Test Blu-ray / La Chute des héros, réalisé par Karl Malden

LA CHUTE DES HÉROS (Time Limit) réalisé par Karl Malden, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 19 août 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Richard Widmark, Richard Basehart, Dolores Michaels, June Lockhart, Carl Benton, Reid Martin, Balsam, Rip Torn, Khigh Dhiegh…

Scénario : Henry Denker, d’après la pièce de Henry Denker & Ralph Berkey

Photographie : Sam Leavitt

Musique : Fred Steiner

Durée : 1h32

Année de sortie : 1957

LE FILM

Au cours de la guerre de Corée, le major Gargill est accusé d’avoir pactisé avec l’ennemi et traduit devant la cour martiale. Chargé de l’enquête, le colonel Edwards découvre la vérité.

La Chute des hérosTime Limit est un projet très personnel de Richard Widmark. Alors entre La Dernière CaravaneThe Last Wagon de Delmer Daves et Sainte JeanneSaint Joan d’Otto Preminger, dans lequel il allait camper le Dauphin Charles VII, le comédien est immédiatement séduit par la pièce de théâtre Time Limit ! (sortie en parallèle sous la forme de roman) coécrite par Henry Denker et Ralph Berkey. Ne trouvant pas le soutien des studios, Richard Widmark décide de produire cette adaptation cinématographique (il obtient lui-même les droits pour la somme de 100.000$) avec l’aide de William Reynolds, habituellement monteur (Arrêt d’autobus, La Colline de l’adieu, Papa longues jambes, Les Bannis de la Sierra). Pour la mise en scène, il confie les manettes à son ami Karl Malden, avec lequel il avait tourné Sergent la TerreurTake The High Ground de Richard Brooks, désireux de s’essayer à la réalisation. La Chute des héros est un quasi-huis clos (au décor limité donc) et vrai thriller psychologique de guerre, qui s’intéresse au traumatisme des soldats revenus de la guerre de Corée. La même année que Les Ailes de l’espéranceBattle Hymn de Douglas Sirk, inspiré de l’histoire vraie du colonel Dean Hess et Cote 465 Men In War d’Anthony Mann, et après Le Bataillon dans la nuitHold Back The Night d’Allan Dwan et surtout l’exceptionnel Baïonnette au canon Fixed Bayonets !, La Chute des héros confronte des jeunes soldats revenus du front avec un colonel, officier enquêteur et d’État major, dans le cadre de l’éclaircissement sur des accusations de trahison portées sur l’un des leurs. Si Karl Malden ne parvient pas toujours à masquer l’origine théâtrale de son sujet, l’ensemble demeure passionnant du début à la fin et Richard Widmark signe une nouvelle grande performance qui n’est pas sans rappeler le rôle qu’il tiendra dans le phénoménal Jugement à Nuremberg.

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Test Blu-ray / Un murmure dans l’obscurité, réalisé par Marcello Aliprandi

UN MURMURE DANS L’OBSCURITÉ (Un sussurro nel buio) réalisé par Marcello Aliprandi, disponible en Blu-ray depuis juin 2023 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : John Phillip Law, Nathalie Delon, Olga Bisera, Alessandro Poggi, Joseph Cotten, Lucretia Love, Zora Velcova, Susanna Melandri…

Scénario : Nicolò Rienzi & Maria Teresa Rienzi

Photographie : Claudio Cirillo

Musique : Pino Donaggio

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

D’étranges choses se déroulent dans une villa. Une jeune mère est horrifiée lorsqu’elle découvre que l’ami imaginaire de son fils est son deuxième enfant qu’elle a perdu avant la naissance. Elle sombre lentement dans une dépression et consulte un psychiatre qui lui apprend qu’elle est hantée par le fantôme de son cadet.

