Test Blu-ray / Les Nuits blanches de Saint-Pétersbourg, réalisé par Jean Dréville

LES NUITS BLANCHES DE SAINT-PÉTERSBOURG réalisé par Jean Dréville, disponible en Blu-ray le 13 mars 2024 chez Gaumont.

Acteurs : Gaby Morlay, Jean Yonnel, Edmonde Guy, Pierre Renoir, Jacques Erwin, Annie Rozanne, André Bervil, Gisèle Gire…

Scénario : André Legrand

Photographie : Michel Kelber

Musique : Adolphe Borchard

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 1938

LE FILM

Pozdnycheff, jeune fêtard, a détruit par sa légèreté le bonheur conjugal d’un de ses amis d’enfance qui s’est suicidé. Depuis, il est hanté par ce souvenir. Il se marie et devient alors la proie d’une jalousie maladive qui le conduit à tenter d’assassiner sa femme et un violoniste qu’il croit être son amant.

Depuis dix ans, la maison Gaumont (comme l’appelait Georges Lautner) tente de remettre en avant les œuvres de Jean Dréville (1906-1997), quatre décennies cinéma, plus de trente longs-métrages, des succès voire des triomphes par dizaines (Copie conforme, La Cage aux rossignols). Le réalisateur, qui parvenait à sortir deux voire trois films par an a connu un important regain d’intérêt avec des opus comme La Fayette (1962), Normandie Niémen (1960), Les Cadets de l’océan (1945), qui ont tous subi une restauration en Haute-Définition, avant d’être exploité en Blu-ray. Il faudra désormais ajouter à cette liste Les Nuits blanches de Saint-Pétersbourg, qui comme l’indique Patrick Glâtre, spécialiste de Jean Dréville et par ailleurs auteur du passionnant ouvrage Jean Dréville cinéaste (Créaphis, 2006), se situe à un carrefour de sa carrière, où l’artiste mettra tout son immense savoir-faire technique au profit des histoires qui lui sont proposées. En dépit de ses scores pharamineux et enviés au box-office, Jean Dréville ne pourra jamais imposer un sujet qui lui tient à coeur ou dont il aurait été à l’origine, ce qui lui laissera un goût amer jusqu’à la fin de sa vie. Néanmoins, le public sera toujours présent. En 1937, sortent tour à tour Troïka sur la piste blanche, Maman Colibri, tandis que le metteur en scène emballe Les Nuits blanches de Saint-Pétersbourg, qui apparaît sur les écrans au mois de février de l’année suivante. Cette première collaboration entre Jean Dréville et la star Gaby Morlay est l’adaptation d’un court roman de Léon Tolstoï, La Sonate à Kreutzer (1889), dont il s’agit ici de la cinquième transposition (après trois films muets et une première version parlante réalisée en 1937 par Veit Harlan), surfant sur l’attrait des spectateurs pour la culture slave. Drame parfois très emphatique, Les Nuits blanches de Saint-Pétersbourg est un beau et bon film, dans lequel se distingue Jean Yonnel, Sociétaire de la Comédie-Française, star du somptueux Amok de Fédo Ozep, qui terminera son illustre carrière en interprétant le père de Bourvil dans Un drôle de paroissien de Jean-Pierre Mocky. Il est ici impérial, à la fois pathétique et flippant, le jeu forcément daté, mais foncièrement habité du comédien valant sacrément le détour.

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Test Blu-ray / Qui l’a vue mourir?, réalisé par Aldo Lado

QUI L’A VUE MOURIR? (Chi l’ha vista morire?) réalisé par Aldo Lado, disponible en Blu-ray chez Frenezy depuis le 6 décembre 2023.

