image : « Eve VIII » ; son propre background mental ayant même servi à construire l’habitus du cyborg. Mais alors qu’on teste ce dernier à l’extérieur sous surveillance, un incident fâcheux le fait échapper au contrôle de ses créateurs.

L’histoire de Duncan Gibbins n’est pas très heureuse. Auteur d’une grosse poignée de vidéoclips pour George Michael, Bananarama, Eurythmics et quelques autres, sa filmographie ne comporte que trois longs-métrages, dont deux dédiés au grand écran (et encore : pas dans tous les pays). Aucun n’effectuera la percée tant attendue en dépit de qualités certaines. L’émouvante Virginia Madsen aura accompagné les premiers pas au cinéma d’au moins deux clippeurs de talent : le prolifique et surdoué Steve Barron en 1984 pour son Electric Dreams (dans lequel elle partageait l’affiche avec feu Lenny von Dohlen) et donc, deux ans plus tard, Duncan Gibbins pour Fire With Fire, une production modeste mais fort estimable où une jeune fille cloîtrée dans un sévère institut catholique et un jeune délinquant purgeant sa peine dans un centre en milieu ouvert décident de s’évader ensemble, au mépris de toutes les autorités qui s’interposent. Cette fois, son partenaire est Craig Sheffer (par la suite, les deux comédiens s’illustreront chacun de leur côté dans l’univers de Clive Barker : Madsen en héroïne de Candyman ; Sheffer en héros de Cabal). Le film de Gibbins rapporte moins de 5 millions de dollars et il lui faudra cinq ans de plus pour revenir au cinéma avec le très bon Eve of Destruction – qui ne fera guère mieux au box office ! Le casting étonnant du film confronte Gregory Hines (alors connu pour Tap de Nick Castle, Deux Flics à Chicago et le Cotton Club de Coppola) à la hollandaise Renée Soutendijk (qui marqua les esprits dans deux grands films signés Paul Verhoeven : Spetters et Le Quatrième Homme). Suite à l’accueil trop mitigé de ces deux travaux, Gibbins mettra en scène Jennifer Grey et Peter Berg en 1993 dans un téléfilm policier de facture très honnête (… mais très télévisuelle !) : Seul dans la nuit (A Case for Murder), qui sera donc sa dernière œuvre. Décédé accidentellement à l’âge de 41 ans, sans avoir réellement connu le succès, Gibbins fait partie de ces artistes partis trop tôt pour qu’on ait pu juger de leur possible importance dans le paysage. D’autant plus grande est la nécessité de garder en mémoire la petite trace qu’ils ont laissée…

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Test Blu-ray / Hypnotic, réalisé par Robert Rodriguez

HYPNOTIC réalisé par Robert Rodriguez, disponible en DVD et Blu-ray le 21 décembre 2023 chez M6 Vidéo.

Acteurs : Ben Affleck, William Fichtner, Alice Braga, JD Pardo, Hala Finley, Dayo Okeniyi, Jeff Fahey, Jackie Earle Haley…

Scénario : Robert Rodriguez & Max Borenstein

Photographie : Robert Rodriguez & Pablo Berron

Musique : Rebel Rodriguez

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Déterminé à retrouver sa fille, le détective Danny Rourke enquête sur une série de braquages qui pourraient être liés à sa disparition. Mais les criminels qu’il poursuit sont bien plus machiavéliques qu’il ne l’imaginait : ils hypnotisent des innocents pour qu’ils commettent des crimes contre leur volonté. Personne ne semble à l’abri. Pour les déjouer, Rourke va devoir se méfier de tout le monde…

Il en a fait du chemin depuis ses débuts el Señor Robert Rodriguez ! D’El Mariachi (1993), tourné avec les moyens du bord (on parle de 7000 dollars) à Alita : Battle Angel, produit et coécrit par James Cameron, avec son budget colossal de 200 millions de dollars ! Avec une vingtaine de longs-métrages à son actif, on pouvait penser que le réalisateur bénéficierait enfin d’une tranquillité assurée ou qu’il disposerait désormais d’un confort lui permettant de miser sur de grosses productions à 100-150 millions de dollars. Visiblement, Robert Rodriguez n’a pas décidé de lâcher les films de séries B qui ont fait sa notoriété. C’était dernièrement le cas pour Red 11 (tourné avec un budget encore plus petit qu’El Mariachi) et même C’est nous les héros We Can Be Heroes, succès de la plateforme Netflix et rattaché aux Aventures de Shark Boy et Lava Girl (2005). Alors que se profilait un énième épisode de la saga Spy Kids (Spy Kids: Armageddon), également diffusé sur Netflix, Robert Rodriguez retrouvait le chemin des salles avec Hypnotic, projet qui couvait depuis une vingtaine d’années, pensé comme un hommage au cinéma d’Alfred Hitchcock. Si l’ensemble des spectateurs penseront forcément au lénifiant Inception (qui pompait largement sur l’exceptionnel Le Monde sur le fil de Rainer Werner Fassbinder), Hypnotic, qui n’a ni les mêmes moyens, ni la prétention (certains diront la suffisance suintante) du film boursoufflé de Christopher Nolan, n’en reste pas moins une série B fort honnête. Comme souvent chez le cinéaste, beaucoup d’idées apparaissent ici et là et la plupart ne sont pas suffisamment exploitées, mais le spectacle est garanti et Ben Affleck, à qui cela sied bien de prendre de la bouteille (en gros depuis sa période Batman), porte solidement ce petit divertissement sur ses épaules de déménageur.

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