Ancien assistant de Luchino Visconti sur ses pièces de théâtre et ses opéras, Marcello Aliprandi (1934-1997), démarre sa carrière au cinéma en secondant Alberto Lattuada. Il passe ensuite à la mise en scène au début des années 1970 avec La Ragazza di latta dans lequel il transforme la magnifique Sydne Rome en robot, opus qui sera présenté au Festival d’Avoriaz en 1973. Malgré ce succès, le réalisateur ne revient que cinq ans plus tard derrière la caméra, en prenant le train en route du poliziottesco et signe Le Juge et la mafia, connu aussi sous le titre Corruption, l’Affaire du juge Vanini (Corruption, l’Affaire du juge Vanini), avec Franco Nero face à Fernando Rey. Cette fois, Marcello Aliprandi n’attend pas et enchaîne directement sur son troisième long-métrage, Un murmure dans l’obscuritéUn sussurro nel buio, qu’il n’a pas écrit (ce qui lui permet de s’y coller très rapidement), tâche qu’il a laissé à Nicolò Rienzi et à son épouse Maria Teresa, pour leur quasi-unique incursion dans le monde du cinéma. Un murmure dans l’obscurité est un étrange drame teinté de fantastique qui paraît s’inspirer grandement de L’Autre The Other de Robert Mulligan. Dans ce dernier, un petit garçon prénommé Niles, a perdu son frère jumeau Holland dans un tragique accident. Le jeu permet à Niles de faire comme si son frère Holland était encore avec lui, au point de croire qu’il est encore en vie. Ada, sa grand-mère, croyant bien faire pour que Niles puisse surmonter sa peine, joue le jeu en le confortant dans ce qu’il croit être vrai. Dans Un murmure dans l’obscurité, il s’agit également et avant tout de l’histoire d’un deuil impossible, non pas pour le jeune Martino, mais pour sa mère, solidement campée par la magnifique Nathalie Delon, qui avant la naissance de son fils a perdu un bébé né prématurément à l’âge de 7 mois. Le film part un peu dans tous les sens, sans vraiment trancher et ce jusqu’à la fin qui peut laisser perplexe et/ou décevoir. En l’état, Marcello Aliprandi soigne la forme de sa troisième œuvre et son atmosphère mystérieuse est pour le coup très réussie. Une curiosité.

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Test Blu-ray / Le Seigneur de la guerre, réalisé par Franklin J. Schaffner (édition 2023)

LE SEIGNEUR DE LA GUERRE (The War Lord) réalisé par Franklin J. Schaffner, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 15 juin 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Charlton Heston, Richard Boone, Rosemary Forsyth, Maurice Evans, Guy Stockwell, Niall MacGinnis, James Farentino, Henry Wilcoxon…

Scénario : John Collier & Millard Kaufman, d’après la pièce de Leslie Stevens

Photographie : Russell Metty

Musique : Jerome Moross

Durée : 2h01

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Dans la Normandie du XI° siècle, le chevalier Chrysagon de la Cruex reçoit un fief avec pour mission de son suzerain normand, le duc de Gent, de le défendre contre les invasions de barbares. Lors d’une chasse, il remarque une belle jeune femme du village sur le point de se marier. Il apprend peu après que de vieilles coutumes païennes, toujours respectées dans le village, accordent le droit au seigneur de passer la nuit de noces avec la jeune épousée…

C’est un film étrange, qui n’a pas eu de succès à sa sortie et qui demeure d’ailleurs encore aujourd’hui méconnu. Le Seigneur de la guerreThe War Lord est pourtant réalisé par Franklin J. Schaffner et interprété par Charlton Heston. Peu diffusé à la télévision, ce drame historique pour lequel la star s’est battue plusieurs années pour le concrétiser n’a eu de cesse d’être redécouvert par les cinéphiles et surtout réévalué. Si le projet a quelque peu muté en raison des studios frileux qui voulaient miser sur les scènes d’action, bien plus intéressantes et vendeuses selon eux que les personnages et les enjeux dramatiques que Charlton Heston voulait mettre en avant, Le Seigneur de la guerre parvient à trouver cet équilibre pour contenter les deux partis. La première heure se concentre sur Chrysagon et ses hommes, sur le dilemme moral du protagoniste, sur son désir de rédemption, tandis que la seconde laisse place à une succession quasiment ininterrompue de séquences de batailles. The War Lord peut donc apparaître comme un film malade comme le définissait François Truffaut, qui laisse souvent entrapercevoir celui que sa tête d’affiche avait à l’esprit depuis longtemps, mais qui a dû se plier aux desiderata d’Universal Pictures, trop heureux de bénéficier d’une belle et grosse production avec Ben-Hur, le Cid et le Major Dundee ! Indéniablement à réhabiliter.