Acteurs : George Lazenby, Anita Strindberg, Adolfo Celi, Nicoletta Elmi, Dominique Boschero, Peter Chatel, Piero Vida, José Quaglio, Alessandro Haber…

Scénario : Francesco Barilli, Massimo D’Avak, Aldo Lado & Rüdiger von Spies

Photographie : Franco Di Giacomo

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

En 1968, en France, une jeune fille est assassinée à coups de pierre par une personne mystérieuse, voilée et vêtue de noir. Quatre ans plus tard, à Venise, le sculpteur Franco Serpieri vit paisiblement avec sa maîtresse. Séparé de son épouse qui s’est installée à Londres, il reçoit fréquemment la visite de sa fille Roberta. Mais un soir, celle-ci ne rentre pas chez son père. Le lendemain, on retrouve son corps noyé dans un des canaux de la ville. La police se charge de l’enquête mais sans résultats. Franco, qui se sent responsable du drame, décide de se lancer seul à la poursuite du coupable…

Remarqué avec Je suis vivant !, son « film politique déguisé en giallo » comme il le qualifiait lui-même, Aldo Lado (1934-2023) pense déjà à son prochain opus comme metteur en scène, La Drôle d’affaire – La Cosa buffa, quand il reçoit la proposition du producteur allemand Dieter Geissler (Kill, Out of Order, Société anonyme anti-crime) de réaliser Qui l’a vue mourir ? – Chi l’ha vista morire?, d’après un scénario de Francesco Barilli (Le Parfum de la dame en noir, Prima della rivoluzione) et Massimo D’Avak (Exécutions, Si douces, si perverses), autre film de genre dans lequel il s’était précédemment illustré. Il laisse alors son ami Bernardo Bertolucci, avec lequel il préparait Le Dernier tango à Paris, décide de remanier le script en y ajoutant toutes ses connaissances sur Venise, lieu où se déroule l’action, ville qu’il connaît sur le bout des doigts pour y avoir grandi. Est-ce en raison de cette authenticité que Qui l’a vue mourir ? est aujourd’hui devenu l’un des gialli préférés des spectateurs, ou tout du moins qui revient souvent dans les tops des fans du thriller italien ? Pas seulement. Aldo Lado et ses scénaristes privilégient l’émotion, souvent oubliée au profit des effets sanglants, en combinant à la fois l’histoire d’un deuil impossible, le désir de vengeance et l’hypocrisie de la bourgeoisie. Un cocktail virtuose, amer en bouche certes, mais avec lequel Aldo Lado prouvait pour la seconde fois qu’il était à la fois un fabuleux conteur, doublé d’un brillant formaliste.

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Test DVD / Le Ravissement, réalisé par Iris Kaltenbäck

LE RAVISSEMENT réalisé par Iris Kaltenbäck, disponible en DVD et Blu-ray le 20 février 2024 chez Diaphana.

Acteurs : Hafsia Herzi, Alexis Manenti, Nina Meurisse, Younes Boucif, Radmila Karabatic, Dusko Badnjar, Ana Blagojevic, Grégoire Didelot…

Scénario : Iris Kaltenbäck, Naïla Guiguet & Alexandre de La Baume

Photographie : Marine Atlan

Musique : Alexandre de La Baume

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Comment la vie de Lydia, sage-femme très investie dans son travail, a-t-elle déraillé ? Est-ce sa rupture amoureuse, la grossesse de sa meilleure amie Salomé, ou la rencontre de Milos, un possible nouvel amour ? Lydia s’enferme dans une spirale de mensonges et leur vie à tous bascule…