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Test Blu-ray / Nous sommes tous en liberté provisoire, réalisé par Damiano Damiani

NOUS SOMMES TOUS EN LIBERTÉ PROVISOIRE (L’istruttoria è chiusa: dimentichi) réalisé par Damiano Damiani, disponible en Blu-ray + DVD + Livre Justice . Politique . Corruption – La Trilogie de Damiano Damiani le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Franco Nero, Georges Wilson, John Steiner, Riccardo Cucciolla, Ferruccio De Ceresa, Antonio Casale, Renata Zamengo…

Scénario : Damiano Damiani, Arduino Maiuri & Massimo De Rita, d’après le roman de Leros Pittoni

Photographie : Claudio Ragona

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Une jeune et riche architecte est envoyé en préventive à la suite d’un accident automobile, il découvre alors le monde impitoyable de l’univers pénitentiaire.

Méconnu en France, Nous sommes tous en liberté provisoireL’istruttoria è chiusa: dimentichi (1970) de Damiano Damiani (1922-2013), metteur en scène contestataire et engagé, révèle une autre facette du talent du cinéaste transalpin, surtout réputé chez nous pour sa collaboration avec Sergio Leone pour Un génie, deux associés, une clocheUn genio, due compari, un pollo (1975), pourtant diamétralement opposé à ses thèmes de prédilection. 1971, sort Confession d’un commissaire de police au procureur de la républiqueConfessioni di un commissario di polizia al procuratore della repubblica, chef d’oeuvre âpre sur les relations étroites liant la politique à la mafia italienne. La même année, derrière le titre à rallonge Nous sommes tous en liberté provisoire, très librement adapté du roman de Leros Pittoni, se cache un film percutant qui plus de cinquante ans après n’a rien perdu de son impact et de son efficacité. Exemple type du genre issu du cinéma citoyen créé dans les années 60 avec des films comme Salvatore Giuliano ou Main basse sur la ville tous deux dirigés par Francesco Rosi, le film de Damiano Damiani repose sur les répliques acérées et le jeu monumental de Franco Nero, qui retrouvait le cinéaste pour la troisième fois de sa carrière après La Mafia fait la loiIl giorno della civetta et Confession d’un commissaire de police au procureur de la république. L’acteur rend à merveille toute la complexité de son personnage, loin du justicier incorruptible qu’il interprétait dans le film précédent. Du point de vue technique Damiano Damiani connaît son affaire et enchaîne à la fois les morceaux de bravoure grâce à un montage au cordeau, des dialogues affûtés et un sens indéniable du suspense. Nous sommes tous en liberté provisoire dénonce les conditions de la vie carcérale en prenant pour vecteur un protagoniste forcément inadapté car bourgeois. Damiano Damiani ne cache rien, assassinats, corruption, tout y passe en prison, et livre une réflexion amère sur ce milieu. Un fleuron du cinéma italien révolté.

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Test Blu-ray / La Cage, réalisé par Pierre Granier-Deferre

LA CAGE réalisé par Pierre Granier-Deferre, disponible en Blu-ray le 14 juin 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Lino Ventura, Ingrid Thulin, William Sabatier, Sophie Sam, Jean Turlier, Dominique Zardi…

Scénario : Pierre Granier-Deferre & Pascal Jardin, d’après la pièce de Jack Jacquine

Photographie : Walter Wottitz

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Divorcés depuis des années, Julien et Hélène se retrouvent pour conclure la vente de la maison de campagne du couple. L’ex-femme, délaissée par son mari, en profite pour l’assommer et le séquestrer à la cave. Une relation étrange s’établit entre le prisonnier et son geôlier.