C’est assurément l’un des meilleurs films de l’année 2023, qui vous reste en tête bien longtemps après la projection, qui vous triture les méninges, qui vous donne encore mal à l’estomac, qui vous bouleverse. Le Ravissement est le premier long-métrage d’Iris Kaltenbäck, huit ans après son court-métrage Le Vol des cigognes qui posait déjà les bases du film qui nous intéresse aujourd’hui. La scénariste du superbe L’Enfant rêvé de Raphaël Jacoulot prend son envol avec Le Ravissement, choc cinématographique, qui s’inspire d’un fait divers dont la réalisatrice a eu vent en lisant les journaux, un petit encart dans lequel était stipulé qu’une jeune femme avait « emprunté » l’enfant de sa meilleure amie, en faisant croire à un homme qu’il s’agissait du sien. Le Vol des cigognes était déjà un uppercut en soi et Le Ravissement va encore plus loin, imposant d’emblée son auteure comme l’une des plus prometteuses dans sa catégorie. Romanesque, terrifiant, à fleur de peau, triste (mais jamais pathos) et en même temps lumineux grâce à la présence toujours aussi envoûtante de la comédienne Hafsia Herzi, Le Ravissement est une œuvre sensationnelle de maîtrise et de maturité.

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Test Blu-ray / Le Chat et le canari, réalisé par Radley Metzger

LE CHAT ET LE CANARI (The Cat and the Canary) réalisé par Radley Metzger, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 22 mars 2024 chez Rimini Editions

Acteurs : Honor Blackman, Michael Callan, Edward Fox, Wendy Hiller, Olivia Hussey, Beatrix Lehmann, Carol Lynley, Daniel Massey, Peter McEnery, Wilfrid Hyde-White…

Scénario : Radley Metzger, d’après la pièce de théâtre de John Willard

Photographie : Alex Thomson

Musique : Steven Cagan

Durée : 1h29

Année de sortie : 1978

LE FILM

À Glendiff en 1914, le riche et extravagant Cyrus West meurt dans son château. Vingt ans plus tard, la notaire Allison Crosby réunit tous les héritiers dans la grande salle afin de divulguer le testament. Elle découvre qu’Annabelle West en est la légataire universelle. Peu à peu les invités disparaissent puis sont retrouvés assassinés…

Tandis que les gialli et films d’épouvante de Dario Argento et de ses confrères compatriotes remplissent les salles dans les années 1970, que le slasher est sur le point de prendre son envol avec La Nuit des masques – Halloween de John Carpenter et que les enquêtes d’Hercule Poirot semblent intéresser les spectateurs (après Le Crime de l’Orient-Express, Mort sur le Nil se profile à l’horizon), le producteur Richard Gordon (Inseminoïd, Monstres invisibles, Corridors of Blood) a de la suite dans les idées. Pourquoi ne pas mixer tous ces ingrédients, les passer à la sauce à la menthe (autrement dit british) et tenter de surfer sur ces effets de mode ? Voilà comment est né Le Chat et le canari The Cat and the Canary, adapté d’une pièce de théâtre de John Willard, déjà transposée dans les années 1920 par Paul Leni, qui combine le film d’horreur (plusieurs meurtres y sont commis), l’enquête policière (un assassin se cache dans une demeure) et le whodunit (le meurtrier en question est peut-être dissimulé parmi les personnages principaux). Formidable opus que Le Chat et le canari version 1978, solidement mis en scène par Radley Metzger (1929-2017), bourré de trouvailles à la fois sur le fond et sur la forme et surtout merveilleusement interprété par une troupe de dix comédiens exceptionnels qui ont l’air de s’amuser du début à la fin. Une belle et grande découverte.

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Test Blu-ray / Rien à perdre, réalisé par Delphine Deloget

RIEN À PERDRE réalisé par Delphine Deloget, disponible en DVD & Blu-ray le 22 mars 2024 chez Ad Vitam.

Acteurs : Virginie Efira, Félix Lefebvre, Arieh Worthalter, Mathieu Demy, India Hair, Alexis Tonetti, Andréa Brusque, Oussama Kheddam…

Scénario : Delphine Deloget, Olivier Demangel & Camille Fontaine

Photographie : Guillaume Schiffman

Musique : Nicolas Giraud

Durée : 1h52

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Sylvie vit à Brest avec ses deux enfants, Sofiane et Jean-Jacques. Ensemble, ils forment une famille soudée. Une nuit, Sofiane se blesse alors qu’il est seul dans l’appartement et sa mère au travail. Un signalement est fait et Sofiane est placé en foyer. Armée d’une avocate, de ses frères et de l’amour de ses enfants, Sylvie est confiante, persuadée d’être plus forte que la machine administrative et judiciaire…

Delphine Deloget est à la base documentariste, reconnue, multi-récompensée dans les festivals du monde entier, remarquée dès ses premiers travaux, Qui se souvient de Minik, À l’ouest de la Mongolie, No London Today, Voyage en barbarie qui a remporté le Prix Albert Londres. Elle intègre la Fémis dans les années 2010, afin d’y développer un long-métrage de fiction, puis signe elle-même un court-métrage, Le Père Noël et le Cow-Boy (2012) avec Kévin Azaïs. Il lui faudra finalement attendre plus de dix ans avant de sauter le pas du long-métrage de fiction avec Rien à perdre, présenté au Festival de Cannes 2023 (sélection Un certain regard). Elle offre à Virginie Efira un nouveau grand rôle, ainsi qu’au jeune et talentueux Félix Lefebvre, découvert dans Été 85 de François Ozon, qui avait depuis confirmé dans l’excellent La Passagère d’Héloïse Pelloquet, qui s’est étoffé ici de vingt kilos pour créer son personnage. Décidément, après Benedetta, Revoir Paris, Les Enfants des autres et L’Amour et les forêts, la comédienne affiche une filmographie quasi-exemplaire (on oublie Adieu les cons, Lui, En attendant Bojangles, mais on a bien dit « quasi ») et s’impose une fois de plus parmi les plus grandes de sa génération.

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Test Blu-ray / Entre les lignes, réalisé par Eva Husson

ENTRE LES LIGNES (Mothering Sunday) réalisé par Eva Husson, disponible en DVD et Blu-ray le 7 février 2024 chez Condor Entertainment.

Acteurs : Odessa Young, Josh O’Connor, Nathan Chester Reeve, Samuel Barlow, Dexter Raggatt, Colin Firth, Olivia Colman, Glenda Jackson…

Scénario : Alice Birch, d’après le roman de Graham Swift

Photographie : Jamie Ramsay

Musique : Morgan Kibby

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Angleterre, 1924. Femme de chambre chez un couple d’aristocrates, Jane fréquente secrètement Paul, le fils des propriétaires du manoir voisin. Instinctivement, Jane sait que leur différence de milieu, et le futur mariage de Paul avec une autre, vouent leur liaison passionnée à l’échec. Elle se raccroche alors à ces étreintes dérobées comme à autant de futurs souvenirs destinés à nourrir sa plume d’écrivaine en devenir.

Entre les lignes Mothering Sunday marque le retour derrière la caméra de la réalisatrice française Eva Husson, trois ans après l’accueil houleux (euphémisme) des Filles du soleil au Festival de Cannes en 2018. C’est aussi sur la Croisette que le troisième long-métrage de la cinéaste, révélée en 2015 avec Bang Gang (une histoire d’amour moderne), qu’Entre les lignes aura été présenté pour la première fois, avant d’être oublié pendant plus de deux ans, jusqu’à sa sortie dans les salles hexagonales en octobre 2023. Beaucoup plus classique, Mothering Sunday contient de belles choses, notamment cette façon à la fois crue et élégante avec laquelle Eva Husson filme les corps nus, celui de sa comédienne, l’australienne Odessa Young, remarquée en 2018 dans Assassination Nation de Sam Levinson, A Million Little Pieces de Sam Taylor-Johnson, ainsi que dans la mini-série The Stand, adaptée du Fléau de Stephen King. Rien de poussiéreux dans cette adaptation du roman de Graham Swift, Mothering Sunday : A Romance donc, publié chez nous sous le titre Le Dimanche des mères (éd. Gallimard). La mise en scène est délicate, la distribution convaincante, le charme agit très vite et on se laisse porter par l’émotion, ainsi que par l’érotisme qui irrigue le récit du début à la fin. Une jolie découverte, même s’il n’y a rien d’inoubliable.