La filmographie conséquente de Lino Ventura dissimule forcément quelques pépites méconnues ou même carrément oubliées comme Un papillon sur l’épaule de Jacques Deray, mais aussi et surtout La Cage de Pierre Granier-Deferre, dont l’échec cinglant (280.000 entrées) a vite été éclipsé par le succès d’Adieu poulet (2 millions de spectateurs) six mois plus tard. Suite au triomphe de La Gifle en octobre 1974, Lino Ventura, alors convoité par William Friedkin pour jouer dans Le Convoi de la peur Sorcerer et venant de décliner un rôle dans Les Trois Jours du Condor de Sydney Pollack, le comédien accepte (après un premier refus) un huis clos adapté d’une pièce de Jack Jacquine, créée au Théâtre de l’Athénée à Paris, puis reprise à la Comédie de Paris. Les droits allaient être achetés par Robert Hossein, qui envisageait de réaliser son adaptation pour le cinéma, de tenir le rôle principal et même de produire le film. Les projets s’accumulant, il revend finalement les droits au producteur Raymond Danon, qui pense à Jean Gabin et même à Henry Fonda, avant que le scénario arrive dans les mains de Lino Ventura. D’abord réticent, celui-ci se lance, mais désire coproduire La Cage, afin de se sentir plus libre sur ce sujet qui ne ressemble en rien à ce qu’il avait fait. L’acteur retrouve Pierre Granier-Deferre, avec lequel il avait déjà collaboré dix ans auparavant sur La Métamorphose des cloportes, et donne la réplique à la suédoise Ingrid Thulin, l’une des muses d’Ingmar Bergman (Les Fraises sauvages, Au seuil de la vie, Le Visage…), qui sortait alors de Cris et Chuchotements. La Cage est un exercice de style que certains ont jugé académique (trop ?), mais avec le recul la mise en scène apparaît beaucoup plus pertinente que dans nos souvenirs et évite le côté théâtre filmé dans lequel le réalisateur aurait pu facilement tomber ou se complaire. Les deux monstres sacrés du cinéma sont sublimes et leur face à face vaut sacrément le détour, quand bien même la chute peut paraître décevante et expédiée. Assurément LE film à réhabiliter et à redécouvrir avec le grand Lino.

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Test DVD / Vous n’aurez pas ma haine, réalisé par Kilian Riedhof

VOUS N’AUREZ PAS MA HAINE réalisé par Kilian Riedhof, disponible en DVD le 2 mai 2023 chez Blaq Out.

Acteurs : Pierre Deladonchamps, Zoé Iorio, Camélia Jordana, Thomas Mustin, Christelle Cornil, Anne Azoulay, Farida Rahouadj, Yannick Choirat…

Scénario : Marc Blöbaum, Jan Braren, Stéphanie Kalfon & Kilian Riedhof, d’après le livre autobiographique d’Antoine Leiris

Photographie : Manuel Dacosse

Musique : Peter Hinderthür

Durée : 1h38

Année de sortie : 2022

LE FILM

Comment surmonter une tragédie sans sombrer dans la haine et le désespoir ? L’histoire vraie d’Antoine Leiris, qui a perdu Hélène, sa femme bien-aimée, pendant les attentats du Bataclan à Paris, nous montre une voie possible : à la haine des terroristes, Antoine oppose l’amour qu’il porte à son jeune fils et à sa femme disparue.

« Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils, mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur.

Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère, ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.

Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de douze ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.

Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus. »

Voilà la lettre ouverte écrite par le journaliste Antoine Leiris publiée en 2016, qui aura un écho retentissant sur les réseaux sociaux, avant d’être relayée dans le journal Le Monde. Vous n’aurez pas ma haine est tiré du livre éponyme de son auteur, qui avait donc perdu son épouse Hélène Muyal-Leiris, le 13 novembre 2015 lors de l’attentat du Bataclan à Paris. Après Revoir Paris d’Alice Winocour et Novembre de Cédric Jimenez, sans oublier le superbe Amanda de Mikhaël Hers (qui s’en inspirait), c’est au tour de Kilian Riedhof de se pencher sur ces événements tragiques qui ont touché la capitale. Le film se focalise sur la survie et le deuil d’un homme et de son petit garçon de 18 mois (interprété par l’incroyable Zoé Iorio). Alors que le monde l’admire pour ses mots pleins de courage, Antoine Leiris, fou de désespoir, manque de perdre totalement pied. C’est cette histoire vraie et intimiste qui a inspiré le réalisateur allemand, qui a principalement œuvré pour la télévision (Un cas pour deux, Tatort), qui rend compte de ce qui a rendu célèbre Antoine Leiris, mais qui révèle aussi ce qu’on sait forcément moins, à savoir comment ce dernier a dû se battre pour s’en sortir et donc en quelque sorte respecter ce qu’il avait déclaré dans sa lettre.