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Test Blu-ray / Visage écrit, réalisé par Daniel Schmid

VISAGE ÉCRIT (Das geschriebene Gesicht) réalisé par Daniel Schmid, disponible en Blu-ray le 6 février 2024 chez Carlotta Films.

Acteurs : Tamasaburô Bandô, Han Takehara, Haruko Sugimura, Kazuo Ôno, Yajuro Bando, Kai Shishido, Toshiya Nagasawa, Asaji Tsutakiyokomatsu, Hiroyuki Koga…

Scénario : Daniel Schmid

Photographie : Renato Berta

Durée : 1h33

Année de sortie : 1995

LE FILM

Il y a bientôt quatre siècles, une loi impériale japonaise imposa que les rôles de femmes dans le théâtre kabuki soient tenus par des hommes, appelés onnagata. Visage écritde Daniel Schmid est une tentative d’approche de Tamasaburo Bando, le plus prestigieux onnagata contemporain. Ce grand acteur de kabuki qui a également tourné pour le cinéma est considéré comme un véritable « trésor vivant », acclamé aussi bien par Rudolf Noureev que par Yukio Mishima.

Dans ce film conçu en quatre parties, le réalisateur suisse livre une œuvre hybride qui abolit les genres et les codes, naviguant allègrement entre fiction et documentaire, Japon moderne et traditionnel. À travers les portraits croisés de Tamasaburo Bando et de ses illustres aînés, comme l’actrice Haruko Sugimura ou le danseur Kazuo Ohno, Visage écrit sonde l’âme de cet art en voie de disparition et rend hommage à ces figures éternelles de la culture nippone.

Bienvenue au kabuki, théâtre japonais traditionnel. Vous y croiserez Morita Shinichi alias Tamasaburo Bando (né en 1950), star en son pays, qui s’est produit dans le monde entier et qui est même apparu au cinéma devant la caméra d’Andrzej Wajda dans Nastasja (1994). Sur scène, mais aussi dans les coulisses et en parallèle en interview, Tamasaburo Bando se livre dans et sur son art à l’occasion de Visage écrit Das geschriebene Gesicht, réalisé par le cinéaste suisse Daniel Schmid. Ce dernier, également acteur apparu chez Wim Wenders (L’Ami Américain), Rainer Werner Fassbinder (Le Marchand des quatre saisons, Lili Marleen), Patrice Chéreau (Judith Therpauve), se glisse derrière et sous la scène, observe comment l’artiste qu’il a sous les yeux se met dans la peau de son personnage, un onnagata donc.

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Test Blu-ray / Un si noble tueur – The Gentle Gunman, réalisé par Basil Dearden

UN SI NOBLE TUEUR (The Gentle Gunman), réalisé par Basil Dearden, disponible en combo Blu-ray/DVD le 28 février 2024 chez Studiocanal.

Acteurs : John Mills, Dirk Bogarde, Robert Beatty, Elizabeth Sellars, Barbara Mullen, Eddie Byrne, Joseph Tomelty, Liam Redmond…

Scénario : Roger MacDougall, d’après sa pièce de théâtre

Photographie : Gordon Dines

Musique : John Greenwood

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1952

LE FILM

En 1941, un petit groupe d’hommes de l’I.R.A. dépose des bombes dans les stations du métro de Londres. Un membre, Terence, a fini par prendre conscience de la stupidité et de l’inutilité de la violence, et il déserte. Son frère Matt vient alors d’Irlande pour prendre sa place. Après l’arrestation de deux des hommes, Matt, croyant que Terence les trahissait, revient en Irlande et fait son rapport au chef de l’I.R.A., Shinto, et à une femme, partisane fanatique. Elle a aimé Terence mais maintenant elle reporte son amour sur son frère. Lorsqu’ils apprennent que deux prisonniers doivent venir à la prison de Belfast, Shinto projette de les faire échapper.