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Test Blu-ray / La Ballade des sans-espoirs, réalisé par John Cassavetes

LA BALLADE DES SANS-ESPOIRS (Too Late Blues) réalisé par John Cassavetes, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 6 juin 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Bobby Darin, Stella Stevens, Everett Chambers, Nick Dennis, Vince Edwards, Val Avery, Marilyn Clark, James Joyce…

Scénario : John Cassavetes & Richard Carr

Photographie : Lionel Lindon

Musique : David Raksin

Durée : 1h37

Année de sortie : 1961

LE FILM

Pianiste et compositeur « Ghost » Wakefield dirige un quintette de jazz, qui peine à rencontrer le succès malgré le talent des musiciens. Ceux-ci doivent souvent se contenter de jouer dans des squares déserts ou pour des galas de charité. Lors d’une fête, Ghost rencontre Jess Polanski, une chanteuse accompagnée par Benny, leur imprésario commun. Il décide de composer une chanson pour elle…

New York, 1956, John Cassavetes fonde un atelier théâtral, le Variety Arts Studio, où il fait travailler ses élèves sur des improvisations. Au cours de l’année 1958, il participe à une émission télévisée et lance un appel afin de récolter des fonds lui permettant de tourner un long métrage en 16 mm à partir d’improvisations faites en atelier. John Cassavetes part tourner avec sa troupe dans les rues de New York. Il demande au jazzman Charles Mingus d’improviser lui aussi la musique. Une première version du film ne le satisfait pas. John Cassavetes retourne dans la rue pour filmer certaines scènes, mais en supprime d’autres. Il dira que le seul but de Shadows était « de mieux connaître leur métier tout en effaçant les marquées destinées aux comédiens dans le but de les laisser vivre ». En rupture totale, dynamitant les codes du cinéma traditionnel avec l’aide de comédiens inconnus, un vent nouveau souffle sur le cinéma américain. Shadows marque les débuts de John Cassavetes. Rétrospectivement, on retrouve déjà quelques partis pris qui feront sa marque de fabrique, notamment avec les visages des comédiens que la caméra (à l’épaule) ne quitte jamais, tout en laissant une liberté d’action totale aux acteurs. Shadows porte sur des jeunes Noirs et Métis, confrontés à la discrimination raciale ainsi que sur leur quête d’identité, déambulant de nuit dans les rues humides de New York. Tourné dans l’anonymat le plus complet, ce premier film expérimental obtient un succès international, en particulier en Europe alors marquée par l’émergence de la Nouvelle Vague. Le cinéma spontané dit « vérité » est né. Forcément remarqué par Hollywood, John Cassavetes, qui doit nourrir sa famille, accepte de mettre en scène son premier film de studio, en l’occurrence la Paramount Pictures. Ce sera La Ballade des sans-espoirs ou Too Late Blues en version originale. Évidemment de facture plus classique que les œuvres les plus représentatives de son cinéma habituel, ce mélodrame s’avère une belle porte d’entrée pour les non-initiés dans l’univers de John Cassavetes, tandis qu’il reste une fabuleuse curiosité pour les cinéphiles.