Noblesse oblige, De l’or en barres, Tueurs de dames, Passeport pour Pimlico, L’Homme au complet blanc, Tortillard pour Titfield, fleurons, monuments de la comédie anglaise des années 1940-50 ont toutes un point commun, elles sortent des Ealing Studios. Cependant, on a tendance à oublier que ces derniers ont toujours su se diversifier. C’est le cas des films de guerre (Un contremaître est allé en France, The Next of Kin, The Bells Go Down, Went the Day Well?) ou même fantastico-horreur (le génial Au coeur de la nuit Dead of Night). Avec près d’une vingtaine d’opus à son actif réalisés pour le compte des Ealing Studios, Basil Dearden (1911-1971), le metteur en scène de Pool of London Les Trafiquants du Dumbar, Police sans arme The Blue Lamp, Le Pas de l’oie The Goose Steps out, où d’ailleurs il ne se cantonne pas au registre comique, est l’un des rares cinéastes sous contrat à faire preuve de diversité. À ce titre, Un si noble tueur The Gentle Gunman, adapté d’une pièce de théâtre de Roger MacDougall, sorti au Royaume-Uni en 1952 (et deux ans plus tard dans nos contrées) est un thriller politique sombre furieusement moderne, pour ne pas dire toujours autant d’actualité. Certes, le film contient quelques touches d’humour étonnantes, qui contrastent avec le reste et servent avant tout de soupapes pour permettre aux spectateurs de reprendre leur souffle, mais Un si noble tueur est un vrai film noir qui se déroule dans le milieu encore rarement exploité au cinéma de l’IRA. Ainsi, bien avant Au nom du père et The Boxer de Jim Sheridan, Michael Collins de Neil Jordan, Ennemis rapprochés d’Alan J. Pakula, Bloody Sunday de Paul Greengrass, Le Vent se lève et Secret défense de Ken Loach, Hunger de Steve McQueen, ‘71 de Yann Demange, évidemment plus tardifs et reconnus, Un si noble tueur se penchait déjà avec réalisme sur le bouillonnement de cette lutte armée. Si Basil Dearden s’inspire vraisemblablement de ce que l’immense John Ford avait fait avant lui avec Le Mouchard The Informer (4 Oscars) en 1935 et The Plough and the Stars l’année suivante, il serait temps de (re)découvrir et surtout de réhabiliter The Gentle Gunman.

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Test DVD / Le Consentement, réalisé par Vanessa Filho

LE CONSENTEMENT réalisé par Vanessa Filho, disponible en DVD & Blu-ray le 21 février 2024 chez Blaq Out.

Acteurs : Kim Higelin, Jean-Paul Rouve, Laetitia Casta, Élodie Bouchez, Jean Chevalier, Lolita Chammah, David Clavel, Agathe Dronne…

Scénario : Vanessa Filho & François Pirot, d’après le livre de Vanessa Springora

Photographie : Guillaume Schiffman

Musique : Olivier Coursier & Audrey Ismael

Durée : 1h54

Année de sortie : 2023

LE FILM

Paris, 1985. Vanessa a 13 ans lorsqu’elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l’amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle.

Le Consentement est évidemment l’adaptation cinématographique du livre éponyme de Vanessa Springora publié en 2020 chez Grasset, dans lequel elle dévoilait et dénonçait l’emprise de Gabriel Matzneff (sobrement désigné GM), quand elle n’avait que 13 ans et l’écrivain 49. Une transposition choc, frontale, difficile, insoutenable même par moments, qui aura connu un grand succès dans les salles avec plus de 600.000 entrées. Cet accueil favorable, porté entre autres par de jeunes spectateurs qui sur les réseaux sociaux encourageaient à aller voir le film, est on ne peut plus mérité, même si bien entendu le second long-métrage de Vanessa Filho (cinq ans après Gueule d’ange avec Marion Cotillard) n’est pas à mettre devant tous les yeux et pourrait heurter un public sensible. Jean-Paul Rouve y trouve sans doute son plus grand rôle à ce jour, celui d’un monstre immonde, impardonnable, terrifiant, abject, dégueulasse. On oublie le comédien et le dégoût est là, omniprésent, de tous les plans. Face à lui, Kim Higelin (petite-fille du grand Jacques, née en 2000, nièce d’Arthur H et d’Izïa Higelin) est une révélation, par ailleurs nommée dans cette catégorie à la dernière cérémonie des César, compression finalement remportée par Ella Rumpf pour Le Théorème de Marguerite. Elle ne démérite pas et porte le film sur ses frêles épaules, impressionnante dans la peau de la jeune Vanessa Springora, qui dans le récit a 13 ans alors que l’actrice en avait dix de plus. À l’instar de l’ouvrage original et best-seller, Le Consentement est une œuvre d’intérêt général, qui montre les faits, qui ne prend pas de gants ni de pincettes, tout en prouvant que le Mal est partout, depuis toujours et n’en finira jamais de ronger, de se nourrir des plus purs et innocents.

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Test DVD / Monsieur, le Maire, réalisé par Karine Blanc & Michel Tavares

MONSIEUR, LE MAIRE réalisé par Karine Blanc & Michel Tavares, disponible en DVD le 6 mars 2024 chez UGC.

Acteurs : Clovis Cornillac, Eye Haïdara, Laurence Côte, Jean-Pierre Martins, Sophie Guillemin, Shirel Nataf, Cassie Makoumbo Fowe, Mehdi Senoussi…

Scénario : Karine Blanc & Michel Tavares

Photographie : Romain Le Bonniec

Musique : Jérôme Rebotier & Geoffroy Berlioz

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Paul Barral est le maire de Cordon, une petite commune rurale en Haute-Savoie dans les Alpes. Il subit la désertification et le vieillissement de la population et doit se battre contre la fermeture des commerces et des salles de classe. Alors qu’il cherche désespérément comment attirer de nouveaux habitants, l’arrivée de mères célibataires en situation difficile constitue peut-être la clé pour ramener de la vie dans ce village peu habitué au changement et à l’agitation.

Recherche succès désespérément…Décidément, ce bon vieux Clovis Cornillac peine à remonter la pente depuis quelques années et finalement seules deux de ses mises en scène, Couleurs de l’incendie et Belle et Sébastien 3 : Le Dernier Chapitre lui auront permis de retrouver quelque peu les faveurs du public. Car on ne peut pas dire que Les Têtes givrées (120.000 entrées), C’est magnifique (175.000 entrées) et Si on chantait (220.000 entrées) ont laissé des traces dans la mémoire des spectateurs, à part peut-être Les Vétos (640.000 entrées) et on l’espère Les Chatouilles (370.000 entrées). Malgré tout, l’acteur âgé aujourd’hui de 55 ans (dont près de 40 passés devant la caméra) n’a jamais cessé d’enchaîner les films et de tenir le haut de l’affiche. C’est le cas de son dernier opus en date, Monsieur, le Maire, coréalisé par Karine Blanc et Michel Tavares, qui livrent leur premier long-métrage et qui avaient déjà collaboré par le passé sur le court-métrage 3 gouttes d’Antésite. Habituellement producteurs associés, ils signent un coup d’essai sympathique, certes pas transcendant et que beaucoup qualifieront de « téléfilmesque », mais qui tient sur la durée grâce à l’investissement et à l’excellence de ses comédiens, Clovis Cornillac donc, mais aussi et surtout de la géniale Eye Haïdara, que l’on a plaisir à revoir depuis son explosion dans Le Sens de la fête d’Éric Toledano et Olivier Nakache. Pour résumer, Monsieur, le Maire est complètement anecdotique, mais fait oublier les soucis pendant 1h40 et le cinéma sert également (pour ne pas dire avant tout) à cela.

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