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Test Blu-ray / Light Sleeper, réalisé par Paul Schrader

LIGHT SLEEPER réalisé par Paul Schrader, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 29 mars 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Willem Dafoe, Susan Sarandon, Dana Delany, David Clennon, Mary Beth Hurt, Victor Garber, Jane Adams, Paul Jabara…

Scénario : Paul Schrader

Photographie : Edward Lachman

Musique : Michael Been

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1992

LE FILM

New York, la nuit. John LeTour, la quarantaine, livre de la cocaïne aux jeunes branchés et aux noctambules. Ann, sa patronne, aimerait se reconvertir dans l’industrie des cosmétiques, plus valorisante socialement, et plus légale surtout. John, quant à lui, a décroché de la drogue depuis un moment et aimerait se lancer dans une autre activité. Un soir, il revoit Marianne, son ex-fiancée, ex-droguée elle aussi…

Au début des années 1990, quand on évoque Paul Schrader (né en 1946), le cinéphile pense immédiatement à son travail de scénariste, Yakuza de Sydney Pollack, Taxi Driver, Raging Bull et La Dernière Tentation du Christ de Martin Scorsese, Obession de Brian De Palma, Légitime violenceRolling Thunder de John Flynn, Mosquito Coast de Peter Weir…Cela se complique quand on souhaite aborder les films qu’il a mis en scène. Blue Collar (1978), son premier long-métrage, American Gigolo (1980) et à la rigueur son remake de La Féline (1982) viennent à l’esprit. Après l’escapade européenne d’Étrange Séduction The Comfort of Strangers, tourné entre Venise, Rome et Londres, le cinéaste revient à ses premières amours, à New York, afin de dresser le portrait d’un « jeune » quadra, qui gagne sa vie la nuit en vendant de la came aux yuppies et aux insomniaques, qui arrive au carrefour de sa vie. Drame existentiel furieusement mélancolique, Light Sleeper, neuvième opus de Paul Schrader, est un chef d’oeuvre indiscutable, à la fois puissant et bouleversant, qui prend pour partis-pris de rendre attachant un personnage qui n’est pourtant pas un enfant de choeur. Celui-ci est interprété par l’immense Willem Dafoe, alors entre Sailor et Lula Wild at Heart de David Lynch et BodyBody of Evidence d’Uli Edel, probablement dans un de ses plus grands et plus beaux rôles de sa carrière. Light Sleeper est un roller coaster émotionnel, qui ne caresse pas les spectateurs dans le sens du poil, qui les plonge dans un monde sombre et poisseux (et qui schlingue les poubelles qui s’amoncellent dans les rues en raison d’une grève des éboueurs), en se focalisant sur un homme arrivé au mi-temps de sa vie, qui va tout tenter pour remonter à la surface et envisager un autre futur.

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Test Blu-ray / Un Américain bien tranquille, réalisé par Joseph L. Mankiewicz

UN AMÉRICAIN BIEN TRANQUILLE (The Quiet American) réalisé par Joseph L. Mankiewicz, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 18 avril 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Audie Murphy, Michael Redgrave, Claude Dauphin, Giorgia Moll, Bruce Cabot, Fred Sadoff, Kerima, Richard Loo…

Scénario : Joseph L. Mankiewicz, d’après le roman de Graham Greene

Photographie : Robert Krasker

Musique : Mario Nascimbene

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 1958

LE FILM

À Saïgon, en pleine guerre d’Indochine, Pyle, un jeune Américain, fait la connaissance de Fowler, journaliste anglais, et tombe amoureux de sa jeune maîtresse vietnamienne. Fowler découvre peu à peu que Pyle travaille pour la CIA. Et lorsque l’Américain est retrouvé mort, l’inspecteur français chargé de l’affaire sollicite l’aide de Fowler.

Quand on évoque Joseph L. Mankiewicz (1909-1993), l’oeil du cinéphile s’illumine, de nombreux titres et tout autant d’images se bousculent dans les mémoires, L’Aventure de madame MuirThe Ghost and Mrs. Muir (1947), Chaînes conjugalesA Letter to Three Wives (1949), La Maison des étrangers House of Strangers (1949), ÈveAll about Eve (1950), La Comtesse aux pieds nusThe Barefoot Contessa (1954), Soudain l’été dernier Suddenly Last Summer (1959) et CléopâtreCleopatra (1963). Une filmographie conséquente, monumentale et pourtant non exhaustive. En effet, un autre long-métrage du réalisateur aura également fait couler beaucoup d’encre, Un Américain bien tranquille The Quiet American, qui sort sur les écrans en 1958, adapté d’un roman de Graham Greene (Le Troisième homme) jugé anti-américain. Néanmoins, Joseph L. Mankiewicz s’est toujours approprié les livres dont il s’inspirait, à tel point d’ailleurs que l’écrivain fera savoir publiquement qu’il condamne cette transposition. Que reste-t-il d’Un Américain bien tranquille 65 ans après sa sortie ? Un résultat en « demi-teinte », car si on ne peut s’empêcher d’admirer la performance des comédiens et la composition magistrale des plans (magnifique photo de Robert Krasker, La Chute de l’empire romain, Le Cid), la surabondance des dialogues peut rapidement fatiguer et ce dès le premier quart d’heure. C’est ce qui a toujours été difficile chez Mankiewicz, aller au-delà d’un « bavardage » copieux, ce qui demande un véritable investissement de la part des spectateurs, surtout quand le film, comme c’est le cas ici, dure 120 minutes. Deux heures durant lesquelles les échanges entre les personnages ne s’arrêtent pas une seule seconde, participant certes à créer une atmosphère étouffante, mais qui ne laissent aucune soupape pourtant indispensable à un public qui peut facilement décrocher si on ne lui laisse pas une petite chance de reprendre son souffle. On peut donc être fasciné par cette virtuosité de tous les instants, mais aussi resté sur le bas-côté et ne pas se laisser emporter par ce récit tortueux et alambiqué.

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Test Blu-ray / La Passion du docteur Hohner, réalisé par George Waggner

LA PASSION DU DOCTEUR HOHNER (The Climax) réalisé par George Waggner, disponible en DVD et Blu-ray le 11 avril 2023 chez Elephant Films.

Acteurs : Boris Karloff, Susanna Foster, Turhan Bey, Gale Sondergaard, Thomas Gomez, June Vincent, George Dolenz, Ludwig Stössel…

Scénario : Curt Siodmak & Lynn Starling, d’après la pièce d’Edward Locke

Photographie : W. Howard Greene & Hal Mohr

Musique : Edward Ward

Durée : 1h26

Date de sortie initiale: 1944

LE FILM

Le Docteur Hohner conçoit une passion absolue et maladive pour sa maîtresse, cantatrice à l’Opéra de Vienne qu’il assassine dans un accès de folle jalousie. Dix ans plus tard, l’arrivée d’une nouvelle cantatrice réveille à la fois le souvenir de son amante et ses vieux démons…

Les amateurs de cinéma SF/fantastique rétro/vintage connaissent le réalisateur George Waggner (1894-1984), du moins quelques-uns de ses meilleurs fleurons aux titres explicites comme L’Échappé de la chaise électriqueMan Made Monster (1941) et surtout Le Loup-garouThe Wolf Man (1941) avec les illustres Lon Chaney et Claude Rains, monument des Universal Monsters. Celui qui dirigera aussi John Wayne à deux reprises (Le Bagarreur du Kentucky The Fighting Kentuckian et Opération dans le PacifiqueOperation Pacific) adapte librement une pièce de théâtre d’Edward Locke et signe La Passion du Docteur HohnerThe Climax, pensé au départ comme une suite au Fantôme de l’OpéraPhantom of the Opera, immense succès critique et public d’Arthur Lubin sorti en 1943. Mais la plupart de la distribution est prise ailleurs, alors le projet mute. Subsistent seulement la comédienne Susanna Foster, qui obtient cette fois encore le rôle principal, tandis qu’on retrouve le même compositeur, les mêmes directeurs de la photographie, le même monteur, les mêmes décorateurs (qui ont repris l’opéra)…Mais la grosse « pièce rapportée » et qui tient le rôle-titre n’est autre que le légendaire Boris Karloff, alors entre La Maison de FrankensteinHouse of Frankenstein d’Erle C. Kenton et Le Récupérateur de cadavres The Body snatcher de Robert Wise. L’éternel monstre de Frankenstein, tournant parfois près de dix films par an, est impérial ici et sa prestation vaut bien à elle-seule qu’on accorde 85 minutes à cette Passion du Docteur Hohner.

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